Le Cabaret burlesque de Valentina del Pearls

Le Cabaret burlesque de Valentina del Pearls

Pour célébrer les dix ans du Cabaret burlesque, deux soirées exceptionnelles seulement,  avec  numéros d’effeuillage et selon le Bataclan et le Burlesque Klub, «la crème de la crème du New Burlesque hexagonal ». Le public? Surtout de nombreux trentenaires à la fois participatifs et complices qui réagit aux bons mots de Valentina del Pearls, la maîtresse de cérémonie. Puis, après l’entracte, ceux de Lolla Wesh, alias Tom de Montmartre. Selon le site internet du Bataclan, ancien Grand café chinois-théâtre Bata-clan édifié en 1864, ce spectacle de strip-tease, censé être «drôle, poétique et décapant» est un «divertissement mêlant cabaret coquin et comédie légère» et presque aussi ancien que la célèbre  salle du boulevard Voltaire.

© J. B. Quentin

© J. B. Quentin

Il rend un culte à la pin-up (l’une des plus célèbres ayant été l’Américaine Bettie Page) et, de nos jours, aux pin-up en général, quel qu’en soit le genre. La gent masculine, encore en minorité, trouve à s’exprimer ou à s’exhiber. Et toutes les lettres du gai Paris: LGBTQ…XYZ sont désormais incluses au programme, comme l’a relevé Lolla Wesh dans son solo. Et tous les physiques de l’emploi sont admis, pourvu qu’ils valorisent ce qu’il faut côté  lolos et bas du dos. Paradoxalement, la pin-up des années cinquante, qu’immortalisèrent photos, films dits cochons, et dessins du grand Alberto Vargas et, chez nous, les couvertures du magazine Lui que signa de 63 à 81 Aslan, alias Alain Gourdon, a été récupérée par un discours récent, de tendance anar -disons anti-Darmanin, etc. pour faire vite- et féministe. Autrement dit, le burlesque et le « nouveau burlesque », malgré l’aspect rétro de l’expression, veut être légitimé et s’inscrire dans ce qu’il est convenu d’appeler: la contre-culture…

Les créatures qui se sont produites durant deux heures au Bataclan ne cèdent en rien aux canons de la beauté décrétés par Alain Bernardin, au sortir de la guerre et ont toutes des surnoms poétiques et amusants qui leur vont parfaitement… et rappellent ceux des girls du Crazy : Ella Styx, Eva la Vamp, Haydée, Kiki Béguin, La Machine, Lolaloo des Bois, Lolla Wesh, Lolita Laze, Louise de Ville, Mam’zelle Plum’ti, Miss Glitter Painkiller, Nini de l’Ėpine, Sucre d’orge, Tom de Montmartre, Vicomte de Harbourg, Maya Omaya et Valentina del Pearls.

Avec maquillages et coiffures parfois outrés, costumes recherchés, inspirés par l’Egypte ancienne, comme la magnifique parure d’Eva la Vamp en Cléopâtre, ou par l’âge baroque, le folklore (la fustanelle de Kiki Béguin dansant le sirtaki) et par les contes pour grands enfants.

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Hommes et femmes parés de plumes comme celles qui ont marqué l’âge d’or du music-hall, sèment des paillettes à tout vent au moindre prétexte. Les costumes sont des pièces de puzzle qui vont être détachées du corps pour mieux le glorifier. Un peu comme chez Leopoldo Fregoli (1867-1936), artiste italien ventriloque et musicien, réputé pour ses changements de costumes très rapides, jusqu’à cent dans le même spectacle. Les corps, tatoués, sont juste protégés par des strings et cache-tétons. Dans une chorégraphie avec déhanchés, battements de gambettes mises à nu et gestes brusques faisant voleter tout effet superflu. L’humour qu’implique le mot burlesque (issu de l’espagnol: moqueur et l’italien burla: «farce, plaisanterie» et  très  en vogue au  XVII ème siècle avec emploi de termes comiques parfois vulgaires pour évoquer des choses nobles et sérieuses  est ici léger ou au contraire, d’un lourdingue parfaitement assumé.
Louise de Ville marie comique et acrobatie. Miss Glitter Painkiller et Lolita Laze sont particulièrement sexy dans leurs parures, ou quand elles sont court vêtues. Et Nini de l’Ėpine mêle érotisme et politique, brocardant au passage la couronne britannique. Le tout sur une bande originale rock, pop, disco et techno…

Nicolas Villodre

Spectacle vu au Bataclan, 50 boulevard Voltaire, Paris (XI ème), les 27 mars.


Archive pour mars, 2023

Némésis, d’après Philip Roth, adaptation de Tiphaine Raffier et Lucas Samain,mise en scène de Tiphaine Raffier

 

Némésis, d’après Philip Roth, adaptation de Tiphaine Raffier et Lucas Samain, mise en scène de Tiphaine Raffier

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© Sylvain Gossselin

Été 1944: à Weequahic, un quartier en grande partie juif de Newark (New Jersey) une épidémie mortelle de poliomyélite frappe un à un les enfants du club sportif, animé par Buck Cantor. «La ville aussi était en guerre.» Ce jeune homme réformé pour myopie, alors que ses amis se battent sur tous les fronts, se consacre à son métier, comme à un sacerdoce. Sa mission (impossible) : protéger ses ouailles, consoler les parents, lutter contre les préjugés qui accusent Italiens, bistrotiers, Juifs, le vent, les poubelles… d’être responsables d’un virus dont on ignore tout.
Poussé par sa fiancée, il se réfugie au camp de vacances d’Indian Hill, un petit coin paradisiaque où l’on joue aux Indiens intrépides et qui semble épargné par l’épidémie… Jusqu’au jour où des enfants, puis Bucky, sont frappés par la maladie. Ce grand garçon sportif et sain à l’image du rêve américain, va renoncer à son mariage et nous le retrouverons des années plus tard, estropié, ressassant son malheur.

