Le Périmètre de Denver, de et par Vimala Pons

Le Périmètre de Denver, de et par Vimala Pons

Dans ce solo insolite apparaissent une demi douzaine de personnages, convoqués par l’artiste comme témoins d’un crime commis dans un hôtel de thalassothérapie. Un défilé surréaliste d’individus, joués par une Vimala Pons aux multiples visages. Masquée et costumée avec prothèses et postiches, elle contrefait sa voix, ses postures, son langage pour incarner des suspects, présents le jour du meurtre. Leurs dépositions n’ont souvent rien à voir avec les faits et brouillent les pistes. Un occasion d’envisager le rapport de chacun à la vérité et d‘explorer ce que l’autrice appelle le Périmètre de Denver :  «Un espace d’incertitude créé par un mensonge. »

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Sur un plateau encombré d’accessoires hétéroclites dont chacun servira par la suite à la reconstitution du crime, on se surprend à reconnaître l’accent et la démarche d’Angela Merkel. Elle ouvre le bal des témoins et nous raconte un amour impossible avec une conseillère d’orientation qui la désorientée et par chagrin, elle s’est tournée  vers une carrière politique. Cette carrière, lourde à porter est matérialisée ici  par un empilement de rochers juché sur sa tête. Une image inouïe.

Vimala Pons, coiffée de cette sculpture en équilibre précaire, se défait lentement des innombrables couches de vêtements qui l’enveloppent, comme autant de mensonges propres à ce Périmètre de Denver. Mise à nu, elle dépose avec tendresse la dépouille de son personnage pour fabriquer le prochain appelé, à l’aide de nouveaux artifices.

Ce sera un homme louche se disant attaché de presse et « intervenant numérique» c’est à dire « troll» payé pour ses commentaires sur les réseaux sociaux : il aurait eu rendez vous avec la victime. En équilibre sur la tête de l’artiste: un escalier… Suivront d’autres personnes plus ou moins glauques, avec leurs histoires, leurs obsessions et le poids de leurs mensonges sur la tête. Dont une table de réunion, une voiture, un tableau… S’extirpant des oripeaux de ses créatures, Vimala Pons les installe soigneusement aux quatre coins du plateau, comme pour prolonger leur présence.  

La jeune femme, aussi bonne autrice qu’actrice, vient du cirque, un art où le corps ne ment pas. « L’équilibre est une notion propre au cirque, dit-elle, je me pose des questions philosophiques mais simples et fondamentales: pourquoi ça tombe et pourquoi je marche? En tirer les fils permet de se demander ce qu’est le déséquilibre dans sa propre vie. Mentir, c’est aussi rééquilibrer le réel dans ce qu’il a d’insatisfaisant.»

Elle a imaginé ce spectacle surréaliste, un peu fou, avec son complice de longue date, Tsirihaka Harrivel et une équipe de costumiers et créateurs de prothèses… Il ne faut pas manquer ce Périmètre de Denver créé en 2021. Espérons qu’il sera repris et suivi d’autres performances aussi inoubliables.

 Mireille Davidovici

 Jusqu’au 23 avril, Centre Pompidou, Place Georges Pompidou, Paris (IV ème) . T. : 01 44 78 12 33

Les 1er et 2 juin, Festival Utopistes, Maison de la Danse, Lyon (Rhône)


Archive pour 14 avril, 2023

L’Avare de Molière, mise en scène d’Olivier Lopez

L’Avare de Molière, mise en scène d’Olivier Lopez

 

Virginie Meillé

Virginie Meillé

Un Avare peut en cacher un autre. Rare, chez les critiques d’en voir deux du jour au lendemain! L’un de Jérôme Deschamps avec un public parisien (voir Le Théâtre du Blog), l’autre en matinée scolaire à Amiens dans la mise en scène de celui qui dirige la Cité Théâtre à Caen avec, cet après-midi là, un public surtout scolaire.

Sur scène, quelques accessoires : une grande table en bois façon table de ferme, quelques chaises de style contemporain et, bien vu, ici pas de portes mais un seul rideau blanc monté sur rails qui circulera à mesure de l’avancée de l’intrigue pour faire entrer les nombreux personnages de cette pièce-culte, à la fois comique et noire jusqu’à un dénouement heureux…
Dans la salle, le public le plus difficile qui soit : des élèves de collège, très attentifs, vont suivre en silence l’histoire de cet homme seul et malheureux qui a peur de la mort et pousse son avarice jusqu’aux plus petites choses, qui veut tout contrôler de la vie amoureuse de ses grands enfants qui le supportent difficilement. Mais son fils qui a des dettes n’hésitera pas à faire chanter son père : Harpagon récupèrera tout l’argent de sa chère cassette enfouie dans son jardin et qui a été volée, mais à une condition: lui abandonner Marianne. Bref, comme Frosine, (cette femmes d’affaires entremetteuse qui essaye de persuader Marianne d’épouser Harpagon: « un mauvais moment à passer » dit-elle, mais ensuite une belle fortune à son décès!), les jeunes personnages ne sont pas toujours des plus sympathiques… Bref, l’argent pourrit tout, noircit tout y compris les relations familiales, nous dit le metteur en scène qui met aussi très bien en valeur les aspects comiques de la pièce.
Olivier Lopez a pris le parti de faire jouer ensemble neuf acteurs dont Olivier Broche dans le rôle-titre (un ancien acteur de Jérôme Deschamps, des plus expérimentés et qu’on a pu voir récemment dans le film Mon Crime de François Ozon (voir Le Théâtre du Blog). En costume très actuel, chemise bleu-cravate, cet Avare qui déborde d’énergie mais aussi inquiétant de méchanceté, emmène avec lui les jeunes acteurs formés par Olivier Lopez à Caen. Comme Gabriel Gillotte (Cléante) ou Marine Huet (le valet La Flèche).

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Le metteur en scène a su donner, avec une mise en scène simple et sans effets, un coup de jeune à cet Avare en le rapprochant d’un théâtre de tréteaux. Belle image entre autres que celle d’Harpagon s’enveloppant comme dans un linceul du grand rideau blanc… Avec une lecture simple et efficace de cette pièce-culte, un peu dans un style BD et avec, à la fin, cette invraisemblable scène de retrouvailles, très belle, où tout le monde chante et danse.  Seul bémol : des costumes pas toujours réussis et manquant d’unité, entre autres celui de Cléante avec une cape grise aux broderies dorées.
Mais Olivier Lopez a su donner un très bon rythme, deux heures durant, à cette pièce difficile mais restée très humaine et qui a gardé un singulier pouvoir de séduction auprès des jeunes. Que demande le peuple?


Philippe du Vignal

Spectacle vu à la Comédie d’Amiens, le 6 avril.

Jusqu’au
14 avril, Studio 24/Espace de Recherche et de Création, Caen (Calvados). Le 27 avril, Les 3T/Scène conventionnée de Châtellerault (Vienne).

Le 5 mai, La Manekine/ Scène intermédiaire des Hauts-de-France, Pont-Sainte-Maxence (Oise) et le 11 mai, Théâtre d’Abbeville (Somme).

 

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