Petites histoires de la démesure, d’après Les Métamorphoses d’Ovide, texte et mise en scène de Géraldine Szajman
Petites histoires de la démesure, d’après Les Métamorphoses d’Ovide, texte et mise en scène de Géraldine Szajman
«Maintenant, je vais vous raconter des histoires.» dit Manon Combes. La triste histoire des rois, bien qu’on ne soit pas du côté de Shakespeare. Heureux comme un roi ? On devrait dire avide comme un roi, bête comme un roi, si l’on en croit les légendes moralistes et, mieux encore, philosophiques racontées par Ovide.
Erysichthon, roi de Thessalie, ordonne à ses serviteurs d’abattre le plus grand arbre de son domaine. Déjà écolos en ces temps légendaires, ils refusent et le roi porte lui-même la hache. Offense à Déméter, la Terre-Mère… Punition : la faim. Il pourra dévorer tous les produits de la terre mais il aura toujours faim.
Cela nous renvoie à quelque chose, aujourd’hui bien connue: la vanité (et le danger!) de la surconsommation. Variante : l’histoire du roi Midas. Pour avoir rendu un petit service à Dionysos, il a droit à un vœu : et si tout ce qu’il touchait, se changeait en or? On connaît la suite et sa détresse : il ne peut plus boire ni manger, ni serrer ceux qu’il aime dans ses bras…
La bonne idée de ce spectacle pour jeune et moins jeune public : il n’y a rien sur le petit plateau des Déchargeurs et l’actrice fait tout : l’arbre, le vent dans les branches, la déesse, la crainte des serviteurs, le fleuve Pactole, les Rois, les serviteurs, le récit… Le son est assuré en direct par un musicien et son synthétiseur, malheureusement avec une encombrante et lassante boîte à rythme.Trop de son martelé dans ce petit espace… Boudons aussi contre l’intrusion de quelques termes « jeunes » et superflus : «J’ai du taf pour toi », une mission, dit Déméter à la nymphe. Verdict évident: même les enfants de sept ans comprennent le mot mission. Les nombreux adaptateurs d’Ovide devraient se souvenir qu’il est poète, à jamais.
La comédienne, en salopette, mouille sa chemise et joue aussi l’hôtesse qui n’oublie jamais le public…Avec une fluidité une grâce qui ne faiblit jamais. Et grâce aux douces rondeurs de son corps, elle réinvente ici la poésie de la légende. Virtuose, sans aucun doute mais aussi généreuse et sincère.
Elle ne se regarde jamais jouer, ne cherche pas à faire joli mais est tout entière au service de son arbre, de son roi… et des enfants qu’on assied au premier rang. Cette histoire dure fait peur ? Oui, et c’est comme ça qu’il faut la raconter, sans complaisance, même si le public a quand même le droit de rire. Voilà un spectacle qui peut aller partout: écoles, bibliothèques, centre culturels… avec une actrice épatante.
Christine Friedel
Jusqu’au 28 mars, Théâtre Les Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs (Paris Ier). T. : 01 42 36 00 02.