En trois tableaux et trois heures, la metteuse en scène restitue -mais laborieusement- le dernier roman de Philip Roth (1933-2018). Némésis, déesse de la vengeance, donne son nom à ce livre paru, il y a treize ans. L’écrivain américain s’interroge, à travers son héros sur la responsabilité d’une tragédie qui s’est abattue sur une Amérique fière de sa puissance et qui niait esclavagisme et génocide des peuples premiers: «Il y a une épidémie, il {Bucky} a besoin de lui trouver une raison. Il faut qu’il se demande pourquoi. Pourquoi? Pourquoi? Que cela soit gratuit, contingent, absurde et tragique, ne saurait le satisfaire. Que ce soit un virus qui se propage ne saurait le satisfaire. Il cherche désespérément une cause plus profonde, ce martyr, ce maniaque du pourquoi et il trouve le pourquoi, soit en Dieu, soit en lui-même.»

La narration est portée par la voix off d’Arnold Mesnikoff, l’un des enfants du terrain de jeu, lui aussi victime de la polio. Un personnage tenu à l’écart qui apparaîtra en chair et en os dans l’épilogue. Pour le reste, le spectacle s’attarde à des  séquences souvent anecdotiques,  trop longues ou superflues, comme le passage à l’avant-scène, pendant le changement de décor, d’une sorcière échevelée (Némésis ou l’esprit de la Terre ?)

Tiphaine Raffier respecte la chronologie du roman et les effets de mise en scène -appuyés- sont plutôt réussis. Il y a des trouvailles, comme cette belle maquette d’une maison bourgeoise, mais elles tombent à plat et n’aident pas les interprètes. Le décor gris et enfermant du premier tableau laisse le héros dans le noir, devant une grille qui masque l’orchestre et réduit les acteurs à des ombres sans substance et fantomatiques hurlant dans des micros mal réglés. Les femmes sont devenues hystériques et Bucky lui-même (Alexandre Gonin) semble une âme en peine, comme si son destin était inscrit par avance. Où est le fier lanceur de javelot, le boy-scout « toujours prêt », imaginé par l’auteur ?

Au deuxième tableau, le rideau se lève sur un magnifique paysage de lac et montagne, une toile peinte devant laquelle jouent des enfants rieurs et les gentils organisateurs déguisés en Indiens d’opérette. La tragédie vire à la comédie musicale, avec dialogues chantés en anglais par les acteurs et le chœur d’enfants du Conservatoire de Saint-Denis, dirigé par Erwan Picquet. Un canoë flotte sur une nappe de brouillard, emmenant Bucky et Marcia, sa fiancée (Clara Bretheau) vers un tipi nuptial.  Un plongeur s’élance dans le vide avec un salto du plus bel effet… Des images amusantes mais qui finissent par lasser malgré la vivacité des jeunes interprètes de l’orchestre Miroirs Etendus et les compositions toniques de Guillaume Bachelé.

Nous devrons attendre le troisième tableau pour atteindre l’essence du roman. Dans un décor écroulé, on retrouve notre héros en 1971 dans un émouvant face à face avec le narrateur.   Bucky âgé (Stuart Seide) et Arnold Mesnikoff (Maxime Dambrin) font le bilan de cette tragédie qui a bouleversé leur vie. A Arnold revient le mot de la fin, à propos de Bucky: «Je dois dire que, quelle que soit ma sympathie pour lui, face à l’accumulation de catastrophes qui brisèrent sa vie, cette attitude n’est rien d’autre chez lui qu’un orgueil stupide, non pas l’orgueil de la volonté ou du désir, mais l’orgueil d’une interprétation religieuse enfantine, chimérique
T
iphaine Raffier avait, jusque là, monté ses propres textes avec plus ou moins de bonheur (voir Le Théâtre du Blog). Et nous retrouvons son habileté dans quelques morceaux de bravoure comme les scènes d’opérette, style Disneyland. Mais la virulence de Philip Roth est absente de cet ambitieux Némésis… et mieux vaut lire le roman.

 Mireille Davidovici

 Jusqu’au 21 avril, Odéon-Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier, 1 rue André Suarès, Paris (XVII ème). T. : 01 44 85 40 40.

Les 16 et 17 mai, Théâtre de Lorient (Morbihan).

Némésis, traduction Maris-Claire Pasquier, éditions Gallimard.

La Truelle,texte et mise en scène de Fabrice Melquiot

La Truelle,texte et mise en scène de Fabrice Melquiot

Un solo où François Nadin raconte à la fois l’histoire familiale (un peu compliquée) de Fabrice Melquiot et un sorte de documentaire sur les réseaux de la mafia en Italie : Camorra à Naples, Cosa nostra en Sicile ou ndraghetta calabraise.
Toutes maintenant connues par des dizaines de films dont
Cosa nostra, Le Parrain, Le Maître de la Camorra, etc. Mais aussi par les compte-rendus des grands procès de ceux et celles, parfois même hauts fonctionnaires d’Etat à la tête d’une puissante économie criminelle en Italie. Grâce au racket systématique et très organisé des commerces et des entreprises de construction, mais aussi de plus en plus au trafic de drogue, des clans comme ceux des trop fameux Corleonesi possèdent environ 400 milliards d’euros, selon une enquête en 2020 de la direction nationale anti-Mafia.

