Tom na Fazenda de Michel-Marc Bouchard, mise en scène de Rodrigo Portella, traduction d’Armando Babaioff (en portugais surtitré)
Tom na Fazenda de Michel-Marc Bouchard, mise en scène de Rodrigo Portella, traduction d’Armando Babaioff (en portugais brésilien surtitré)
Le dramaturge québécois a frappé fort avec cette tragédie familiale ancrée dans le terroir de son pays. Souvent mise en scène et portée à l’écran par Xavier Dolan, la pièce traduit la violente homophobie de certains milieux, qui va jusqu’au meurtre. Transplantée au Brésil, sous le régime de Jair Bolsonaro, elle exhale une force brutale: «L’une des plus belles et puissantes mises en scène de ma pièce, deux heures de pur bonheur théâtral.» dit l’auteur à propos de cette création brésilienne jouée à Rio-de-Janeiro puis au festival Trans-Amériques à Montréal en 2018 et enfin, toujours avec succès, au dernier Avignon off.
Tom se rend dans la famille de son compagnon mort à la suite à un accident de la route. Il découvre un monde inconnu qui le fascine: intérieur frustre de la maison paysanne, traite des vaches, bigoterie de la mère, solitude du frère de son ami. La vieille femme ignorait l’homosexualité de son fils et attendait Hélène, une fiancée imaginaire qu’il avait inventée pour la rassurer… Francis, le frère du défunt, lui, sait tout mais cherche à cacher la vérité à sa mère. Il entreprend de dompter Tom par de violents sévices corporels. Une lutte à mort va les opposer et Sara, une amie de Tom, venue jouer le rôle d’Hélène pour consoler sa mère, ne réussira pas à arracher Tom à son destin… Et la vieille femme verra éclater la vérité !
De la terre ocre dispersée par les acteurs pendant l’entrée du public, quelques seaux noirs, une ampoule nue suspendue… traduisent la dureté de la vie paysanne. Après des litres d’eau déversés, la scène devient un bourbier glissant où Armando Babaioff (Tom) et Gustavo Rodrigues (Francis) s’engagent dans un corps à corps sidérant. Une montée de violence savamment dosée par Rodrigo Portella : sa mise en scène et le jeu très physique des garçons donnent à l’écriture de Michel-Marc Bouchard, une dimension tragique exacerbée par les discriminations et les nombreux assassinats d’homosexuels au Brésil.
Ce Tom na Fazenda met en lumière la relation ambiguë entre Tom et Francis et l’auteur explore aussi avec finesse les mœurs d’un arrière-pays où religion, racisme, et homophobie façonnent les mentalités. La Mère (Soraya Ravenie) comme Hélène et Sara (Camila Nahry), ces personnages plus convenus restent à l’écart de cet affrontement sauvage, presque bestial, entre ces mâles en proie à à une rage mortelle. Le public a chaleureusement salué cette troupe et le spectacle affiche complet mais il y a une liste d’attente… Sinon, vous pouvez lire ou relire l’œuvre de Michel-Marc Bouchard, un écrivain majeur qui a ouvert la voie à toute une génération d’auteurs québécois.`
Mireille Davidovici
Jusqu’au 1er avril, Théâtre Paris-Villette, 211 avenue Jean Jaurès, Paris (XIX ème). T. : 01 40 03 72 23.
Tom à la ferme est publié aux Editions Théâtrales.