Petits contes de la solitude, texte et mise en scène de Julie Macqueron

Petits contes de la solitude, texte et mise en scène de Julie Macqueron

 

®Julien Cheminade

©Julien Cheminade

Dystopie, un mot très à la mode. Petite leçon de sémantique: le terme, issu de dys: (négation) et topos (lieu): encore un coup des Grecs de l’antiquité, et qui a une connotation péjorative! Et le contraire d’utopie, un lieu à la fois heureux et inexistant.
La dystopie
est actuellement fondée sur une fiction où un Etat dictatorial contrôle, sans aucune séparation des pouvoirs, la vie des citoyens qui doivent obéir à  la technologie et  aux robots qui ont envahi l’espace de leur vie.
Et est arrivé récemment le mot: métavers, issu de metaverse, un mot valise d’origine anglaise:
meta et universe (méta et univers). Soit un monde virtuel allant bien au-delà de celui que nous connaissons. Il a eu comme application, des jeux gratuits en ligne  comme Second life avec nombreux participants créé il y a déjà vingt ans. Ils pouvaient incarner des personnages virtuels et le concept était déjà apparu dans le roman Simulacres de Philip K. Dick il y a quelque soixante ans…
Parfois au
théâtre, mais moins qu’au cinéma, la dystopie a été un terrain de jeu pour auteurs et metteurs en scène, qui ne date pas d’hier avec, entre autres, en 1882, Voyage à travers l’Impossible de Jules Verne et Adolphe Dennery.
Juste un siècle plus tard,
Roderick, les trois lois de la robotique par la troupe du Café de la gare, s’inspirait de l’écrivain américain John Thomas Sladek, auteur de science-fiction et de Fahrenheit 56K, une pièce de Fernando de Querol Alcaraz qui avait pour thèmes; la censure, la liberté d’expression et internet, d’après le célèbre 1984 de George Orwell et du non moins célèbre Farenheit 451 de Ray Bradbury

Julie Macqueron a imaginé une  pièce en quatre chapitres où des «histoires se succèdent, s’imbriquent, toujours plus loin dans le futur, toujours plus loin dans la solitude.» D‘abord, un homme, le jour de son cinquantième anniversaire, attend très seul une euthanasie: systématique pour les gens de son âge… Une solution qu’a trouvé l’Etat pour résoudre efficacement le problème de la retraite, du chômage et du logement
Puis Lilou, une influenceuse s’en va à la dérive dans le métavers mais pour elle, ce sera plus compliqué de retrouver la réalité quotidienne.
Ensuite, une femme et un homme, chargés de la surveillance et de la répression, tombent amoureux, alors que c’est formellement interdit à l’ensemble de la population qui doit vivre bon gré mal gré dans la solitude.  Enfin, une famille reçoit en cadeau d’anniversaire, un robot humanoïde: une sorte d’amie censée répondre facilement à tous ses besoins…

Mais nous sommes au théâtre et comment réussir à créer un univers d’aspect métaversien sur une aussi petite scène et comment le mettre en scène? A l’impossible, nul n’est tenu et un plateau de cinéma serait plus adapté… Corto Timon a imaginé avec intelligence des châssis en plastique transparent, un casque étonnant de réalité virtuelle, des gants aux immenses doigts lumineux vert acide et, à la fin, un décor très drôle avec papier peint d’une rare laideur!, des costumes et perruques blanches pour toute la famille qui va trinquer avec des bocks remplis d’un jus très rouge. Une scénographie subtile et qui tient presque de la magie…
Julie Maqueron sait créer de belles images, aucun doute là-dessus. Côté dramaturgie, elle a plus de mal à tricoter ensemble les dialogues (assez faiblards!) de ces chapitres qui mériteraient quelques coups de ciseaux pour faire surgir la poésie des situations. Les romanciers et dramaturges de science-fiction n’ont pas à rendre absolument crédible une histoire mais doivent savoir imposer des univers cohérents. Crédibilité et cohérence: un ensemble artistique pas facile à réussir, surtout au théâtre…
Julien Cheminade, Sarah Cotten, Victoire Cubié, Charles Dunnet, Heloïse Lacroix savent bien bouger dans cet espace limité mais surtout au début, ils ont une diction approximative, récitent parfois leur texte et ont bien du mal à rendre justes leurs différents personnages. A part Victoire Cubié, qui a plus de métier que ses camarades, menaçante en robe de plastique noir brillant. Elle s’impose vraiment.
Mais cette réalisation malgré d’indéniables qualités visuelles, souffre d’une direction d’acteurs trop juste, même pour un soir de première… Il y a donc encore du pain sur la planche. A suivre…


Philippe du Vignal

Jusqu’au 25 avril, Les Nouveaux Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris (Ier).


