On ne paye pas de Dario Fo et Franca Rame, mise en scène de Bernard Lévy

On ne paye pas de Dario Fo et Franca Rame, traduction et adaptation de Toni Cecchinato et Nicole Colchat, mise en scène de Bernard Lévy

 

© ©PascaleCholette-

© ©PascaleCholette-

Non si paga, non si paga!, après avoir été créée en 1974 a été actualisée en 2007 par Dario Fo, sous le titre: Sotto paga ! Non si paga ! (Sous-payés ! On ne paie pas !)  quand avait surgi la crise des subprimes aux Etats-Unis.La pièce a aussi été créée en français, notamment par Jacques Nichet en 2005.

Cela se passe à Milan dans un quartier populaire, à un moment où le prix des produits alimentaires ne cesse de grimper. Vous avez dit: rebelote ? Des femmes d’ouvriers exaspérées décident alors de payer l’ancien prix mais volent aussi tout ce qu’elles peuvent dans le supermarché. Le directeur, débordé, laisse faire. Antonia planque ses vols dans un sac et fait croire qu’elle est enceinte. Cette ruse envahit le quartier: toutes les femmes le deviennent subitement prennent le pouvoir face à des maris qui ne comprennent rien à cette affaire. (La pièce était déjà teintée des revendications de Mitout!)  La police, elle aussi dépassée, va quand même faire quelques perquisitions

Ici, Dario Fo (1926-2016) évoque aussi les maux connus en Italie et en Europe, délocalisation, chômage, salaires très bas dans les entreprises ou dans la police, menaces d’expulsion pour cause de loyers impayés, pouvoirs abusifs du gouvernement, maternités non souhaitées….Un spectacle inspiré de l’actualité italienne mais tout proche de la commedia dell’arte et de la farce. Avec des personnages grotesques, voire caricaturaux qui parlent sans arrêt, ou courent pour échapper à leur destin. Grâce au jeu des acteurs, tous crédibles même quand ils en jouent plusieurs, avec rapides changements de costumes et quelques postiches… et qui nous embarquent dans des aventures invraisemblables virant au délire complet. Mais ici plus, c’est faux et délirant, plus nous entrons dans le jeu de Dario Fo qui met en scène cette satire sociale,  avec un sens du dialogue comique et une mise en abyme remarquables.

Du grand art théâtral proche des clowns, l’auteur et metteur en scène aida les célèbres Colombaioni à se faire connaître. Et ils furent vite ovationnés en France après que Jean Digne les avait invités à jouer à Aix, ville ouverte aux saltimbanques, la première grande opération très réussie de spectacles de rue.
Ici une chambre-cuisine d’H.L.M. : peu d’accessoires mais significatifs : une table de cuisine et trois chaises en stratifié des années cinquante, un évier, une gazinière avec des bouteilles d’oxygène pour aider à l’allumage au cas où… Et un grand lit: on planquera en dessous la nourriture volée. Mais, loin de tout naturalisme ou à dose homéopathique, c’est le règne de la parodie, de l’outrance et de la mise en abyme : l’armoire à vêtements devient ainsi un petit bureau où s’enferme régulièrement cet ouvrier après s’être disputé avec sa femme. Le texte comme ceux de Mistero Buffo,Mort accidentelle d’un anarchiste, L’Enterrement du Patron, un farce militante (1969),Couple ouvert à deux battants, est d’une rare efficacité. Comme dans les années 2000,  avec Ubu roi, Ubu bas, et L’Anomalo bicefalo, des pièces virulentes contre Silvio Berlusconi.

©PascaleCholette

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Dario Fo, avec sa bonhommie et sa gentillesse -nous l’avions interviewé quand il avait monté son fameux Mistero Buffo au festival d’Avignon- était aussi un redoutable adversaire politique du capitalisme, du Vatican et de la toute puissante Eglise catholique italienne à cette époque-là. Et il les dénonça sans cesse avec ses acteurs dans des endroits qui n’étaient pas toujours des lieux de spectacles.
Mais cet homme de théâtre engagé à l’extrême gauche et adulé, paya très cher son anticonformisme : l’Etat italien le traîna dans la boue, censura ses pièces et, en 74, son épouse Franca Rame fut enlevée, torturée et violée par des militants d’extrême droite !
Anticonformiste et provocateur, Dario Fo devra affronter plusieurs fois la justice italienne et sera même interdit de séjour aux Etats-Unis ! Ce n’était pas au Moyen-Age mais il y a quarante ans…

Dans une remarquable scénographie de Damien Caille-Perret où, à la fin, tout se détraque : une étagère bascule avec les casseroles, les portes de la chambre et celle de la gazinière s’ouvrent toutes seules, les murs tombent… Eddie Chignara, Anne-Élodie Sorlin, Jean-Philippe Salério, Flore Babled, Jules Garreau et Elie Chapus, pas très loin parfois de Laurel et Hardy mais aussi de Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps ont tous une gestuelle d’une rare efficacité et par rapport à la moyenne nationale, une diction très précise! Et cela fait un bien fou !

