Tom na Fazenda de Michel-Marc Bouchard, mise en scène de Rodrigo Portella, traduction d’Armando Babaioff (en portugais surtitré)

Tom na Fazenda de Michel-Marc Bouchard, mise en scène de Rodrigo Portella, traduction d’Armando Babaioff (en portugais brésilien surtitré)

Le dramaturge québécois a frappé fort avec cette tragédie familiale ancrée dans le terroir de son pays. Souvent mise en scène et portée à l’écran par Xavier Dolan, la pièce traduit la violente homophobie de certains milieux, qui va jusqu’au meurtre. Transplantée au Brésil, sous le régime de Jair Bolsonaro, elle exhale une force brutale: «L’une des plus belles et puissantes mises en scène de ma pièce, deux heures de pur bonheur théâtral.» dit l’auteur à propos de cette création brésilienne jouée à Rio-de-Janeiro puis au festival Trans-Amériques à Montréal en 2018 et enfin, toujours avec succès, au dernier Avignon off.

 

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Tom se rend dans la famille de son compagnon mort à la suite à un accident de la route. Il découvre un monde inconnu qui le fascine: intérieur frustre de la maison paysanne, traite des vaches, bigoterie de la mère, solitude du frère de son ami. La vieille femme ignorait l’homosexualité de son fils et attendait Hélène, une fiancée imaginaire qu’il avait inventée pour la rassurer… Francis, le frère du défunt, lui, sait tout mais cherche à cacher la vérité à sa mère. Il entreprend de dompter Tom par de violents sévices corporels. Une lutte à mort va les opposer et Sara, une amie de Tom, venue jouer le rôle d’Hélène pour consoler sa mère, ne réussira pas à arracher Tom à son destin… Et la vieille femme verra éclater la vérité !

De la terre ocre dispersée par les acteurs pendant l’entrée du public, quelques seaux noirs, une ampoule nue suspendue… traduisent la dureté de la vie paysanne. Après des litres d’eau déversés, la scène devient un bourbier glissant où Armando Babaioff (Tom) et Gustavo Rodrigues (Francis) s’engagent dans un corps à corps sidérant. Une montée de violence savamment dosée par Rodrigo Portella : sa mise en scène et le jeu très physique des garçons donnent à l’écriture de Michel-Marc Bouchard, une dimension tragique exacerbée par les discriminations et les nombreux assassinats d’homosexuels au Brésil.

Ce Tom na Fazenda met en lumière la relation ambiguë entre Tom et Francis et l’auteur explore aussi avec finesse les mœurs d’un arrière-pays où religion, racisme, et homophobie façonnent les mentalités. La Mère (Soraya Ravenie) comme Hélène et Sara (Camila Nahry), ces personnages plus convenus restent à l’écart de cet affrontement sauvage, presque bestial, entre ces mâles en proie à à une rage mortelle. Le public a chaleureusement salué cette troupe et le spectacle affiche complet mais il y a une liste d’attente… Sinon, vous pouvez lire ou relire l’œuvre de Michel-Marc Bouchard, un écrivain majeur qui a ouvert la voie à toute une génération d’auteurs québécois.`

Mireille Davidovici

Jusqu’au 1er avril, Théâtre Paris-Villette, 211 avenue Jean Jaurès, Paris (XIX ème). T. : 01 40 03 72 23.

 Tom à la ferme est publié aux Editions Théâtrales.


Archive pour mars, 2023

Nos Corps empoisonnés,texte et mise en scène de Marine Bachelot Nguyen

Nos Corps empoisonnés, texte et mise en scène de Marine Bachelot Nguyen

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«J’ai 79 ans. On est au Tribunal d’Evry (France), le 25 janvier 2021. Mes trois avocats m’entourent, avec mes vieux et jeunes amis de combat, des maires ceints de leur écharpe bleu-blanc-rouge, et une nuée de journalistes. De l’autre côté, les quatorze avocats des multinationales: Monsanto, Dow Chemical, Hercules, Hacros Chemical, Uniroyal Holding Company, Maxus Energy, Tierra Solutions, Occidental Chemical, Thomson Hayward, Pharmacia and Upjohn, Diamond Shamrock Chemical.»

 Pas d’âge pour combattre: en un solo d’une heure trente, Angélica Kiyomi Tisseyre-Sékiné incarne Tran To Nga, une femme qui accuse les multinationales: «Soixante-quinze millions de litres d’agent orange déversés sur les forêts, les terres et les corps, pendant la guerre du Viêt nam. » Elle a traversé l’histoire de ce pays : enfant durant la guerre d’indépendance, puis combattante pendant celle contre les Américains, elle a aussi vécu l’installation du communisme après 1975. Enfin, elle est venue en France dans les années 1990. Exposée comme des millions de ses compatriotes à ce trop célèbre agent orange, retraitée, elle prend conscience de l’origine de ses graves problèmes de santé et du décès de son premier bébé dans la forêt vietnamienne. Elle mène aujourd’hui encore un combat historique: «Je suis vivante, dit-elle. J’ai eu l’occasion de me confronter aux Américains, pendant la guerre. Et c’est cette guerre qui continue. »

La comédienne a l’âge de Tran To Nga quand elle a rejoint les maquis du F.N.L. et, depuis la salle d’audience, remonte le temps et, séquence après séquence, nous raconte son destin mouvementé. Des instants intimes succèdent à des moment plus héroïques. Marine Bachelot Nguyen s’est inspirée de l’autobiographie de Tran To Nga pour écrire cette épopée qui joue sur les âges, les époques et les décalages.Une narration elliptique articulée avec une vidéo mêlant images d’archives d’hier et d’aujourd’hui, entretiens filmées avec Tran To Nga. On passe de la forêt équatoriale touffue, à des films montrant des combattants le long de la piste Ho Chi Min, des photos de famille à une manifestation de soutien à Tran To Nga devant le tribunal.