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Fabrice Melquiot est né à Modane d’une mère calabraise, a souvent fait des voyages depuis qu’il était tout petit pour aller en vacances dans sa famille maternelle où il a vite senti l’importance de la mafia jusque dans la vie quotidienne, comme ce petit super-marché dont la construction est restée inachevée… A la suite de l’assassinat de son futur directeur.
En fond de plateau (assez encombré!) deux tableaux noirs, l’un pour recevoir les images de visages de criminels et de leurs victimes transmises par un rétroprojecteur, et un autre pour écrire à la craie la généalogie de la famille de l’auteur. Et devant, sur une
table, un réchaud, un flacon de sauce tomate, en dessous des bidons d’eau et huile d’olive, pour cuire des pâtes aux anchois. Et un bureau, avec une petite machine à écrire. Et accrochée, une grande carte de l’Italie.
En une heure et quelque, François Nadin d’abord en caleçon, chaussettes, marcel et tablier blancs, puis en robe noire de grand-mère, puis en costume gris et chaussures noires de mafioso. Mais erreur de mise en scène: ces changements de costume sont pléonastiques.
L’acteur lui aussi d’origine italienne va nous
raconter l’histoire de la famille de l’auteur dont un arrière-grand père émigré aux Etats-Unis, à la vie mystérieuse et qui revenait régulièrement en Italie. Mais François Nadin détaille aussi le passé ancien comme récent de cette organisation criminelle aux ramifications un peu partout en Europe (France, Suisse, Angleterre mais aussi Canada. Mais nous aurions aimé en savoir plus sur les agissements actuels de la mafia…
Un spectacle parfaitement rodé et qui a déjà été souvent joué. François Nadin a une gestuelle et une diction irréprochables. Mais Fabrice Melquiot aurait dû épurer sa mise en scène et nous épargner les déplacements et gesticulations permanentes de son acteur. Et nous nous perdons un peu dans ce récit avec anecdotes relatives à sa famille et démonstration historico-socio-politique assez bavarde sur la très malfaisante mafia.
Ce spectacle d’une heure dix manque d’unité et part un peu dans tous les sens, sauf à la fin où le texte est plus virulent et les images de ce supermarché qui n’a jamais vu le jour à cause des menaces de la mafia, sont de toute beauté. Et
François Nadin nous explique enfin ce titre mystérieux: celui qui se servira de la truelle posée sur le toit du supermarché verra ses jours comptés… Glaçant!

Philippe du Vignal

Jusqu’au 2 avril, Manufacture des Oeillets, Théâtre des Quartiers, Ivry-sur-Seine (Val-de- Marne). T. : 0.1 43 90 11 11

Théâtres en Dracénie, Draguignan  (Var)  du 11 au 15 avril.

Fila Fila Manana de Tidiani Ndiaye et Thumette Léon (en langue des signes)

Fila Fila Manana de Tidiani Ndiaye et Thumette Léon (en langue des signes)

FILA FILA MANANI (la cabane)(2023)

Tidiani NDaye © Berpa

L’Atelier de Paris-Centre de national de danse contemporaine organise pour la deuxième année, des représentations dans les établissements scolaires, centres médicaux sociaux et bibliothèques d’Ile-de-France pour enfants sourds ou malentendants. Il a passé commande de ce duo bilingue Langue des Signes  Française/français qui va se jouer seize fois et plus, s’il y a des programmateurs.

Tel un oiseau des îles, vêtu de lambeaux de plastique froufroutants, Tidiani Ndiaye se fraie un chemin dans un monceau de sacs multicolores, ramassés au hasard des poubelles de Paris, Genève, Bamako… Sa partenaire et lui manipulent ce tas qui a envahi la salle. Ils y plongent avec volupté comme dans une mer bruissante, s’y roulent dangereusement, en bourrent leurs vêtements jusqu’à les faire exploser, se les jettent à la figure. Puis lancent ces légers projectiles à la volée. « Nager, plonger, marcher…», dit une voix off traduite par Thumette Léon en langue des signes. «Les couleurs se balancent, s’entassent et font semblant d’être légères… Elles pèsent le poids de la pollution. On croit emballer le monde, c’est le monde qui s’est emballé. »

Tidiani Ndiaye a imaginé ce spectacle en voyant l’envahissement du plastique dans le centre-ville de Bamako où il travaille avec des danseurs sourds: selon lui, Paris et les pays européens font encore plus de déchets… qu’ils envoient dans les pays pauvres pour être recyclés. «Au Mali, dit-il, le plastique vole dans le vent. Le plastique nous tue.»

Cette immersion gracieuse des corps dans les couleurs pour le plus grand plaisir des yeux, amène les enfants, au terme de ce spectacle ludique, à prendre conscience du problème écologique. La bibliothèque Saint-Eloi est un partenaire idéal pour ce spectacle: elle développe des activités pour sourds et malentendants, comme des ateliers de tango bilingues. Et, le 13 mai, elle propose une journée sur l’avenir de notre planète et la transition écologique, avec une performance littéraire bilingue L.S.F. et français, des spectacles, un film…

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 29 mars, à la Bibliothèque Saint-Eloi, 23 rue du colonel Rozanoff, Paris (XII ème).

15 juin Atelier de Paris, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de Manœuvre. Métro : Château de Vincennes + navette gratuite. T. 01 41 74 17 07.

Livres et revues Art, culture et management, Arts en entreprise et spécificités de l’économie culturelle s

Livres et revues

Art, culture et management, Arts en entreprise et spécificités de l’économie culturelle sous la direction de Jean-Michel Huet et Christelle Vandrille

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C’est une bien vieille histoire que les relations entre l’entreprise, les banques (en gros: l’argent) et les artistes. Déjà à Rome, un certain Caius Maecenas, homme politique proche de l’empereur Auguste, est resté célèbre pour avoir consacré sa fortune à promouvoir les arts et les lettres. Et les mots: mécènes et mécénat sont couramment employés… Cela fait même maintenant plus chic, que l’anglicisme et très laid « sponsor ».

Ce livre édité par Pearson à Londres, supervisé par Jean-Michel Huet et Christelle Vandrille a été écrit (en français) par un collectif de diplômés et enseignants de la Neoma Bussiness School. Et remarquablement préfacé par un des membres du syndicat national des cabarets et music-halls, Jean-Victor Clerico, directeur général du Moulin-Rouge à Paris, une des entreprises culturelles privées importante, avec 450 collaborateurs. Sous-titré «arts en entreprise et spécificités de l’économie culturelle», ce gros ouvrage fait le point sur la convergence entre arts et sciences de gestion.

