Création 2023 de la chorégraphe Ambra Senatore

Création 2023 de la chorégraphe Ambra Senatore

La chorégraphe présente cette pièce, sans titre pour l’instant dans le cadre du festival Trajectoires, qu’elle a initié en prenant la tête du Centre Chorégraphique National de Nantes en 2016. Il se déroule à présent en partenariat avec dix-sept lieux de la ville et des alentours jusqu’à Rezé, Saint-Herblain et Saint-Nazaire, avec, cette année, vingt-six spectacles. Nous avions rencontré Ambra Senatore lors d’une déambulation malicieuse au Palais de la Venaria Reale de Turin en 2016, dans le cadre du festival Teatro a Corte.  Une performance qu’elle repris cette année-là au château de Chambord. Puis avec Pièces au Théâtre des Abbesses à Paris (voir Le Théâtre du blog).

 

© alaurent-Philippe

© Laurent Philippe

On retrouve la même liberté de ton dans la nouvelle création de l’artiste turinoise. Présente sur scène, avec Youness Aboulakoul, Pauline Bigot, Pieradolfo Ciulli, Matthieu Coulon Faudemer, Lee Davern, Olimpia Fortuni, Chandra Grangean, Romual Kabore, Alice Lada, Antoine Roux-Briffaud, Marie Rual. Sur le plateau nu, flanqué à l’arrière de deux hauts et étroits rideaux noirs,  les interprètes représentent avant tout un groupe d’individus qui se distinguent les uns des autres par des vêtements banals colorés et des gestuelles personnelles répétées dans les moments de silence, entre les musiques qui les entraînent dans une danse collective. Jonathan Seilman a habilement adapté et rythmé des morceaux classiques : Moonlight Sonata #14 Op. 27 n°2 (III. Presto Agitato), de Ludwig van Beethoven, un court extrait du Requiem de Mozart (Mass in D Minor) et, pour finir, la Sérénade de Schubert (Ständchen, D. 957.).

«C’est toujours la même forme mais un peu différente qui se répète et en rhizome, ça se répond », annonce Ambra Senatore en préambule. La chorégraphie, fondée sur les interactions entre les artistes, à deux, trois ou plus, mêle, comme d’habitude chez elle, danse et théâtre, dans un univers quotidien. Les artistes échangent parfois quelques mots, à propos d’un objet égaré, un sandwich ou autres broutilles, mais aussi de la paternité et de sujets plus graves. Ces phrases reviennent régulièrement, comme leurs gestes, et les spectateurs s’amusent à repérer ces attitudes ainsi que les discrètes variations des costumes, notamment le gilet d’Ambra Senatore successivement vert, bleu, jaune… Chacun peut puiser dans ces micro-actions, relever des détails signifiants et construire son parcours à travers cette pièce faussement informe.

 Mais la musique a tôt fait d’emporter toute la troupe dans un mouvement choral, puis à la fin, dans une ribambelle où les artistes cherchent à inclure le public, ravi d’être sollicité. «L’humain traverse toutes mes pièces, dit Ambra Senatore. Je cherche une danse qui rencontre les gens et leur propose une relation humaine, laissant place à la fragilité au sens critique, au partage et à l’humour. » Ainsi, elle entend partager son affliction pour les femmes iraniennes, en proposant, dans la feuille de salle, un texte de la poétesse Forough Farrokhzad* : «Nous avons rencontré ce poème qui résonne avec la pièce, dit-elle au public.» La chorégraphe a réuni douze personnes «avec l’envie de réfléchir avec nos corps et nos esprits sur la relation entre individus et collectif ». On ne peut mieux définir cette pièce ouverte, généreuse et drôle. Ambra Senatore revendique un ancrage dans le quotidien, observé à la loupe, puis le renverse, jusqu’à ce que la danse se théâtralise. Sous des apparences de fausse imperfection, ce chaos s’articule avec précision sous l’impulsion de la musique et des mouvements. Un bel appel d’air dans la danse contemporaine.

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 21 janvier au Lieu Unique, Nantes (Loire-Atlantique).

 Festival Trajectoires, du 11 au 22 janvier, Centre chorégraphique national de Nantes 23 rue Noiré, Nantes. T. : 02 40 93 30 97.

 Le 8 février KLAP, Maison pour la danse, Marseille (Bouches-du-Rhône), en co-réalisation avec LE ZEF, scène nationale de Marseille.

