Nagasaki, d’après le roman d’Eric Faye, adaptation et mise en scène d’Olivier Cruveiller

Nagasaki, d’après le roman d’Eric Faye, adaptation et mise en scène d’Olivier Cruveiller

Quelque chose cloche dans l’appartement de monsieur Shimura, modeste employé du service de météorologie à Nagasaki. Célibataire maniaque, à l’existence réglée comme du papier à musique, il constate la disparition de certains aliments. Qui a bu la moitié de son jus de fruit? Qui a subtilisé ses yaourts? Porte et fenêtre closes et aucune trace d’effraction. Jusqu’au jour où il installe une caméra pour espionner son domicile depuis le bureau…
Une intruse s’est glissée chez lui. Comment? La police, alertée, fera la clarté. Chômeuse de longue durée et sans domicile, cette inconnue se cache depuis plus d’un an dans un placard et prend possession des lieux, une fois leur propriétaire parti au travail.

© Eva Gardenne

© Eva Gardenne

De ce fait divers paru dans la presse japonais, Erik Faye a tiré un roman délicat qui lui a valut le prix de l’Académie française en 2010. Du Pays du soleil levant qu’il  a parcouru et dont  il a publié des récits de voyage, il emprunte le style dépouillé pour évoquer ces personnages ordinaires. Ces vies minuscules, faites de solitude, que le hasard met en présence, sans qu’elles se rencontrent vraiment.

Au récit de Shimura, déstabilisé par cette affaire, succède celui de son « intruse » comme il la nomme: des déménagements successifs ont marqué la vie de cette femme comme autant d’arrachements. La maison de Shimura -où elle vécut jadis et dont elle avait conservé la clef- est son ultime refuge. Mais elle en sera une fois de plus délogée et sera mise quelques mois en prison. Sans le rencontrer, elle a pénétré dans l’intimité de son hôte malgré lui, en explorant les recoins de la demeure… Rien chez lui ne l’attire particulièrement, sinon le vide, la solitude et la banalité qu’ils ont en partage.

Olivier Cruveiller incarne un Monsieur tout le monde plutôt sympathique qui fait part de son trouble au public, ici pris à témoin. Le récit de la femme est plus retenu, introspectif… Natalie Akoun ( Elle, plus âgée) raconte comment elle en est arrivée là, sur le mode du « je », et relayée dans son histoire par Nina Cruveiller (Elle jeune) à la troisième personne du singulier. Un dialogue à deux voix, entre le présent chaotique de la femme mûre et l’évocation par la plus jeune, d’un passé fracturé: enfance bouleversée par la destruction de la maison familiale, ralliement au groupuscule radical de l’armée rouge, petits boulots, licenciements…

La force du spectacle est bien aussi dans la simplicité et la densité du texte. Eric Faye, sans effet de plume, nous plonge dans une douce mélancolie soulignée par le violon et le bandonéon de Laurent Valéro. Deux châssis mobiles tendus de tissu figurent les lieux du récit et, selon les éclairages, présentent les personnages en ombres chinoises. Images fugaces de ces êtres de solitude, rendus invisibles par une société sans pitié et dont le passage sur terre ne laissera aucune trace. Des ombres qui planent sur l’anéantissement nucléaire par les Etats-Unis, d’Hiroshima et Nagasaki, évoqué ici en filigrane.

La mise en scène, par des jeux d’ombre et lumière rend avec justesse l’atmosphère en demi-teinte du roman et nous incite à lire cet auteur dont les titres des romans font écho aux thématiques de Nagasaki comme L’Homme sans empreintes, Le Général Solitude, Le Syndicat des pauvres types

Mireille Davidovici

Jusqu’au 8 avril, au100, 100 rue de Charenton, Paris (Xll ème).

Nagasaki est publié chez Stock.

 

 

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