Les Aveugles de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Clara Koskas

Les Aveugles de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Clara Koskas

©x

©x

Les visages lourdement maquillés de blanc, en robe noire sans âge, hommes et femmes posent sans regard comme pour une photo de famille Des aveugles abandonnés sur un rivage inconnu, tels que les a imaginés Maurice Maeterlinck. Ils ont perdu leur guide, n’entendent plus que le bruit de la mer, inquiétant, et plus tard, des pas incertains… Ils expriment leur angoisse, leur patience et leur attente sans horizon, plus forte que la peur. Sont-ils à l’image de la condition humaine ? Leur vie ne serait-elle que cette attente? En un lieu inconnu, leur cécité éloignée de l’hospice protecteur, leur fait tendre l’oreille et ils prennent en pitié les sourds : «Je plains celui qui n’entend pas. » Le disgracié se console avec le malheur d’autrui…

Cette jeune metteuse en scène a une ambition qui relève du défi: puisque le théâtre est un art total, osons tout. Elle s’est formée au théâtre mais aussi au cirque, à la marionnette… Pour ces Aveugles, elle fait référence à la tragédie antique et à la danse butô. Et le théâtre symboliste de Maeterlinck se prête à ce syncrétisme.
Les plaintes de chœurs de femmes empruntés à Eschyle, Sophocle et Euripide, touchent à l’universelle condition humaine et permettent à Clara Koscas de rapprocher Les Aveugles, de notre époque. Comme les chants, en russe et en grec qui ouvrent, dans un bel ensemble vocal, un espace à la fois hors du temps et concret. Le bruit de la mer et un percussionniste au toucher délicat évoquent discrètement une Méditerranée inquiétante et dévoreuse d’hommes.

La jeune metteuse en scène se mesure ici à un théâtre archaïque et tient  le défi haut la main. Elle organise l’image avec soin, en un tableau vivant et fantomatique et la fait évoluer insensiblement, avec une maîtrise parfaite. Rythme travaillé à chaque moment avec lenteurs et éclats soudains, images mouvantes d’une grande beauté , chœurs particulièrement réussis. Le jeu est contenu -elle pourra approfondir la direction d’acteurs individuelle- et le grand lyrisme de la naissance et de la mort est réservé à deux marionnettes : le bébé de la Folle  et le corps du Guide défunt, «plus grand que nous», inspirée par ce qu’elle a appris de Gordon Craig, et sans doute de Kleist.
Clara Koskas a visiblement butiné d’une formation à une autre mais en a partout recueilli le pollen grâce à sa curiosité et son travail. Faire jouer huit interprètes en toute harmonie et avec énergie sur cet étroit plateau, mérite d’être salué. Avec un tel appétit, elle peut se mesurer à d’autres grands textes, classiques ou contemporains.

Christine Friedel

Jusqu’au 28 mars, Théâtre des Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris (Ier). T. : 01 42 36 00 02.

Le 3 mai, Théâtre de la Chaudronnerie, La Ciotat (Bouches-du-Rhône).

Du 11 juin au 2 juillet, festival Départs d’Incendies, Théâtre du Soleil, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro : Château de Vincennes + navette.


Archive pour 21 mars, 2023

Pasión de Buena Vista

Pasión de Buena Vista

 Le spectacle car spectacle, il y a, avec l’ambiguïté du terme qui suppose une relative participation du public, une  attention, une tendance à la contemplation et, dans le meilleur des cas, comme ici, une invite à la danse, ou tout au moins à la station debout. Qui dit Cuba, dit révolution. Non pas réforme ou réformette, marche en avant, comme avant. Pasión de Buena Vista compose donc avec le passé et l’époque pré-castriste.
Le Buena Vista, le fameux club en banlieue de La Havane dans les années quarante, ferma en 59. D’où une certaine nostalgie, mais à l’écart des modes actuelles: rock, disco, voguing, techno… Et une réconciliation avec la part longtemps maudite d’artistes exilés à Miami.

©x

©x

Le spectacle commence par les standards ou scies musicales éternisés par les Roms dans le métro comme Besame mucho, Guantanamera  et autres Quizas, quizas et s’achève par un florilège ou  popurrit (pot-pourri, en espagnol). En rendant hommage à Celia Cruz , la star de la salsa, que nous eûmes la chance d’admirer au festival Jazz à Vienne, il y a déjà quelque temps.

Qui dit chute du Mur, dit: Allemagne mais Pologne aussi, avec un fameux pape que l’URSS essaya même d’éliminer) et dit aussi réunification, fin ou presque de la Guerre froide. Ce n’est pas un hasard si un cinéaste allemand, Wim Wenders, favorisa l’engouement planétaire pour cet orchestre de danses de salon, avec ses interprètes à la voix chevrotante, et parfois détonante… Ceux qui, au bon vieux temps, s’étaient illustrés au Buena Vista social club : Ibrahim Ferrer, Rubén Gonzáles, Compay Segundo…
Ce succès surprenant en amena d’autres et favorisa un papy-boom artistique qui a aussi contaminé la danse (voir les troupe seniors » Pina Bausch ou Jiří Kylián). Celle que nous avons vue au Casino de Paris, en tournée européenne, est formée par le Buena Vista Band ,avec un orchestre traditionnel des plus efficaces avec trois chanteurs et une chanteuse issus de plusieurs régions de Cuba,  et El Grupo de Bailar, avec deux couples de danseurs de La Havane.