 Du 5 au 8 avril, Le Monfort Théâtre Paris (XV ème). Programmation hors les murs du Théâtre de la Ville à Paris

 Le 13 avril, Scène Nationale de Dieppe (Seine-Maritime)

 * Je saluerai encore le soleil de Forough Farrokhzad (1935-1967) tiré du recueil Une autre naissance éditions Héros-Limite…

 


Archive pour janvier, 2023

Adieu Georges Banu

Adieu Georges Banu

 

© J. Couturier

© J. Couturier

Venu de Roumanie en 73,  professeur à la Sorbonne-Nouvelle-Paris III, et critique de théâtre, il était le codirecteur de la revue Alternatives théâtrales et dirigeait aussi la collection Le Temps du théâtre chez Actes-Sud. Georges Banu était parmi les critiques, un de ceux qui auront le mieux connu la formidable éclosion théâtrale des années soixante-dix en France et en Europe et qui ont témoigné avec rigueur des changements radicaux qui se sont produits dans la compréhension des textes, la mise en scène, l’interprétation, l’espace de jeu…

Il a écrit nombre de livres, dont Le Rouge et or sur l’architecture et la conception du théâtre à l’italienne. Mais aussi un essai sur Peter Brook : De Timon d’Athènes à Hamlet et Avec Brecht ? Mais aussi Yannis Kokhos, le scénographe et le héron. Georges Banu avait créé en 90, avec Michelle Kokosowski, l’Académie expérimentale des théâtres qui perdura jusqu’en 2001.

On peut écouter en podcast sur artcena sa dernière rencontre à un apéro-livre à le 5 décembre dernier. 


Philippe du Vignal

 

Lundi 30 janvier aura lieu une messe et une rencontre à l’église orthodoxe roumaine des Saints-Archanges, 9 bis rue Jean de Beauvais, Paris ( V ème)

Shiver et All I Need chorégraphies d’Édouard Hue

Shiver et All I Need , chorégraphies d’Édouard Hue

 

Quelle manie partout de mettre des titres en anglais, des noms et prénoms américains ! de parler novlangue sans même prendre la peine de sous-titrer les dialogues! Comme ici avec ces pièces par la Beaver Dam Company (sic!) Un ensemble étranger ? Mais non et fondé par Édouard Hue en 2014. Nous associons le « barrage de castors » en question,au mouvement d’auto-construction coopérative qui s’illustra sur le modèle des cottages sociaux des années vingt avec un travail collectif qui permit aux ouvriers, après 1945, d’acquérir un logement, avant que n’apparaissent les premiers grands ensembles.

 

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La notion de collectif est un topique du travail d’Édouard Hue. Comme la deuxième pièce de la soirée, All I Need (2021), interprétée par neuf intermittents du spectacle (la parité étant donc presque respectée): Esther Bachs, Alfredo Gottardi, Eli Hooker, Jaewon Jung, Tilouna Morel, Rafaël Sauzet, Angélique Spiliopoulos, Yurié Tsugawa, Mauricio Zuñiga. Ils illustrent la différence, non par leur provenance géographique ou sociale mais, concrètement et visuellement, par leur physique, qui va du grand, au gringalet, et du rebondi, au très mince. La chorégraphie étant signée du seul Edouard Hue, on ne sait à quel point ses interprètes ont proposé des mouvements. Ce partage des tâches semble plus claire dans Shiver (2019), dansé par l’auteur et par Yurié Tsugawa, sa partenaire de jeu depuis 2018, qu’elle a assisté créativement dans Forward, un solo

Shiver nous a plus touché qu’All I Need cette pièce du groupe nous a semblé plus prévisible dans son opposition ordre-chaos ou si l’on préfère : apollinien-dionysiaque, tempéré-orgiaque, qui fait penser aux ballets de Maurice Béjart à la fin des années dont Messe pour le temps présent (1968), à des pièces de la même époque comme celles du Living Theatre de Judith Malina et Julian Beck ou de l’Open Theater de Joe Chaikin. Ou encore aux créations actuelles d’une Lia Rodrigues qui fond théâtre et danse. La structure de Shiver est plus limpide et plus nuancée. Et les deux danseurs ici n’en font qu’un. La bande originale de Jonathan Soucasse qui les soutient, est entraînante et efficace. Les états de corps vont du frénétique, au rasséréné, en passant, bien entendu par l’informel, un trait spécifique de la gestuelle d’Édouard Hue…

 Nicolas Villodre

Jusqu’au 28 janvier, La Scala, 13 boulevard de Strasbourg,Paris (X ème). T. : 01 40 03 44 30. 

 

 

 

3 S de Sidi Larbi Cherkaoui

Trois S de Sidi Larbi Cherkaoui

 Un spectacle sans fumigènes! Mais avec vidéos à l’arrière-plan, quatre-vingt dix minutes durant et faisant office de décor. Malgré la dimension réduite de l’écran -plus modeste que celui naguère utilisé par un Peter Sellars- la luminance du projecteur à la Cité de la musique est telle que le regard est happé par l’image, comme l’est, par les phares d’une auto, un lapin, animal cette année mis à l’honneur par les Chinois. Mais les surtitres en français par un appareil d’une autre génération sont juste perceptibles.

