Dan Da Dan Dog de Ramus Lindberg, traduction de Marianne Ségol-Samo et Karin Serres, mise en scène de Pascale Daniel-Lacombe

Dan Da Dan Dog de Ramus Lindberg, traduction de Marianne Ségol-Samo et Karin Serres, mise en scène de Pascale Daniel-Lacombe

Dans un espace nu, quelques meubles et accessoires sur des praticables, dont au début une toute petite-tombe avec une croix en bois et de grosses bougies et à jardin, un grand fauteuil à une place et demi qui tourne sur lui-même embarquant dans sa course Edith et Le Grand père d’âge mûr.
Et des rails très visibles pour faire glisser du fond à l’avant-scène des éléments de décor et à la fin, une passerelle. Une remarquable scénographie de Philippe Casaban et Eric Charbeau en parfait accord avec le texte. Dans la pénombre tous les personnages sont là, en rang et face public, les grand-parents, Amanda leur petite-fille, Kenny, son petit ami, Herbert, le médecin d’Edith, Le Papa pasteur, Sofia et, un chien Sunny figuré par une balai à essorer.
Bagarre entre les jeunes gens, une balle tue le chien d’Herbert qu’il a sur ses genoux. Arrive un cancer, mais le médecin ne croit pas en grand chose, un prêtre est paumé et une jeune femme voudrait bien savoir où elle est dans un monde où personne ne semble être à sa juste place. Très vite aura eu lieu l’enterrement du Grand-Père avec une oraison funèbre dite par le Papa Pasteur: « Mm, Johan Ersmark était un homme très apprécié de tous. Aimé de sa femme Edith, aimé de son enfant, un grand-père aimant pour Amanda. Mm. Aujourd’hui, nous nous rassemblons en ce lieu pour nous souvenir ensembleNous nous souvenons de lui en tant que trésorier de l’association des retraités. Mm. Mais aussi en tant qu’entraîneur de l’équipe de football des poussins. Mm. Et comme de quelqu’un de toujours prêt à rendre service… Mm. Un homme exemplaire. Notre tristesse est grande. (…) Et il conclut assez vite: Nous terminerons par le chant n° 214 :La Parole des cieux. Merci d’être venus si nombreux aujourd’hui. Je sais que beaucoup d’entre vous viennent de loin. Occupez-vous les uns les autres, partagez votre tristesse et n’oubliez pas que la vie continue. Il faut que je rentre chez moi. «

Ce n’est pas une pièce facile  et il ya une valse à trois temps entre le passé, le futur, et un pauvre présent qui ne semble ne plus très bien savoir quel place il peut encore occuper. .. Bousculade de sentiments et d’événements avec un chien au centre de l’action. Bref, il y a du noir et au public de faire avec mais, comme la machine fonctionne, il fait avec cet ovni qui ne peut laisser indifférent malgré quelques petites longueurs. Et comme Pascale Daniel-Lacombe dirige avec une grande précision Mathilde ViseuxElsa MoulineauMathilde PanisÉtienne KimesLudovic ShoendoerfferJean-Baptiste Szezot et Étienne Bories, il faut simplement accepter de se laisser porter. C’est toujours un plaisir de découvrir un auteur étranger et la mélancolie fait aussi partie de l’ art de vivre. « Tu sais ce que c’est la mélancolie? disait Christian Bobin, récemment disparu, Tu as déjà vu une éclipse ? Eh! bien, c’est ça : la lune qui se glisse devant le cœur, et le cœur qui ne donne plus sa lumière. »

Philippe du Vignal

Spectacle joué vu le 25 et les 26 janvier au Centre d’Animation de Beaulieu, Poitiers.

Le texte de la pièce, adapté de Le Mardi où Morty est Mort, est publié aux éditions Espaces 34.

Du 6 au 9 mars 2024, Théâtre de L’Union -C.D.N. de Limoges ( Haute-Vienne).
Du 13 au 16 mars 2024 ,Le Préau C.D.N. de Vire ( Calvados).

 

 

 


Archive pour 2 février, 2023

Familie

Familie, mise en scène de Milo Rau (en néerlandais surtitré)
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© Michel-devijve

Depuis la naissance du théâtre, la famille est le lieu privilégié de la tragédie et, pour ce premier volet de sa Trilogie de la vie privée, le metteur en scène et directeur du Théâtre national de Gand a reconstitué «un crime de famille », selon lui fréquent, en Belgique.  Avec ici à Calais en 2007, le suicide collectif d’une famille apparemment banale : les Demeester. Ici, rien de sanglant ni de violent comme dans Five Easy Pieces, une pièce sur l’affaire du tueur pédophile Marc Dutroux qu’il avait créée en 2016. À Calais, les parents et leurs deux filles se sont pendus ensemble et en toute sérénité, semble-t-il.