La mise en scène de Bernard Lévy est impeccable: invention et rythme soutenu, direction d’acteurs au cordeau, costumes intelligents comme la scéno en accord absolu avec le jeu. Et s’il voulait bien renoncer à quelques lumières stroboscopiques qui font mal aux yeux, ce serait encore mieux. Bref, un travail d’un rare qualité où les acteurs, sans être jamais vulgaires, font rire une salle entière, ce qui est plutôt exceptionnel dans le théâtre actuel qui fait plutôt dans le noir et le tragique. Chapeau! Le public surtout une bande de collégiens, les a donc longuement applaudis.
N’hésitez pas à aller jusqu’à la Cartoucherie mais attention, cela ne se joue pas longtemps et les navettes ne sont pas toujours fréquentes, alors mieux vaut prendre le bus. Il faut espérer que ce spectacle soit repris et joué longtemps…

 Philippe du Vignal

Jusqu’au 18 mars, Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre.  T. : 01 43 28 36 36.
Métro Château de Vincennes + navette gratuite ou bus 112 (zone 3), toutes les vingt minutes; arrêt : Cartoucherie.  

Faut pas payer, traduction de Valeria Tasca et Toni Cecchinato est éditée aux Tréteaux de France.
On ne paie pas! On ne paie pas!, traduction de Toni Cecchinato et Nicole Colchat), L’Arche-Editions ( 2015 )


Archive pour mars, 2023

Festival La Tête dans les nuages (suite)

Festival La Tête dans les nuages (suite)

En onze jours avec treize propositions, ce festival offre de belles découvertes, preuve une fois de plus  que de théâtre jeune public n’est pas un art mineur comme certains le croient, Ces spectacles font écho à l’esprit d’Angoulême, ville de la bande dessinée et de l’image. (voir Le Théâtre du Blog).

Cartoon de Mike Kenny, traduction de Séverine Magois, mise en scène d’Odile Grosset-Grange

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© Christophe Raynaud de Lage

 Dans un paysage urbain de carton-pâte, à l’avant-scène, deux châssis figurent une maison ordinaire. Nous sommes à Normal-Ville, Normal Street, chez la Famille Normal. Il y a la mère, Norma, le père, Norman, la fille, Dorothy et le fils, Jimmy qui sera un peu le fil rouge de la pièce. Et une bébé, un chien et un poisson rouge qui parle.

En costumes colorés style années soixante-dix, tranchant avec l’univers monochrome du décor, ils se présentent en chantant: «Pas des gens à faire des histoires/On ne fait pas de vagues… » Mais il ne faut pas se fier aux apparences : ces gens «normaux» n’ont rien d’ordinaire.  La scénographie de Stephan Zimmerli, pourrait passer comme une convention théâtrale mais se révèle être le lieu d’un dessin animé où les personnages sont voués à suivre éternellement le même scénario. «Tout peut arriver, dit l’un d’eux, on est des cartoons, des dessins animés … On ne ressent jamais la douleur (…) on est accompagnés de musique (…) On ne vieillit jamais et jamais on ne meurt… »Sans passé ni futur, ils vont d’épisode en épisode: explosion, course-poursuite, bagarres, escalades vertigineuses, ils sortent toujours indemnes des dangers et l’espace se transforme, s’ouvre et se referme, en créant un grand nombre d’images…

Mais un jour, la vie de Jimmy bascule: Norma Normal, une grande scientifique, confond le biberon de Bébé avec une potion qu’elle a inventée : Bébé devient alors invisible et Jimmy qui a goûté au breuvage, se met à grandir, à souffrir… Craig -la petite brute du quartier qui martyrise toujours notre héros- se rend compte de l’anormalité des Normal… Traquée par les médias, la famille devra déménager une fois encore et recommencer à zéro ses sempiternelles aventures.

Jimmy, lui, renonce à son destin de cartoon en trois dimensions et à ses super-pouvoirs, pour devenir un simple mortel. Il sortira définitivement du cadre lumineux bordant l’avant-scène, indiqué par Mike Kenny pour symboliser le dedans et le dehors mais aussi l’écran de télévision ou de cinéma que nos héros choisissent, ou non de traverser.

