Mary said what she said (Mary a dit ce qu’elle a dit) de Darryl Pinckney, mise en scène de Robert Wilson

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Mary said what she said
(Mary a dit ce qu’elle a dit) de Darryl Pinckney, mise en scène de Robert Wilson

Isabelle Huppert est à nouveau chez Cardin-Théâtre de la Ville pour reprendre ce monologue que Bob Wilson avait créé ici il y a trois ans (voir Le Théâtre du Blog). Elle y incarne Mary Stuart, reine catholique d’Ecosse et épouse de François II, donc reine de France. Mais à quarante-quatre ans, elle va être exécutée après avoir été assignée à résidence sur ordre d’Elisabeth I ère, reine d’Angleterre protestante qui la soupçonne d’intriguer contre elle. Une histoire singulière dont se sont emparés de nombreux auteurs de romans, films, pièces de théâtre… entre autres: La Reine d’Écosse d’Antoine de Montchrestien (1604), Marie Stuart, reine d’Écosse d’Edme Boursault (1694), et  sans doute celle qui est restée la plus connue Marie Stuart de Friedrich von Schiller (1800).

 Mary Stuart se souvient de son enfance à la Cour de France puis de son mariage à seize ans François II, mais elle sera veuve un an plus tard. Et une seconde fois, quand elle revient en Écosse: son mari Lord Darnley est assassiné. Et rien ne sera épargné à ce personnage mythique: guerre entre protestants et catholiques, emprisonnements, séparation de son fils…
Isabelle Huppert obéit à une mise en scène: son, lumières, parole et jeu réglée au millimètre. Dans une esthétique ultra-raffinée, mais un peu mécanique et sèche, comme celle que Bob Wilson applique depuis au moins dix ans à toutes ses mises en scène sans exception: éclairages pastel aux multiples nuances dont il use et abuse, ombres chinoises et fumigènes pour créer un brouillard très épais, heureusement ici coupé de la salle par un tulle. Rien à dire: une indéniable réussite technique et esthétique. Bob Wilson maîtrise toujours aussi bien un art de l’image somptueux… sans toutefois chercher beaucoup à se renouveler.

Isabelle Huppert, en ample et longue robe à panier presque noire, est absolument immobile face public sur fond lumineux mais son visage n’est pas éclairé, un peu plus ensuite. Elle dit, ou plutôt débite, voire hache presque le texte. Avec toute la maestria qu’on lui connaît, souvent à toute vitesse et par saccades : bref, un exercice de style ou de diction qui peut être utile dans une école de théâtre mais qui n’a pas grand chose à faire sur un plateau de théâtre.
Cela reste sans émotion, sauf un peu mais à la fin relativement plus calme.
Ici, nous avons droit à une très exceptionnelle performance orale, parfois en voix off pendant une heure et demi! Visiblement imposée par le maître et côté gestuelle, Isabelle Huppert, là aussi, est magnifique quand elle reprend les fameux pas dansés en diagonale et d’avant en arrière imaginés par Lucinda Childs dans le sublime opéra Einstein on the beach de Phil Glass que Bob Wilson avait créé en 76 au festival d’Avignon. Souvenirs, souvenirs…

Oui, mais pourquoi la musique enregistrée de Ludovico Einaudi couvre-t-elle ici en permanence la voix de l’actrice, surtout fortement au début. Elle est pourtant munie d’un micro H.F. mais cela ne suffit pas et comme en plus elle crie souvent, ce texte est rendu inaudible. Mauvaise balance dans cette petite salle? On en doute mais plutôt intention  du Maître de bousculer et déconstruire, quitte à faire joujou avec le texte? Tout se passe comme si pour cette reprise, il avait juste suivi quelques répétitions…
En tout cas, même si les séquences du texte sont répétées plusieurs fois, on en perçoit et comprend juste quelques phrases, aux rares moments où la musique se fait plus discrète, ou qu’arrive enfin un peu de silence. Ce spectacle assez figé a bien du mal à s’imposer. Reste le jeu incomparable d’Isabelle Huppert. Mais va-t-on au théâtre pour la seule performance d’une interprète?
Nous aurions aimé moins de virtuosité, d’esthétisme gratuit et plus d’émotion, plus de vrai théâtre. Ce qui est loin d’être le cas ici. Et le public? Très impressionné par l’actrice  -chaque représentation doit être pour elle une épreuve mentale- mais pas vraiment convaincu par cette mise en scène un peu prétentieuse et qui rate son but. Dommage! Un certain maniérisme est devenu comme une seconde nature chez Bob Wilson. Donc à vous de voir si cela vaut le coup: les places sont à 36 € et si vous êtes professionnel, la « détaxe », comme on dit, est quand même à 26 € !

Philippe du Vignal

Jusqu’au 6 juillet, Théâtre de la Ville, Espace Cardin, 1 avenue Gabriel, Paris (VIII ème). T. : 01 42 74 22 77.

 

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