Angelica Kiyomi Tisseyre, jeune actrice d’origine japonaise et vietnamienne, porte avec délicatesse cette histoire émouvante et stimulante, même si, parfois, des voix off viennent casser la dynamique de son récit. On ne peut qu’ adhèrer au combat de cette grand-mère courage, présente dans la salle parmi les militants du collectif Viêt nam Dioxine. Et lui dire bravo.Marine Bachelot Nguen est membre du collectif  Lumières d’Août, très actif en Bretagne et a entrepris depuis plusieurs années un travail de mémoire sur les questions féministes et postcoloniales, en particulier au Viet nam. 

Mireille Davidovici

Du 20 au 25 mars aux Plateaux Sauvages, 5 rue de la Plâtrière, Paris ( XX ème) T. 01 83 75 55 76

Le 6 avril, Festival de la Sorbonne nouvelle, Paris ( Vème). Le 11 avril, Théâtre du Champ au Roy, Guingamp (Côtes d’Armor); mi-avril,  Festival Mythos, Rennes (Ille-et-Vilaine) ; les 2 et 3 mai, Festival Eldorado, CDN de Lorient (Morbihan)

Ma Terre empoisonnée (Viêt nam-France, mes combats) de Tran To Nga est publié chez Stock (2016).

Le Mariage d’Abimanyu, théâtre d’ombres wayang kulit de Bali (surtitré en français)

Le Mariage d’Abimanyu, théâtre d’ombres wayang kulit de Bali (surtitré en français)

Dans le cadre d’un week-end balinais, la Philarmonie de Paris a accueilli ce théâtre traditionnel jouée dans tous les villages, le wayang kulit qui a été classé par l’UNESCO au patrimoine culturel mondial de l’humanité.
Dans Paysages Intérieurs (2013), le grand marionnettiste Philippe Genty raconte sa découverte du théâtre d’ombres en Inde il y a soixante ans : «Miracle! Dans le patio d’un temple entouré d’immenses banians, notre montreur d’ombres et ses aides mettent en place une grande toile blanche. À la tombée de la nuit, la forêt semble exhaler de ses frondaisons, des silhouettes d’hommes, femmes et enfants de tout âge. Ils se rassemblent face au drap tendu. Le montreur d’ombres et les musiciens s’installent derrière cet écran éclairé d’une lumière frissonnante, produite par la flamme d’une lampe à huile. Quelques accords de tabla introduisent la voix chantante du marionnettiste.

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Rama nous invite à le suivre dans cette immense épopée du Ramayana. Cela a lieu toute une nuit et les nuits suivantes, en faisant appel aux esprits et aux divinités, aux démons des eaux, du ciel et de la forêt. Au tout début, un état lancinant, à la limite de la torpeur, nous gagne, d’autant plus que nous ne comprenons rien aux litanies du montreur, même si notre interprète nous traduit sommairement ses propos. Peu à peu, les tablas et les violons à trois cordes vibrent en nous. »

Mais nous sommes dans une immense salle de spectacle pour voir ce théâtre d’ombres wayang Kulit, un mode d’expression narrative existant sous diverses formes, animées ou inanimées, qui a pour vocation première, la diffusion d’un culture initiatique venue d’Inde. Il existe depuis 1000 ans en Indonésie et a ses codes. Ce qui ne facilite pas la compréhension de ce épisode : le mariage d’Abimanyu dont le récit provient du célèbre Mahabharata indien. C’est ici l’occasion d’une fable écologique où on nous invite à réfléchir sur la destinée de notre planète en péril.
Le wayang kulit balinais est volontairement mystérieux et et nous voyons les seules ombres des marionnettes sur un écran avec grand cadre noir. Mais ici, pour faciliter la compréhension, une image agrandie est projetée au-dessus ! Et nous ne verrons ni Jro Kartu (I Made Kartu Santika), marionnettiste, auteur, conteur et chanteur ni la troupe Jaya Semara Wati du village Sebatu, ni ses deux assistants ni ses musiciens ! Cela ne rend guère accessible ce Mariage d’Abimanyu.

À Bali, dans les villages, pas de répétitions et le wayang kulit est joué selon des codes rigoureux. Cette épopée complexe surtitrée n’est donc pas simple à suivre ! Nous verrons à la seul fin, le gamelan Semar Pagulingan Saih Pitu et les quatre joueurs de métallophones Gender Wayang avec leurs magnifiques costumes et leurs instruments rutilants…projetés en direct sur l’écran. C’est alors un vrai bonheur esthétique et musical mais qui survient trop tard après une heure quinze. Les artistes, très heureux d’être là, nous transmettent une belle joie de vivre, mais par vidéo interposée! Ce wayang kulit balinais devient ici un divertissement grand format. Non, comme à Java où l’on voit très bien les marionnettistes et les musiciens. Ici, le public occidental est donc frustré et ce beau rituel paraît alors bien austère. Dommage!

Jean Couturier

Spectacle vu le 17 mars à la Philarmonie de Paris, Cité de la musique, 221 avenue Jean Jaurès, Paris ( XIX ème). T : 01 44 84 44 84.