De plus en plus en effet, qu’on le veuille ou non, les musées, les grands ou petits théâtres, les Maisons de la Culture, les festivals, les fondations, les salles de spectacle appartenant à l’Etat, aux Communes ou aux collectivités territoriales mais aussi et/ou, au domaine privé,doivent être gérées au mieux. Comme le rappelle Jean-Victor Clerico: « Au delà de la mission qu’on leur a confiée, elle restent des entreprises. Elles doivent être organisées, afin de pouvoir assurer leur pérennité, tout en s’accordant avec leurs publics, leurs artistes, leurs mécènes ou toutes autres partie prenantes usuelles . »
Mais on ne dirige pas une entreprise culturelle comme une autre: il faut à la fois que  les techniciens et le personnel administratif, et d’un autre côté, les metteurs en scène et artistes bénéficient d’une gestion efficace et saine… sans que cela entrave la création.Parois la quadrature du cercle. Un metteur en scène comme Jérôme Savary qui a dirigé douze ans le Théâtre National de Chaillot et que certains prenaient pour un bateleur, donnait souvent un coup d’œil sur l’ordinateur où s’affichait le nombre de places vendues et d’invitations et, au besoin, rectifiait le tir…
Art, culture et management participe d’une réflexion à l’heure où l’Etat se désengage souvent et où des banquiers (mais souvent loin du pire) investissent dans le théâtre et le spectacle en général. Il y a eu ces dernières années, une évolution possible d’un monde où l’art et la culture pourraient sinon se marier, du moins se pacser…
Le livre est d’abord axé sur  cette double influence dans les entreprises. Avec le développement de la curiosité comme levier du processus créatif, avec l’improvisation théâtrale ou la scénothérapie (sic) à base de scènes choisies comme support d’innovation mais aussi pour développer une meilleure oralité… Et depuis longtemps, nombre d’acteurs gagnent (un peu) leur vie en enseignant l’éloquence à des avocats, chefs d’entreprise, etc. Ou encore certaines entreprises avouent acheter des peintures et sculptures dans un but fonctionnel: favoriser la production et la rentabilité de la boîte, «en rendant l’environnement plus stimulant sur le lieu de travail et avec un «impact psychologique », en « boostant la créativité et la performance », «l’émulation des équipes»… Tous aux abris ! Mais cela sert aussi, comme dans les grosses banques, à mettre en confiance la clientèle. Sur l’air de : « nous sommes des gens bien, et nous avons un intérêt commun avec vous pour les arts, donc nous sommes du même monde ». Pas besoin d’avoir lu Karl Marx pour comprendre que les ficelles sont un peu grosses. Mais comme les artistes ont besoin de vendre leurs œuvres…

Dans une seconde partie, sont examinées, de façon plus intéressante et sans doute plus rigoureuse, les particularités de plusieurs secteurs de la culture. Avec entre autres, un chapitre consacré à l’économie du livre où cela ne se sait pas toujours mais certains éditeurs «fabriquent» une littérature sur le développement personnel qui vulgarise la philo et la psychologie, voire la poésie pour les classes moyennes.
Il y a aussi un chapitre consacré à la structuration juridique et fiscale des activités culturelles. Technique mais très clair, il est fortement recommandé aux directeurs ou futurs directeurs de lieux de culture. Surtout à un moment où les plate-formes envahissent ce qu’i faut bien appeler un marché, moment mal vécu par par toute l’industrie du cinéma… On ne peut tout détailler mais ce livre donne un bon éclairage sur l’économie de nombre d’activités culturelles : cinéma, théâtre, musique, danse. Même si on regrette que les exemples soient choisis dans un monde culturel un peu académique. Nous aurions aimé que ce collectif d’auteurs examine d’un peu plus près tout un travail marginal en dehors des institutions, celui qui prépare la culture de demain.

Mais bon, cette réflexion générale, dont la lecture est parfois ardue, en lien étroit avec  une récente actualité artistique, et sur les liens entre le monde de la culture et l’économie, pour ne pas dire la finance, est vraiment la bienvenue. Après tout, rares sont les ouvrages récents qui en traitent correctement… Rappelons L’Economie de la culture de Françoise Benhamou, un ouvrage de référence mais édité en 2017, où l’auteure avait fait une analyse économique du spectacle, des industries et marchés culturels. Depuis la pandémie de covid, les cartes ont été rebattues mais s’il y a des salles de théâtre pas très pleines, surtout les petites, les créations des grands théâtres subventionnés attirent de nouveau le public enfin surtout celui de  cinquante ans et plus, vu un prix des places  en nette augmentation…
Comme si ce public avait les mêmes réflexes que sur les marchés de produits frais: prêt à payer assez cher, entre autres, pour voir en direct et non sur un écran, un grand spectacle de théâtre, d’opéra ou de cabaret. Mais il est réticent quand il lui faut prendre un risque. Bref, tout se passe comme s’il exigeait une garantie de qualité… Sauf quand le spectacle est gratuit comme avec le théâtre dit « de rue » dans de grands festivals comme Chalon, Aurillac, ou petits festival comme Marcolès ( Cantal).
Les créateurs de spectacle dit vivant, finiront-ils par mieux utiliser les nouvelles technologies et les outils numériques? Depuis quelque cinq ans, cela a bouleversé l’offre culturelle mais avec des résultats souvent très décevants. Il y a aussi un variable d’ajustement: le coût exponentiel de ces nouvelles technologies!  Et cela se voit tous les soirs quand on va au spectacle… où le meilleur côtoie le pire.

Philippe du Vignal

Editions Pearson. 28 €.

