Familie
Depuis la naissance du théâtre, la famille est le lieu privilégié de la tragédie et, pour ce premier volet de sa Trilogie de la vie privée, le metteur en scène et directeur du Théâtre national de Gand a reconstitué «un crime de famille », selon lui fréquent, en Belgique. Avec ici à Calais en 2007, le suicide collectif d’une famille apparemment banale : les Demeester. Ici, rien de sanglant ni de violent comme dans Five Easy Pieces, une pièce sur l’affaire du tueur pédophile Marc Dutroux qu’il avait créée en 2016. À Calais, les parents et leurs deux filles se sont pendus ensemble et en toute sérénité, semble-t-il.
Milo Rau examine ce geste inexplicable à la loupe, à travers une autre famille ordinaire: Filip Peeters et son épouse, An Miller et leurs deux filles. Les parents- qui sont acteurs- et Léonce, l’aînée, Louisa, la cadette, se glissent dans la peau de ces suicidés, tout en s’inspirant de leur propre quotidien. Une maison en coupe sur toute l’ouverture de scène : derrière une grande baie vitrée, la cuisine et la salle de bains en premier plan et, au fond, chambres, salon, et salle à manger.
Au loin, on entend la mer, le vent, et les oiseaux. Dans cet antre naturaliste, encombré d’objets, certaines scènes, jouées à l’intérieur, ne sont visibles que sur écran, par le truchement d’une caméra. An fait le ménage ou prend une douche, les filles révisent une leçon d’anglais, et Filip prépare le dîner. Même menu, odeurs de cuisine comprises, que chez les Demeester, avant le drame rapporté par l’enquête. Ce dernier repas des plus banals, avec une conversation à bâtons rompus, ne laisse en rien deviner la suite tragique, si elle n’avait été annoncée d’avance.
De quoi se sentaient-il coupables? Chez les Peeters-Miller, en revanche, tout va bien mais la fille aînée qui a parfois envisagé le suicide à des moments de dépression, nous lit des extraits de son journal intime, à l’avant-scène, en gros plan sur un écran qui relaie aussi les infimes faits et gestes de la famille, et le titre des séquences qui rythment la pièce : Tuer le Temps, Le Dîner en famille, Le dernier Déménagement…
Du 10 au 12 février; et du 17 au 19 février (en alternance avec Grief and Beauty), Théâtre de la Colline, 15 rue Malte-Brun, Paris (XX ème). T. 01 44 62 52 52.