Odile Grosset-Grange met en scène et en images avec maestria cette pièce inédite de l’auteur britannique dont elle a déjà monté cinq autres. Elle transpose avec les moyens artisanaux du théâtre, les effets spéciaux des cartoons d’autrefois. François Chary, Julien Cigana, Antonin Dufeutrelle, Delphine Lamand, Pierre Lefebvre-Adrien, et Pauline Vaubaillon jouent avec rythme et rigueur ces figures archétypales de la famille américaine moyenne, figées dans une permanente bonne humeur : ils courent, volent, passent à travers les murs grâce à la magie des trucages. La marionnette du chien est hilarante et les répliques du poisson rouge à la mémoire trouée font merveille: le jeune public réagit au quart de tour.
Les prouesses techniques, des gags à la Tex Avery ou Walter Lantz, la drôlerie des situations font vibrer les cinq cents enfants dans la grande salle du Théâtre. 
Mike Kenny traite de la douloureuse mutation d’un corps pour accéder à l’humanité -comme La Petite Sirène, en moins dramatique-  ou plus simplement de la transformation du corps adolescent et de l’adieu à l’enfance, et son message s’insinue en filigrane dans ce spectacle grand format réjouissant de vitalité. `

Avion Papier d’Arthur Delaval, mise en scène de Laura Dahan

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Avion Papier ©Pierre ACOBAS

Une vieille caravane installée sur la place, le temps d’un ciné-concert abrite un théâtre miniature accueillant jusqu’à dix-huit spectateurs.  Tout petits et grands- vont passer vingt minutes d’enchantement visuel et sonore. Un musicien et bruiteur joue d’instruments pour enfants (piano, saxophone, percussions) sur des boucles enregistrées en direct avec les moyens du bord. A la fois projectionniste, régisseur-lumière, accessoiriste… il fait tintinnabuler des objets au plafond et le long des murs. Sur plusieurs écrans, une voyageuse intrépide marche dans des paysages urbains,  croise d’étranges humains, tombe dans des gouffres, gravit de hautes tours ou s’envole en ballon dans un ciel traversé d’avions en papier et parfois d’oiseaux.

Le dessin animé d’Arthur Delaval au graphisme nous transporte dans un univers mélancolique en noir et blanc, aux arbres dénudés et où les cheminées crachent des fumées grisâtres. Ses habitants se désagrègent, perdent leur tête, s’aplatissent, puis se relèvent. Après une série de chutes vertigineuses et d’ascensions délicates, la petite dame à la valise trouve enfin un passage vers le haut, en couleurs.

Guilhem Bréard a repris ce beau spectacle ambulant qui  tourne depuis sept ans. Son auteur, lui, travaille à un nouvel opus: Fantôme, à La Méandre, à Châlon-sur-Saône, un collectif de théâtre de rue: «La réunion d’initiatives artistiques porte sur quelques axes: chatouiller l’espace public, titiller la rue, terrain fort de jeux et d’enjeux.» On attend avec impatience cette création le 2 juin pour le festival Tous dehors, à la Scène Nationale de Gap (Hautes-Alpes).

 Mireille Davidovici

 Spectacles vus les 1er et 2 mars; 

le festival La tête dans les nuages se poursuit jusqu’au 11 mars. Théâtre d’Angoulême-Scène Nationale, avenue des Maréchaux, Angoulême (Charente). T. :05 45 38 61 62.

 Cartoon, les 10 et 11 mars à L’Azimut Scène Nationale-Théâtre La Piscine, Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine) ; les 21 et 22 mars, Comédie de Valence, Valence (Drôme)

Du 4 au 6 avril, La Coursive, La Rochelle (Charente-Maritime); du 14 au 16 avril, La Ferme du Buisson, Noisiel (Seine-et-Marne).

Les 4 et 5 mai, Gallia Théâtre, Saintes (Charente-Maritime); le 26 mai, Théâtre de Gascogne-Le Pôle, Mont-de-Marsan (Landes).

La Tête dans les nuages : vingt-sixième édition

La Tête dans les nuages : vingt-sixième édition 

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Hall du Théâtre d’Angoulême© M Davidovici

« Le théâtre pour enfants, disait Constantin Stanislavski en 1907, c’est le théâtre pour adultes, en mieux.» Ambition de ce festival créé à la Scène Nationale d’Angoulême en 1997 par André Curmi, directeur et Chantal Rocailleux, secrétaire générale.

