Bellissima Vida con tristeza y felicidad
Bellísima Vida con tristeza y felicidad, chorégraphie de Claude Brumachon
Nous avions découvert cette pièce interprétée par Claude Brumachon, Benjamin Lamarche, Teresa Alcaino et Ana Maria Venégas. Elle fait partie, avec Une Passion dévoilée, Mamy Baby et le jeune homme qui court, d’une «trilogie sur la trace» programmée cette année par le festival Faits d’hiver.
Ce quatuor, doué à la fois pour le théâtre, le chant et la danse, fait œuvre opératique ou si vous préférez : cabaretière. Et Bellísima vida con tristeza y felicidad se nourrit de vague à l’âme, du temps qui passe ou qui a filé entre les doigts. Il s’agit moins d’une remémoration, d’une évocation d’un âge d’or qui n’a probablement jamais eu lieu, que d’emprunts ou empreintes, souvenirs de réalisations artistiques créées ensemble. Une démarche proche de celle de Philippe Decouflé avec Stéréo que nous avions vu à Montpellier-Danse l’été dernier, ou celle de Dominique Boivin avec Beau geste à Val-de-Reuil en décembre dernier. ou encore de Grand Magasin dont Comment commencer va se jouer à la Maison des Métallos ce mois-ci.
Théâtre dansé ou danse théâtralisée ? Dès l’ouverture, Teresa Alcaino assise à l’avant-scène, dit un monologue en espagnol que va vite illustrer côté cour, une gesticulation de Claude Brumachon et suivi d’une pantomime de Benjamin Lamarche en fond de scène. Une courte séquence répétée ad libitum, dont le texte est traduit en français par Ana-Maria Venégas. La partie centrale de la pièce se déroule en arrière-plan autour d’une table en stratifié, sous laquelle ne cesse de glisser la svelte danseuse. Ce tic ou ce toc fait songer à Pina Bausch qui enfant, allait s’abriter comme un animal domestique aux pieds des habitués du bistrot familial. Ce qui lui inspira son célèbre Café Muller.
Bellísima Vida con tristeza y felicidad ne bénéficie pas d’une scénographie spectaculaire et coûteuse comme celles auxquelles nous étions habitués au Tanztheater à Wuppertal. Les costumes chinés aux Puces ou chez Emmaüs, ne visent pas à faire pittoresque, ou populiste et ne caricaturent pas les prolos façon Deschiens. S’inscrivant plutôt dans un courant d’art modeste, concept dû entre autres, au peintre Hervé di Rosa . Ici aucun effet de décorum, et la structure, lâche d’apparence est, comme telle, assumée. Et les mouvements chorégraphiques paraissent élémentaires, quoique la virtuosité d’un Benjamin Lamarche saute tout de suite aux yeux.
Tout se passe comme si le lien, le liant que réclame ce décousu ou ce disparate était délégué à la bande-son faite de morceaux choisis par Brumachon-Lamarche . Un florilège de succès de leur affection, en majorité anglo-saxons comme Riders on the Storm ( 1971), des Doors, des « musiques et danses du monde » (Chili, Mexique), de la muisque répétitive de Philip Glass, du baroque de Vivaldi, des compositions classique de Beethoven et Mozart), de la chanson francophone : Pourquoi faut-il que les hommes s’ennuient ? de Jacques Brel en 1963, de l’électro avec Zurfluh. Avec aussi un tango de Carlos Gardel et Alfredo Le Pera, El día que me quieras (1935), interprété a cappella par Teresa Alcaino…
Avec trois fois rien, sinon ce qu’il faut de talent, ces artistes créent une pièce lyrique, poétique, attachante à force de détachement. Soufflant le chaud et le froid, le prosaïque et le noble, l’inélégant et le sublime. On retombe en enfance et on revient aux sources : commedia dell’arte, clownerie fellinienne et tragédie antique avec un extrait d’Antigone de Sophocle. Etdeux hommes s’affichent en slip kangourou comme ceux jadis portés par les modèles dans les écoles des Beaux-arts. Vers la fin, Claude Brumachon se prend pour César dans une majestueuse toge qui se transforme en jupe de mevlevi soufi, puis en voile de danseuse serpentine….
Nicolas Villodre
Spectacle joué les 30 et 31 janvier à MicaDanses-Paris, 15, rue Geoffroy-l’Asnier, Paris ( V ème) T. : 01 71 60 67 93
Le Musée d’art Modeste a été créé en 2000 à Sète sa ville natale, par entre autres, Hervé Di Rosa et consacré à l’art populaire.
Bonjour.
Un grand merci pour votre critique qui sait dire avec sens ce qui se trame. Une petite correction cependant il n’y a aucune musique de Christophe (Zurfluh) dans Bellisima vida
Au plaisir de se croiser un jour
Cordialement
Benjamin Lamarche