Le Chien de Marcel Aymé, mise en scène de Raphaëlle Saudinos et Véronique Vella

Le Chien de Marcel Aymé, mise en scène de Raphaëlle Saudinos et Véronique Vella 

Ici ont été reprises à la lettre les recommandations de l’auteur des Contes du Chat perché: « Pour les enfants âgés de quatre à soixante-quinze ans ». Et deux programmes ont été édités: l’un pour les adultes et l’autre pour les enfants : un un bijou d’invention. Sur ce carnet de spectateur et de spectatrice, on inscrit son nom et précise si l’on est venu avec sa famille, sa classe, son chien ou son chat! Et il y a une question savoureuse : «Est-ce la première fois que tu viens au théâtre? Oui: fais un vœu. Non: fais quand même un vœu » Dans ce programme, il découvre, entre autres, l’auteur, les comédiens parlant de leurs personnages, des mots-croisés à propos du texte, une chanson: Le Blues de la souris, des informations sur Louis Braille et sur la profession de chien-guide d’aveugle. Une excellente idée pour donner le goût du théâtre aux enfants présents à ce spectacle d’une heure qui  affiche complet.

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Une remarquable proposition de Raphaëlle Saudinos et Véronique Vella avec une musique originale de Vincent Leterme, à la batterie et tous les acteurs sont justes. Mention spéciale à Nicolas Lormeau (Le Chien), Jean Chevalier ( Le Chat) et Véronique Vella (La Souris). Ils donnent vie à leurs personnages avec une joie de jouer communicative. Les costumes poétiques de Siegrid Petit-Imbert évoquent des personnages de bande dessinée. 

Les didascalies, comme: “dit-il» ou :“soupira le chien“sont dites par chacun des interprètes. Véronique Vella: «La contrainte de l’éditeur est la suivante : on est autorisé à monter un conte de Marcel Aymé, en ne changeant rien au texte. On ne peut notamment pas transformer les parties narratives en dialogues. « Au théâtre, disait Antoine Vitez, il faut fertiliser les contraintes » . Dans cette fable, la cécité se transmet de l’homme aux animaux, pour revenir finalement à l’homme. Il s’agit d’un conte moral qui nous enseigne : « Qu’il faut apprendre à dire non. Le matou a menti la griffe sur le cou, on ne peut que dire oui ». Une belle allusion à notre actualité démocratique! En effet, le chat se révèle moins gentil qu’il ne paraît aux yeux des humains: alors qu’il tient la souris sous ses griffes, il lui dit: « Je suis aveugle, si tu veux être aveugle à ma place, je te laisserai la vie sauve. » Une pièce à voir et qui sera peut-être reprise. Elle fait partie d’un triptyque avec Le Loup et  Le Cerf et le chien que les metteuses en scène avaient montées.

 Jean Couturier 

Jusqu’au 7 mai, Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Galerie du Carrousel du Louvre, 99 rue de Rivoli, Paris (Ier). T : 01 44 58 98 54.  


Archive pour 6 avril, 2023

Des Caravelles et des batailles, mise en scène d’Éléna Doratiotto et Benoît Piret

Des Caravelles et des batailles, mise en scène d’Éléna Doratiotto et Benoît Piret

Avec fantaisie, humour et poésie, le collectif belge a imaginé un spectacle drôle et attachant en quatre-vingt-dix minutes, librement inspiré du roman La Montagne magique de Thomas Mann mais remis dans un contexte actuel. à l’instar de Hanz Castorp, Andréas débarque après un long voyage en train dans une auberge campagnarde entourée d’un jardin rendu à l’état sauvage au milieu d’une prairie. Il y restera un temps indéfini.

©H . Legrand

©H . Legrand

Là, retranchés du monde séjournent des gens dont on ne sait rien et qui se livrent à des activités futiles : tir à l’arc, lancer de pierres depuis le viaduc, excursion au bord du lac, contemplation des étoiles, cuisine ou  menues réparations et  travaux d’aménagement. On y forge aussi des récits imaginaires, on a des conversations philosophiques et on y croise Gürkan, un énigmatique écrivain qui peine à finir un roman.

« C’est un drôle d’endroit, pas particulièrement bucolique », écrit Andréas à un ami, dans une lettre qu’il n’enverra jamais. «Tout le monde ici est positivement gentil mais tout semble difficile à comprendre.» Déstabilisé par la façon de penser et de vivre qu’ont ses habitants, le nouveau venu s’adaptera à la banalité d’un quotidien sans aspérités. Au point que le monde extérieur s’estompe.  « Vous faites quoi dans la vie?»,  semble être une question saugrenue dans ce lieu où se dessine une utopie joyeuse.

Mais on n’y oublie pas la violence du monde. Andréas la rencontre en arrivant sous forme de quatre grands tableaux d’un peintre anonyme de la Renaissance, ornant les murs de l’entrée. Ce polyptyque représente la bataille de Cajamarca au Pérou en 1532. menés par Francisco Pizzaro cent soixante-huit conquistadors espagnols assoiffés d’or massacrèrent dans une embuscade des milliers d’Incas et capturèrent leur empereur Atahualpa. «Le récit de cette bataille sanglante nous est apparu comme un récit archétypal de la construction de notre Europe moderne, dit Benoît Piret. Nous avons aimé être saisis d’emblée par cette violence constitutive de notre monde.»

Les Incas, pour la petite communauté, représentent un âge d’or, symbolisé par cette fresque monumentale. Leur point de vue peut se résumer par la formule paradoxale qui clôt le roman de Gürkan, enfin terminé : «Gloire aux vaincus.» Car, selon la pièce, les perdants ont des ruses pour survivre et préserver leur culture: ainsi, les Perses, vaincus par les Mongols, avaient tissé des tapis, à l’image de leurs jardins détruits par les envahisseurs.

 Le temps semble suspendu dans ce camp retranché et la représentation se distend. Comme Andréas, le public se laisse couler dans un climat lisse et bienveillant mais ne s’ennuie pas. Il pénètre avec le héros, dans une espèce de zone à défendre (Z.A.D.) mentale, où l’on peut poétiser, philosopher, inventer d’autres formes sociales et réécrire l’Histoire dans le bon sens, sans pour autant l’oublier. «Nous avons travaillé à la construction d’un lieu autre, une hétérotopie comme la définit Michel Foucault : un espace concret abritant l’imaginaire et des lieux qui, à l’intérieur d’une société, obéissent à d’autres règles. »

Aucun décor. Avec quelques accessoires, Éléna Doratiotto et Benoît Piret, avec Salin Djaferi, Jules Puibaraud, Gaëtan Lejeune et Anne-Sophie Sterk, donnent matière à ce lieu par la seule force des mots et nous font ainsi voir la bataille de Cajamarca en décrivant avec force détails, ces tableaux qui prennent alors forme et couleur dans notre imaginaire. De même, nous “voyons“ le jardin, sans images ou vidéos à l’appui. Et les personnages se dessinent au fur et à mesure dans un esprit joyeux et polémique, emprunté à la banalyse, un mouvement initié en 1982 par des universitaires rennais : Yves Hélias et Pierre Bazantay. Avec à l’origine, une seule activité : attendre d’éventuels congressistes en gare des Fades, une gare perdue dans le Puy-de-Dôme, « au risque de l’ennui et de perdre son temps par la libre confrontation au banal».
 Retrouver cet humour au théâtre fait du bien….

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 31 avril, Théâtre de la Bastille, 79 rue de la Roquette, Paris (XI ème) T. : 01 43 57 42

 

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