 

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Ceci dit, le montage à base de séquences-vidéo empruntées à des documents d’archives en noir et blanc comme en couleurs et de faire croire  qu’elles ont été filmées par un des protagonistes. Un montage  inaugurant une  série de trois variations sobrement intitulés 3 S (2020) et signées Sabine Groenewegen, très réussies, proche de l’expérimental. Un courant ou une tradition avant-gardiste dans le cinéma en Belgique et aux Pays-Bas depuis les années vingt, avec Charles Dekeukeleire, Henri Storck et Joris Ivens, et u’on peut retrouver dans certains films de danse comme ceux d’Eric Pauwels, Wolfgang Kolb, Pascal Baes ou Thierry De Mey…

 Passons aux choses sérieuses. Autrement dit au spectacle «vivant». Il se réfère ici de bout en bout à la mort, comme celui d’Hofesh Shechter, Light : Bach Dances, récemment programmé à la Philarmonie à Paris.
Le premier solo traite du suicide au pays du soleil levant, un thème là-bas récurrent, ne serait-ce qu’avec la mauvaise habitude du  hara-kiri , élargi au suicide collectif représenté par l’accident nucléaire de Fukushima qui inspira à la chorégraphe Eiko Otake une performance filmée A Body in Tokyo and in Fukushima (2021). Le deuxième consacré à la guérilla en Colombie, aborde aussi d’autres thèmes, comme celle des migrants reconduits dans leur pays par une compagnie d’aviation privée américaine, la guerre en Syrie: moderne avec lunettes 3D, ciblages numériques : un danger de tous les instants avec un ennemi invisible et, pour finir, le sacrifice d’un combattant-bombe humaine. Le troisième continent évoqué est l’Australie où des Aborigènes ont été privés de leur terre, déplacés en raison de la recherche de gaz de schiste et le monologue d’une jeune poétesse se sentant impuissante qui décida d’en finir avec la vie.

Trois genres musicaux accompagnent ce programme, avec sans interruption des variations chorégraphiques -aucune parole sur les chants, faisant sans doute référence aux thèmes cités, qui ont en commun la mort consentie et la solitude, le mot solo étant pris par Sidi Larbi Cherkaoui au pied de cette lettre S . Les danses sont soutenues, fusionnées par une « musique du monde » jouée par des artistes placées côté jardin avec des airs grégoriens restitués à la harpe, des chants en italien, écrits et joués par Patrizia Bovi, et au piano, au shamizen, au taiko et à la voix, Tsubasa Hori, des incantations a cappella de Ghalia Benali et des plages sonores à l’harmonium indien.

Ce disposiif, guère inédit! peut être sujet à caution: le public est lassé de ces flots d’images effaçant mots et choses mais la chorégraphie est admirable. Le premier solo s’appuie sur l’art de la pantomime. L’excellent Kazutomi Tsuki Kozuki illustre au mieux les saynètes qui lui sont dictées par le livret ou les séquences filmiques. Il sort de l’écran comme jadis, dans un contexte burlesque, Buster Keaton dans Sherlock Junior (1924). Son double à l’écran errant dans un Fukushima désert, le contraint à faire une démonstration de moonwalk ou rétro-glissade popularisé par Michael Jackson.rappelant la marche sur place de mimes comme Etienne Decroux, Jean-LouisBarrault, Marcel Marceau et Fernand Raynaud ou Michael Jackson…

 Jean-Michel Sinisterra Munoz fait plutôt dans les arts martiaux, avec remarquables acrobaties, enchaînements inattendus et réelles prises de risque. L’ophélienne Nicola Leahey termine la pièce en beauté avec une suite de mouvements sinueux, un continuum gestuel des plus fluides, un lyrisme accordé aux paysages édéniques avant leur industrialisation à tout cran. On pensera ici aux rapports danse-image du ballet militant, pour ne pas dire agit’prop, comme Baobabs (2021) de Josette Baïz, «documenté» par les images de Luc Riolon, un pionnier française de la vidéo-danse. Sidi Larbi Cherkaoui a de la suite dans les idées chorégraphiques, les trouvailles gestuelles et le sens du spectacle en terminant la soirée par cette magnifique prestation.

 Nicolas Villodre

Jusqu’au 24 janvier,  Cité de la Musique, 221 avenue Jean Jaurès, Paris ( XIX ème).

Heï Maï Li et ses ciseaux d’argent, de et par Béatrice Vincent et Sophie Piégelin

Heï Maï Li et ses ciseaux d’argent, de et par Béatrice Vincent et Sophie Piégelin

Conçu pour les enfants de trois à six ans, ce spectacle d’ombres et papiers découpés s’inspire d’une fable chinoise. Sur un écran, se dessine un petit village. Nous sommes, au pied du mont Long Chan, dit la conteuse (Béatrice Vincent) jouant des instruments de musique miniature.

©F. Harscouet

©F. Harscouet

Au sommet de la montagne, un dragon de glace veille sur les habitants et les protège des dangers. Avec quelques notes frappées sur un petit carillon, la conteuse évoque une campagne paisible et fait apparaître Heï MaÏ Li (Sophie Piégeli ) en ombre chinoise derrière l’écran rétro-éclairé. Avec ses ciseaux qui ne la quittent jamais, cette artiste crée de belles images pour les enfants de son village. Mais sa renommée parvient jusqu’à la cour de l’Empereur : on y raconte qu’elle peut tout faire avec ses ciseaux. Alors, il l’emprisonne  dans la plus haute tour du palais et lui ordonne de fabriquer des diamants. Heureusement, le dragon de glace veille au grain et tout est bien qui finit bien… sous des flocons de neige étoilés… en papier bien sûr.