Un des premiers festivals jeune public offert par une Scène nationale, suivi par Odyssées 78 à Sartrouville, Méli’môme à Reims, Momix à Kingersheim, À pas contés à Dijon, L’Échappée belle à Blanquefort…

Ici, Sonia Kéchichian a repris le flambeau il y a trois ans et ouvert la programmation aux adolescents, voire aux jeunes adultes et aux tout-petits. Pendant onze jours avec treize propositions. Pour faire grandir La Tête dans les nuages, elle a associé un groupe de jeunes volontaires à ses choix avec un « club prod » pour les intégrer au travail de la programmation. Un projet mené en parallèle avec le Nest à Thionville.

Dans ces villes, une dizaine de jeunes gens entre quinze et vingt ans examine des dossiers et en sélectionne quatre. Pour, après débat, choisir un projet. Cette année, Tenir Debout de Suzanne de Baecque, un solo issu des Croquis de Voyage de l’Ecole du Nord (voir Le Théâtre du blog). L’actrice opère une plongée dans les coulisses du concours Miss Poitou-Charentes.
Elle s’y était elle-même présentée et a vécu la violence de cette course à l’écharpe. Suzanne devient Laureline, en une langue d’aujourd’hui vitaminée au «globish» : une version simplifiée de l’anglais : «Je suis pas une fille de groupe, tu vois. Mais, meuf, la vie elle est courte, alors, profite ! Go, go, go!»Suzanne de Baecque a su trouver la bonne distance pour faire exister, sans la caricaturer, cette jeune femme très «girly», fan des séries 
Gossip Girl et Pretty Little Liars… Une histoire émouvante qui donne voix à l’une de ces personnes qu’on n’entend jamais, confinées dans ces «territoires perdus de la République» titre du livre d’Emmanuel Brenner.

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Gadoue © La Cascade

 Les plus jeunes pourront assister à Gadoue de Nathan Israël et Luna Rousseau créé  au festival d’Alba-la-Romaine (Ardèche). Sur une piste blanche, un jongleur en élégant costume bleu marine, joue avec une boule d’un blanc immaculé, et défie l’argile gluante sur le plateau. Malgré tous ses efforts, la boule y tombera et Nathan Israël s’y vautrera mais non sans plaisir, jusqu’à devenir une statue aux postures bizarres. Pour la plus grande joie du public, complice de cette transgression pendant une demi-heure.

 De belles découvertes aussi comme Avion Papier d’Arthur Delaval et une nouvelle création Cartoon de Mike Kenny d’Odile Grosset-Grange. Ces spectacles font écho à l’esprit d’Angoulême, ville de la bande dessinée où on voit partout des murs, voire du mobilier urbain, peints par les artistes qui séjournent à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image. Cette institution et un musée ont été créés en marge du fameux festival. (voir Le Théâtre du blog

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P.I.E.D. de Bérénice Legrand© Christophe Raynaud de Lage

 A côté du théâtre et du cirque, la danse avec  P.I.E.D. de Bérénice Legrand, un spectacle ludique suivi d’un moment immersif pour les petits et Villes de papier de Cécile Loyer qui donne corps et voix aux migrants. Le cinquième art sera aussi à l’honneur dans les futures éditions, avec deux projets présentés ici lors d’une journée professionnelle de l’O.A.R.A. (Office Artistique Régional de Nouvelle Aquitaine) qui aide la création et la diffusion des spectacles dans cette vaste région. L’Odéon, troisième salle de la Scène Nationale, est déjà au complet pour la présentation de deux créations à venir, dont les metteurs en scène sont à la recherche de production.

Valse avec Wrungdilstilbletrodasgoridasglou de Marc Lacourt

Le danseur est devenu chorégraphe il y a dix ans, avec «l’envie de parler à la jeunesse : avec les enfants, les parents s’initient au théâtre et à la danse, grâce à des propositions jeune public ». Dans cette pièce six interprètes et des objets s’animeront sur un fond d’ un tableau bleu d’Yves Klein. Le plateau sera traversé de monstres «passeurs qui nous éloignent de nos peurs».
Marc Lacourt rêve aussi d’y planter des arbres et une nature envahissante. Avec un conteur, un philosophe et une dessinatrice, il se laisse le temps de trouver une proximité avec les spectateurs, pour leur «dire la diversité des corps» et leur communiquer l’envie de danser…