Les Aveugles de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Clara Koskas

Les Aveugles de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Clara Koskas

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Les visages lourdement maquillés de blanc, en robe noire sans âge, hommes et femmes posent sans regard comme pour une photo de famille Des aveugles abandonnés sur un rivage inconnu, tels que les a imaginés Maurice Maeterlinck. Ils ont perdu leur guide, n’entendent plus que le bruit de la mer, inquiétant, et plus tard, des pas incertains… Ils expriment leur angoisse, leur patience et leur attente sans horizon, plus forte que la peur. Sont-ils à l’image de la condition humaine ? Leur vie ne serait-elle que cette attente? En un lieu inconnu, leur cécité éloignée de l’hospice protecteur, leur fait tendre l’oreille et ils prennent en pitié les sourds : «Je plains celui qui n’entend pas. » Le disgracié se console avec le malheur d’autrui…

Cette jeune metteuse en scène a une ambition qui relève du défi: puisque le théâtre est un art total, osons tout. Elle s’est formée au théâtre mais aussi au cirque, à la marionnette… Pour ces Aveugles, elle fait référence à la tragédie antique et à la danse butô. Et le théâtre symboliste de Maeterlinck se prête à ce syncrétisme.
Les plaintes de chœurs de femmes empruntés à Eschyle, Sophocle et Euripide, touchent à l’universelle condition humaine et permettent à Clara Koscas de rapprocher Les Aveugles, de notre époque. Comme les chants, en russe et en grec qui ouvrent, dans un bel ensemble vocal, un espace à la fois hors du temps et concret. Le bruit de la mer et un percussionniste au toucher délicat évoquent discrètement une Méditerranée inquiétante et dévoreuse d’hommes.

La jeune metteuse en scène se mesure ici à un théâtre archaïque et tient  le défi haut la main. Elle organise l’image avec soin, en un tableau vivant et fantomatique et la fait évoluer insensiblement, avec une maîtrise parfaite. Rythme travaillé à chaque moment avec lenteurs et éclats soudains, images mouvantes d’une grande beauté , chœurs particulièrement réussis. Le jeu est contenu -elle pourra approfondir la direction d’acteurs individuelle- et le grand lyrisme de la naissance et de la mort est réservé à deux marionnettes : le bébé de la Folle  et le corps du Guide défunt, «plus grand que nous», inspirée par ce qu’elle a appris de Gordon Craig, et sans doute de Kleist.
Clara Koskas a visiblement butiné d’une formation à une autre mais en a partout recueilli le pollen grâce à sa curiosité et son travail. Faire jouer huit interprètes en toute harmonie et avec énergie sur cet étroit plateau, mérite d’être salué. Avec un tel appétit, elle peut se mesurer à d’autres grands textes, classiques ou contemporains.

Christine Friedel

Jusqu’au 28 mars, Théâtre des Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris (Ier). T. : 01 42 36 00 02.

Le 3 mai, Théâtre de la Chaudronnerie, La Ciotat (Bouches-du-Rhône).

Du 11 juin au 2 juillet, festival Départs d’Incendies, Théâtre du Soleil, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro : Château de Vincennes + navette.

Pasión de Buena Vista

Pasión de Buena Vista

 Le spectacle car spectacle, il y a, avec l’ambiguïté du terme qui suppose une relative participation du public, une  attention, une tendance à la contemplation et, dans le meilleur des cas, comme ici, une invite à la danse, ou tout au moins à la station debout. Qui dit Cuba, dit révolution. Non pas réforme ou réformette, marche en avant, comme avant. Pasión de Buena Vista compose donc avec le passé et l’époque pré-castriste.
Le Buena Vista, le fameux club en banlieue de La Havane dans les années quarante, ferma en 59. D’où une certaine nostalgie, mais à l’écart des modes actuelles: rock, disco, voguing, techno… Et une réconciliation avec la part longtemps maudite d’artistes exilés à Miami.

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Le spectacle commence par les standards ou scies musicales éternisés par les Roms dans le métro comme Besame mucho, Guantanamera  et autres Quizas, quizas et s’achève par un florilège ou  popurrit (pot-pourri, en espagnol). En rendant hommage à Celia Cruz , la star de la salsa, que nous eûmes la chance d’admirer au festival Jazz à Vienne, il y a déjà quelque temps.

Qui dit chute du Mur, dit: Allemagne mais Pologne aussi, avec un fameux pape que l’URSS essaya même d’éliminer) et dit aussi réunification, fin ou presque de la Guerre froide. Ce n’est pas un hasard si un cinéaste allemand, Wim Wenders, favorisa l’engouement planétaire pour cet orchestre de danses de salon, avec ses interprètes à la voix chevrotante, et parfois détonante… Ceux qui, au bon vieux temps, s’étaient illustrés au Buena Vista social club : Ibrahim Ferrer, Rubén Gonzáles, Compay Segundo…
Ce succès surprenant en amena d’autres et favorisa un papy-boom artistique qui a aussi contaminé la danse (voir les troupe seniors » Pina Bausch ou Jiří Kylián). Celle que nous avons vue au Casino de Paris, en tournée européenne, est formée par le Buena Vista Band ,avec un orchestre traditionnel des plus efficaces avec trois chanteurs et une chanteuse issus de plusieurs régions de Cuba,  et El Grupo de Bailar, avec deux couples de danseurs de La Havane.

