Soif, d’après le roman d’Amélie Nothomb, adaptation et mise en scène de Catherine d’At

©xL’écrivaine bien connue imagine ici les pensées que rumine Jésus seul en prison, après que les Romains l’aient condamné à être crucifié, donc humilié avec deux criminels. Et la metteuse en scène avoue avoir eu un coup de cœur pour ce texte et envie de l’adapter au théâtre.
Après un séjour en prison, le fils de Dieu a été flagellé et on lui a enfoncé sur la tête un couronne d’épines qui va lui déchirer le visage et il devra ensuite marcher jusqu’au mont Golgotha en portant une croix plus grande que lui sur laquelle il sera crucifié. Aidé par Simon de Cyrène qui vient à son secours sans rien demander et par Véronique qui lui donna son voile pour essuyer son front. Jésus le lui rendit avec l’image de son visage qui s’y était miraculeusement imprimée. Bref, un récit biblique qui a inspiré bien des peintres et sculpteurs, notamment Jean Fouquet.
Et le Christ – il n’a que cela à faire!- nous offre des méditations sur l’amour, toujours suspect, de soi-même et sur le genre humain. Et blabalabla, Jésus parle bavarde jusqu’à plus… soif.  Et tiens, justement, ce Christ nous raconte qu’il a très soif et qu’il est bien content qu’un gentil soldat romain ait reçu l’autorisation de son chef de lui passer sur la bouche, une éponge pleine d’eau vinaigrée brandie au bout d’une lance. Ses dernières paroles sont à la fois teintées de philosophie et d’humour: un exemple à suivre, semble nous dire ce Christ revu et corrigé par Amélie Nothomb qui a dû être bien contente de voir mise en scène cette fable écrite dans un style provocateur un peu facile.
Les Chrétiens n’y trouveront sûrement pas leur compte et les autres, pas sûr non plus. « La rédemption des péchés passés mais encore des péchés à venir se demande le Christ.. Il est dans la nature d’avoir des conséquences. J’ai l’affection pour l’homme que je suis.. Et en parlant de Marie-Madeleine : je suis tombé amoureux dès que je la vis. Mais aussi : « Si tu es fils de Dieu, alors demande à ton père de tirer de là, dit un des crucifiés. Amélie Nothomb s’amuse, n’y va pas avec le dos de la cuiller et surfe sans arrêt entre le premier et le second degré.
Parfois même, le Christ se met à parler sérieusement et alors, bien entendu, ce méli-mélo philosophique sonne faux : «En vérité je vous le dis : quand vous ressentez quand vous crevez de soif, cultivez-le. Ce n’en est pas la métaphore. Quand on cesse d’avoir faim, cela s’appelle la satiété. Quand on cesse d’être fatigué, cela s’appelle repos. Quand on cesse de souffrir, cela s’appelle réconfort. Cesser d’avoir soif, cela ne s’appelle pas. » 

Bref, cette sorte de parodie-pochade, ne laissera pas un grand souvenir dans la littérature même si Catherine d’At pense qu’Amélie Nothomb nous donne un « texte vivant, incarné joyeux ». Et elle est tombée, dit-elle, sous le charme de sa plume. Mais Jésus-Christ qui raconte ici, entre autres, le célèbre miracle des noces de Cana, en a fait moins, deux mille ans après sa naissance, puisque ce petit livre de cent cinquante pages sélectionné pour le prix Goncourt 2019, ne l’a finalement pas obtenu !