 Rites de passage de Sylvie Balestra

«Dans une société qui n’a plus de rite de passage pour l’entrée dans l’âge adulte, dit la chorégraphe, je m’adresse directement aux adolescents et leur propose un rituel.» Ses créations se nourrissent d’observations anthropologiques dans différents milieux. Ce projet s’appuie sur un travail artistique mené avec des mineurs placés en Centre éducatif fermé à Bergerac (Dordogne)qui a été inauguré l’an passé A partir d’anciens ballons de football et rugby découpés, ils ont confectionné des masques en cuir, aidés par la maroquinerie proche de Nontron : «Ils se sont construit une deuxième peau, une armure. »
Soit sept masques et un film qui feront l’objet d’une exposition à la Fabrique Pola, quai de Brazza à Bordeaux. Des masques exposés au Musée du quai Branly et les danses de passage africaines ont aussi inspiré les jeunes gens.
« La balle, dit Sylvie Balestra, nous a mis en mouvement.» Elle espère construire un solo pour une danseuse-performeuse dans une grande proximité avec ces êtres mutants dont Françoise Dolto disait qu’ils sont comme le homard pendant la mue, sans carapace et exposés à tous les dangers et à la nécessité d’en «suinter» une autre. Installée en Dordogne, la compagnie Sylex a déjà à son actif, des créations collectives fondées sur des rites actuels survivants. A suivre…

Mireille Davidovici

Jusqu’au 11 mars, Théâtre d’Angoulême-Scène Nationale, avenue des Maréchaux, Angoulême (Charente). T. : 05 45 38 61 62.

 

Les Folies Grüss: Soirée solidaire pour les victimes turques et syriennes du séisme

Les Folies Grüss:  Soirée solidaire pour les victimes turques et syriennes du séisme

Alexis Grüss (soixante-dix huit ans), formé enfant par son père André et son oncle Alexis, a été trapéziste, écuyer, voltigeur, clown, musicien. En 1974, il a créé sa compagnie en montant un spectacle dans la cour de l’Hôtel Salé devenu Musée Picasso, pour fêter le bicentenaire de l’arrivée dans la capitale de Philip Astley, l’inventeur du cirque.

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La compagnie est attachée à deux traditions: les arts équestres et celle  des saltimbanques. Aujourd’hui, elle se mobilise pour aider les victimes du séisme survenu en Turquie et Syrie. Grâce au Fonds de dotation Alexis Grüss, ils ont organisé une soirée avec, sur la piste, de nombreux humoristes, chanteurs, musiciens, cavaliers, magiciens…

Ils vont faire un spectacle unique et une vente aux enchères d’accessoires de la compagnie, une soirée au Moulin Rouge et une photo d’Yann Arthus Bertrand..Donner rend heureux, dit-il, et moi j’ai envie d’être heureux « . Les recettes comme les dons, défiscalisées à 66 % seront reversés aux associations de terrain : L’œuvre d’Orient et Première Urgence Internationale.

Philippe du Vignal

 

Lundi 6 mars à 21 h, Les Folies Grüss, route des Lacs, Carrefour des Cascades, Paris (XVI ème). Billetterie. T. : 01 45 01 71 26.
Premières : 80 €, placement libre (27.20 € après déduction fiscale). Et loges: 180 €, placement libre (61.20 € après déduction fiscale.)

Le syndrome d’Hercule,comédie musicale de Marie Courtel et Gilles Sallé, mise en scène de Gilles Sallé et Charlotte Jouanneteau(à partir de huit ans)

Le Syndrome d’Hercule,comédie musicale de  Marie Courtel et Gilles Sallé, mise en scène de Gilles Sallé et Charlotte Jouanneteau (à partir de huit ans)

 Une idée : à quoi pourraient ressembler les douze travaux d’Hercule  au XXI ème siècle ? Cela se passe dans le cabinet de mademoiselle Lapythie, une hypnothérapeute qui, dit-elle, peut soigner grâce aux fameuses légendes mythologiques. Le jeune Blaise s’est trompé de porte : il allait chez son dentiste mais cette demoiselle persuade cet employé modèle assez coincé, d’être son patient. Avec son aide, il devra revisiter les fameux douze travaux d’Hercule, pour se libérer de ses phobies et autres addictions qu’il avoue avoir contractées dans sa vie personnelle, et professionnelle autour de la machine à café !
La liste de ces travaux mythiques est affichée sur un panneau :
Tuer le lion de Némée réputé invulnérable, Tuer l’Hydre de Lerne dont les têtes repoussent, Capturer le sanglier d’Erymanthe qui terrorise les Arcadiens, Gagner la course contre la biche de Cérynie protégée par Artémis, Abattre les oiseaux carnassiers du lac Stymphale, Capturer le taureau de Crète du roi Minos qui refusait de le rendre à Poséidon, Dompter les juments du roi de Thrace Diomède qu’il nourrissait de chair humaine, Récupérer la ceinture d’Hippolyte, reine des Amazones, Nettoyer les écuries d’Augias, Voler les bœufs de Géryon, un géant aux trois corps, Rapporter les pommes d’or des Hespérides gardées par un dragon à cent têtes et enfin Ramener des Enfers  le fameux Cerbère, un chien à trois têtes gardant les Enfers. Des travaux qui ont peu à voir avec ceux que mademoiselle Lapythie va imposer à son patient. Comme des exercices de diction : Un chasseur sachant chasser… de concentration ou d’attention: le redoutable jeu de bonneteau, etc.