Leurs versions des tubes déjà cités et d’autres comme Hasta Siempre Comandante, Chan Chan, orchestrés aux petits oignons par les musiciens, avec parfois changements de tempo bienvenus soulignés par les congas et cuivres parfaitement accordés. La première partie nous a totalement emballé. Après l’entracte, place à la fête : le public est sans cesse sollicité par le maître de cérémonie et les chanteurs, pour faire écho aux refrains ou pour accompagner gestuellement les chansons. On remarque donc les habitués des cours de danses sociales caribéennes, les férus de rumba, mambo, boléro, chachacha… Nous oublierons le kitsch des costumes traditionnels qui sont, en près d’un siècle, passées de l’agreste, à l’Auguste! Et nous ne chipoterons pas sur les approximations tonales du chant, puisque l’intensité les estompe sans problème. Et nous n’ergoterons pas sur l’usage de l’anglais qu’on aurait pu nous épargner : le castillan est de nos jours la langue la plus parlée chez les Yankees…
Bref, une excellente soirée, grâce à un groupe bon esprit et de grand talent.

 Nicolas Villodre

Jusqu’au 26 mars, Casino de Paris, 16 rue de Clichy, Paris (IX ème).  

En pleine France de Marion Aubert, mise en scène de Kheireddine Lardjam

En pleine France de Marion Aubert, mise en scène de Kheireddine Lardjam 

En toile de fond, un épisode de l’Histoire de France et de la colonisation. En 1958, un fait historique: en pleine guerre d’Algérie, onze joueurs de foot «musulmans d’Algérie» ont quitté leurs clubs de foot et vont former l’équipe du F.L.N. et lutter pour l’indépendance de leur pays. Une remarquable prise de conscience politique. En perspective, un match qui aura lieu en 2022 au stade de France et auquel vont assister les enfants et petits-enfants des onze joueurs de la première équipe de foot en Algérie.

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Cela se passe d’abord dans les sous-sols d’un musée où sont rangés pour être examinés des crânes des victimes des conquêtes coloniales. Puis dans une cuisine, une chambre, etc. dans une scénographie à rideaux coulissants. La commande de cette pièce a été faite par le metteur en scène Kheireddine Lardjam à Marion Aubert pour le soixantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. Elle crée ici une sorte de double d’elle-même, avec une dramaturge (Marion Casabianca) qui veut écrire une pièce sur les relations entre Français et Algériens mais en France. Cette autrice, en couple avec un Français d’origine algérienne (Azeddine Bénamara) va écrire avec lui. Il souhaite évoquer le départ de l’équipe nationale de ces onze footballeurs. Donc si on a bien compris, nous allons assister à la création d’En pleine France.(du théâtre dans le théâtre, une grande nouveauté! que Marion Aubert aurait pu nous épargner…)

Vont intervenir ici, deux couples et d’autres personnages dont un grand-père, retraité de foot, un petit garçon… Dans une suite de longs monologues peu convaincants mais bien interprétés notamment par l’excellente Linda Chaïb et par Mohamed Rouabhi en joueur de l’équipe du FLN mais aussi par Marie-Cécile Ouakil, Marion Casabianca, Azeddine Bénamara, Élya Birman, Issam Rachyq-Ahrad, Pauline Vallé, Noé Lardjam.
Ces personnages, nés de parents algériens, apportent leur témoignage : ils ont toujours vécu en France et sont parfaitement intégrés. Ici vite dessinés des scènes très courtes comme souvent dans un film, écrites par Marion Aubert. Oui, mais voilà, la dramaturgie est aussi faiblarde que l’écriture des monologues et de quelques dialogues, et pas loin souvent d’un bavardage inconsistant. Comme cela dure deux heures quinze, on décroche vite !

Bon c’est parfois drôle, comme à la fin dans un car avec Linda Chaïb mais rien à faire, le compte n’y est pas et, malgré la solidité de l’interprétation et une bonne direction d’acteurs, cette pièce manque d’un vrai fil rouge et part un peu dans tous les sens. Et on voit mal comment elle pourrait être améliorée… Pourtant, le thème est riche : «La réflexion française contemporaine, dit avec raison le metteur en scène, ne sait plus comment parler de l’Autre, encore moins à l’Autre. Elle préfère, dans la bonne généalogie coloniale, parler à la place de l’autre, avec les résultats catastrophiques que l’on sait, comme lors du débat surréaliste sur les bienfaits de la colonisation ou lors des émeutes dans les banlieues.
J’ajouterai que notre spectacle travaille à déconstruire la prose coloniale, c’est-à-dire le montage mental, les représentations et formes symboliques ayant servi d’infrastructure au projet impérial. » (…) « Si cette équipe composée de binationaux (franco-algériens), dont l’entraîneur Djamel Belmadi, suscite un tel engouement, une telle fierté des deux côtés de la Méditerranée, c’est sans doute aussi parce qu’elle nous rappelle, à nous Français, à nous Algériens, à nous Franco-Algériens, et à tous ceux qui ont plusieurs nationalités, que la diversité n’est pas une tare, mais une richesse collective. »Bref, dans cette note d’intention, tout est dit, mais encore faudrait-il que l’écriture soit efficace! Ce qui, malheureusement, n’est pas le cas. Dommage…

 Philippe du Vignal

Le spectacle a été joué du 15 au 19 mars, au Théâtre des Quartiers d’Ivry-Centre dramatique National du Val-de-Marne.

