Sarah Bernhardt, Et la femme créa la star, une exposition au Petit Palais
Sarah Bernhardt, Et la femme créa la star
Cette exposition au Petit Palais à Paris célèbre le centenaire de sa disparition, le 26 mars 1923. Appelée par Victor Hugo: la voix d’or mais aussi par d’autres: la Divine ou l’Impératrice du théâtre, Sarah Bernhardt est sans doute la plus grande tragédienne française. Et elle fut la première à faire des tournées triomphales sur les cinq continents.
Jean Cocteau inventa pour elle l’expression: monstre sacré. Immortalisée par le photographe Félix Nadar (1820-1910), elle a marqué son temps par sa vie personnelle et son aura de comédienne et déchaîna les passions. L’écrivain et acteur Sacha Guitry la considérait comme sa seconde mère: « Qu’on veuille la comparer à d’autres actrices, qu’on la discute ou qu’on la blâme, cela ne m’est pas seulement odieux : il m’est impossible de le supporter. (..) Ils croient qu’elle était une actrice de son époque.(…) Ils ne devinent donc pas que si elle revenait, elle serait de leur époque. »
Elle découvre, avant le chorégraphe Serge Diaghilev, le pouvoir de la communication auprès du grand public. Ses excentricités et sa liberté ont contribué à créer un personnage qui très vite est devenu un mythe. Elle écrit dans son autobiographie : Ma double vie. Mémoires de Sarah Bernhardt (1907), à propos de son départ de l’Odéon pour la Comédie-Française, en 1892 : «Je laissai le mobilier de ma loge à une petite artiste. Je laissai mes costumes, mes petits bibelots de toilette. Je partageais tout. Je sentais que là s’arrêtait ma vie d’espérances. Je sentais que le terrain était mûr pour l’éclosion de tous les rêves mais que la lutte avec la vie allait commencer. Et je devinais juste. Ma première station à la Comédie-Française m’avait mal réussi. Je savais que j’entrais dans la cage des fauves.»
Devenue elle aussi une bête de scène et de nombreux peintres et sculpteurs l’ont immortalisée dans des œuvres ici exposées. Comme les célèbres affiches d’Alfons Mucha (1860-1939) pour ses grands rôles dans La Dame aux Camélias, Médée, Hamlet. Son portrait en pied par Georges Clairin, un ami de longue date ou l’aquarelle de Marie-Désiré Bourgoin qui représente l’atelier de Sarah Bernhardt qui avait aussi des talents de sculptrice mais aussi de peintre : on découvre un Autoportrait en Arlequin.
Cette riche exposition retrace, avec plus de 400 œuvres, la vie et sa carrière de cette artiste et montre aussi aussi des aspects de sa vie moins connus : photos et tableaux montrent son travail de peintre dans son atelier, Et elle réalise aussi quelques bronzes dont un buste d’Émile de Girardin et un de Louise Abbéma, aujourd’hui au musée d’Orsay à Paris. Et elle était aussi écrivaine…
Sa célèbre voix et sa silhouette longiligne, atypique à l’époque, fascinent le public comme le monde artistique et littéraire qui lui voue un véritable culte. Amie des peintres Gustave Doré, Georges Clairin, Louise Abbéma, Alphons Mucha, Alfred Stevens. Mais aussi des écrivains: Emile Zola, Victor Hugo, Victorien Sardou… et de musiciens comme Reynaldo Hahn.
On peut aussi voir de nombreux objets qui lui ont appartenu, et ses beaux vêtements et costumes de scène comme le bustier de Froufrou dans la pièce éponyme d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy (1869) le pagne et le pectoral de Cléopâtre (1890) ; l’aumônière de Jeanne d’Arc (1909) ou le corset qu’elle portait dans Hernani de Victor Hugo à la Comédie-Française en 1877. Mais aussi et son intérieur, rappelant son goût pour les excentricités. Et toujours à l’affût des nouveautés, elle utilise au mieux son image pour sa publicité. Un volet de l’exposition est consacré aux tournées qu’elle fit dans le monde entier.
À sa mort en 1923 à soixante-dix neuf ans, elle était depuis longtemps une véritable star et l’engouement du public préfigurait le culte des grandes étoiles au cinéma. Mais elle avait des rapports difficiles avec les institutions…
Entrée à la Comédie-Française, elle en est renvoyée en 1866 pour avoir giflé une sociétaire, Nathalie parce qu’ elle avait bousculé sa sœur qui avait marché sur sa traîne. De nouveau recrutée au Français et élue sociétaire en 1875, elle en démissionne cinq ans plus tard: « Monsieur l’Administrateur, vous m’avez forcée à jouer alors que je n’étais pas prête. Vous ne m’avez accordé que huit répétitions sur la scène et la pièce n’a été répétée que trois fois dans son ensemble. Je ne pouvais me décider à paraître devant le public. Vous l’avez absolument exigé.
Ce que je prévoyais est arrivé. Le résultat de la représentation a dépassé mes prévisions. Un critique a prétendu que j’avais joué Virginie de L’Assommoir au lieu de Doña Clorinde de L’Aventurière. Qu’Emile Zola et Émile Augier m’absolvent. C’est mon premier échec à la Comédie, ce sera le dernier. Je vous avais prévenu le jour de la répétition générale. Vous avez passé outre. Je tiens parole. Quand vous recevrez cette lettre, j’aurai quitté Paris. Veuillez, monsieur l’Administrateur, recevoir ma démission immédiate, et agréer l’assurance de mes sentiments distingués. »
Véritable icône publicitaire, elle se repose souvent dans un cercueil capitonné et s’y fait photographier pour vendre photos et cartes postales…Sarah Bernhardt sut être aussi une femme engagée et fut infirmière pendant la guerre de soixante-dix contre la Prusse. Mais elle devint aussi propriétaire de plusieurs théâtres… Ne ratez pas cette très riche exposition.
Jean Couturier
Jusqu’au 27 août, Petit Palais, avenue Winston Churchill, Paris (VIII ème). T. : 01 53 43 40 00.
A voir : l’espace muséographique qui lui est consacré à Belle-Isle en-mer (Morbihan).