Milo Rau examine ce geste inexplicable à la loupe, à travers une autre famille ordinaire: Filip Peeters et son épouse, An Miller et leurs deux filles. Les parents- qui sont acteurs- et Léonce, l’aînée, Louisa, la cadette, se glissent dans la peau de ces suicidés, tout en s’inspirant de leur propre quotidien. Une maison en coupe sur toute l’ouverture de scène : derrière une grande baie vitrée, la cuisine et la salle de bains en premier plan et, au fond, chambres, salon, et salle à manger.
Au loin, on entend la mer, le vent, et les oiseaux. Dans cet antre naturaliste, encombré d’objets, certaines scènes, jouées à l’intérieur, ne sont visibles que sur écran, par le truchement d’une caméra. An fait le ménage ou prend une douche, les filles révisent une leçon d’anglais, et Filip prépare le dîner. Même menu, odeurs de cuisine comprises, que chez les Demeester, avant le drame rapporté par l’enquête. Ce dernier repas des plus banals, avec une conversation à bâtons rompus, ne laisse en rien deviner la suite tragique, si elle n’avait été annoncée d’avance. 

Milo Rau, qui a étudié l’anthropologie auprès de Pierre Bourdieu, explore quelles fractures, dans une famille de la classe moyenne occidentale, peuvent mener à cette issue fatale. «Discrète, soudée et sans problèmes apparents, rapporte la presse locale. À Coulogne, une petite ville de 6. 000 habitants, personne ne comprend le geste de ceux qui ont été retrouvés pendus, jeudi soir, sous la véranda de leur domicile. »Seul indice : une lettre laissée par les Demeester : «On a trop déconné, pardon. »
De quoi se sentaient-il coupables?
Chez les Peeters-Miller, en revanche, tout va bien mais la fille aînée qui a parfois envisagé le suicide à des moments de dépression, nous lit des extraits de son journal intime, à l’avant-scène, en gros plan sur un écran qui relaie aussi les infimes faits et gestes de la famille, et le titre des séquences qui rythment la pièce : Tuer le Temps, Le Dîner en famille, Le dernier Déménagement…
En reconstituant par le menu la scène de crime, Milo Rau joue sur des effets de miroir entre deux réalités familiales : « Il n’y a pas de fiction, précise-t-il, tout est vrai dans ce que les acteurs racontent sur leur propre vie. » Et tout est vrai aussi dans la narration de ce fait-divers : «Nous avons interrogé la police, dit-il, les journalistes, les voisins, la famille. (…)Et les acteurs sont allés sur les traces des Demeester à Calais. Nous en voyons des images dans la pièce. » Il applique ici l’art de la mimésis qu’il prône dans son essai ,Vers un réalisme global, c’est à dire « l’imitation du réel jusque dans les moindres gestes ». 
Bien qu’interpellés par l’histoire tragique de ces pendus et en attendant qu’elle soit élucidée, nous sommes tenus à distance par l’artifice de sa représentation… Une équation troublante, que démultiplie une abondante vidéo, parfois trop systématique. Ce naturalisme au carré produit à la longue, une saturation et le repas d’adieu, en forme de cérémoniel macabre, traîne en longueur. Nous avons eu du mal à vibrer avec ces personnages qui, face à la mort, nous interrogent sur notre attachement à la vie, au sens où Pierre Bourdieu l’entend : « Voué à la mort, cette fin qui ne peut être prise pour fin, l’homme est un être sans raison d’être. La société dispense les justifications et les raisons d’exister. » Reste à chacun à trouver sa place dans cette démarche originale et ce travail méticuleux qui tranchent avec les habituels spectacles documentaires. 
Mireille Davidovici

Du 10 au 12 février; et du 17 au 19 février (en alternance avec Grief and Beauty), Théâtre de la Colline, 15 rue Malte-Brun, Paris (XX ème). T. 01 44 62 52 52

Mademoiselle Marguerite de Roberto Athayde, traduction de Kostas Tachtsis, mise en scène de Yannis Margaritis

Mademoiselle Marguerite de Roberto Athayde, traduction de Kostas Tachtsis, mise en scène de Yannis Margaritis


5BE4AA43-F525-4981-90C4-B88EE7F37DEBLa pièce de cet auteur brésilien créée en 1997 à l’Ambassador Theatre à Broadway, devenue un succès a été jouée un peu partout dans le monde ( voir Le Théâtre du Blog). 
Dans un milieu scolaire dystopique des sociétés occidentales, Mademoiselle Marguerite,difforme, colérique, mal aimée, presque hystérique enseigne dans l’école primaire d’ un bidonville à des enfants qui vivront à jamais entre les murs du besoin et de la pauvreté.Mademoiselle Marguerite, figure du cauchemar le plus sombre, a pris sur elle de façonner l’âme de ses jeunes élèves, à sa ressemblance et à celle de la société où ils seront les « enfants d’un Dieu inférieur « . Pour les former à l’obéissance, à la discipline et aux ordres d’une autorité qui émane du « Dieu américain » (l’argent). Mais Federico García Lorca disait : «Je suis le partisan des pauvres, de ceux qui n’ont rien et à qui on refuse jusqu’à la tranquilité de ceux qui n’ont rien »