Nos ailes brûlent aussi de Sébastien Lepotvin et Myriam Marzouki, mis en scène de Myriam Marzouki

Nos Ailes brûlent aussi de Sébastien Lepotvin et Myriam Marzouki, mise en scène de Myriam Marzouki (en arabe dialectal tunisien surtitré, et en français)

C’est une sorte de poème à la fois visuel et oral écrit à quatre mains, comme en écho aux luttes et aux désillusions qui ont suivi la révolution tunisienne de 2011, quand le pays est passé de la dictature de Ben Ali, à la démocratie. Avec les inévitables bouleversements sociaux et les conflits que cela entraîne. Dix ans après, où en est-on ? «La révolution, dit Myriam Marzouki a commencé par l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, c’est le déclencheur de l’événement. (…) Un mode de suicide récurrent : depuis dix ans, de nombreuses personnes ont perdu la vie en s’immolant de désespoir. Et puis, il y a une  autre dimension: le nombre de candidats à l’émigration a augmenté de manière spectaculaire, en lien avec l’appauvrissement du pays et la frustration politique générale. Ces jeunes qui essayent de fuir par tous les moyens sont appelés «brûleurs de frontières ». De nombreux Tunisiens en témoignent : leurs rêves disparaissent.
Enfin, c’est un pays qui brûle au sens réel du terme : les régions d’où la révolution est partie et celles qui souffrent le plus aujourd’hui de la désespérance et de la pauvreté sont celles qui sont en train de s’assécher et souffrent déjà très fortement de la transformation du climat. »

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Myriam Marouki garde pour son pays natal un lien affectif très fort et elle a voulu avec Sébastien Lepotvin tirer une pièce d’un ensemble de témoignages sur cet essai de construction d’une démocratie après la présidence très autoritaire de Ben Ali depuis 87.
Les manifestations avaient débuté en décembre 2010, après que se soit immolé par le feu Mohamed Bouazizi, un jeune vendeur ambulant de fruits et légumes à Sidi Bouzid; sa pauvre marchandise lui avait été confisquée par les autorités. Après quatre semaines de manifestations continues durement réprimées et une grève générale, Ben Ali s’enfuira vers l’Arabie Saoudite le 14 janvier 2011. Il avait pris le pouvoir en 87 et une page se tournait pour la Tunisie!

Pour Myriam Marzouki : «L’idée de départ tournait autour de l’Instance Vérité Dignité, une commission créée après la révolution de 2011 qui avait pour objet d’enquêter sur les violations des droits de l’Homme commises par l’État de 1955 à 2013. J’ai suivi le déroulé de cette instance de 2014 à 2018, comme beaucoup de Tunisiens. Elle me semblait importante, parce que c’était l’endroit d’énonciation d’une parole, à la fois individuelle et collective et qui s’inscrivait dans l’Histoire. »

Au tout début de Nos Ailes brûlent aussi , est projetée une archive vidéo devenue célèbre : le soir du 14 janvier 2011, dans le centre de Tunis, Abdennacer Laouini, défie seul le couvre-feu et exhorte les Tunisiens à sortir de chez eux. Comme le rappelle la metteuse en scène, cette commission Vérité Dignité créée à la suite de cette révolution, avait pour objet d’enquêter sur les violations des droits de l’Homme par l’État de 1955 à 2013. Mais sans grands résultats: il y a eu instrumentalisation par certains partis et notamment par les islamistes qui l’ont transformée en tribune. De fait, ils avaient été nombreux à subir des tortures sous le régime Ben Ali.

Sur le plateau, un seau de peinture vide, une cagette en plastique et une chaise -à qui il manque un pied et le dossier- pour servir de sièges (la métaphore n’est pas très légère mais bon!). En fond de scène, des images de végétations et de villes comme en voie d’effacement. Loin de celles, façon carte postale, des cités de la Méditerranée avec plages, palmiers, ciel d’azur, murs chaulés… Dans la dernière partie, une pluie de cendres s’abat sur les acteurs qui les répandront sur tout le plateau puis avec des balais, les mettront lentement et avec minutie en lignes. Comme pour dire que,malgré toutes les divergences, il faut revenir à un certain ordre? Ou comment il faut ensemble, après de longues années de plomb, réussir à établir une véritable démocratie? Comprenne qui pourra…

Myriam Marzouki qui veut «dresser un état des lieux intime et collectif de la société tunisienne» semble avoir du mal à dire ce qu’elle a ressenti personnellement. Mounira Barbouch, Helmi Dridi, Majd Mastoura, accompagnés par les images non figuratives de Fakhri El Ghezal et les vidéos avec images d’époque de Chris Felix Gouin, sont bien dirigés. Ils essayent de dire à la fois l’intime et l’universel de tout un peuple qui a réussi à faire fuir un dictateur et qui a aussi dû affronter l’après-révolution -un moment toujours délicat dans l’Histoire d’un pays- avec ce que cela suppose d’espoirs mais aussi de grande inquiétude…
Mais -et sans doute le texte un peu sec n’évite pas un certain simplisme- et ne fait pas très bon ménage avec une gestuelle omniprésente, comme cette longue course des trois acteurs autour du plateau? Comme ce poème est surtout fondé sur des monologues. Il y a ici un certain flou et il y manque un angle de tir, une véritable mise en perspective fondée sur une analyse politique.
Tout se passe comme si la metteuse en scène naviguait à vue… en hésitant à donner un aspect documentaire à ce spectacle comme notamment au début, avec des mots de Ben Ali puis avec des images de manifestations). Nous aurions aimé en savoir plus, avec des témoignages précis sur cette période historique que les Tunisiens ont vécue. Et dix ans, c’était le bon moment. Bref, ce spectacle honnête mais un peu décevant, gagnerait sans aucun doute à être retravaillé.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 30 mars, MC 93 de Bobigny (Seine-Saint-Denis).

