On n’est pas là pour disparaître d’Olivia Rosenthal, adaptation et mise en scène de Mathieu Touzé

On n’est pas là pour disparaître d’Olivia Rosenthal, adaptation et mise en scène de Mathieu Touzé

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© Christophe Raynaud de Lage

Après Une Absence de silence, adapté du roman Que font les Rennes après Noël ? et créé à la Ménagerie de verre en 2021, le metteur en scène nous présente un nouvelle pièce de l’écrivaine au Théâtre 14 qu’il dirige avec Edouard Chapot. Un solo d’une force rare, avec un comédien exceptionnel.

Monsieur T., atteint d’Alzheimer, a, en 2004, poignardé sa femme de cinq coups de couteau. A partir ce fait-divers, Olivia Rosenthal ne nous livre pas un documentaire mais une plongée vertigineuse dans la conscience trouée de cet homme et le désarroi de son entourage: femme, filles, soignants…

L’adaptation respecte la structure feuilletée du roman: on navigue d’un personnage à l’autre grâce à la voix off de Marina Hands, en appui au récit de Yuming Hey aux prises avec l’esprit errant du malade mais jouant aussi tous les discours qui commentent son état, y compris celui de l’autrice. Au centre du plateau  pendant une heure quinze, il incarne le malade et son entourage avec d’infimes variations tonales, comme noyé dans un réseau polyphonique, diffusé autour de sa propre voix. Il est ce Monsieur T : ce «Je en perdition, parmi les dires des autres hantant son esprit malade, dans une dépossession de soi-même. « Ce matin-là, il a su qu’il allait/ soit la tuer soit vendre la maison,/ la tuer ou vendre la maison/ je vais la tuer ou vendre la maison/ il a su qu’il n’en pouvait plus de cette situation/ même s’il ne savait pas bien de quelle situation exactement il s’agissait … »

Yuming Hey, dans une lumière très blanche quasi clinique, est comme enrobé dans les vidéos abstraites de Justine Emard : silhouettes évanescentes et grouillements neuronaux qui s’effacent puis renaissent. Nous avions vu cet artiste associé au Théâtre 14, dans Actrice de Pascal Rambert, ou dans le Mowgli du Jungle Book de Robert Wilson, un rôle qui lui valut le prix Jean-Jacques Lerrant 2020 du Syndicat de la critique. Sa présence et sa voix ambigüe lui permettent d’incarner avec naturel tous les personnages, sans composer. De son passage à l’école internationale de cirque Annie Fratellini, il a gardé, malgré son immobilité sur scène, une forte intensité corporelle. Il a une présence insolite et nous emmène dans l’univers flou de cet être en dérive, malgré une entrée en matière redondante avec écrit sur l’écran, le cas de Monsieur T.

«On n’est pas là pour disparaître, écrit Olivia Rosenthal, a pour but de m’accoutumer à l’idée que je pourrais être, un jour ou l’autre, atteinte par cette maladie ou que, plus terrible encore, la personne avec qui je vis, pourrait aussi en être atteinte.» Une réflexion à laquelle nous invite cette mise en scène précise et sensible.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 18 février, Théâtre 14, 20 avenue Marc Sangnier, Paris (XIV ème). T. : 01 45 45 49 77.

Les 16 et 17 mars, Théâtre de Sartrouville (Yvelines).

On n’est pas là pour disparaître est publié chez Gallimard.

 

 

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