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C’est souvent sur-joué mais avec une bonne diction, à la limite de la caricature et mis en scène à l’arrache! Et entre chaque épreuve, une petite danse et/ou une petite chanson bien chantée par Charlotte Jouanneteau ou Marie Courtel, Gilles Sallé ou Paul Cervera). Sans doute pour aérer des dialogues bavards et  à la dramaturgie pauvrette (devinez quoi: à la fin, les protagonistes vont tomber fous amoureux!)
Les acteurs font appel à la participation des enfants qui ont sans doute du mal à faire le lien entre ces douze travaux et ce qu’on leur montre sur le plateau. Même si le rythme est soutenu, cette soi-disant
comédie musicale pop et rock, en une heure et quelque, nous a laissé sur notre faim.
Les enfants semblaient heureux de se retrouver ensemble mais, comme nous, les parents accompagnateurs ont trouvé le temps bien long! Bref, loin, très loin du récent et très remarquable Depuis que je suis né de David Lescot (voir Le Théâtre du Blog). Le théâtre pour jeune public se doit d’être encore plus exigeant mais c’est loin d’être ici le cas… comme souvent. Dommage.

 Philippe du Vignal

Essaïon Théâtre, 6 rue du Pierre au Lard, Paris ( IV ème), le 4 mars et les samedis, du 11 mars au 1er avril.

Marie Sklodowska Curie de Thémis Moumoulidis et Panagiota Pantazi, mise en scène de Thémis Moumoulidis

Marie Sklodowska Curie de Thémis Moumoulidis et Panagiota Pantazi, mise en scène de Thémis Moumoulidis

 La vie de cette personnalité a inspiré les dramaturges. Etudiant, il y avait vingt ans, nous avions eu la chance de jouer Les Palmes de Monsieur Schutz de Jean-Noël Fenwick et l’an passé, nous avons assisté à L’Apologie de Marie Curie d’Efstathia, mise en scène par Kirki Karali.  Marie Sklodowska Curie est une œuvre aussi incontournable et enrichissante. «De tous les êtres célèbres, Marie Curie est la seule que la gloire n’ait pas corrompue», disait Albert Einstein. Ces mots concluent ce spectacle-hommage à cette grande chercheuse.
La pièce est le fruit d’une longue recherche dans les archives et est aussi fondée sur Madame Curie, une biographie d’Ève Curie (1904-2007), avec des séquences sur la vie et la contribution scientifique de sa mère (1867-1934).  L’autrice souligne son désintéressement et le fait qu’elle ait rendu son travail accessible au plus grand nombre .. Sans être une militante féministe au sens actuel du terme, Marie Curie s’était engagée pour la science et a eu le courage de mener une carrière ambitieuse telle un homme. Et elle a été un modèle pour de nombreuses femmes.

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Née à Varsovie alors occupée par la Russie, Maria Sklodowska, plus tard connue sous le nom de Marie Curie, a tracé sa voie avec en renversant tous les stéréotypes. Sa « poésie de la science », sa passion et son indomptable esprit de recherche sont devenus ses armes pour affronter la xénophobie et les préjugés auxquels elle était confrontée comme femme et immigrée. Elle a marqué son époque, au tournant du XXème siècle, en redéfinissant les frontières de la science.En 1903, les époux Curie se partagent avec Henri Becquerel le prix Nobel de physique pour leurs recherches sur les radiations. Et huit ans plus tard, seule femme dans ce cas, elle obtient aussi le Nobel de chimie pour ses travaux sur le polonium et le radium.

La pièce de Themis Moumoulidis et Panagiota Pantazi, fondée sur des éléments biographiques, documents et témoignages, suit l’aventure passionnante d’une vie qui touche au roman ! Une enfance et une adolescence difficiles à Varsovie sous l’occupation tsariste, des études à la Sorbonne et sa lutte pour être reconnue comme membre à part entière d’une communauté scientifique dominée par les hommes, la « partenaire incomparable » de vie et de science de Pierre Curie, les éléments chimiques qui la « hantent », la radioactivité, la « curiothérapie » contre le cancer, les deux Nobel, la perte, la gloire et le tollé quand elle eut une liaison avec Paul Langevin alors qu’elle était veuve depuis cinq ans, les luttes irréconciliables pour une science au service de l’homme. La tragédie et l’ironie que l’Histoire lui réservait, avec l’usage destructeur ultérieur de ses découvertes.

