La Dame de la mer d’Henrik Ibsen, mise en scène de Géraldine Martineau
La Dame de la mer d’Henrik Ibsen, mise en scène de Géraldine Martineau
Une pièce écrite en 1888 mais peu jouée et la dernière mise en scène que nous en ayons vu au Théâtre Montparnasse m^me avec Jacques Weber, était du genre catastrophique. La Dame de la mer a surtout pour intérêt d’être centrée déjà sur le féminisme et les rapports de couple. Le rôle principal, chose inhabituelle à la création, étant celui d’une femme. Ellida, fille unique d’un gardien de phare est mariée au docteur Wangel, un médecin veuf et père de deux jeunes filles. Bolette et surtout Hilde la plus jeune ont des rapports difficiles avec Ellida . Visiblement peu à l’aise dans cette famille où elle ne trouve pas sa place, cette mère qui a perdu son jeune enfant, essaye de retrouver un certain équilibre en allant souvent se baigner dans la mer. C’est l’été et une fête se prépare avec plein de fleurs blanches mais pour fêter… l’anniversaire de l’épouse décédée de Wangel… Bref, rien n’est tout à fait dans l’axe et ici les morts sont trop proches des vivants…
D’une autre classe sociale que son mari, Ellida le respecte mais l’aime pas vraiment. Elle finit par lui avouer qu’elle a autrefois été très amoureuse d’un marin étranger dont le souvenir la hante et à qui elle avait promis de vivre un jour avec lui. Wangel va demander à un ami, le professeur Arnholm, de l’aider à la sortir de sa quasi-dépression permanente.
Hilde se promène souvent avec Lingstrand, et Bolette avec Arnholm visiblement amoureux d’elle. Bien entendu, le beau marin toujours amoureux malgré les années, va réapparaître et semer le trouble chez Ellida; elle veut quitter son mari qui est d’accord pour divorcer. Et le marin revient une nouvelle fois et demande à Ellida en présence de Wangel, de faire un choix clair. Mais cette féministe avant la lettre se sent désormais libre et responsable. Donc en toute liberté. Le marin s’en va un revolver à la main sans doute prêt à se suicider.Ellida elle, choisit consciemment de renouer avec son mari. Et elle est enfin reconnue par les jeunes filles! Ce n’est sans doute pas la meilleure pièce (un peu longuett), du grand dramaturge norvégien et elle tient parfois du mélo…
La metteuse en scène a essayé de concilier onirisme et réalisme sur la petite scène du Vieux-Colombier. Mais cela ne fonctionne pas, en partie à cause d’une scénographie inutilement compliquée. En fond de scène, une peinture grise et terne, pas très réussie d’un fjord, quelques troncs d’arbres élancés, un étroit praticable en caillebotis de fer pour figurer le salon avec un canapé, deux chaises des vases avec fleurs en plastique!, une toute petite mare où sont censées vivre des carpes, une demi-barque… Bref, un curieux bric-à-brac vraiment laid et sans unité qui ne facilite en rien les déplacements des acteurs. Et sans doute pour évoquer les brumes de la Norvège, des fumigènes en permanence… la plaie du théâtre actuel.
Tout cela donc un peu académique, et sans grande émotion. Comparaison n’est pas raison mais avec quel émerveillement, nous avions vu la formidable en 2008 déjà Une Maison de Poupée, mise en scène de Thomas Ostermeier ou son Hedda Gabler, mais aussi Le Canard sauvage par Alain Françon à la Comédie-Française… Ici, la metteuse en scène incarne elle-même sans y arriver vraiment, le personnage complexe d’Ellida mais elle dirige bien ses comédiens. Laurent Stocker, très juste en médecin généreux et prêt à divorcer, si cela peut rendre sa femme plus libre et enfin heureuse. Adrien Simion, juste aussi en jeune homme malade, comme Alain Lenglet en vieux peintre portraitiste et Clément Bresson, en marin. Benjamin Lavernhe, très crédible en professeur Arnholm attentif à Ellida et amoureux de Bolette. Elisa Erka mérite une mention spéciale avec Léa Lopez (Hilde) : leur fraîcheur de jeunes actrices solides fait du bien…
Une pièce mineure et à la limite du crédible, une mise en scène honnête mais conventionnelle à laquelle il est difficile d’adhérer: à vous de décider…
Philippe du Vignal
Jusqu’au 12 mars, Théâtre du Vieux-Colombier, 21 rue du Vieux-Colombier, Paris (VI ème). T. : 01 44 58 15 15.