Mauvaises filles ! de Sonia Chiambretto, conception, adaptation et mise en scène de Sandrine Lanno

Mauvaises filles ! de Sonia Chiambretto, conception, adaptation et mise en scène de Sandrine Lanno

Avec quelles menottes faut-il les tenir, avec quelles pincettes, faut-il les prendre, ces filles dangereuses, ou en danger? Au milieu du XX ème siècle, la République laïque les confiait encore aux religieuses du Bon Pasteur. Une pièce à mettre au dossier du catholicisme, pilier d’un patriarcat dominant et sans complexes. Mais enfin, ces filles, ces gamines, ces adolescentes, il faut les protéger et s’en protéger. Et aujourd’hui, elles sont placées en centre éducatif fermé pour mineures. Sandrine Lanno travaille dans des ateliers avec des femmes incarcérées pour longues peines.  Photo, théâtre, écriture, quelle que soit la forme de leurs témoignages, une constante: pour elles, tout a basculé à l’adolescence… Et s’il y a une chose qu’on ne supporte pas surtout à cet âge : la contrainte, l’entrave.

 

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Sandrine Lanno a placé côté jardin, une cage grillagée figurant les cellules où sont placées ces jeunes filles. Leur rêve: «vivre leur vie, au jour le jour, tranquillement ». ce qu’on peut trouver surtout la nuit mais tout, sauf tranquille. Elles ont une revendication: qu’on les laisse à leur vie à elles, libres.
Sandrine Lanno a offert à Sonia Chiambretto une thématique: qui étaient ces adolescentes révoltées dont on ne parle souvent que par le biais de l’Histoire ? La loi de 1850 avait instauré des établissements où elles étaient enfermées.

Ici, pas de folklore misérabiliste et l’exploitation indigne de ces «filles perdues» n’est plus à l’ordre du jour, depuis que les centres éducatifs ont été chargés de leur réinsertion. L’autrice a monté un ensemble de témoignages, récits, observations… qu’elle a traités du point de vue des jeunes filles.
Lola Blanchard, Évelyne Didi et Paola Valentin jouent notamment, comme le précise le générique : Kaïna, Annette et Billie. Mais elles sont aussi les gardiennes, les diverses autorités rencontrées, les amies, éducatrices, ou éducateurs: un homme au pensionnat! Comment ne pas rêver, pourvu qu’il soit bienveillant !

Ces jeunes actrices juste sorties des Ecoles de théâtre  sont impeccables, comme l’est Evelyne Didi, elle au parcours de haut vol et qu’on ne présente plus. Un beau choc théâtral, quand elle dit :«J’ai seize ans.» On l’entend, on la croit. Annette représente, parmi d’autres, une des filles du Bon Pasteur, au milieu du siècle dernier. Au théâtre, tout est possible et quand une comédienne dit :«J’ai seize ans. », elle les a vraiment, pour peu qu’elle joue, comme ici, avec conviction.
Lola Blanchard et Paola Valentin figurent avec une parfaite justesse, les jeunes délinquantes d’aujourd’hui. Pour quel délit, se trouvent-elles ici ? Ce n’est pas le sujet. Les trois  comédiennes jouent à parts égales. Cela fonctionne bien… et moins bien: une thématique commune est présente mais la différence de génération n’est pas jouée: dommage! Effet simple: le public croit que les maisons pour filles ont été, et sont toujours, les mêmes. Vrai pour l’insupportable incarcération mais, pas forcément, pour les autres aspects de leur vie et le sens de cette institution.
Les temps changent, même si rien ne change. L’autrice, en ne faisant pas place à l’Histoire, évite la contradiction mais n’avance pas, n’approfondit pas. On se dit que c’est intéressant et bien interprété mais que… À l‘actif de Mauvaises filles!: le public adolescent se reconnaît dans ce miroir tendu. C’est indiscutable et déjà beaucoup.

Christine Friedel

Jusqu’au 2 avril, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème). T. : 01 44 95 98 21

Ce spectacle a eu pour point de départ la lecture par Sandrine Lanno Vagabondes, Voleuses, vicieuses: adolescentes sous contrôle, de la Libération, à la libération sexuelle de Véronique Blanchard, publié chez Les Pérégrines Éditions (2019).

Le texte (augmenté) de Sonia Chiambretto est publié, sous le titre: Peines mineures chez L’Arche éditions.

Premier Amour de Samuel Beckett, réalisation de Dominique Valadié et Alain Françon

Premier Amour de Samuel Beckett, réalisation de Dominique Valadié et Alain Françon

Une nouvelle écrite en 1946 et publiée seulement en 70. Elle avait été mise en scène par Jean-Michel Meyer  en 99 avec Jean-Quentin Châtelain puid reprise, et en 2009 par  Sami Frey qui  l’interprétait aussi. (voir pour ces créations Le Théâtre du Blog). Ce sont, racontées à la première personne, les errances d’un homme qui, après le décès de son père, est obligé de trouver un autre logement. Devenu marginal, il se nourrit  de distributions de repas. Et le soir, il s’allonge sur un banc, loin de tous. Personne ne vient le déranger, jusqu’au jour où une femme s’assoit près de lui sur ce banc. Il ira vivre dans sa maison à elle une liaison difficile: il ne sort jamais de sa chambre et exige qu’elle le laisse tranquille et qu’elle lui apporte de quoi se nourrir. «Elle ne semblait ni jeune ni vieille, sa figure, elle était comme suspendue entre la fraîcheur et le flétrissement».

