Othello de William Shakespeare, traduction de Jean-Michel Déprats, mise en scène de Jean-François Sivadier

Othello de William Shakespeare, traduction de Jean-Michel Déprats, mise en scène de Jean-François Sivadier 

Cela se passe d’abord à Venise: Iago, fidèle entre les fidèles, s’est vu refuser une promotion par Othello, et Roderiguo, un jeune noble amoureux de la jeune Desdémone qui l’a repoussé, le détestent ce général maure . ils apprennent qu’elle vit avec Othello à Brabantio, son père, un sénateur qui considère cet  étranger comme un remarquable officier,  mais vu sa couleur de peau, pas comme  gendre! Une vieille histoire d’identification, hélas encore actuelle… Il l’accuse Othello d’avoir séduit sa fille et le général maure avoue s’être marié en secret avec elle… qui le confirme. Bref, à Venise la sérénissime, il y a du règlement de comptes dans l’air, sur fond de racisme et de vengeance personnelle. Othello est convoqué chez le Doge: des navires ottomans menacent Chypre et il doit vite partir avec sa femme défendre l’île.

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Renversement de situation: une violente tempête a détruit ces navires. A Chypre, Iago va faire boire Cassio et envoie Roderigo le provoquer. Cassio blesse alors accidentellement Montano,gouverneur de Chypre et Othello va donc le dégrader. Iago conseille à Cassio de se rapprocher de Desdémone pour obtenir la grâce d’Othello. Mais Iago fait tout pour qu’il ait des soupçons et il en aura quand  Desdémone lui parlera en faveur de Cassio. Iago continuer à insinuer une possible liaison: Cassio a donné après l’avoir trouvé, à Bianca, sa femme, un mouchoir dont Othello avait fait cadeau à Desdémone.
Iago le récupère grâce à Emilia, l’épouse de Iago et dit à Othello qu’il l’a vu en possession de Cassio. Othello, de plus en plus soupçonneux, demande à Desdémone de lui montrer ce mouchoir, ce qu’elle ne peut faire. Il demande alors à Iago de tuer Cassio, et de plus en plus jaloux, veut empoisonner Desdémone. 

 

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Le général est rappelé à Venise et Cassio lui succède comme gouverneur de Chypre. Roderigo croit avoir été manipulé par Iago qui le persuade de tuer Cassio pour obtenir Desdémone; elle avoue à Emilia qu’elle a peur d’être tuée. Cassio est blessé par Iago qui va tuer Roderigo pour qu’il ne le dénonce pas… ( Vous suivez  toujours?)
Othello pense que Cassio est
mort et veut tuer Desdémone mais hésite encore. Elle réfute ses accusations mais Othello l’étrangle et dit à Emilia qu’il l’a tuée, parce qu’elle l’avait trompé: sans autre preuve que le simple mouchoir.
Iago, dit Emilia, est responsable de tout. Iago, 
lui donne un coup d’épée et s’enfuit mais est fait prisonnier. Cassio, sur un brancard, avoue le complot. Othello se suicidera près du corps de Desdémone et Cassio, nouveau gouverneur de Chypre, fera exécuter Iago.

Une tragédie compliquée et sans doute pas la meilleure du grand dramaturge mais où il y a des fulgurances étonnantes. Cela fait déjà plus d’un siècle qu’Othello a été souvent adapté au cinéma. Au théâtre, la pièce n’est pas si souvent jouée il y eut de nombreux Othello dont un Sénégalais, Ira Aldridge à Londres en 1825 ! « Une pièce cruelle dit Jean-François Sivadier où Shakespeare s’amuse et nous amuse. Si la pièce n’est pas jouée de façon drôle, elle perd en cruauté et inversement. Une histoire d’autant plus terrible qu’elle est souvent risible. Où chaque acteur peut jouir du « ridicule possible de sa marionnette ». Shakespeare n’alterne pas les scènes sérieuses avec les scènes de comédie. Il insinue la comédie au sein même de la «tragédie». Othello, comme tous, humains trop humains, grandioses ou complètement idiots. Grâce à une extraordinaire poétique de la porosité entre les genres, ravivant des métaphores éculées et des dictons antiques, Shakespeare fait naître une contiguïté insolite entre des émotions contraires. »

La salle reste légèrement éclairée et sur le plateau noir à jardin et à cour, de grands châssis suspendus avec barres fluo blanches qui seront  allumées dans le seconde partie. En fond de scène, des tissus en plastique transparent avec derrière des lanternes aux lumières jaunâtres.
Au début, Adama Diop, acteur confirmé, originaire du Sénégal et qu’on avait vu notamment dans 
Macbeth, mise en scène de Stéphane Braunschweig ( voir Le Théâtre du Blog) joue Othello et initie Desdémone (Émilie Lehuraux à quelques mots de wolof, langue majoritaire au Sénégal dont mbëggeel : amour. Pourquoi pas? Et il s’adresse au public. Bon, allons-y pour le farcesque, d’autant plus qu‘Adama Diop est virtuose en la matière.