Archive pour 3 avril, 2023

Petits contes de la solitude, texte et mise en scène de Julie Macqueron

Petits contes de la solitude, texte et mise en scène de Julie Macqueron

 

®Julien Cheminade

©Julien Cheminade

Dystopie, un mot très à la mode. Petite leçon de sémantique: le terme, issu de dys: (négation) et topos (lieu): encore un coup des Grecs de l’antiquité, et qui a une connotation péjorative! Et le contraire d’utopie, un lieu à la fois heureux et inexistant.
La dystopie
est actuellement fondée sur une fiction où un Etat dictatorial contrôle, sans aucune séparation des pouvoirs, la vie des citoyens qui doivent obéir à  la technologie et  aux robots qui ont envahi l’espace de leur vie.
Et est arrivé récemment le mot: métavers, issu de metaverse, un mot valise d’origine anglaise:
meta et universe (méta et univers). Soit un monde virtuel allant bien au-delà de celui que nous connaissons. Il a eu comme application, des jeux gratuits en ligne  comme Second life avec nombreux participants créé il y a déjà vingt ans. Ils pouvaient incarner des personnages virtuels et le concept était déjà apparu dans le roman Simulacres de Philip K. Dick il y a quelque soixante ans…
Parfois au
théâtre, mais moins qu’au cinéma, la dystopie a été un terrain de jeu pour auteurs et metteurs en scène, qui ne date pas d’hier avec, entre autres, en 1882, Voyage à travers l’Impossible de Jules Verne et Adolphe Dennery.
Juste un siècle plus tard,
Roderick, les trois lois de la robotique par la troupe du Café de la gare, s’inspirait de l’écrivain américain John Thomas Sladek, auteur de science-fiction et de Fahrenheit 56K, une pièce de Fernando de Querol Alcaraz qui avait pour thèmes; la censure, la liberté d’expression et internet, d’après le célèbre 1984 de George Orwell et du non moins célèbre Farenheit 451 de Ray Bradbury

Julie Macqueron a imaginé une  pièce en quatre chapitres où des «histoires se succèdent, s’imbriquent, toujours plus loin dans le futur, toujours plus loin dans la solitude.» D‘abord, un homme, le jour de son cinquantième anniversaire, attend très seul une euthanasie: systématique pour les gens de son âge… Une solution qu’a trouvé l’Etat pour résoudre efficacement le problème de la retraite, du chômage et du logement
Puis Lilou, une influenceuse s’en va à la dérive dans le métavers mais pour elle, ce sera plus compliqué de retrouver la réalité quotidienne.
Ensuite, une femme et un homme, chargés de la surveillance et de la répression, tombent amoureux, alors que c’est formellement interdit à l’ensemble de la population qui doit vivre bon gré mal gré dans la solitude.  Enfin, une famille reçoit en cadeau d’anniversaire, un robot humanoïde: une sorte d’amie censée répondre facilement à tous ses besoins…

Mais nous sommes au théâtre et comment réussir à créer un univers d’aspect métaversien sur une aussi petite scène et comment le mettre en scène? A l’impossible, nul n’est tenu et un plateau de cinéma serait plus adapté… Corto Timon a imaginé avec intelligence des châssis en plastique transparent, un casque étonnant de réalité virtuelle, des gants aux immenses doigts lumineux vert acide et, à la fin, un décor très drôle avec papier peint d’une rare laideur!, des costumes et perruques blanches pour toute la famille qui va trinquer avec des bocks remplis d’un jus très rouge. Une scénographie subtile et qui tient presque de la magie…
Julie Maqueron sait créer de belles images, aucun doute là-dessus. Côté dramaturgie, elle a plus de mal à tricoter ensemble les dialogues (assez faiblards!) de ces chapitres qui mériteraient quelques coups de ciseaux pour faire surgir la poésie des situations. Les romanciers et dramaturges de science-fiction n’ont pas à rendre absolument crédible une histoire mais doivent savoir imposer des univers cohérents. Crédibilité et cohérence: un ensemble artistique pas facile à réussir, surtout au théâtre…
Julien Cheminade, Sarah Cotten, Victoire Cubié, Charles Dunnet, Heloïse Lacroix savent bien bouger dans cet espace limité mais surtout au début, ils ont une diction approximative, récitent parfois leur texte et ont bien du mal à rendre justes leurs différents personnages. A part Victoire Cubié, qui a plus de métier que ses camarades, menaçante en robe de plastique noir brillant. Elle s’impose vraiment.
Mais cette réalisation malgré d’indéniables qualités visuelles, souffre d’une direction d’acteurs trop juste, même pour un soir de première… Il y a donc encore du pain sur la planche. A suivre…


Philippe du Vignal

Jusqu’au 25 avril, Les Nouveaux Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris (Ier).

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