Au fil du récit, derrière l’écran blanc, la manipulatrice aura plié et découpé avec habileté des feuilles de papier… créant grenouilles, libellules, fleurs, étoiles… Une demi-heure d’enchantement pour les petits spectateurs qui, à l’issue de la représentation, viennent sur le plateau découvrir les artifices de la mise en scène…Une jolie introduction au théâtre, sans prétention.

La compagnie du Chameau fait partie de celles, méconnues, qui offrent à des publics éloignés du théâtre des formes légères surtout pour les enfants, dans les écoles, bibliothèques, maisons de quartier, chapiteaux… Avec un répertoire de contes musicaux, le Chameau roule sa bosse depuis quinze ans et donne en moyenne soixante-dix représentations par an, en Île-de-France, Corse, Suisse, et jusqu’au Liban et en Nouvelle-Calédonie…

Mireille Davidovici

Jusqu’au 19 mars, Le Funambule-Montmartre, 53 rue des Saules Paris (XVIII ème). T. : 01 42 23 88 83.

Du 23 au 25 mars, Théâtre de Sartrouville (Yvelines).

 Le 26 avril, L’Astral, Montgeron (Essonne).

La Campagne de Martin Crimp, traduction de Philippe Djian, mise en scène de Sylvain Maurice

 

La Campagne de Martin Crimp, traduction de Philippe Djian, mise en scène de Sylvain Maurice

Cet auteur britannique de soixante-six ans maintenant bien connu en France, a écrit une quinzaine de pièces comme cette Campagne (2000), une trilogie : Face au mur en 2002, La Ville en 2008, Dans la République du bonheur (2012), Le Reste vous le connaissez par le cinéma (2013. toutes traduites et jouées dans de nombreux pays comme Claire en affaires que le le metteur en scène avait remarquablement monté en 2011 à Besançon…

Cela se passe donc à la campagne où Corinne et Richard médecin son mari vont vivre. Mais une certaine Rebecca surgit … Cette très jeune femme aurait été ramassée sur une route par Richard qui chez eux l’a mise dans un lit où elle dort. Mais il semble qu’il y ait un non-dit dans ce couple et que la dite Rebecca ne soit pas du tout… une inconnue pour Richard : Corinne attaque donc  bille en tête son mari sur la présence de cette jeune femme qu’il prétend n’avoir jamais vue et avoir tout juste fait son devoir de médecin Mais il se défend maladroitement et sans trop de conviction- Est-ce qu’elle est vivante ? – Évidemment qu’elle est vivante. Ça veut dire quoi, ce genre de question ? – Eh bien, je ne sais pas, moi. Je ne sais pas si elle est vivante. – Évidemment qu’elle est vivante. Elle dort. (…) – Parce que pourquoi l’as-tu amenée ici ?Pourquoi diable l’as- tu amenée ici ? – C’est mon métier que de l’amener ici. – Ton métier ! C’est ton métier d’amener une inconnue dans notre maison au milieu de la nuit ?Richard n’aurait-il pas décidé d’aller habiter à la campagne pour se rapprocher de Rebecca? Ce qui peut paraître quand même curieux. Mais au fait, est-elle vraiment l’étudiante qu’elle prétend être et qui est ce Morris à qui elle ne cesse de téléphoner?

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Pas vraiment de démonstration psychologique, c’est un texte construit de façon diablement intelligente où rien n’est mâché comme dans le théâtre de boulevard: ici, c’est au spectateur de reconstituer avec le maximum d’intuition ce puzzle de questions/réponses/non dits/phrases en suspens et situations ingérables pour ces quadragénaires enfermés dans leur couple installé à la campagne où on voit qu’il est aussi risqué de vivre en amoureux que dans une ville! Ce médecin très actif est pris en otage dans ce village où tout, quelle que soit la condition sociale des personnage, finit par se savoir. Un microcosme à ciel ouvert: histoires d’argent et conflits de couple même soigneusement enfouis, questions que le mari se pose sur sa femme et réciproquement,  relations extra-conjugales, voire paternité supposée de certains enfants, des enfants comme ceux de Corine et Richard que l’on ne verra jamais. Et la jeune Rébecca, d’une autre génération, aimerait bien en avoir aussi de la petite graine. Bref un cocktail socio-familial explosif !

La pièce a une vingtaine d’années maintenant mais ses dialogues sont toujours aussi caustiques et les personnages, à la limite de la perversion avec, entre autres, cette scène-culte entre Richard et Corinne ou plus tard entre Rebecca et Corinne dans la ligne de Qui a peur de Virginia Woolf d’Edward Albee. Reste à mettre en scène ce couple où, classique, un personnage inconnu va surgir et bouleverser violemment la donne ! Et là, cela se complique mais on ne vous racontera pas la fin… Sylvain Maurice qui a fait des dizaines de mises en scène, sait y faire, comme il l’a encore prouvé il y a deux ans sur le grand plateau du Théâtre de Sartrouville qu’il dirige, avec un très brillant Short Stories d’après les nouvelles de Raymond Carver où il y avait aussi des histoires de couple (voir Le Théâtre du Blog).

