Des Châteaux qui brûlent ,d’après le roman d’Arno Bertina, mise en scène d’Anne-Laure Liégeois
Des Châteaux qui brûlent d’Arno Bertina, adaptation d’Anne-Laure Liégeois avec la collaboration de l’auteur, mise en scène d’Anne-Laure Liégeois
Ce spectacle donne la parole à des ouvriers en colère qui ont pris en otage un politique venu négocier la fermeture de leur usine. Un bras de fer s’est engagé alors entre l’État et les rebelles retranchés qui ont été encerclés par les forces de l’ordre. Depuis la parution du roman en 2017, il y a eu les Gilets jaunes, puis les grèves et manifestations causées par la réforme des retraites… Des châteaux qui brûlent sont donc d’une actualité brûlante
La Générale Armoricaine, un abattoir de poulets à Châteaulin (Finistère) doit fermer. Sur le carreau, trois mille personnes dans un département ne regorgeant pas d’emplois! Les propriétaires ont détourné les aides européennes! Et Pascal Montville, le secrétaire d’État à l’industrie vient expliquer qu’il n’est plus question de subventionner des industries qui, à cause d’exportations à bas prix, déstabilisent les élevages des pays africains. Pascal Montville et les ouvriers ne parlent pas le même langage et ses propos, maladroits et incompris, vont provoquer leur colère et sa séquestration. Mais maintenant, que faire?
Anne-Laure Liégeois a construit en collaboration avec l’auteur, une pièce chorale. Des scènes de groupe, émerge la parole d’une douzaine de personnages incarnés par douze acteurs qui font le récit de cette aventure collective et qui, en même temps, font entendre les bouleversements qu’elle engendre chez eux. Pascal Monville, cœur à gauche mais au service de l’Etat libéral, doit faire face à ses contradictions, tout comme son assistante, une ex-syndicaliste… Chez les ouvriers, il y a le militant C.G.T., la femme en colère (Sandy Boizard), celle qui commente un peu à l’écart (Agnès Sourdillon), la mère de famille féministe (Marie-Christine Ory), le dépolitisé, celle qui s’enthousiasme et innove (Alvie Bitemo), la timide qui sort de ses gonds, le taiseux un rien rêveur (Assane Timbo) …Mais loin d’être des stéréotypes, chacun porte sa part d’humanité et nous émeut. De débats en réunions, ils dépassent leurs dissensions pour organiser une fête… Histoire de populariser leur lutte et de déjouer le siège de leur usine par les C.R.S.
Le dispositif scénique d’Aurélie Thomas et Anne-Laure Liégeois, simple et efficace, figure l’intérieur de l’usine, avec en haut les bureaux. Au fond, on devine les ateliers et les frigorifiques. Le groupe d’ouvriers et employés s’approprie ces espaces qui deviennent un lieu de libre expression démocratique où on apprend à s’écouter, se regarder, se connaître…
Anne-Laure Liégeois tisse avec bonheur une riche matière romanesque pour en dégager la théâtralité, la dialectique et la complexité. Le texte pêche quelquefois par excédent, et certaines séquences ralentissent la progression dramatique. Mais les acteurs nous entraînent avec vigueur et conviction au cœur d’une épopée collective et intime, mi-optimiste, mi-pessimiste et donnent vie aux personnages qu’Arno Bertina dessine avec justesse dans son roman. Il faut absolument aller voir Des Châteaux qui brûlent.
Mireille Davidovici
Jusqu’au 23 avril, Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro : Château de Vincennes, puis navette gratuite.T. : 01 43 28 36 36.
Le roman est publié chez Gallimard, (2017)