Et ce spectacle ne comptera pas dans l’histoire du théâtre contemporain… Avec une mise en scène dont la direction d’acteurs reste approximative. Et Catherine d’At aurait pu nous épargner un petit mélange de musique classique et contemporaine, inodore et sans saveur. Et un micro H.F. qui, une fois de plus, ne sert strictement à rien, surtout dans une salle aussi petite. Comme ces visages du Christ représentés par de nombreux peintres (le dernier tableau est d’une rare laideur) qui se baladent par deux fois sur l’écran. Cela fait quand même bien des erreurs…
Nous avons échappé -au moins pour un soir- aux fumigènes mais pas à la vidéo. Mais avec cette fois, une création toute à fait intéressante: projetée sur le mur du fond, une ville représentée par des cubes et parallélépipèdes, une première fois vue à hauteur d’homme, puis de la colline du Golgotha. Et il y a, aussi un mur d’énormes pierres, celui de la prison où est enfermé Jésus. Mention spéciale donc à Sébastien Mizermont.
Et à Julien Bleitrach: diction et gestuelle exemplaires, jeu sensible et tout en nuances. Sans jamais en faire trop, une heure durant, il mouille vraiment son T-shirt et arrive à faire passer la drôlerie de ce texte et, du coup, nous oublions son côté souvent facile et racoleur dans la lignée de l’Antigone de Jean Anouilh. Cet acteur, maintenant expérimenté, devrait faire un tabac au prochain festival d’Avignon. Amélie Nothomb qui, depuis Hygiène de l’assassin, il y a déjà trente ans, publie un roman par an et a son public mais plutôt, comme ici ce soir-là, aux cheveux grisonnants ou blancs. Mais, comme disent les libraires, ses romans, c’est vendeur.
Alors à voir? Oui, si vous êtes un lecteur fanatique des écrits de madame Nothomb qui fait tout pour attirer la lumière sur elle et qui a dû apprécier que cette
Soif ait les honneurs de la scène. Et oui, si vous voulez découvrir un jeune acteur capable de vous emmener dans l’adaptation de ce petit délire… qui nous a laissé sur notre faim.
On pense à ce que l’artiste et écrivain iconoclaste Roland Topor dont cette salle porte le nom et qui travailla avec Jean-Michel Ribes pour
Palace et pour Jérôme Savary (Les Derniers jours de solitude de Robinson CrusoéLes Aventures de ZartanDe Moïse à Mao) aurait pu écrire sur un pareil thème.. Pour le reste, autant emporte le vent du Golgotha…

 Philippe du Vignal

 Jusqu’au 26 mars, Théâtre du Rond-Point , 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VII ème). T. : 01 44 95 98 21.
Théâtre de la Luna, festival d’Avignon, en juillet prochain.


Archive pour 11 mars, 2023

Soif, d’après le roman d’Amélie Nothomb, adaptation et mise en scène de Catherine d’At

©xL’écrivaine bien connue imagine ici les pensées que rumine Jésus seul en prison, après que les Romains l’aient condamné à être crucifié, donc humilié avec deux criminels. Et la metteuse en scène avoue avoir eu un coup de cœur pour ce texte et envie de l’adapter au théâtre.
Après un séjour en prison, le fils de Dieu a été flagellé et on lui a enfoncé sur la tête un couronne d’épines qui va lui déchirer le visage et il devra ensuite marcher jusqu’au mont Golgotha en portant une croix plus grande que lui sur laquelle il sera crucifié. Aidé par Simon de Cyrène qui vient à son secours sans rien demander et par Véronique qui lui donna son voile pour essuyer son front. Jésus le lui rendit avec l’image de son visage qui s’y était miraculeusement imprimée. Bref, un récit biblique qui a inspiré bien des peintres et sculpteurs, notamment Jean Fouquet.
Et le Christ – il n’a que cela à faire!- nous offre des méditations sur l’amour, toujours suspect, de soi-même et sur le genre humain. Et blabalabla, Jésus parle bavarde jusqu’à plus… soif.  Et tiens, justement, ce Christ nous raconte qu’il a très soif et qu’il est bien content qu’un gentil soldat romain ait reçu l’autorisation de son chef de lui passer sur la bouche, une éponge pleine d’eau vinaigrée brandie au bout d’une lance. Ses dernières paroles sont à la fois teintées de philosophie et d’humour: un exemple à suivre, semble nous dire ce Christ revu et corrigé par Amélie Nothomb qui a dû être bien contente de voir mise en scène cette fable écrite dans un style provocateur un peu facile.
Les Chrétiens n’y trouveront sûrement pas leur compte et les autres, pas sûr non plus. « La rédemption des péchés passés mais encore des péchés à venir se demande le Christ.. Il est dans la nature d’avoir des conséquences. J’ai l’affection pour l’homme que je suis.. Et en parlant de Marie-Madeleine : je suis tombé amoureux dès que je la vis. Mais aussi : « Si tu es fils de Dieu, alors demande à ton père de tirer de là, dit un des crucifiés. Amélie Nothomb s’amuse, n’y va pas avec le dos de la cuiller et surfe sans arrêt entre le premier et le second degré.
Parfois même, le Christ se met à parler sérieusement et alors, bien entendu, ce méli-mélo philosophique sonne faux : «En vérité je vous le dis : quand vous ressentez quand vous crevez de soif, cultivez-le. Ce n’en est pas la métaphore. Quand on cesse d’avoir faim, cela s’appelle la satiété. Quand on cesse d’être fatigué, cela s’appelle repos. Quand on cesse de souffrir, cela s’appelle réconfort. Cesser d’avoir soif, cela ne s’appelle pas. » 

