Bérénice de Racine, mise en scène de Muriel Mayette-Holtz


Bérénice de Racine, mise en scène de Muriel Mayette-Holtz


Sans doute la pièce de Racine la plus belle et la plus souvent jouée depuis qu’elle a été redécouverte à la fin du XIX ème siècle. L’histoire, simple, est celle d’un triangle amoureux. En cinq actes et en alexandrins , elle  a été créée en 1670.«Titus qui aimait passionnément Bérénice, dit Racine, et qui même, à ce qu’on croyait, lui avait promis de l’épouser, la renvoya de Rome, malgré lui et malgré elle, dès les premiers jours de son empire. »

Bérénice, la reine de Judée et le futur empereur romain vivent ensemble mais; à la mort de son père, Vespasien, les cartes vont être rebattues. Ill sait que «Rome, par une loi qui ne se peut changer, N’admet avec son sang aucun sang étranger ». Et il lui faudra choisir entre le mariage et le  pouvoir…
Antiochus, l’ami de Titus, secrètement amoureux de Bérénice depuis longtemps, lui avoue son amour. Titus lui demande alors d’accompagner Bérénice mais elle refusera de suivre Antiochus. Titus expliquera les raisons de son choix politique mais dit qu’il veut aussi mourir. Et après un chassé-croisé permanent, très habile de Racine, il se retrouvent tous les trois ensemble: Antiochus dit aussi à Titus, son amour pour Bérénice et qu’il souhaite aussi mourir.  Racine confie à la pauvre Reine de Judée, le jugement final: tous les trois vivront séparés, dans le souvenir de cet amour malheureux qu’ils ne pourront jamais oublier. Et chacun ira seul vers son destin. C’est la seule tragédie du grand dramaturge qui finit sans mort violente même si cette fin est violente en elle-même…

 

© Sophie Boulet

© Sophie Boulet

Cela commence mal: un jeune ouvreur rappelle l’action ( sic !) mais précise que Racine le dira mieux que lui (resic !) et demande d’éteindre les portables. Dans une chambre sous-éclairée, un lit et deux appliques assez laides comme dans un hôtel de troisième ordre-la moquette est fripée un peu partout et sur une ligne oblique, de larges baies vitrées dont on ouvrira et refermera plusieurs fois les voilages, une porte à jardin et l’autre à cour. Style Nighthawks, le célèbre tableau aux lignes géométriques (1942) avec aplats d’ocre brun d’Edward Hopper . Une œuvre qui a inspiré nombre de cinéastes dont Wim Wenders. Nous avons connu Rudy Sabounghy mieux inspiré… et nous sommes ici dans une chambre clairement définie comme chambre et non pas dans un lieu de passage comme celui entre l’appartement de Titus et celui de Bérénice, indiqué par Racine lui-même. Ce qui fausse les choses.

Carole Bouquet en jupe vert foncé et escarpins ne semble pas être très à l’aise et on ne voit guère le couple qu’elle forme avec Titus (Frédéric de Goldfiem en chemise blanche et costume noir. Jacky Ido (Antiochus), Augustin Bouchacourt (Paulin, confident de Titus) et Eve Pereur, (Phénice, la confidente de Bérénice),  eux aussi entièrement en noir… Les Dieux savent pourquoi
Tous assez raides et statiques. Et il faut se pincer pour croire Titus amoureux de Bérénice et réciproquement. Pas un sourire, pas l’ombre d’une réelle affection sauf à de rares instants. Et comment croire au désespoir d’Antiochus quand son interprète s’écroule à terre !
Les reprises ne sont jamais faciles mais ici,
la direction d’acteurs laisse plus qu’à désirer : au milieu de la salle, on entend mal les acteurs qui ne respectent guère les alexandrins, sauf Jacky Ido. Et Muriel Mayette-Holtz croit bon d’ajouter une musique enregistrée pléonastique et comme on dit «d’ambiance» signée Cyril Giroux Et parfois même en fin d’acte, elle est plus forte comme pour accentuer l’expression des sentiments. Comme si la musique des vers raciniens ne se suffisait pas à elle-même !Et au cas où nous n’aurions pas bien assimilé, la metteuse en scène nous en ressert quelques uns cette fois enregistré mais pas mieux dits ! Tous aux abris…. Le plus ennuyeux dans cette affaire :nous n’avons guère ressenti d’émotion à entendre ce texte, pourtant une des plus belles pièces d’amour du théâtre français. Cela fait quand même beaucoup d’erreurs.