Proportionnée à la grande scène du Rond-Point, un seul élément de scénographie: une table de ferme en bois surdimensionnée. Et derrière, des châssis coulissants avec selon les moments, des lumières aux belles couleurs pastel style Bob Wilson mais trop esthétisantes… Sylvain Maurice dirige bien ses acteurs qu’il
choisit toujours avec le plus grand soin: ici Isabelle Carré et Yannick Choirat, et  Manon Clavel (Rebecca) que nous avions déjà remarquée quand elle jouait Danse Delhi d’Ivan Viripaev… Ici, c’est une bombe d’une rare efficacité qui arrive sur le plateau, même si surtout au début, elle boule son texte.

Et ce spectacle semble se passer loin de nous. D’où une certaine sécheresse, même si ces remarquables acteurs font tout pour incarner au mieux ce trio infernal  Mais une fois de plus -et c’est vraiment nocif- avec des micro H.F. ! On se demande comment faisaient les acteurs il y a encore à peine un dizaine d’années! En tout cas, cela dessert cette œuvre intimiste qui ne peut être vraiment à l’aise sur ce plateau et nous sommes restés un peu sur notre faim… Il faudrait revoir ce spectacle qui a de grandes qualités, sur une plus petite scène… et sans sonorisation!

Philippe du Vignal

Jusqu’au 22 janvier, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème).

Et du 26 au 28 janvier, Théâtre National de Nice (Alpes-Maritimes).

Inoxydables de Julie Ménard, mise en scène de Maëlle Poésy

Inoxydables de Julie Ménard, mise en scène de Maëlle Poésy


Dans une une boîte de nuit,d’un pays occidental non nommé, bruyante et enfumée comme les autres, les jeunes dansent jusqu’à plus soif. Entre Sil, le bassiste d’un groupe de rock et Mia, une chanteuse:  coup de foudre. Mais leur pays entre en guerre et changement radical dans leur vie pour ces amoureux : ils sont devenus un couple et vont aussi devoir s’exiler rapidement, malgré ses réticences à elle. Vente de la maison de sa mère et économies les aideront à payer un passeur et ils feront tout pour essayer de se reconstruire ailleurs, avec, à la clé, épreuves et échecs inévitables dont une reconduite à la frontière. Ils partent sac à dos pour un monde sinon meilleur, du moins supportable, rejoindre le guitariste et le batteur de leur groupe qui, eux sont déjà dans un pays étranger  et avec lesquels il communiquent par portable
Julie Ménard  a été inspirée par la vie d’un jeune exilé afghan qu’elle avait recueilli. Déracinement, souffrances à la limite du supportable puis exil : un thème actuel et récurrent au théâtre en ce moment ! Avec les poèmes de Brecht dits par Ariane Ascaride et avec  4.112 kms, une pièce écrite et mise en scène par Aïla Navidi sur l’histoire d’une famille iranienne exilée à Paris (voir Le Théâtre du Blog).

 

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Maëlle Poésy a mis en scène ce texte dans une scénographie quadri-frontale…pas très justifiée. Aucun élément de décor sur le sol noir de la petite salle Roland Topor, sinon une guitare électrique posée sur son support, un ampli avec, dessus, un corbeau noir en bois, et à côté, un gros projecteur de chantier et un appareil à fumigène. Mathilde-Edith Mennetrier et Benjamin Bécasse-Pannier, sympathiques et crédibles, ont l’âge de ce jeune couple bousculé par le vent de l’Histoire et qui partage la même soif de liberté. Malgré son énergie, il sera soumis à une violence de tous les instants. Au début, sur fond de rock (Romain Tiriakian), le public peut s’identifier facilement au récit de leur aventure que nous fait ce jeune couple qui, bien sûr! réussira son pari.
Ce texte plein de bonnes intentions, conçu  pour être joué dans des lycées a quelque chose de naïf et de peu convaincant. Les marches interminables dans le froid et la faim, les dangereuses traversées en mer sur des canots gonflables peu sûrs, les rackets et refoulements à la frontière, la terre promise mais difficile à atteindre, etc. Tout a déjà été dit et la photo d’un bateau surchargé de malheureux candidats à un exil politique ou économique en dit beaucoup plus que ces cinquante-cinq minutes, en rien passionnantes. Ici nous sommes loin du compte et on se demande comment Maëlle Poésy a pu être séduite par un texte aussi mince et… aussi peu théâtral. Dans la petite salle Roland Topor, loin d’être pleine, les spectateurs, d’un âge certain mais aussi jeunes ont poliment applaudi…On les comprend.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 29 janvier, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt Paris (VIII ème). T. : 01 44 95 98 00.