Yannis Margaritis renforce le message politique de la pièce et crée un spectacle d’une grand. e qualité. Cela se passe dans une grande salle de classe avec des graffitis et en commentaire, des projections vidéo commentent ce monologue. Sur une musique de Stamatis Kraounakis cette grande actrice qu’est Catherine Maragkou joue de façon exceptionnelle, avec désespoir et humour , entre tragique et ridicule, cette Mademoiselle Marguerite, bourreau et victime d’un système de manipulation sociale. Allez voir absolument ce spectacle.

 Nektarios-Georgios Konstantinidis

 Théâtre Alma, 15 rue Akominatou, Athènes, T. : 00302105220100.

https://www.youtube.com/watch?v=G5PH4VMe4u4

La Ballade de Souchon, mise en scène de Françoise Gillard

La Ballade de Souchon, mise en scène de Françoise Gillard. 

Brigitte Enguérand, coll. Comédie- Française.

Brigitte Enguérand,coll. Comédie-Française.


Nous avions déjà apprécié  Comme une pierre qui…, d’après Like a rolling Stone, (Bob Dylan à la croisée des chemins)» et surtout « Les Serge, (Gainsbourg point barre) » dans ce même studio de la Comédie-Française, (voir Le Théâtre du blog). Ces chansons conviennent bien aux artistes de la maison. Françoise Gillard et Amélie Wendling ont réalisé cette adaptation des chansons d’Alain Souchon, chantées par Françoise Gillard, elle-même, Coraly Zahonero, Danièle Lebrun, Claire de La Rüe du Can, et Yasmine Haller (la révélation vocale de la soirée) , et Emma Laristan de’académie de la Comédie-Française .
Avec Florence Hennequin au violoncelle,Yannick Deborne aux guitares, Mathieu Serradell aux claviers, deux hommes parmi ces femmes ce qui illustre bien la poésie des paroles d’Alain Souchon et de Laurent Voulzy. En 2023 on fête les cinquante ans de carrière du chanteur, pour paraphraser une chanson de Johny Halliday, « On a tous en nous quelque chose d’Alain Souchon ». Et pour Françoise Gillard « Il est, au bon sens du terme, un chanteur populaire. Il nous parle de nous, de l’humain, sans faire de morale ; il parle d’émotions qui peuvent nous traverser et où nous nous retrouvons. Il a cette capacité à être en chacun de nous. Ses musiques entrent dans l’oreille, on n’oublie pas les airs de ses chansons: tout cela le rend très attachant ». Éric Ruf a imaginé le salon rustique d’une maison qui pourrait être sur la côte Ouest, éclairé des lumières chaudes d’Éric Dumas, l’ensemble ressemble à un tableau extrait de Huit Femmes de François Ozon. Les chansons se succèdent entrecoupées de quelques paroles d’Alain Souchon et d’extraits de reportages télévisées des années soixante-dix. Une actrice dit à propos de son adolescence : « La musique l’a changé, parce que c’était le monde où il pouvait se réfugier ». Il n’y a pas vraiment de mise en scène mais plutôt une mise en espace où chacune des interprètes nous livre sa fragilité. Un spectacle léger et éphémère comme une bulle de savon. Dans Ultra moderne Solitude, la chanson chantée par l’ensemble des comédiennes : « Ça se passe partout dans le monde chaque seconde. Des visages tout d’un coup s’inondent. Un revers de la main efface. Des fois on sait pas bien ce qui se passe. Pourquoi ces rivières. Soudain sur les joues qui coulent. Dans la fourmilière. C’est l’ultra moderne solitude ». Mais c’est l’inverse et à la fin de cette heure, l’émotion est discrète et nous avons envie de parler à notre voisin, de savoir ce qu’il a ressenti. Le théâtre fait rêver parfois et unit les spectateurs en un sentiment de douceur et de tranquillité. Ce soir-là un spectateur fragile au fond de la salle, s’est éclipsé discrètement… Alain Souchon. Le spectacle est complet mais il y a une possibilité de liste d’attente chaque soir. 

Jean Couturier

Jusqu’au 5 mars, Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Galerie du Carrousel du Louvre, 99 rue de Rivoli, Paris (Ier)T : 01 44 58 98 54.

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