Bon, on va -encore nous dire que c’était la première et une reprise, que la salle était loin d’être pleine, ce qui n’aidait pas les acteurs mais, comme le dit très justement notre amie Christine Friedel, au théâtre il n’y a pas d’excuses, comme aussi dans toute création qu’elle soit artistique, ou non. Et la scène où Bérénice préfère quitter le palais royal romain, ressemble à une B.D caricaturale : deux valises sans aucun doute vides car très légères quand Paulin les emporte, sont prêtes à côté du lit où Muriel Mayette-Holz a imaginé que Bérénice et Titus ont fait l’amour pour la dernière fois : elle, allongée en nuisette et soutien-gorge noirs et lui, aussi dans le lit mais  resté en costume de ville! On n’allait quand même pas inviter le public à voir l’empereur de Rome en slip! Tiens, du grain à moudre pour Mitou! Et ensuite, bien entendu comme chacun sait, le public niçois ou parisien, n’est jamais très malin et ne comprend vite que si on lui a montré longtemps les choses ! On a donc ensuite enlevé les draps et le dessus de lit! Quelle vulgarité…. Et voilà comment on ravale le grand Racine au rang d’un médiocre boulevard.

Que sauver de ce désastre? Ce n’est vraiment pas un bon spectacle et même la formidable scène où Bérénice s’effondre, n’est pas bien traitée : «Je n’écoute plus rien, et pour jamais adieu. Pour jamais ! Ah Seigneur, songez-vous en vous-même Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ? Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous, Seigneur, que tant de mers me séparent de vous?/ Que le jour recommence et que le jour finisse,/Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice,/ Sans que de tout le jour, je puisse voir Titus ? »  Inutile donc d’aller voir cette mise en scène vraiment trop approximative et Muriel Mayette était plus à l’aise dans les trois pièces de Carlo Goldoni (voir Le Théâtre du Blog) qu’elle avait présentées dans cette même salle. Dommage…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 19 février, La Scala, 13 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème). T. : 01 40 03 44 30. boulevard de Strasbourg
75010 Paris 
Téléphone : +33 (0)1 40 03 44 30


Archive pour 28 janvier, 2023

Tendresse Molotov (Tu ternura Molotov) de Gustavo Ott, traduction de Stamatis Polénakis, mise en scène de Georgia Iliopoulou

Tendresse Molotov (Tu ternura Molotov) de Gustavo Ott, traduction de Stamatis Polénakis, mise en scène de Georgia Iliopoulou

Cet auteur vénézuélien de soixante ans qui a écrit quelque trente-trois pièces éditées, jouées et traduites en plusieurs langues, est aussi metteur en scène et directeur du Théâtre San Martin de Caracas. Il dénonce sans cesse la corruption et la délinquances omniprésentes dans son pays. Conçue juste après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, cette pièce est marquée par le traumatisme mais aussi par les idées toutes faites qu’ils ont engendrées. 

©x

©x

Daniel, un avocat d’une quarantaine d’années, veut avoir un enfant avec sa femme Victoria, présentatrice de nouvelles à la télévision. Suivant sa température, ils font donc l’amour à des moments prédéterminés. Pourtant, ni lui, ni l’impulsive Victoria ne semblent gênés par cette relation qui semble harmonieuse jusqu’au moment où un paquet arrive à la maison. Tout ce qu’elle a «perdu» il y a douze ans, en fuyant une relation un peu forcée, est retrouvé par un honorable employé et arrive à la maison. Au programme : révélation de secrets et aventures suspectes réprimées qui pourraient avoir des conséquences explosives. 