 

Le Syndrome de l’oiseau de Pierre Tré-Hardy, mise en scène de Sara Giraudeau et Renaud Meyer

Le Syndrome de l’oiseau de Pierre Tré-Hardy, mise en scène de Sara Giraudeau et Renaud Meyer

L’auteur dit s’être inspiré de la vie en captivité et des mauvais traitements que dut subir pendant huit ans la jeune Autrichienne Natasha Kampusch enfermée, dans une cache de cinq m2 sous le garage d’un Přiklopil avec une porte d’entrée en acier, doublée de béton, et sans fenêtre. En 2006, elle réussit à s’enfuir et son tortionnaire se suicidera aussitôt. Mais il y eut aussi d’autres jeunes filles séquestrées à Cleveland en 2013, etc. Ici vit Eve, une jeune fille enlevée à huit ans par un homme qui la violera et dont elle aura un petit garçon de trois ans après avoir accouché seule… Tout se passe dans un lieu clos imaginé de façon très réaliste par Jacques Gabel. Un sous-sol sordide avec papier peint qui se décolle, table en bois, linge sèchaant dans un coin sur un fil, petit rayonnage dans une niche avec jouets et livres d’enfants et un vieux piano droit avec au-dessus une fenêtre en longueur qui dispense une lumière blafarde par un voilage qui pendouille. Derrière, une cuisine qu’on ne verra pas et l’amorce d’un couloir avec un digicode à numéro secret qui permet à cet homme d’entrer et sortir de la maison, qu’Eve le veuille ou non. Il tient à tout contrôler et lui laisse juste le soin de faire quelque chose ressemblant à un repas. Eve et Frank mangent tous les deux une purée avec un sachet de poudre qu’elle a vite préparée mais le ton monte vite : «Oh ! Et puis elle est froide, cette bouffe de merde ! Tu n’es même pas foutue de réussir une simple purée. Je te préviens… Ne commence pas. Tu le sais, que si tu commences, c’est moi qui termine ? Hein, tu le sais? Bon. Tu m’emmerdes, voilà. Tu as tout gâché. Ton repas est raté ; le premier mai est raté, et je t’avais préparé une surprise, qui est également ratée à présent.

 

© G. Cittadini

© G. Cittadini

Et il finit par jeter son assiette par terre et la force à en ramasser les morceaux puis à lécher son pouce avec lequel il a essuyé le sol où restait un grain de purée.Totalement soumise, elle ne dit jamais rien et demande toujours la permission pour lui parler. Au mur, des menottes qu’il lui met dès qu’il s’en va : il lui a offert pour le premier mai quelques brins de muguet et un interphone pour la chambre du bébé. Mais il va ensuite au bistrot en la laissant seule avec ce bébé, qui est en fait une fille. Et il la prévient qu’ils vont aller vivre dans le Grand Nord en dans la forêt, pour son plus grand bien à elle évidemment! Oui, mais voilà cet interphone capte aussi les ondes C.B dans un rayon de cinq cent mètres. Et Eve arrive ainsi à communiquer avec un voisin (Denis Podalydès) qui ne croit d’abord pas qu’elle est séquestrée puis qui la prend en charge. Il lui dit de faire chauffer dans de l’eau quelques brins de muguet, un poison toxique pour le cœur mais en grosse quantité ! Et d’inviter Frank à en boire un verre. Mais très méfiant, Adam, qui exige qu’on l’appelle ainsi et non plus Frank, trouve que cette eau sent le produit vaisselle et lui dit de changer de verre avec le sien mais il finit par le boire. Quelques minutes après, pris de violentes douleurs abdominales, il s’écroule au sol et Eve, dans un étonnant instinct de survie, très sûre d’elle, le menotte à la table. Mais il refuse de donner le code quand elle propose fielleusement! d’appeler un médecin…qui, bien sûr, découvrirait cette séquestration. On entendra bientôt des coups dans la porte blindée : grâce au voisin, la police a réussi à géolocaliser Eve. On voit aussi derrière la fenêtre la lumière d’un projecteur. Elle monte alors facilement sur le piano et met sa main sur la vitre pour qu’on la repère. Fin de cette atroce aventure.
Mais la pièce a du mal à prendre son envol et fait du sur-place :les dialogues sont souvent pauvrets et le scénario est tissé d’invraisemblances. Puis dans la deuxième partie, les choses se mettent en place et grâce aux acteurs, tous les deux excellents, les dialogues montent enfin en puissance. Sara Giraudeau a une présence de tout premier ordre et impose vite ce personnage de pauvre fille humiliée, atteinte d’une certaine folie et que Frank veut garder enfermée. Sous une douceur apparente, elle est très impressionnante dans ce personnage de victime qui parle calmement et qui a même une sorte d’empathie pour son bourreau… Malgré une vie misérable, elle semble malgré tout, s’être attachée à lui et ils ont au moins en commun un enfant, même si on ne le verra jamais.