Il comprend vite que Lulu gagne sa vie en se prostituant. Est-il amoureux? Non sans aucun doute mais sexuellement attiré, quand il entre chez elle: «Elle se mit à se déshabiller. Quand elles ne savent plus quoi faire, elles se déshabillent, et c’est sans doute ce qu’elles ont de mieux à faire. Elle enleva tout, avec une lenteur à agacer un éléphant, sauf les bas destinés sans doute à porter au comble mon excitation. C’est alors que je vis qu’elle louchait.» (…) « Ce qui fait le charme de notre pays, à part bien entendu qu’il est peu people, malgré l’impossibilité de s’y procurer le moindre préservatif, c’est que tout y est à l’abandon sauf les vieilles selles de l’Histoire.” (…) « Le nom de Lulu sur une vieille bouse de vache» ou à propos du public: «Des couillons comme vous.» On redécouvre avec plaisir le cynisme sur fond métaphysique des personnages beckettiens: » Tout s’embrouille dans ma tête, cimetières et noces et les différentes sortes de selles. »

« J’ai découvert tard dans ma vie, disait Sami Frey, à quel point les écrits de Samuel Beckett me touchaient. A quel point, la profonde humanité de ses personnages, le rythme de ses phrases, la musicalité de son français, son humour terrible, sa poésie, m’étaient proches sans effort. Il fait avec ce qu’il est bien obligé, malgré lui, de nommer amour, un récit d’une pathétique drôlerie, d’une naïveté et d’un égoïsme rafraîchissant. »

©J.L. Fernandez

©J.L. Fernandez

Il y a dans Premier amour un merveilleux mais difficile terrain de jeu pour un acteur ou une actrice. Avec ce texte souvent des plus crus, où ce pauvre homme, en proie à ses démons intérieurs est fasciné de voir qu’il dépend autant de son corps: “Savez-vous où sont les cabinets, dit-elle. Elle avait raison, je n’y pensais plus. Se soulager dans son lit, cela fait plaisir sur le moment, mais après on est incommodé.” (…) « Mais à vingt-cinq ans il bande encore, l’homme moderne, physiquement aussi, de temps en temps, c’est le lot de chacun, moi-même, je n’y coupais pas, si on peut appeler cela bander.”

Jusque là, l’adaptation de cette nouvelle avait été interprétée par un acteur mais cette fois, sur l’étroit plateau de la Piccola Scala, une salle pas très facile avec gradins en demi-cercle pour le public, par la grande Dominique Valadié. Elle va, en costume noir d’homme strict et triste, reprendre ce célèbre texte. Sur l’étroit plateau, une curieuse petite chaise, une valise à roulettes et, étendus au sol, un chapeau melon, un costume d’homme et une paire de vieux godillots. En cinquante minutes, la messe est dite.
Le grand écrivain avait écrit
Premier Amour, dit Alain Françon, non sans une ironie mordante. Et ceux qui viendront écouter le texte dans l’attente de découvrir les balbutiements émus et romantiques d’un jeune homme imberbe ne trouveront rien de tel. Ce premier amour déchante, désenchante, « ce qu’on appelle l’amour, c’est l’exil, avec de temps en temps une carte postale du pays ». Alors, reste le mot d’esprit pour évoquer la catastrophe attendue de la nuit d’amour.. « L’amour vous rend mauvais, c’est un fait certain. »

Dominique Valadié sait de sa voix inimitable, rendre le dérisoire et le comique mais aussi la solitude, le désespoir et l’absurdité de toute vie humaine comme le grand dramaturge a su l’exprimer. Avec parfois une certaine distance tout à fait appréciable…
Mais interpréter ce texte relève de la performance. Et les hésitations et approximations en ce soir de première étaient bien compréhensibles malgré l’aide de prompteurs (un peu trop voyants!); depuis, elles se sont sûrement dissipées. Nous avions préféré l’interprétation de Jean-Quentin Châtelain et de Samy Frey, mais c’est une bonne occasion d’entendre cette nouvelle de Samuel Beckett et le public a longuement applaudi Dominique Valadié. Dans la grande salle de la Scala, ne ratez surtout pas le remarquable
En attendant Godot dans la mise en scène d’Alain Françon.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 29 avril, La Scala, 13 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème). T. : 01 40 03 44 30.
Une journée de dialogues avec Alain Françon aura lieu  mardi 11 avril de 9 h à 18 h. Entrée libre sur réservation.

Intérieur nuit, réalisation de Kayije Kagame et Hugo Radi /Intérieur vie, conception et écriture de Kayije Kagame

Intérieur nuit, réalisation de Kayije Kagame et Hugo Radi/Intérieur vie conception et écriture, jeu de Kayije Kagame

  «Il s’agit, dit la réalisatrice, de dialogues de mises en scène entre le cinéma et le théâtre, entre les images d’un film et leur commentaire sur scène, entre la présence incarnée d’une actrice et celles gravées sur pellicule.» Dans Intérieur nuit, avec  Gaël Kamilindi de la Comédie-Française et Victor Hugo de la Torre, Kayije Kagame nous emmène la nuit d’abord sur la scène vide sur la salle Richelieu aux fauteuils de velours rouge avec le rideau de fer tombant doucement. Un moment toujours émouvant pour les gens de théâtre après la représentation, comme les aimait le grand Michel Robin qui en parlait avec tendresse et gourmandise.  Et ensuite le fils nous emmène dans les couloirs et le salon où attendent les acteurs avant d’entrer en scène. L’un d’eux  répète son texte dans une loge. On voit aussi les ateliers de couture vides avec ses seuls mannequins. Des images réussies, qui font toujours plaisir mais pas très originales…

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Puis toujours la nuit, d’autre images, impressionnantes: celle de couloirs vides et glacés du Muséum d’Histoire naturelle. « Avec ceux qui apparaissent qui vivent dans les marges de la visibilité, aux marges des expositions et des représentations, entre la nuit qui s’achève et le petit matin. » Enfin comme cela ne dure que vingt minutes, cela n’est pas désagréable à voir non plus, même si Kayije Kagame semble hésiter entre documentaire et création d’images esthétisantes… Ensuite quatre accessoiristes descendent des gradins et vont enlever le tissu de l’écran, le replier avec précision, en démonter le cadre, puis ranger le tout dans une grande valise roulante. Ils font simplement leur travail mais avec maîtrise et efficacité. Un autre beau moment…

