La Grève des mères, texte et mise en scène de Christian Roux
La Grève des mères, texte et mise en scène de Christian Roux
C’est d’abord une chanson antimilitariste de Montéhus (1872-1952) qui en appelle aux femmes: «Refuse de peupler la terre… Déclare la grève des mères. » Devant l’avenir inquiétant de la planète et les guerres actuelles, on est tenté de chanter cette Grève des mères interdite en 1905 pour «incitation à l‘avortement ».
Christian Roux reprend le titre à son compte et imagine une révolte mondiale des femmes: dorénavant, elles n’accoucheront plus. Ce n’est plus les enfants à naître qui commandent mais les mères qui décident de les retenir… Pas question de les mettre au monde tant qu’il n’a rien de désirable. Désir : pas un grand mot, et pourtant le seul vrai moteur de la vie… Et il y a du travail… Et les combattantes affrontent un terrible danger: le corps ne s’arrête pas à la demande, il leur faudra donner naissance, capituler, ou mourir.
Ici, l’’auteur et metteur en scène place ce thème mythique au quotidien. Scénographie simple et efficace de Cécile Pelletier qui suggère une vie ordinaire. Christian Roux fait entrer la mère, une femme résolument sans homme, sa fille aînée sans enfant malgré elle et la cadette enceinte de dix mois, que son homme a quittée peut-être pour cela, car l’enfant n’apparaît pas.
Entre la simple conversation, la confession de chacune au public dans son cercle de lumière et des considérations théoriques parfois explicatives (toujours contre-indiqué au théâtre!), on entend les conflits d’amour, de la grossesse qui casse le couple, aux passions paternelles et maternelles exclusives, de l’amour sauveur ou dévorant entre les deux sœurs, au refrain de la mère sur la «lâcheté des hommes». Claude Viala, Pascaline Schwab et Lorédana Chaillot jouent juste mais dans le registre étroit du quotidien.
L’auteur écrit aussi des polars, compose de la musique et met en scène. Mais ici, il s’est laissé un peu enfermer dans l’impasse dramatique qu’il a imaginée. Une seule fin possible, ou aucune. Il ne faudrait pas grand chose pour que le spectacle grandisse : que les actrices osent, le temps de leurs adresses au public, laisser cette épopée féminine prendre toute son ampleur. En attendant, on vous offre le premier couplet et le refrain de la chanson de Montéhus: « Puisque le feu et la mitraille,/Puisque les fusils, les canons/Font dans le monde des entailles/Couvrant de morts plain’s et vallons./Puisque les homm’s sont des sauvages/Qui r’nient le dieu Fraternité, /Femmes debout, femmes à l’ouvrage/Il faut sauver l’Humanité!/Refuse de peupler la terre/Arrête ta fécondité/Déclare la grève des mères/Aux bourreaux crie ta volonté !/Défends ta chair, Défends ton sang./À bas la guerre et les tyrans !
Christine Friedel
Jusqu’au 23 avril, Théâtre de l’Opprimé, 78 rue du Charolais, Paris (XII ème). T. : 01 43 45 81 20
Du 7 au 23 juillet, Théâtre du Centre, Avignon.