Elles disent, chorégraphie de Nach

Elles disent, chorégraphie de Nach

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© Romain-Tissot

 La danseuse et chorégraphe a donné au krump ses lettres de noblesse avec des solos, comme récemment Beloved Shadows, une pièce mâtinée de bûto (voir Le Théâtre du Blog). Ici, elle conjugue son art de performeuse au féminin pluriel, en impulsant son style à ceux de Manon Falgoux, venue, elle, du hip hop. Mais aussi d’Adélaïde Desseauve -dite Mulunesh- formée à l’improvisation et au krump, et de Sophie Palmer, danseuse de flamenco et agricultrice (en alternance avec Sati Veyrunes ).

 Empruntant au vocabulaire du krump, une danse urbaine née des émeutes à Los Angeles dans les années 2.000, le quatuor développe une gestuelle codifiée, non sans autodérision: frappe du pied (stomp),  balancement des bras (arm swing), », projections des bras rapides( jabs) , mobilité de la poitrine (chest pops), cris et grimaces (gimmicks), autant d’exutoires expressifs à la violence concentrée dans le corps. S’y glissent des échos de « bailes » (danse flamenca), plus fluides avec  ses  mouvements typiques de bras et piétinements.

Un travail vocal orchestré par Flora Detraz rythme les râles, respirations saccadées, sanglots, rires et cris de jouissance. La danse s’accompagne aussi de paroles décomposées, hachées et restituées par jeux d’assonances en cascade, créant ainsi une musicalité inattendue, une poésie brute: « Caroline, Caro, carrelage, rage, l’âge, sale, Caroline dans le bain mousse sans … » En toile de fond, des nappes sonores, rythmes latinos ou punk, basses ou aigües qui frappent le tympan…

 Le groupe renverse à cœur joie la virilité du krump, s’en libère en un déchaînement festif au féminin, mais toujours maîtrisé. Quelques solos mettent en valeur le style de chacune, mais la plupart du temps, la meute se déplace groupée dans l’espace et de manière décentrée, souvent en bordure du tapis, lui-même décentré sur le plateau. À la marge, celle que veut faire bouger cette pièce atypique, au titre inspiré par une phrase de l’écrivaine féministe Monique Wittig: « Elles disent qu’elles ont appris à compter sur leurs propres forces. Elles disent qu’elles savent ce qu’ensemble, elles signifient. Elles disent que celles qui revendiquent un langage nouveau apprennent d’abord la violence. »

Chorégraphié avec soin, selon une trame dramaturgique cohérente malgré son apparente anarchie, ce quatuor composé de récits de corps singuliers entrelacés glisse vers une forme au féminin pluriel et non-binaire. Elles disent ne sera certainement pas du goût de tout le monde mais Nach et sa «cellule» nous transmettent leur énergie et leur plaisir de la transgression.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 3 février, Atelier de Paris, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro : Château de Vincennes+ Navette gratuite. T. 01 417 417 07.

 Les 2 et 3 mars Théâtre de la Croix Rousse, Lyon (Rhône) ; les 23 et 24 mars, Halles de Schaerbeek (Belgique) ; les 29 au 31 mars , La Villette, Paris (XIX ème).

Les 12 et 13 avril Le Lieu Unique, Nantes (Loire-Atlantique).

Puis ( date à préciser) au Tangram, Evreux (Eure).