Comédie de Colmar-Centre Dramatique national Grand Est-Alsace (Haut-Rhin), les 5 et 6 avril.

ZEF, dans le cadre des Rencontres à l’Echelle, Marseille, le 8 juin.

Le Lieu Unique, Nantes, les 7 et 8 novembre. L’Azimut-Antony/Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine); le 15 novembre; L’Agora-Scène Nationale de l’Essonne, les 21 et 22 novembre.

Le Dragon d’Evgueni Schwartz, traduction de Benno Besson, mise en scène de Thomas Jolly

Le Dragon d’Evgueni Schwartz, traduction de Benno Besson, mise en scène de Thomas Jolly

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© Nicolas Joubard

Ce spectacle grand format fait revivre, avec force images et effets spéciaux, ce conte fantastique en forme de pamphlet politique qui sera interdit par Staline dès sa première représentation en 1944.  On connaît peu Evgueni Schwartz (1896-1958). Ce journaliste, écrivain, dramaturge et scénariste, a notamment écrit une douzaine de pièces pour enfants avec marionnettes, inspirées de Perrault, Grimm ou Andersen et aussi des contes théâtraux pour adultes sous forme de farce politique.
Après Le Dragon, il cessera son activité de dramaturge mais écrira deux pièces pour adultes, dont Un miracle ordinaire qui sera portée à l’écran en 1978 par Mark Zakharov. Il doit sa renommée au Dragon une œuvre souvent mise en scène. Après Antoine Vitez, Pierre Debauche, Christophe Rauck…. Thomas Jolly s’empare de ce conte insolite au propos malheureusement toujours d’actualité.

Lancelot, chevalier errant sans peur et sans reproche, fait halte dans une ville et entre chez l’archiviste Charlemagne pour découvrir que la belle Elsa, la fille de la maison, est promise au dragon qui tyrannise la ville … Il exige chaque année une pucelle, contre la protection qu’il offre aux habitants. Père et fille sont résignés. Il y eut bien quelques révoltes dans le passé mais toutes écrasées dans le sang et le feu, alors les gens ont peur et obéissent.
En héros «professionnel», Lancelot va, comme il se doit, libérer la ville du tyran et sauver Elsa. Contre l’avis des notables, représentés par le Bourgmestre et son fils. Mais il sera aidé par des armes magiques fournies par des artisans discrets résistants. Dans un duel fabuleux, il terrasse le monstre à trois têtes. Mais, au terme de ce deuxième acte épique, le libérateur succombe… Et la liberté aussi : la tyrannie persiste à visage humain, cette fois, en la personne du Bourgmestre. Il devient ainsi le nouveau maître d’une population aussi soumise qu’auparavant…

La mise en scène est à la mesure du fantastique et du surnaturel de cette pièce : un tapis volant, une «toque escamoteuse », un dragon à trois têtes, un chat qui parle, un âne salvateur… «Je trouve dans ce Dragon, dit Thomas Jolly, les promesses du théâtre que je défends : une grande histoire, aux multiples résonances, pouvant être racontée grâce à tout le potentiel d’une scène : large distribution, déploiement scénographique, effets magiques… »
A l’avant-scène, un immense œil oblique en tube fluo, 
dont la pupille, se rétracte, troue l’obscurité du plateau, devant le décor qui figure la maison de Charlemagne puis la place publique… Des effets lumineux et sonores accompagnent les apparitions du dragon et une bataille titanesque entre Lancelot et le monstre, a lieu dans le ciel, évoquée ici par de puissants éclairs et jets de fumée… Elle se matérialise par la chute des trois têtes de la bête. Les personnages du Chat et du Dragon gardent leur figure humaine et trois acteurs incarnent le monstre à trois têtes.

A son époque, Le Dragon dénonçait clairement le national-socialisme allemand d’Hitler et la dictature stalinienne. Mais les serviteurs du tyran sont aussi monstrueux: les nombreux acteurs incarnent tour à tour les courtisans décervelés, les bourgeois pédants, les habitants veules ou apathiques ainsi que les artisans salvateurs…. Bruno Bayeux est un Bourgmestre affecté de tics de langage, à la démarche alambiquée, stigmate d’une folie qui deviendra meurtrière. Avec sa petite moustache et sa canne, il a quelque chose du Dictateur… mais n’est pas Charlie Chaplin qui veut… Son fils Heinrich (Damien Gabriac) est son pendant, en plus sobre.
La farce bat son plein avec des effets comiques appuyés, souvent au détriment du rythme général, en particulier dans les séquences jouées devant le rideau de scène pendant les changements de décor… Damien Avice, lui, dans son costume en lambeaux de chevalier blanc, est un Lancelot de légende, face à une Elsa (Emeline Frémont) en habit sombre de jeune fille rangée. A la fin, ils quitteront un peu les clichés du genre pour s’humaniser.