Oui, mais voilà cela se gâte très vite! En pantalon d’une rare laideur et en haut rouge, seule sur ce grand plateau, Kayije Kagame, qui a pourtant une belle présence, va analyser de façon  prétentieuse et commenter ce que nous venons de voir. Mais, comme elle est statique, très tendue, et de plus affligée d’un micro H.F., et qu’elle parle trop vite, ce qu’elle dit nous parvient très mal! Et la chose en question dure quarante minutes…guère passionnantes et c’est un euphémisme.
Cet Intérieur nuit/Intérieur vie qui se ballade entre court métrage et performance, n’arrivait pas à fonctionner, du moins ce soir-là.  On va nous dire que la veille, la première avait été annulée pour cause de grève… Oui, mais au théâtre, il n’y a jamais d’excuses, comme le dit notre amie Christine Friedel! Ou le spectacle est prêt à être représenté, ou pas… Bref, le compte n’y était pas du tout et ce spectacle bi-face demanderait à être sérieusement retravaillé, avec, au départ un texte plus rigoureux et une véritable direction de l’actrice. Donc, à suivre…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 23 mars au T2 G, 41 avenue des Grésillons, Gennevilliers (Hauts-de-Seine). Jusqu’au 3 avril. T. : 01 41 32 26 10.

Othello de William Shakespeare, traduction de Jean-Michel Déprats, mise en scène de Jean-François Sivadier

Othello de William Shakespeare, traduction de Jean-Michel Déprats, mise en scène de Jean-François Sivadier 

Cela se passe d’abord à Venise: Iago, fidèle entre les fidèles, s’est vu refuser une promotion par Othello, et Roderiguo, un jeune noble amoureux de la jeune Desdémone qui l’a repoussé, le détestent ce général maure . ils apprennent qu’elle vit avec Othello à Brabantio, son père, un sénateur qui considère cet  étranger comme un remarquable officier,  mais vu sa couleur de peau, pas comme  gendre! Une vieille histoire d’identification, hélas encore actuelle… Il l’accuse Othello d’avoir séduit sa fille et le général maure avoue s’être marié en secret avec elle… qui le confirme. Bref, à Venise la sérénissime, il y a du règlement de comptes dans l’air, sur fond de racisme et de vengeance personnelle. Othello est convoqué chez le Doge: des navires ottomans menacent Chypre et il doit vite partir avec sa femme défendre l’île.

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Renversement de situation: une violente tempête a détruit ces navires. A Chypre, Iago va faire boire Cassio et envoie Roderigo le provoquer. Cassio blesse alors accidentellement Montano,gouverneur de Chypre et Othello va donc le dégrader. Iago conseille à Cassio de se rapprocher de Desdémone pour obtenir la grâce d’Othello. Mais Iago fait tout pour qu’il ait des soupçons et il en aura quand  Desdémone lui parlera en faveur de Cassio. Iago continuer à insinuer une possible liaison: Cassio a donné après l’avoir trouvé, à Bianca, sa femme, un mouchoir dont Othello avait fait cadeau à Desdémone.
Iago le récupère grâce à Emilia, l’épouse de Iago et dit à Othello qu’il l’a vu en possession de Cassio. Othello, de plus en plus soupçonneux, demande à Desdémone de lui montrer ce mouchoir, ce qu’elle ne peut faire. Il demande alors à Iago de tuer Cassio, et de plus en plus jaloux, veut empoisonner Desdémone. 

 

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Le général est rappelé à Venise et Cassio lui succède comme gouverneur de Chypre. Roderigo croit avoir été manipulé par Iago qui le persuade de tuer Cassio pour obtenir Desdémone; elle avoue à Emilia qu’elle a peur d’être tuée. Cassio est blessé par Iago qui va tuer Roderigo pour qu’il ne le dénonce pas… ( Vous suivez  toujours?)
Othello pense que Cassio est
mort et veut tuer Desdémone mais hésite encore. Elle réfute ses accusations mais Othello l’étrangle et dit à Emilia qu’il l’a tuée, parce qu’elle l’avait trompé: sans autre preuve que le simple mouchoir.
Iago, dit Emilia, est responsable de tout. Iago, 
lui donne un coup d’épée et s’enfuit mais est fait prisonnier. Cassio, sur un brancard, avoue le complot. Othello se suicidera près du corps de Desdémone et Cassio, nouveau gouverneur de Chypre, fera exécuter Iago.

Une tragédie compliquée et sans doute pas la meilleure du grand dramaturge mais où il y a des fulgurances étonnantes. Cela fait déjà plus d’un siècle qu’Othello a été souvent adapté au cinéma. Au théâtre, la pièce n’est pas si souvent jouée il y eut de nombreux Othello dont un Sénégalais, Ira Aldridge à Londres en 1825 ! « Une pièce cruelle dit Jean-François Sivadier où Shakespeare s’amuse et nous amuse. Si la pièce n’est pas jouée de façon drôle, elle perd en cruauté et inversement. Une histoire d’autant plus terrible qu’elle est souvent risible. Où chaque acteur peut jouir du « ridicule possible de sa marionnette ». Shakespeare n’alterne pas les scènes sérieuses avec les scènes de comédie. Il insinue la comédie au sein même de la «tragédie». Othello, comme tous, humains trop humains, grandioses ou complètement idiots. Grâce à une extraordinaire poétique de la porosité entre les genres, ravivant des métaphores éculées et des dictons antiques, Shakespeare fait naître une contiguïté insolite entre des émotions contraires. »

La salle reste légèrement éclairée et sur le plateau noir à jardin et à cour, de grands châssis suspendus avec barres fluo blanches qui seront  allumées dans le seconde partie. En fond de scène, des tissus en plastique transparent avec derrière des lanternes aux lumières jaunâtres.
Au début, Adama Diop, acteur confirmé, originaire du Sénégal et qu’on avait vu notamment dans 
Macbeth, mise en scène de Stéphane Braunschweig ( voir Le Théâtre du Blog) joue Othello et initie Desdémone (Émilie Lehuraux à quelques mots de wolof, langue majoritaire au Sénégal dont mbëggeel : amour. Pourquoi pas? Et il s’adresse au public. Bon, allons-y pour le farcesque, d’autant plus qu‘Adama Diop est virtuose en la matière.