Themis Moumoulidis réussit à créer un paysage de mémoire, images et sons et met en évidence la poésie, la pulsation et la lutte incessante d’une vie légendaire. Marie Curie a beaucoup donné à la science et à l’humanité mais aussi à la lutte des femmes pour la justice et l’égalité de traitement. Un spectacle qui nous transporte au temps de Marie Curie, avec des extraits de symphonies classiques mais aussi des compositions musicales originales et des paysages sonores d’Alexandra Mikroutsikou.

Panagiota Kokkorou a imaginé un décor symbolique et des costumes bien mis en valeur par les lumières de Nikos Sotiropoulos. Konstantina Takalou (Marie Curie), Iphigénie Karamitrou (Irène Curie), Catherine Lipiridou (Bronia Sklodowska) et Yannis Papadopoulos (Pierre Curie) jouent leurs personnages avec habileté… 

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Syhrono Théâtre, 45 rue Evmolpidon, Athènes. T. : 00302103464380.

En Crète, les 10, 11 et 12 mars.

The Evasons de Jeff et Tessa Evason

 The Evasons de Jeff et Tessa Evason

 Lui a commencé jeune au Canada, en voyant des magiciens à la télévision. Magic Tom était populaire à Montréal avec une émission de télévision quotidienne pour les enfants. Et il se souvient très bien avoir vu Ed Sullivan produire des colombes dans des ballons. Quand il avait quatorze ans, son grand-père l’a emmené sur un bateau de croisière où il vu Bernard Reid, de Nouvelle-Zélande. Ils sont devenus amis et le sont restés jusqu’à son décès en 2021… Il lui avait donné un exemplaire de The Amateur Magician’s Handbook. Tessa, elle, a grandi sur l’île antillaise de Sainte-Lucie où il y avait et il y a une station de télévision et parfois des gens rapportaient des États-Unis des cassettes vidéo d’émissions. Parfois, cette station diffusait ces émissions en direct ! Et elle se souvient avoir vu et adoré Mark et Nani Wilson..

Jeff a lu et relu The Amateur Magician’s Handbook mais c’était un peu difficile pour lui à l’époque. Lors d’un voyage à Toronto, son père l’a emmené à The Arcade magic and novelty shop. Sophie Smith dirigeait cette boutique et refusait de vendre un tour ou un livre à quelqu’un, si elle sentait qu’il n’était pas prêt. Jeff a ainsi voulu acheter des anneaux chinois mais elle ne voulait pas les lui vendre ! Tessa est partie en 83 au Canada pour faire des études et a travaillé à temps partiel comme mannequin. A Toronto, elle a rencontré Jeff par l’intermédiaire de Lisa, une amie créatrice de mode. Il travaillait avec elle sur un défilé et voulait utiliser un mannequin comme assistante dans son numéro de magie et dès qu’elle en a entendu parler, elle a su que c’était pour elle! Et ensuite ils ont collaboré ensemble sans arrêt.

 

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«Quand nous avons commencé à travailler ensemble, dit Jeff, nous faisions des spectacles de magie. Notre premier contrat : une saison estivale dans un grand complexe familial situé dans la magnifique région des lacs, juste au nord de Toronto. Et cette même année, on nous a proposé de jouer une saison sur un bateau de croisière dans les Caraïbes. Les choses sont allées très vite et on travaillait beaucoup. Nous avons construit un spectacle complet de magie avec colombes, grandes illusions et autres numéros, avec lequel nous avons été en tournée au Canada quelques années. Puis nous avons évolué vers le mentalisme. Nous en avons donc progressivement fait, puis monté un spectacle complet de mentalisme, pour des événements spéciaux. Facile à mettre en place, à jouer et à remballer par rapport aux grandes illusions, et qui a suscité des réactions formidables du public.

 Bernard Reid a été la premier maître de Jeff qui, plus tard,  a été présenté à Fernandez, un magicien cubain vivant et jouant au Canada qui l’a engagé comme assistant pour quelques tournées, et plus tard dans les boîtes de nuit autour de Toronto. «Une opportunité incroyable d’apprendre avec un vrai pro, dit-il, et j’ai ensuite collaboré un certain temps avec Dennis Loomis, un autre magicien itinérant aux États-Unis. Tessa et moi ayons travaillé ensemble quelques années, nous avons rencontré les mentalistes Tom et Liz Tucker. Ils nous ont beaucoup inspiré et ont été de bons tuteurs dans l’art de « la seconde vue ».