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© Nicolas Joubard

Thomas Jolly privilégie les effets comiques et ludiques du Dragon : « D’abord, je considère que l’onirisme, la fantaisie, le visuel, l’épique, la machinerie théâtrale… la théâtralité en règle générale, ne sont pas antinomiques de la pensée. J’aime à me définir comme un «entre-metteur en scène». Si, par mon travail, je donne à voir la pensée de l’auteur avec les outils dont il s’est servi pour le dire, je considère que je suis à ma juste place. »
Sa mise en scène, brillante, mais souvent complaisante, ne trahit pas les intentions d’Evgueni Schwartz qui, par le biais du conte et de la farce, espérait déjouer la censure. Pour l’auteur russe, le combat contre le monstre personnifie la lutte pour la liberté face à la «servitude volontaire». Oser se révolter et faire fi de la peur : le spectacle continue à porter ce message. Thomas Jolly a un peu modifié la fin avec le retour miraculeux de Lancelot, pour mettre Elsa plus en valeur. Dans l’ensemble, ces deux heures trente nous ont paru longues mais le public a réservé un accueil chaleureux aux artistes…

Mireille Davidovici

Jusqu’au 26 mars, Théâtre Nanterre-Amandiers, 7 avenue Pablo Picasso, Nanterre (Hauts-de-Seine) T. : 01 46 14 70 00.

La pièce, traduction de Benno Besson, est publiée aux éditions Lansman.

 

Le Théorème du pissenlit de Yann Verburgh mise en scène d’Olivier Letellier

Le Théorème du pissenlit de Yann Verburgh mise en scène d’Olivier Letellier

 Cette fleur des champs qui sème à tout vent ensemence ce conte à cinq voix et nous embarque dans une histoire où un garçon de chez nous, qui pourrait être n’importe lequel des jeunes spectateurs, reçoit pour son anniversaire ; un cadeau.
Dans la boîte, il trouve quelques graines de pissenlit et une lettre, écrite par Li-Na, qui a fabriqué son jouet et lui raconte son triste destin. A sa lecture, le garçon se mobilise pour aider Li-Na, mais en même temps lutte face aux adultes. L’auteur nous emmène au Pays-de-la-Fabrique-des-Objets-du-Monde, sur les traces de Tao et Li-Na qui habitent le village du rocher. Leurs parents sont partis travailler à la ville et ces enfants vivent avec les anciens, libres de jouer et découvrir la nature.
Mais le jour de ses treize ans, Tao doit quitter le village. Li-Na part à la recherche de son ami et, au terme d’un périlleux voyage, le retrouve dans une usine, exploité et abruti. Il souffre de «la maladie de l’oubli» et ne la reconnaît pas Elle le rejoint à la chaîne et rencontre d’autres gamins, tout aussi déshumanisés : «Ne pas parler, ne pas s’arrêter, ne pas se tromper» dit la lettre, sous peine d’être broyé par « la grande gueule ». Dans sa lettre ,la fillette dénonce le travail illégal des enfants.

 Les acteurs nous guident dans ce double récit de facture contrastée. Le monde d’ici est familier et celui de Li-Na et Tao relève d’un imaginaire un peu exotique et nous plonge dans une autre réalité. Li-Na brise la chaîne de l’usine, elle va là où le vent mène les aigrettes des pissenlits, ce vent qui portera la révolte des enfants…Mais après bien des efforts, la lettre sera enfin portée au grand jour et rendue publique.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage


Au centre du plateau nu, un mystérieux cube bleuté. Les comédiens vont le démonter et, au gré du récit, emboîter comme des pièces de lego, des casiers à bouteilles (scénographie de Cerise Guyon). Ils  évoqueront maisons, montagnes, radeau pour descendre le fleuve, arches, portiques immeubles, postes de travail à la chaîne, forêt…. A ce décor, répond une fluidité des déplacements, réglés par Thierry Thieû Niang. La pièce s’est construite avec toute l’équipe. « Yann a écrit avec les interprètes en puisant dans leurs improvisations, dit Olivier Letellier qui  a donné à Fiona Chauvin, Anton Euzenat, Perrine Livache, Alexandre Prince, Antoine Prud’homme de la Boussinière, la liberté d’incarner plusieurs personnages, indifféremment fille ou garçon…
Ils forment un chœur alternant récits et micro-scènes et en une heure, nous embarquent dans une histoire à la fois réaliste et imaginaire. «Yann et moi souhaitons poser, depuis l’enfance, un regard critique sur le monde adulte et lui inspirer le souffle d’une révolte aussi candide qu’engagée.», dit le metteur en scène. Avec douceur et poésie, l’équipe se pose en lanceuse d’alerte. La graine est semée. Au jeune public de la replanter, comme les héros de ce Théorème du Pissenlit

Ce spectacle est promis à une belle tournée comme les dix spectacles au répertoire du Théâtre du Phare, une compagnie créée en 2000 par Olivier Letellier. Récompensé en 2010 par le Molière du spectacle Jeune Public pour Oh! Boy, il a, l’année dernière, été nommé à la direction des Tréteaux de France-Centre Dramatique National itinérant, avec un projet tourné vers la jeunesse et les écritures contemporaines. Il faudra suivre ses créations sur les routes de l’Hexagone et au-delà.

Mireille Davidovici

 Jusqu’au 18 mars, Théâtre de la Ville-Les Abbesses, 31 rue des Abbesses, Paris (XVIII ème). T. 01 42 74 22.

Du 23 au 25 mars,Théâtre de la Manufacture, Nancy (Meurthe-et-Moselle) ; les 29 et 30 mars,Espace des Arts, Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) ; du 5 au 7 avrilLe Grand T, Nantes (Loire-Atlantique) ; du 12 au 14 avril,Maison des Arts, Créteil (Val-de Marne).