Bref, cette sorte de parodie-pochade, ne laissera pas un grand souvenir dans la littérature même si Catherine d’At pense qu’Amélie Nothomb nous donne un « texte vivant, incarné joyeux ». Et elle est tombée, dit-elle, sous le charme de sa plume. Mais Jésus-Christ qui raconte ici, entre autres, le célèbre miracle des noces de Cana, en a fait moins, deux mille ans après sa naissance, puisque ce petit livre de cent cinquante pages sélectionné pour le prix Goncourt 2019, ne l’a finalement pas obtenu !

Et ce spectacle ne comptera pas dans l’histoire du théâtre contemporain… Avec une mise en scène dont la direction d’acteurs reste approximative. Et Catherine d’At aurait pu nous épargner un petit mélange de musique classique et contemporaine, inodore et sans saveur. Et un micro H.F. qui, une fois de plus, ne sert strictement à rien, surtout dans une salle aussi petite. Comme ces visages du Christ représentés par de nombreux peintres (le dernier tableau est d’une rare laideur) qui se baladent par deux fois sur l’écran. Cela fait quand même bien des erreurs…
Nous avons échappé -au moins pour un soir- aux fumigènes mais pas à la vidéo. Mais avec cette fois, une création toute à fait intéressante: projetée sur le mur du fond, une ville représentée par des cubes et parallélépipèdes, une première fois vue à hauteur d’homme, puis de la colline du Golgotha. Et il y a, aussi un mur d’énormes pierres, celui de la prison où est enfermé Jésus. Mention spéciale donc à Sébastien Mizermont.
Et à Julien Bleitrach: diction et gestuelle exemplaires, jeu sensible et tout en nuances. Sans jamais en faire trop, une heure durant, il mouille vraiment son T-shirt et arrive à faire passer la drôlerie de ce texte et, du coup, nous oublions son côté souvent facile et racoleur dans la lignée de l’Antigone de Jean Anouilh. Cet acteur, maintenant expérimenté, devrait faire un tabac au prochain festival d’Avignon. Amélie Nothomb qui, depuis Hygiène de l’assassin, il y a déjà trente ans, publie un roman par an et a son public mais plutôt, comme ici ce soir-là, aux cheveux grisonnants ou blancs. Mais, comme disent les libraires, ses romans, c’est vendeur.
Alors à voir? Oui, si vous êtes un lecteur fanatique des écrits de madame Nothomb qui fait tout pour attirer la lumière sur elle et qui a dû apprécier que cette
Soif ait les honneurs de la scène. Et oui, si vous voulez découvrir un jeune acteur capable de vous emmener dans l’adaptation de ce petit délire… qui nous a laissé sur notre faim.
On pense à ce que l’artiste et écrivain iconoclaste Roland Topor dont cette salle porte le nom et qui travailla avec Jean-Michel Ribes pour
Palace et pour Jérôme Savary (Les Derniers jours de solitude de Robinson CrusoéLes Aventures de ZartanDe Moïse à Mao) aurait pu écrire sur un pareil thème.. Pour le reste, autant emporte le vent du Golgotha…

 Philippe du Vignal

 Jusqu’au 26 mars, Théâtre du Rond-Point , 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VII ème). T. : 01 44 95 98 21.
Théâtre de la Luna, festival d’Avignon, en juillet prochain.

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