C’est une étude sur les relations et les secrets qui les minent, sur la nature humaine et les bouleversements, les rêves niés et les contradictions de chacun, la privation et le rejet. Des retours en arrière montrent les actions et le psychisme de ce couple. Tendresse Molotov débute comme une pièce de boulevard, agréable et légère puis se transforme en critique sociale et en drame. Ce couple formaté par les médias, bourré de préjugés, peureux et xénophobe, est obsédé par l’idée que tous les Arabes sont des terroristes. Bref, aussi ridicule qu’effrayant. Georgia Iliopoulou a réussi à créer une sorte de thriller comique avec conflits explosifs et quelques monologues. Les personnages sont ici des symboles de la société. Nicolas Tsichlas (Daniel) et Zachari Achileopoulou (Victoria) créent une sorte de chimie relationnelle mais avec humour et à un rythme enlevé. Un bon spectacle joué dans ce petit théâtre de Patras où ont lieu beaucoup de choses intéressantes…

 Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Act, 65 rue Yerokostopoulou, Patras, T. : 0030 2610272037.

Photomaton a été publiée aux Solitaires intempestifs (2003).

Portrait, chorégraphie de Mehdi Kerkouche

Portrait, chorégraphie de Mehdi Kerkouche

© J. Benhamou

© J. Benhamou

Chaque soir, pour la compagnie EMKA et son chorégraphe, les applaudissements d’un public debout. Ce spectacle plein d’humour, a été créé au dernier festival Suresnes-Cités Danse. Dans le paysage culturel hexagonal, on veut souvent donner un sens profond, et parfois ennuyeux, aux chorégraphies… Mais cette pièce d’une heure nous emporte dans une bulle de légèreté et de joie. Ici, une famille imaginaire de neuf personnages en costumes gris, toutes générations confondues, avec la célèbre danseuse Amy Swanson qui perpétue les techniques d’Isadora Duncan, est regroupée dans un rectangle pour une photo de groupe originale. Lucie Antunès signe la musique de tableaux style hip-hop, contemporain, house, jazz…

Mehdi Kerkouche, ce touche à-tout de trente-six ans : cinéma, télévision, comédie musicale, publicité… a en 2020, a lancé, avec ses vidéos “confinées», devenues virales, le festival numérique On danse chez vous pour venir en aide aux personnels soignants pendant la crise sanitaire. Une action renouvelée en 21 et 22 a permis aux lieux culturels qui avaient été fermés de survivre et il a récolté vingt-cinq mille euros, via la diffusion numérique auprès de la Fondation de France pour aider les étudiants en situation de précarité. Aujourd’hui, eux et les personnels soignants ont déjà été oubliés et la vie a repris son cours normal dans une économie libérale… aux perspectives plutôt sombres.

A la fin de ce Portrait (de famille), Mehdi Kerkouche vient saluer avec ses interprètes sur une musique des années quatre-vingt et nous offre une dernière danse joyeuse. Ce chorégraphe plein d’enthousiasme et d’énergie créatrice a pris la suite de Mourad Merzouki à la tête du Centre Chorégraphique National de Créteil et présente ici sa troisième pièce. Reste à savoir si Mehdi Kerkouche aura les moyens de ses ambitions dans un contexte économique fragile. Il vient aussi de réaliser des chorégraphies de pour Neneh Superstar, un film de Ramzi Ben Sliman où il montre les difficultés qu’a une petite fille noire qui veut entrer à l’Ecole de ballet de l’Opéra…

Jean Couturier

Le spectacle a été présenté du 18 au 21 janvier à Chaillot-Théâtre National de la Danse, 1 place du Trocadéro, Paris (XVI ème). T: 01 53 65 30 00.

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...