«Je pense, dit la metteuse en scène et aussi interprète d’Ève, que c’est un oiseau emprisonné dans un environnement où Franck a été son seul repère durant dix-huit ans, son attitude envers lui va donc avoir toutes les contradictions qui en découlent. L’amour, la haine, un rapport et un attachement irraisonnés liés à son instinct de survie. L’oiseau, pour moi, reflète tout être humain qui, à la sortie de l’enfance, est amené à voler de ses propres ailes.» Patrik d’Assumçao, en gros bonhomme affable au moins au début mais qui va devenir odieux et violent, et est lui aussi très crédible dans ce rôle pas facile de pervers odieux qui terrorise Eve dès qu’elle fait un geste ou dit quelque chose. Et il gardera jusqu’au bout quelque chose d’inquiétant. Tombé au sol et incapable de se relever , il fait encore peur. Chapeau ! Avec Renaud Meyer, Sara Giraudeau a assuré une mise en scène sobre et précise. Un spectacle à voir surtout pour le jeu sans failles et d’une parfaite unité des ces trois excellents acteurs.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 12 février, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème).

Ton Corps- Ma Terre, texte et mise en scène de Tatiana Primakov

Ton Corps-Ma Terre, texte et mise en scène de Tatiana Primakov

Côté cour, deux sièges d’avion perdus dans un vaste espace. Elle, se prépare au décollage. Lui, Le Voyageur gagne le siège voisin avec toutes les contorsions qu’impose la situation, et l’on rit. Un certain ton est donné : cocasse et poétique. Qu’apporte à la passagère, cet inconnu (Raymond Hosny)? Une énigme, la familiarité profonde mais éphémère qui peut s’établir en voyage et une langue musicale. On sent que cette rencontre va l’aider, Elle, dans son épopée. Elle va chercher: « ton corps-ma terre», comme une Eurydice irait tirer son Orphée du coma. Lui, le poète réduit au silence, aura un long chemin à faire pour revenir sur terre, sa terre.

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Hayet Darwich, armature et noyau vital du spectacle, donne toute son énergie et sa persévérance à cette quête. Les autres interprètes jouent les obstacles ou les adjuvants quand, dans une succession d’épreuves, Elle sera confrontée à la résistance de l’institution, de l’hôpital, de la frontière, incarnés par Maly Dialo. Puissante, souveraine en Docteur Z ou en douanière, « principe de réalité » qui empêche, mais sans agressivité, voire même avec un brin de bienveillance. Le couple sera-t-il réuni ? Elle -nous ne lui donnerons pas d’autre nom- travaille, demande, agit pour qu’Il revienne à la vie. Lui (Alexandre Ruby) émerge peu à peu, sans la rejoindre encore, accompagné et soutenu par l’oud, toujours présent, de Yacir Rami.

Une pièce à la fois toujours sous-tendue par la poésie et quelquefois très drôle, quand l’amie (Luana Duchemin) venue apporter des consolations si sentimentales, si émues et exaspérantes, qu’il faudra, elle aussi la consoler. Les autres, en général, sont les petits cailloux qui la font trébucher, Elle et provoquent des étincelles de rire. Mais «cela ne veut pas rien dire » comme l’écrivait Arthur Rimbaud. Dans la poésie de Mahmoud Darwich dont elle s’est beaucoup nourrie, l’autrice a trouvé l’expression d’un sentiment fort et vrai: l’arrachement physique, charnel comme à un corps aimé, que représente l’exil mais aussi la joie de cet attachement.

Un praticable blanc carré suggère l’hôpital et des rideaux, la présence des autres, parfois en ombres chinoises, avec un sol sombre très (trop !) travaillé. Le dispositif scénique, un peu compliqué et explicatif, donne son unité et son ampleur à l’espace de la séparation entre Elle et Lui, et entre Lui et la vie retrouvée. Avec la musique toujours présente de l’oud. Nous n’en dirons pas plus et avons envie de vous laisser découvrir ce spectacle original et d’une réelle poésie. Tatiana Spivakova surtout y a mis beaucoup de son histoire et de ses origines mêlées dans son écriture et sa mise en scène. Comme Hayet Darwich que nous avions déjà vue, aussi vaillante et aussi juste dans Scènes de violences conjugales de Gérard Watkins (encore en tournée). Elles nous emmènent, avec une sorte de naïveté bienvenue, dans un monde indécis où la vraie vie est en jeu.

Christine Friedel

Jusqu’au 28 janvier, Théâtre Public de Montreuil, salle Maria Casarès, 63 rue Victor Hugo, Montreuil (Seine-Saint-Denis). T. : 01 48 70 48 90.

Le Lanceur et autres poèmes, de Mahmoud Darwich  (1941-2008) traduits par Elias Sanbar, avec photos d’Ernest Pignon-Ernest, éditions Actes Sud (2010).
Et L’Exil recommencé, éditions Actes Sud (2018).

