Le Mariage d’Abimanyu, théâtre d’ombres wayang kulit de Bali (surtitré en français)
Le Mariage d’Abimanyu, théâtre d’ombres wayang kulit de Bali (surtitré en français)
Dans le cadre d’un week-end balinais, la Philarmonie de Paris a accueilli ce théâtre traditionnel jouée dans tous les villages, le wayang kulit qui a été classé par l’UNESCO au patrimoine culturel mondial de l’humanité.
Dans Paysages Intérieurs (2013), le grand marionnettiste Philippe Genty raconte sa découverte du théâtre d’ombres en Inde il y a soixante ans : «Miracle! Dans le patio d’un temple entouré d’immenses banians, notre montreur d’ombres et ses aides mettent en place une grande toile blanche. À la tombée de la nuit, la forêt semble exhaler de ses frondaisons, des silhouettes d’hommes, femmes et enfants de tout âge. Ils se rassemblent face au drap tendu. Le montreur d’ombres et les musiciens s’installent derrière cet écran éclairé d’une lumière frissonnante, produite par la flamme d’une lampe à huile. Quelques accords de tabla introduisent la voix chantante du marionnettiste.
Rama nous invite à le suivre dans cette immense épopée du Ramayana. Cela a lieu toute une nuit et les nuits suivantes, en faisant appel aux esprits et aux divinités, aux démons des eaux, du ciel et de la forêt. Au tout début, un état lancinant, à la limite de la torpeur, nous gagne, d’autant plus que nous ne comprenons rien aux litanies du montreur, même si notre interprète nous traduit sommairement ses propos. Peu à peu, les tablas et les violons à trois cordes vibrent en nous. »
Mais nous sommes dans une immense salle de spectacle pour voir ce théâtre d’ombres wayang Kulit, un mode d’expression narrative existant sous diverses formes, animées ou inanimées, qui a pour vocation première, la diffusion d’un culture initiatique venue d’Inde. Il existe depuis 1000 ans en Indonésie et a ses codes. Ce qui ne facilite pas la compréhension de ce épisode : le mariage d’Abimanyu dont le récit provient du célèbre Mahabharata indien. C’est ici l’occasion d’une fable écologique où on nous invite à réfléchir sur la destinée de notre planète en péril.
Le wayang kulit balinais est volontairement mystérieux et et nous voyons les seules ombres des marionnettes sur un écran avec grand cadre noir. Mais ici, pour faciliter la compréhension, une image agrandie est projetée au-dessus ! Et nous ne verrons ni Jro Kartu (I Made Kartu Santika), marionnettiste, auteur, conteur et chanteur ni la troupe Jaya Semara Wati du village Sebatu, ni ses deux assistants ni ses musiciens ! Cela ne rend guère accessible ce Mariage d’Abimanyu.
À Bali, dans les villages, pas de répétitions et le wayang kulit est joué selon des codes rigoureux. Cette épopée complexe surtitrée n’est donc pas simple à suivre ! Nous verrons à la seul fin, le gamelan Semar Pagulingan Saih Pitu et les quatre joueurs de métallophones Gender Wayang avec leurs magnifiques costumes et leurs instruments rutilants…projetés en direct sur l’écran. C’est alors un vrai bonheur esthétique et musical mais qui survient trop tard après une heure quinze. Les artistes, très heureux d’être là, nous transmettent une belle joie de vivre, mais par vidéo interposée! Ce wayang kulit balinais devient ici un divertissement grand format. Non, comme à Java où l’on voit très bien les marionnettistes et les musiciens. Ici, le public occidental est donc frustré et ce beau rituel paraît alors bien austère. Dommage!
Jean Couturier
Spectacle vu le 17 mars à la Philarmonie de Paris, Cité de la musique, 221 avenue Jean Jaurès, Paris ( XIX ème). T : 01 44 84 44 84.