Du 19 au 21 avril,Théâtre de Sartrouville (Yvelines).

Les 4 et 5 mai, Le Quai, Angers( Maine-et-Loire) ; les 11 et 12 mai, Le Canal, Théâtre du pays de Redon (Ille-et-Vilaine); les 15 et 16 mai, Scène nationale du Sud-Aquitaine, Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) ; les 25 et 26 mai,Théâtre d’Angoulême (Charente).

Du 1er au 3 juin, Théâtre de Lorient (Morbihan).

Pépé Chat ou comment Dieu a disparu, texte et mise en scène de Lisaboa Houbrechts, direction musicale de Pedro Berisa (en néerlandais surtitré)

Pépé Chat ou comment Dieu a disparu, texte et mise en scène de Lisaboa Houbrechts, direction musicale de Pedro Berisa (en néerlandais surtitré)

vake poes; of hoe god verdween, lisaboa houbrechts

© Kurt van der Elst

Comme l’indique ce titre à tiroir : une sombre histoire de violence familiale, sur plusieurs générations, transcendée par la pureté des chants et le regard lumineux d’une fillette sur les turpitudes du monde. Treize interprètes dont quatre solistes, et quatre enfants réunis pour cette saga entre théâtre et opéra.  Dans le clair obscur du plateau, s’avance, comme une proue de bateau,  un grand cube noir. En scène, une petite fille, de blanc vêtue, et son grand-père vont remonter le temps. Revit sous leurs yeux un petit garçon, poursuivi, avec une ribambelle de gamins, par des curés libidineux. À l’image: les soutanes noires des prêtres tourbillonnent derrière ces enfants qui s’enfuient dans une course-poursuite soutenue par des chants sacrés. Un étrange personnage, sorte de sorcier, danse à l’écart, portant une marionnette de papier, symbolisant l’enfant-martyre et le Christ crucifié…

«Je suis un garçon de dix ans, un enfant de chœur .», dit Pépé Chat enfant. Elève d’une école catholique, il vit la montée du nazisme. Pendant l’occupation allemande de la Belgique, les enseignants sont remplacés par des pro-nazis qui vont mettre un terme aux abus sexuels des curés. Il se marie et a un fils qui sera violé à son tour par un oncle revenu brisé de la guerre: une grenouille de bénitier, comme Mémé Chat, sa sœur. Le père et le fils s’arrachent au prêchi-prêcha de leur famille catholique et vont renier Dieu … Au grand dam de Mémé Chat qui les menace de l’Enfer…

 Lisaboa Houbrechts raconte ce voyage de la petite fille dans le temps, avec force images saisissantes. Filip Peeters a imaginé ce cube noir central qui s’ouvrira avec fracas sur les secrets d’un sanctuaire familial immaculé malgré les violences qu’il renferme. Ici tout est symbole: des journaux déchiquetés jonchent l’espace de jeu comme autant de déchirures intimes (ils rappellent aussi que la mère est femme de ménage dans une imprimerie.) La marionnette de papier sera aussi mise en lambeaux comme le Christ mis à mort par les victimes de la religion. La veste bleue de Papa Chat tranche avec le noir et blanc dominant des costumes d’Oumar Dicko : blanc pour la petite fille et sa grand-mère, noir ou gris pour les autres personnages.

«Nous sommes tous frappés par les traumatismes liés à cette institution qu’est l’Eglise et qui ressortent aujourd’hui», dit la metteuse en scène qui vient d’une famille catholique du Nord de la Belgique et dont les parents sont choqués par l’athéisme des nouvelles générations. Le débat religieux des personnages sur la foi, le pardon, et le sacrifice, nous dépasse un peu, surtout à cause d’un surtitrage abondant. Mais on peut toujours se laisser porter par les images et la musique.

vakepoes; of hoe god verdween, lisaboa houbrechts

© Kurt van der Elst

Dans les moments les plus violents, la musique de La Passion selon Saint-Jean de Jean-Sébastien Bach, intimement mêlée au récit, produit un effet cathartique. Les solos et les chœurs  sont interprétés par les chanteurs et les comédiens et un accordéon fait le lien entre la musique enregistrée de l’orchestre. Seul instrument sur scène, il accompagne aussi l’action d’une époque à l’autre, avec une partition en contrepoint de la musique enregistrée. Une belle performance de Philippe Thuriot, également ténor. « J’aime beaucoup cette œuvre où, dit Lisaboa Houbrechts, la passion du Christ engendre le deuil mais aussi la joie.  La beauté de cette musique infuse une spiritualité consolatrice à cette histoire sordide et permet de surmonter les traumatismes vécus par la petite fille. Un récit un peu surnaturel mais qui porte un message sur la possibilité de la beauté et de la grâce et en montre aussi l’horreur profonde. »

 Papa Chat ou comment Dieu a disparu a été créé à l’Opéra Ballet des Flandres à Gand. L’artiste belge a rejoint en 2017 La Toneelhuis à Anvers et a, depuis, réalisé des spectacles musicaux sur Brueghel et le génocide des Roms pendant la seconde guerre mondiale. Après cette belle et troublante pièce lyrique, elle mettra bientôt en scène Médée d’Euripide à la Comédie-Française.

 Mireille Davidovici

 Du 16 au 18 mars, MC 93, 9 boulevard Lénine, Bobigny (Seine-Saint-Denis).T. : 01 41 60 72 72.

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