 Première grande percée de Tessa et Jeff : grâce à Gary Ouellet, producteur d’émissions télévisées de magie qui les appelle de façon inattendue pour les inviter au The World’s Greatest Magic. En 1999, ils participent au World Magic Seminarà Las Vegas. Siegfried et Roy étaient assis au premier rang. Lui a brandi une carte d’identité. Tessa avait les yeux bandés sur scène mais  a décrit cette carte puis l’a remercié en l’appelant par son premier prénom, puis le second et son nom de famille. Réaction de Roy inestimable: Tessa et Jeff ont reçu le prix Sarmotti grâce à ce numéro. Et de nombreux agents comme actuellement, Bill Herz, des directeurs et producteurs… les ont aidé et continuent à le faire. « Bill, disent-ils, est notre ami et notre partenaire commercial. Lui et sa femme Gwenn, une équipe de rêve ! » Ils travaillent surtout sur scène, lors d’événements d’entreprise et d’université aux États-Unis et aussi sur quelques bateaux de croisière. Et parfois, dans les foires et festivals, et à la mi-temps des matchs de NBA devant dix-huit mille personnes : «Nous ne faisons que du mentalisme concentré sur notre numéro de seconde vue. Mais aussi de la magie « spirite », avec notre propre version de la Spirit Photography qui suscite une réaction incroyable. Presque tout ce que nous faisons dans notre spectacle est personnel et original et nous évitons les mêmes effets que les autres mentalistes. Nous avons été influencés comme nous l’avons dit, par Bernard Reid, Fernandez et The Tuckers mais aussi par des artistes comme The Zancigs, Dunninger, Reveen, Paul Daniels, Kreskin, Uri Geller et Derren Brown. Nous avons beaucoup de gratitude envers les spirites, médiums, magnétiseurs et voyants du XIXème siècle. Ils étaient les premiers praticiens et enseignants de ce que nous appelons aujourd’hui le mentalisme. »

 A un débutant, ils conseillent de trouver du matériel original et d’étudier des livres et autres documents  où disent-ils, il y a dedans tellement de joyaux de magie! Comme les ouvrages de Tarbell, Annemann, Baker, Anderson et Bascom Jones. «Nous croyons beaucoup au mentorat. Via les médias sociaux, il n’a jamais été aussi facile de prendre contact avec d’autres artistes et créateurs dont on admire le travail. Les grands noms de la magie et du mentalisme sont tous accessibles. Dites-leur que vous êtes fan de leur travail, soyez authentiques et sincères. Il y a de fortes chances que vous établissiez un contact. Vous pourrez même avoir la chance de vous faire un nouvel ami, voire un mentor. Apprenez quelques tours, devenez compétent et jouez en direct aussi souvent que possible. Connaissez votre public et écoutez-le. Enregistrez-vous sur vidéo : c’est un excellent outil d’apprentissage. Soyez réaliste et honnête quant à vos capacités. Ne prétendez pas être un maître magicien (ou mentaliste), alors que vous ne l’êtes probablement pas. Les gens sont très indulgents et vous soutiendront mais si vous ne faites pas semblant d’être quelqu’un que vous n’êtes pas. Ne vous présentez pas comme des professionnels de haut niveau, alors que vous avez très peu d’expérience. Il n’y a aucun mal à être amateur : nous avons tous commencé par-là, mais si vous montez sur une scène sans être prêt, vous nuirez à votre réputation et à la magie… Surtout, amusez-vous. Il y a tellement de façons de s’impliquer dans notre monde. Où que vous alliez, quoi que vous fassiez, profitez de votre expérience. C’est un passe-temps fantastique, un travail à temps partiel incroyable et certains d’entre nous font de la magie, une carrière à plein temps. Vous avez déjà la joie qu’elle peut apporter ! Nous pensons qu’il est important d’être authentique et de se connecter avec le public, de ne pas avoir un numéro trop scénarisé. Il pourrait avoir l’impression de regarder une pièce de théâtre, plutôt qu’une démonstration de télépathie. Ceci est valable pour les escapologistes. Nous sommes plus à l’aise pour interpréter une meilleure version de nous-mêmes et mieux vaut éviter de jouer un personnage qui ne nous correspond pas. Un exercice d’équilibriste…
La magie est partout et ne concerne plus que les professionnels. Beaucoup de gens en connaissent quelques principes et heureusement, plus les profanes acquièrent de connaissances, plus elle est populaire ! Mais exposer la magie et le mentalisme à des fins personnelles sera toujours une erreur. »
Et la culture dans tout cela ? Selon eux, elle aide à distinguer un artiste d’un autre mais elle doit plaire à tout le monde, en particulier à ceux qui sont directement concernés par les numéros. Mais si un spectacle embrasse une culture, il aura plus d’effet sur le public.

 Sébastien Bazou

https://www.evason.com/

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