Bouffées et C’est toi qu’on adore, chorégraphies de Leïla Ka

Bouffées et C’est toi qu’on adore, chorégraphies de Leïla Ka

 La jeune chorégraphe remarquée avec deux solos l’an dernier, dans ce même festival a été lauréate du concours Danse élargie, organisé par le Théâtre de la Ville et a eu le prix Révélation du Syndicat de la critique.
En piste avec quatre danseuses, Leïla Ka présente dix minutes de sa future création
Bouffées et reprend avec elles l’un de ses solos, C’est toi qu’on adore. Des pièces contrastées mais qui se répondent comme deux faces du féminin…

Bouffées et C’est toi qu’on adore, chorégraphies de Leïla Ka  dans actualites

©Nora Houguenade

Venue du hip hop, Laïla Ka a peaufiné sa danse auprès de Maguy Marin dont on retrouve la touche et l’émotion dans Bouffée. Alignées face public, sans bouger, au centre du plateau, cinq femmes en robe à fleurs commencent par incliner le buste avec lenteur. Puis, elles croisent les mains, se battent la poitrine en signe de déploration. Parfois ensemble, parfois en décalage.
Le souffle se fait court, à mesure que leurs mouvements s’accélèrent. Et leurs halètements deviennent alors la bande-son de cette pièce : sans faiblir, de plus en plus implorantes. Mais les couleurs vives de leur costume contredit le deuil qu’elles portent en elles.

Le public suspendu à leur respiration est fasciné par ces cinq suppliantes incarnant tous les malheurs des femmes. Elles s’écroulent sous le poids de la douleur mais ravalant  leurs larmes, elles se relèveront. 

Nous les retrouvons, après cinq minutes de pause, en guerrières, sur la musique imposante de Sarabande de Georg Friedrich Haendel. Pour C’est toi qu’on adore,  Laila Ka s’est calquée sur les arrangements de Stanley Kubrick pour Barry Lindon et a réduit les dernières mesures aux seules percussions.

 Sur cet air solennel, tantôt martial, tantôt funèbre, les artistes se livrent avec un bel ensemble, à des exercices d’arts martiaux. Soldates en tenue blanc écru, poings en avant, elles rampent au sol. Puis elles font des séries de pompes et roulés-boulés jusqu’à épuisement.

Une brigade valeureuse, toujours prête à repartir à l’assaut, rassemblant leurs forces quand l’énergie faiblit. La gestuelle répétitive des danseuses, sur des tempos variables, symbolise l’indéfectible endurance du sexe, dit faible…

Après avoir interprété avec succès ses solos -le tout premier Pede ser a été joué plus de cent quarante fois- Laïla Ka semble bien partie pour de grandes pièces. Nous attendons avec impatience la version longue de Bouffée, cet automne à La Garance-Scène Nationale de Cavaillon où elle est artiste associée.

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 3 avril au Cent-Quatre, 5 rue Curial, Paris (XIX ème).  T.: 01 53 35 50 00. Dans le cadre de Séquence Danse 2023 jusqu’au 17 mai.


Archive pour 7 avril, 2023

Suzanne, chorégraphie et lumière d’Emanuel Gat

Suzanne, chorégraphie et lumière d’Emanuel Gat

Un concert de Nina Simone au Philharmonic Hall de New York en 1969 constitue la bande-son de cette nouvelle création du chorégraphe israélien, sur laquelle dansent huit jeunes interprètes du Inbal Dance Theater. Parmi les titres: Suzanne de Leonard Cohen. On retrouve dans cette pièce le rapport entre musique et danse de Lovetrain 2020, une œuvre pour quatorze danseurs sur la musique du groupe de pop rock Tears For Fears (voir Le Théâtre du blog).

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En silence, Shachar Brenner, Noam Deutsch, Or Saadi, Amit Zaretsy, Ziv Besor, Eshed Weissman, Jonathan Shaal et Itay Meir  investissent en souplesse le plateau  dans les costumes clairs et fluides d’Omri Albo. La voix de Nina Simone les rejoint: avant de chanter, elle s’interroge sur le temps qui passe et enchaîne sur Who knows where time goes (Qui sait où va le temps) de Sandy Denny. Sur ce classique de la folk music britannique porté par un sentiment de nostalgie, les interprètes s’entrecroisent à deux, ou quatre dans des combinaisons infinies, jusqu’à ce que les applaudissements du Philarmonic Hall les incitent à des sautillements joyeux.

C’est à  son amie Lorraine Hansberry, journaliste et activiste disparue en 1965, que Nina Simone dédie le deuxième morceau: un hymne à la beauté noire, Black is the color of my true love’s hair (Noir est la couleur des cheveux de mon aimé). Ce fameux chant d’amour infuse une sensualité à la danse, avec mouvements au sol et pas de deux. « His face so soft and wondrous fair/ The purest eyes/ And the strongest hands/ I love the ground on where he stands/ Black is the color of my true love’s hair/ Of my true love’s hair. Of my true love’s hair ».

 Beaucoup plus enlevé, I’ve got no (Je n’ai rien) permet aux danseurs, toujours avec la même gestuelle, d’accélérer le tempo. Enfin le fameux Suzanne -mais son interprétation est bien différente de celle de Léonard Cohen-, déroule ses paroles hypnotiques: portrait d’une femme troublante au bord d’un fleuve. «A moitié folle », «vêtue de haillons et de plumes », elle offre «des oranges et du thé venus de la lointaine Chine parmi les déchets et les fleurs. » On retrouve ici l’écriture précise et fine d’Emanuel Gat: gestes et groupes se composent et recomposent en permanence en une myriade de propositions simultanées.

Le questionnement sur le temps introduit au premier chant et qui est une notion intrinsèque à la danse, résonne comme un retour aux sources pour Emanuel Gat.  C’est aussi comme un hommage au passé : la première mondiale de cette pièce a eu lieu en 2020 au centre Suzanne Dellal, à Tel Aviv, où il a fait ses débuts et travaillé pendant quinze ans…

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 1er avril, au Cent-Quatre, 5 rue Curial, Paris (XIX ème) T.: 01 53 35 50 00. Dans le cadre de Séquence Danse 2023 jusqu’au 17 mai.

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