Leurs versions des tubes déjà cités et d’autres comme Hasta Siempre Comandante, Chan Chan, orchestrés aux petits oignons par les musiciens, avec parfois changements de tempo bienvenus soulignés par les congas et cuivres parfaitement accordés. La première partie nous a totalement emballé. Après l’entracte, place à la fête : le public est sans cesse sollicité par le maître de cérémonie et les chanteurs, pour faire écho aux refrains ou pour accompagner gestuellement les chansons. On remarque donc les habitués des cours de danses sociales caribéennes, les férus de rumba, mambo, boléro, chachacha… Nous oublierons le kitsch des costumes traditionnels qui sont, en près d’un siècle, passées de l’agreste, à l’Auguste! Et nous ne chipoterons pas sur les approximations tonales du chant, puisque l’intensité les estompe sans problème. Et nous n’ergoterons pas sur l’usage de l’anglais qu’on aurait pu nous épargner : le castillan est de nos jours la langue la plus parlée chez les Yankees…
Bref, une excellente soirée, grâce à un groupe bon esprit et de grand talent.

 Nicolas Villodre

Jusqu’au 26 mars, Casino de Paris, 16 rue de Clichy, Paris (IX ème).  

En pleine France de Marion Aubert, mise en scène de Kheireddine Lardjam

En pleine France de Marion Aubert, mise en scène de Kheireddine Lardjam 

En toile de fond, un épisode de l’Histoire de France et de la colonisation. En 1958, un fait historique: en pleine guerre d’Algérie, onze joueurs de foot «musulmans d’Algérie» ont quitté leurs clubs de foot et vont former l’équipe du F.L.N. et lutter pour l’indépendance de leur pays. Une remarquable prise de conscience politique. En perspective, un match qui aura lieu en 2022 au stade de France et auquel vont assister les enfants et petits-enfants des onze joueurs de la première équipe de foot en Algérie.

©x

©x

Cela se passe d’abord dans les sous-sols d’un musée où sont rangés pour être examinés des crânes des victimes des conquêtes coloniales. Puis dans une cuisine, une chambre, etc. dans une scénographie à rideaux coulissants. La commande de cette pièce a été faite par le metteur en scène Kheireddine Lardjam à Marion Aubert pour le soixantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. Elle crée ici une sorte de double d’elle-même, avec une dramaturge (Marion Casabianca) qui veut écrire une pièce sur les relations entre Français et Algériens mais en France. Cette autrice, en couple avec un Français d’origine algérienne (Azeddine Bénamara) va écrire avec lui. Il souhaite évoquer le départ de l’équipe nationale de ces onze footballeurs. Donc si on a bien compris, nous allons assister à la création d’En pleine France.(du théâtre dans le théâtre, une grande nouveauté! que Marion Aubert aurait pu nous épargner…)

Vont intervenir ici, deux couples et d’autres personnages dont un grand-père, retraité de foot, un petit garçon… Dans une suite de longs monologues peu convaincants mais bien interprétés notamment par l’excellente Linda Chaïb et par Mohamed Rouabhi en joueur de l’équipe du FLN mais aussi par Marie-Cécile Ouakil, Marion Casabianca, Azeddine Bénamara, Élya Birman, Issam Rachyq-Ahrad, Pauline Vallé, Noé Lardjam.
Ces personnages, nés de parents algériens, apportent leur témoignage : ils ont toujours vécu en France et sont parfaitement intégrés. Ici vite dessinés des scènes très courtes comme souvent dans un film, écrites par Marion Aubert. Oui, mais voilà, la dramaturgie est aussi faiblarde que l’écriture des monologues et de quelques dialogues, et pas loin souvent d’un bavardage inconsistant. Comme cela dure deux heures quinze, on décroche vite !

Bon c’est parfois drôle, comme à la fin dans un car avec Linda Chaïb mais rien à faire, le compte n’y est pas et, malgré la solidité de l’interprétation et une bonne direction d’acteurs, cette pièce manque d’un vrai fil rouge et part un peu dans tous les sens. Et on voit mal comment elle pourrait être améliorée… Pourtant, le thème est riche : «La réflexion française contemporaine, dit avec raison le metteur en scène, ne sait plus comment parler de l’Autre, encore moins à l’Autre. Elle préfère, dans la bonne généalogie coloniale, parler à la place de l’autre, avec les résultats catastrophiques que l’on sait, comme lors du débat surréaliste sur les bienfaits de la colonisation ou lors des émeutes dans les banlieues.
J’ajouterai que notre spectacle travaille à déconstruire la prose coloniale, c’est-à-dire le montage mental, les représentations et formes symboliques ayant servi d’infrastructure au projet impérial. » (…) « Si cette équipe composée de binationaux (franco-algériens), dont l’entraîneur Djamel Belmadi, suscite un tel engouement, une telle fierté des deux côtés de la Méditerranée, c’est sans doute aussi parce qu’elle nous rappelle, à nous Français, à nous Algériens, à nous Franco-Algériens, et à tous ceux qui ont plusieurs nationalités, que la diversité n’est pas une tare, mais une richesse collective. »Bref, dans cette note d’intention, tout est dit, mais encore faudrait-il que l’écriture soit efficace! Ce qui, malheureusement, n’est pas le cas. Dommage…

 Philippe du Vignal

Le spectacle a été joué du 15 au 19 mars, au Théâtre des Quartiers d’Ivry-Centre dramatique National du Val-de-Marne.

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...