Plaisir du Théâtre
Plaisir du Théâtre
Ce prix fondé en 1972 par un industriel, Marcel Nahmias décédé en 98, est doté de 3.000 € et d’une belle médaille. Objectif : récompenser des personnalités théâtrales pour leur carrière.
Avec entre autres, d’abord en 72: Judith Magre (qui à 96 ans joue encore…), Laurent Terzieff, Michel Bouquet, André Dussolier et les metteurs en scène James Thierrée, Jean-Pierre Vincent, Joël Pommerat…
Mais juste deux femmes! L’actrice Dominique Blanc et la marionnettiste Emilie Valantin. Et cette année, Yuming Jey et Didier Sandre. Armelle Heliot du Figaro a présidé la cérémonie à la S.A.C.D. et les prix ont été décernés par Philippe Chevilley, journaliste aux Echos et par Jacques Nerson de L’Obs.
Yuming Jey
Cette icône LGBTQI, acteur et mannequin de quarante ans, a été formé au Conservatoire National. Visiblement très ému et au bord des larmes, il a reçu ce prix pour sa carrière exemplaire depuis une dizaine d’années. On a pu le voir dans la série Netflix Osmosis et plus récemment dans la saison 3 d’Emily in Paris. Et au théâtre en 2019, dans Jungle Book mise en scène de Bob Wilson au Théâtre de la Ville (voir Le Théâtre du Blog). Et aussi au Théâtre 14, à Paris, dirigé par Matthieu Touzé qui, exigeant, « l’a toujours soutenu dans son parcours et a toujours été d’un amour infini avec lui. »
Yuming Jey a aussi remercié les journalistes qui ont eu, dit-il, «des mots gentils et encourageants que je n’avais pas toujours avec moi-même. «Ils m’ont donné la force de monter en scène chaque soir. Grandir sous le regard des autres est une aventure périlleuse. » Et il a tenu à remercier son attachée de presse Dominique Racle qui a cru en lui et a tenu à le faire savoir. Enfin il a eu un mot de reconnaissance pour les personnes inter-sexes et pour Herculine Barbin dont il a joué au théâtre 14, Archéologie d’une révolution, mise en scène par Catherine Marnas. En 1868, à Paris, un médecin légiste avait découvert à côté du corps d’Abel Barbin, vingt-huit ans, une lettre expliquant son suicide et un manuscrit Mes souvenirs, un récit trouvé par Michel Foucault, d’une personne qui avait été brutalement déclarée de sexe masculin.
Didier Sandre
D’une autre génération, Didier Sandre (74 ans) est un acteur exceptionnel mais qui n’a été formé ni rue Blanche à Paris comme disait (l’actuelle E.N.S.A.T.T. à Lyon) ni au Conservatoire National mais chez la grande Tania Balachova. Et il a suivi, preuve d’une grande curiosité des stages chez le nec plus ultra de l’avant-garde des années soixante-dix: Eugenio Barba et Jerzy Grotowski. Grand travailleur, il a fréquenté tous les plus grands auteurs et il est sans conteste l’un des meilleurs comédiens français. Et chaque année depuis 1970, nous l’avons vu, dirigé par les plus grands, notamment Catherine Dasté, la remarquable metteuse en scène et initiatrice du théâtre pour enfants et entre autres, Bernard Sobel, Jean-Pierre Vincent, Giorgio Strehler, Patrice Chéreau, Luc Bondy et Antoine Vitez dont il fut l’incomparable Don Rodrigue dans Le Soulier de satin de Paul Claudel, Christian Schiaretti, Alain Françon…
Mais il a joué aussi dans le théâtre privé: Un Mari idéal (Molière 1996) et Collaboration. Et aussi de nombreux films comme entre autres, La Java des ombres de Romain Goupil, Petits arrangements avec les morts de Pascale Ferran, Conte d’automne d’Eric Rohmer, Au bout du conte d’Agnès Jaoui, Pas son genre de Lucas Belvaux, Un Amour imposssible de Catherine Corsini, et récemment J’accuse de Roman Polanski. A la télévision, Il a été aussi Louis XIV dans L’Allée du Roi et le baron de Charlus dans A La Recherche du temps perdu de Nina Companeez.
Didier Sandre, passionné de musique, est aussi souvent récitant dans des œuvres classiques, ou avec, entres autres, le pianiste Alexandre Tharaud, François Zygel, Emmanuel Bertrand ou le Quatuor Ludwig. Et en 2013, il est entré à la Comédie-Française et il en est maintenant sociétaire. Bref, le parcours d’un acteur très cultivé, discret et exemplaire.
Ce prix qui honore les meilleurs de la profession théâtrale, est remis, et à juste titre, dans ce lieu emblématique qu’est la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques. Cette institution fondée en 1777 par Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (en buste sur la photo avec les acteurs) défend les auteurs de spectacles en salle ou de rue, audiovisuel, cinéma, web. Et les metteurs en scène, compositeurs, réalisateurs, scénaristes… La S.A.C.D. les accompagne aussi pour leurs démarches fiscales, sociales et professionnelles et elle soutient la création financée par les 25 % de rémunération pour copie privée (3. 566. 700 € en 2010). Elle finance et organise actions et événements, pour faire émerger les nouveaux talents et projets, avec des aides à l’écriture.
Philippe du Vignal
Le 13 février, à la S.A.C.D. 11 bis rue Ballu, Paris (VIII ème).