Lui et Nicolas Bouchaud (Iago) forment un duo de formidables acteurs, même si le premier a tendance à occuper le plateau, d’où un certain déséquilibre. Quant aux autres personnages, même joués par Cyril Bothorel, Stéphane Butel, Gulliver Hecq, Jisca Kalvanda -tous bons comédiens- ils tout se passe comme s’ils semblaient avoir été priés de rester dans l’ombre. Ce qui, du coup, efface la dimension politique de la pièce. Emilie Lehuraux joue à la fois Desdémone et Bianca, mais s’impose avec difficulté…
Cette mise en scène ne manque ni de savoir-faire ni d’intelligence, mais quelque chose fonctionne mal. Pourtant Jean-François Sivadier met bien en valeur le texte surtout au début où il y des phrases étonnantes: «Nos corps sont nos jardins mais nos volontés sont nos jardini
ers. Plus puissantes que les règles d’obéissance en vigueur, elles peuvent renverser les usages, la bienséance et l’honneur. (…) Mais nous avons la raison pour refroidir nos furieux désirs, nos picotements charnels, notre luxure sans frein, d’où je conclus que ce que vous appelez amour, n’est qu’une bouture ou une pousse. » (…) «Le cœur est la plus grande armée de l’univers.»

Mais le metteur en scène ne réussit pas vraiment à passer d’un certain burlesque, à cette tragédie de la jalousie et au carnage qui suivra, à cause d’un mouchoir volé. Comme il s’était moins intéressé à la fin et avait privilégié les scènes de jalousie maladive d’Othello et la soif de vengeance de Iago, en négligeant la dimension politique de la pièce. On préfère oublier les petits mais inutiles arrangements anecdotiques et un peu racoleurs de cette pièce déjà longue. Pour le rendre plus accessible? Et il aurait pu nous épargner des stéréotypes qui ne sont pas dignes de lui. Comme au début, les adresses d’Othello au public, les incursions des acteurs dans la salle où Othello dit à Iago de parler plus fort ! Ou cette scénographie (pas très réussie) avec de grands cadres vides pivotants suspendu,un plateau nu,  choix fréquent chez le metteur en scène mais ici peu convaincant, comme ces voix parfois amplifiées et en écho, table de camping, un peu de fumigène, des chansons de Queen et Dalida, des lumières stroboscopiques. Bref, des stéréotypes vus partout… Pour faire actuel? Mais ici comme ailleurs, cela ne sert en rien le texte.
Cela dit, la lecture qu’en fait Jean-François Sivadier reste intéressante mais nous avons l’impression qu’il se fait souvent plaisir en focalisant sa mise en scène sur les seuls personnages de Iago surtout, et d’Othello. Et qu’il reste un peu loin du tragique de cette pièce difficile. Elle a ici, même avec un entracte, une longueur inhabituelle: trois heures trente… Comme nous, les spectateurs étaient partagés (certains avaient déclaré forfait!). Reste la remarquable présence et le jeu très subtil d’Adama Diop comme de Nicolas Bouchaud à l’ironie et aux ruptures de ton exemplaires. Une grande leçon d’interprétation. A vous de choisir… 

Philippe du Vignal

Jusqu’au 22 avril, Odéon-Théâtre de l’Europe, Place de l’Odéon, Paris (VI ème).

Du 26 au 28 avril, MC2: Grenoble (Isère).

Du 4 au 6 mai,  Châteauvallon-Liberté, Scène nationale de Toulon; du 10 au 13 mai, Théâtre de la Cité, Centre Dramatique National de Toulouse-Occitanie (Haute-Garonne).
Les 24 et 25 mai, L’Azimut-Antony, Châtenay-Malabry (Hauts-de Seine)

 

Bravo, Pinocchio n’est pas près de revoir Charlie les Esgourdes

Bravo, Pinocchio n’est pas près de revoir Charlie les Esgourdes

« Ce devait être un honneur, c’est devenu une débâcle. En annulant la visite du monarque britannique, le président concède une défaite, face à la rue et aux syndicats », dit le journal suisse Vingt-quatre heures!

E85338D0-0362-4CA6-B143-3B45FB6226F4Et Médiapart aujourd’hui en remet une couche et ne mâche pas ses mots: « Pour Élisabeth Borne, l’issue de la séquence sonne comme un terrible désaveu. En première ligne, l’ancienne ministre du travail avait obtenu du président de la République des amendements sur la forme, le calendrier et les modalités, seule façon, à l’entendre, d’obtenir une majorité parlementaire. Elle restera l’emblème de cet échec et on peine à voir comment elle pourrait se maintenir à Matignon. (…)
Le naufrage du pouvoir dépasse toutefois, et largement, le seul cas de la première ministre. S’il s’est habilement retranché derrière elle depuis deux mois, Emmanuel Macron est le premier artisan de cette déroute et son premier comptable. «S’ils cherchent un responsable, dites-leur: vous l’avez devant vous, fanfaronnait-il au moment de l’affaire Benalla. Qu’ils viennent le chercher!» Et aujourd’hui, qu’en dirait-il? Ce 16 mars 2023 raconte à lui seul l’impéritie de son pouvoir, l’inconséquence de sa conduite et les vices de sa gouvernance. Dans son désir de décaler l’âge de départ à la retraite, le président de la République s’est mis à dos tout ce que la démocratie compte de pôles de vitalité, des syndicats au Parlement, en passant par la société mobilisée, dont plusieurs millions de protagonistes sont allés exprimer dans la rue leur mécontentement.

De tout cela, il n’a fait que des péripéties sur sa route politique. Il a pensé pouvoir tout enjamber, tout contourner, tout balayer. La réalité démocratique a fini par les rattraper, lui et ses soutiens (…). »

Nicolas Villodre

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