 

La Force qui ravage tout, texte, musique et mise en scène de David Lescot

La Force qui ravage tout, texte, musique et mise en scène de David Lescot

Est-ce l’aria baroque, Addio Corrindo, entendu ici en prologue, qui provoque les désordres amoureux chez les personnages? Ou l’amour, puissante passion en soi? En tout cas, les couples qui ont assisté à la représentation de L’Orontea du compositeur italien Antonio Cesti (1623-1669) dont David Lescot dit s’être «lointainement inspiré », sortent perturbés. À l’instar de cet aimable divertissement, ancêtre de l’opéra, où les héros, comme possédés par une force obscure, ne songent qu’à l’amour, leurs démêlés sont la trame de cette comédie musicale, réalisée avec la même équipe que pour Une Femme se déplace (voir Le Théâtre du blog).

© Christophe Reynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Nous retrouvons les accents jazzy de Ludmilla Dabo qui joue Mona, une députée européenne… tributaire des capitaux de son mari, elle est opposée à la progressiste Clyde, (Pauline Collin) aussi forte en voix que son adversaire dans un duel acharné confinant à une joute amoureuse. Emma Liégeois incarne avec fantaisie Ludivine, la compagne de Clyde, qu’elle quittera pour son collègue de travail, Anatole (l’excellent comédien et chanteur Mathias Girbig)… qui, lui, a été lâché par sa femme Iris (Elise Caron, comédienne et chanteuse de jazz) à cause d’un désaccord profond au sujet de l’opéra. Iris reprend sa liberté, tout comme la timide Antonia (Candice Bouchet), victime des mensonges de son compagnon Tobias, une petite frappe sans vergogne (Antoine Sarrazin). Nous avons aussi apprécié aussi le jeu subtil de Jacques Verzier (Cyriaque, le mari de Mona). Marie Desgranges nous étonne dans l’air du contre-ténor Silandra, personnage volage de L’Orontea.

Un personnage décalé traverse tous ces épisodes en solitaire : c’est André ( David Lescot en alternance avec Yannick Morzelle)  à la recherche de son amant Elohim, qui interprétait Silandra dans l’opéra et l’a laissé sans nouvelles après la représentation. Sa quête l’amène à consulter une historienne spécialiste des cas de possession…

 Pendant cette nuit (blanche pour tout le monde) et jusqu’au lendemain soir, les histoires des uns et des autres se croisent selon une construction chorale. Des éléments de décor passe-partout, déplacés à vue : tables, chaises, fauteuils, comptoir… situent les différents lieux de l’action : le restaurant la Chope ou toute la compagnie atterrit au sortir de l’opéra, un hall d’hôtel, des chambres à coucher, figurées par un lit où les personnages se succèdent, des espaces de bureaux, etc….

 L’orchestre, en fond de scène, est tantôt visible, tantôt occulté, avec Fabien Moryoussef au piano électrique, Philippe Thibault à la basse, Ronan Yvon à la guitare et, à la batterie, Anthony Capelli, chargé aussi de la direction musicale. De l’opéra baroque à la pop, le jazz, la soul, les arrangements mêlent sons acoustiques et électroniques. Ce glissement d’un genre à l’autre structure la pièce, entre réel et dérapages hors piste, comme cette évocation de la danse de Saint-Guy par l’historienne, ou la parabole finale -assez obscure- inspirée du mythe platonicien de l’androgyne, cette créature parfaite formée de deux êtres que les dieux ont séparés, les condamnant ainsi à la quête éternelle de leur moitié…

Dans les chansons, s’expriment des sentiments dans la pure tradition lyrique mais il y a aussi des échanges dialogués ou bien articulés avec la musique, sur le mode du parlé/chanté. Avec des arias tristes, comme celle de Cyriaque, le mari de Mona quand il revoit son ex-amant. D’autres, plus toniques, comme la lutte impitoyable entre Mona et Clyde devant l’aréopage du Parlement européen. L’une défendant l’emploi d’un herbicide, le Burn it, l’autre le pourfendant… Un bel exercice d’écriture dramatique et musicale.

David Lescot, en habile dramaturge, entraîne avec énergie son équipe dans une comédie humaine à intrigues multiples où les individus, tels des atomes déboussolés, se libèrent de leurs liens puis se recombinent selon d’autres affinités électives. «J’ai imaginé, dit-il, une sorte de contamination qui soit artistique, émotionnelle, sentimentale, amoureuse.» Nous nous  égarons parfois mais nous retrouvons vite le noyau de chaque histoire. Nous nous émouvons aussi de ces tribulations bien ancrées dans le siècle, où les uns et les autres se reconnaîtront. Un vrai bonheur pour tous.

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 27 janvier, Théâtre de la Ville-Espace Cardin, 1 avenue Gabriel, Paris ( VIII ème) T. :01 42 74 22 77

Du 1- 4 février  CDN Tours (Loir-et-Cher)  ; 28 février et 1er mars, Château Rouge – Annemasse (Haute-Savoie) ;  10 mars, Théâ̂tre de Rungis (Val-de-Marne) ; 16 et 17 mars, Scène nationale de Perpignan (Pyrénées-Orientales) ;  du  25 au  27 mai, MAC Créteil (Val-de-Marne);  8 juin, Scène nationale de Quimper (Finistère)…

 Texte et musiques sont publiées aux Solitaires intempestifs

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