Lui et Nicolas Bouchaud (Iago) forment un duo de formidables acteurs, même si le premier a tendance à occuper le plateau, d’où un certain déséquilibre. Quant aux autres personnages, même joués par Cyril Bothorel, Stéphane Butel, Gulliver Hecq, Jisca Kalvanda -tous bons comédiens- ils tout se passe comme s’ils semblaient avoir été priés de rester dans l’ombre. Ce qui, du coup, efface la dimension politique de la pièce. Emilie Lehuraux joue à la fois Desdémone et Bianca, mais s’impose avec difficulté…
Cette mise en scène ne manque ni de savoir-faire ni d’intelligence, mais quelque chose fonctionne mal. Pourtant Jean-François Sivadier met bien en valeur le texte surtout au début où il y des phrases étonnantes: «Nos corps sont nos jardins mais nos volontés sont nos jardini
ers. Plus puissantes que les règles d’obéissance en vigueur, elles peuvent renverser les usages, la bienséance et l’honneur. (…) Mais nous avons la raison pour refroidir nos furieux désirs, nos picotements charnels, notre luxure sans frein, d’où je conclus que ce que vous appelez amour, n’est qu’une bouture ou une pousse. » (…) «Le cœur est la plus grande armée de l’univers.»

Mais le metteur en scène ne réussit pas vraiment à passer d’un certain burlesque, à cette tragédie de la jalousie et au carnage qui suivra, à cause d’un mouchoir volé. Comme il s’était moins intéressé à la fin et avait privilégié les scènes de jalousie maladive d’Othello et la soif de vengeance de Iago, en négligeant la dimension politique de la pièce. On préfère oublier les petits mais inutiles arrangements anecdotiques et un peu racoleurs de cette pièce déjà longue. Pour le rendre plus accessible? Et il aurait pu nous épargner des stéréotypes qui ne sont pas dignes de lui. Comme au début, les adresses d’Othello au public, les incursions des acteurs dans la salle où Othello dit à Iago de parler plus fort ! Ou cette scénographie (pas très réussie) avec de grands cadres vides pivotants suspendu,un plateau nu,  choix fréquent chez le metteur en scène mais ici peu convaincant, comme ces voix parfois amplifiées et en écho, table de camping, un peu de fumigène, des chansons de Queen et Dalida, des lumières stroboscopiques. Bref, des stéréotypes vus partout… Pour faire actuel? Mais ici comme ailleurs, cela ne sert en rien le texte.
Cela dit, la lecture qu’en fait Jean-François Sivadier reste intéressante mais nous avons l’impression qu’il se fait souvent plaisir en focalisant sa mise en scène sur les seuls personnages de Iago surtout, et d’Othello. Et qu’il reste un peu loin du tragique de cette pièce difficile. Elle a ici, même avec un entracte, une longueur inhabituelle: trois heures trente… Comme nous, les spectateurs étaient partagés (certains avaient déclaré forfait!). Reste la remarquable présence et le jeu très subtil d’Adama Diop comme de Nicolas Bouchaud à l’ironie et aux ruptures de ton exemplaires. Une grande leçon d’interprétation. A vous de choisir… 

Philippe du Vignal

Jusqu’au 22 avril, Odéon-Théâtre de l’Europe, Place de l’Odéon, Paris (VI ème).

Du 26 au 28 avril, MC2: Grenoble (Isère).

Du 4 au 6 mai,  Châteauvallon-Liberté, Scène nationale de Toulon; du 10 au 13 mai, Théâtre de la Cité, Centre Dramatique National de Toulouse-Occitanie (Haute-Garonne).
Les 24 et 25 mai, L’Azimut-Antony, Châtenay-Malabry (Hauts-de Seine)

 


Archive pour 25 mars, 2023

Bravo, Pinocchio n’est pas près de revoir Charlie les Esgourdes

Bravo, Pinocchio n’est pas près de revoir Charlie les Esgourdes

« Ce devait être un honneur, c’est devenu une débâcle. En annulant la visite du monarque britannique, le président concède une défaite, face à la rue et aux syndicats », dit le journal suisse Vingt-quatre heures!

E85338D0-0362-4CA6-B143-3B45FB6226F4Et Médiapart aujourd’hui en remet une couche et ne mâche pas ses mots: « Pour Élisabeth Borne, l’issue de la séquence sonne comme un terrible désaveu. En première ligne, l’ancienne ministre du travail avait obtenu du président de la République des amendements sur la forme, le calendrier et les modalités, seule façon, à l’entendre, d’obtenir une majorité parlementaire. Elle restera l’emblème de cet échec et on peine à voir comment elle pourrait se maintenir à Matignon. (…)
Le naufrage du pouvoir dépasse toutefois, et largement, le seul cas de la première ministre. S’il s’est habilement retranché derrière elle depuis deux mois, Emmanuel Macron est le premier artisan de cette déroute et son premier comptable. «S’ils cherchent un responsable, dites-leur: vous l’avez devant vous, fanfaronnait-il au moment de l’affaire Benalla. Qu’ils viennent le chercher!» Et aujourd’hui, qu’en dirait-il? Ce 16 mars 2023 raconte à lui seul l’impéritie de son pouvoir, l’inconséquence de sa conduite et les vices de sa gouvernance. Dans son désir de décaler l’âge de départ à la retraite, le président de la République s’est mis à dos tout ce que la démocratie compte de pôles de vitalité, des syndicats au Parlement, en passant par la société mobilisée, dont plusieurs millions de protagonistes sont allés exprimer dans la rue leur mécontentement.

De tout cela, il n’a fait que des péripéties sur sa route politique. Il a pensé pouvoir tout enjamber, tout contourner, tout balayer. La réalité démocratique a fini par les rattraper, lui et ses soutiens (…). »

Nicolas Villodre

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