Archive pour 5 février, 2023

La Femme de Tchaïkovski de Kirill Serebrennikov

A propos de La Femme de Tchaïkovski de Kirill Serebrennikov 

Il n’est pas besoin de répéter pas ce que nous avions écrit en juin dans Desk-Russie n°31, avant que Kirill Serebrennikov ne  mette en scène Le Moine noir dans la Cour d’honneur au festival d’Avignon, en tant que dissident. Une prestation qui n’a pas convaincu grand-monde («un spectacle vain»). Sauf quelques membres de l’intelligentsia, proches des cercles poutiniens avec  l’étiquette d’opposants, qui ont par là-même participé à l’éviction de la véritable opposition.
Kirill Serebrennikov en faisait partie et son interlocuteur Viatcheslav Sourkov, celui que l’on appelait «l’éminence grise» de Vladimir Poutine a aujourd’hui totalement disparu des écrans-radars (voir aussi
Desk-Russie n°31). Et le poste de directeur du Théâtre Gogol fut attribué à Kirill Serebrennikov en dépit de toute règle, puisqu’en Russie, il faut être passé par une école pour diriger un théâtre national ou municipal et plusieurs artistes auraient pu y prétendre. Pendant le meeting de protestation contre cette nomination et le rude traitement que Kirill Serebrennikov faisait subir à la troupe existante pour créer son Gogol-Centre, Piotr Fomenko, bien connu et très apprécié en France pour ses beaux spectacles, a prononcé cette réplique historique contre l’accusation que Kirill Serebrennikov faisait au théâtre russe : n’être que «de la naphtaline» : «Si nous sommes de la naphtaline, alors lui, c’est une mite. »

La vie du Gogol-Centre a été agitée, productive sans doute, très inspirée par le théâtre allemand et plutôt «branchée» mais des témoignages directs évoquent une direction brutale et financièrement intéressée.Reste le fait qu’il ait été le seul Russe (?) invité plusieurs fois de suite aux festivals d’Avignon et Cannes, alors que, par exemple, cette année à Cannes on aurait dû voir une œuvre d’Alexandre  Sokourov ou  de certains de ses merveilleux élèves  issus de son studio décentralisé -une courageuse innovation d’avant-garde- crée par lui en Kabardino-Balkarie (Caucase Nord)… Pourquoi ?

En ce moment,  La  Femme de Tchaïkovski  sort donc doucement dans plusieurs petites salles ou festivals,  en présence de l’artiste, avant sa sortie nationale le 15 février  en France, Allemagne, Turquie et TaÏwan. Alors : 1) Le film est produit par Roman  Abramovitch.un oligarque sous sanctions. On ne respecte donc pas les sanctions à Paris, pas plus qu’à Cannes? A quoi servent-elles donc ?

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2. Le film comporte au moins cinq scènes qui sont plagiées d’un scénario écrit par Igor Minaev, un cinéaste franco-ukrainien, avec Olga Mihailova. Madame Tchaïkovski a circulé à la recherche de financements en France et en Russie mais par prudence, les auteurs l’ont publié sous forme de roman aux éditions Astrée (2014) et on le trouve facilement.
Bach Films ne répond pas aux avocats qui analysent l’affaire en détail. Quant au distributeur, apparemment, il dit que ce n’est pas son affaire. Mais n’est-ce pas alors notre affaire, à nous, quand certains artistes émigrés ne trouvent pas de travail parce qu’ils sont russes? I
l faut souligner qu’Igor Minaev est en particulier, l’auteur d’un très beau film avec Isabelle Huppert, L’Inondation, d’après Evgeni Zamiatine et qu’il est en Ukraine actuellement où il tourne  un nouveau film.  

Béatrice Picon-Vallin

Liens permettant aux russophones de se faire une idée plus précise de ce mythe soigneusement construit, étoile montante protégée et fin stratège, qui a même réussi à créer (grâce à Internet),plusieurs spectacles pendant une longue résidence surveillée, alors que son équipe administrative était en prison:

https://www.instrdesqtitutmontaigne.org/analyses/vladislav-sourkov-ideologue-de-la-russie-poutinienne

https://www.mk.ru/culture/2019/04/28/igor-minaev-snimet-film-madam-chaykovskaya.html

https://variety.com/2022/film/global/ilya-stewart-europe-hype-studios-1235349127/

ttps://meduza.io/feature/2022/06/30/za-odin-den-moskovskie-vlasti-smenili-rukovodstvo-treh-teatrov-gogol-tsentra-sovremennika-i-shkoly-sovremennoy-piesy

http://theatre.sias.ru/2012-34/

https://www.youtube.com/watch?v=SQcK4Ahhzno

 

 

 

 

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