Tiquetonne de Marguerite Kloekner et Alexis Chevalier, mise en scène d’Alexis Chevalie
Tiquetonne de Marguerite Kloekner et Alexis Chevalier, mise en scène d’Alexis Chevalier
Tiquetonne, un titre qui sonne bien et une rue pas très loin de la rue des Déchargeurs, existant déjà au XVI ème siècle et célèbre dans le théâtre français: à l’Hôtel de Bourgogne furent jouées les pièces… de Pierre Corneille, puis de Jean Racine par entre autres, Montfleury et la Champmeslé. Et Alexandre Dumas y fit vivre son cher d’Artagnan…
Bon, revenons à la belle cave du Théâtre des Déchargeurs. Sur la petite scène, une banquette-coffre en bois. Aux murs de pierre, sont accrochés quelques accessoires, comme de petits bouquets de fleurs, un casque prussien à pointe, un autre mais sans pointe, un plumeau, et suspendue aux cintres par des fils en nylon, une sorte de belle sculpture fantôme en tissu blanche…
Tiquetonne tire un ficelle de la coulisse et arrive un petit landau d’enfant où le bébé est… une horloge à chiffres et aiguilles dorés comme celles de Salvador Dali et l’envers, un miroir où elle se contemplera. Une belle image d’inspiration surréaliste. Et il y aura un gros canard jaune, le Donald Duck Walt Disney et un autre, un col-vert en plastique; télécommandés; ils viendront faire un petit tour… et repartiront se planquer. Bon!
Tiquetonne, jouée par l’autrice en short et corsage de tissu imprimé à fleurs pour rideaux assez laid (il doit y avoir du second degré là-dessous) nous raconte debout, ou parfois lovée sur le banc, comment une jeune femme tyrannique vit dans un monde où elle dirige des personnages un peu fous. Et elle se replonge dans son passé pendant dix… très, très longues minutes.
Quand apparaît Gershwin, un jeune homme pâle dont elle va tomber amoureuse mais dans une relation toxique. Oui, mais n’est pas Charles Perrault, les frères Grimm ou Andersen, qui veut! Et nous sommes à des années-lumière de La petite Fille aux allumettes, Hansel et Gretel, Le Chat Botté, Pinocchio, Cendrillon, La Belle au bois dormant, Blanche-Neige ou Le petit Chaperon rouge, des contes très souvent adaptés au théâtre…
Ici, rien ne nous sera épargné: texte indigent, mise en scène très approximative, essai raté de faire participer les cinq spectateurs, direction d’acteurs aux abonnés absents, lumières led éblouissantes.. Enfin, Marguerite Kloekner a une bonne diction mais en fait souvent des tonnes pour essayer d’imposer un dialogue souffreteux.
«Nous voulons, dit Alexis Mercier avec prétention, un théâtre de don. Nous croyons que l’art sert la beauté, qu’il n’y a pas d’art sans amour, qu’il n’y a pas d’amour sans communion. (sic) Nous croyons que jouer, c’est donner ce que nous portons de plus vrai, de plus pur et de plus beau en nous. Nous croyons que jouer nous transforme au plus profond de notre être, ainsi que ceux qui nous écoutent et nous regardent.» Tous abris !
Bien entendu, ici, rien de tout cela à espérer ni à sauver de cette pauvre chose. Sinon, une belle sculpture en coton blanc figurant la mère de Tiquetonne et le fameux et poétique Malborough s’en va-t-en guerre chantées par l’actrice. Une chanson déjà interprétée par le Page dans Le Mariage de Figaro où Beaumarchais l’avait glissée. Et à la fin, un modèle réduit très réussi de ce Gershwin. Mais c’est quand même vraiment trop juste pour une heure… interminable!
Bref, une soirée ratée à éviter absolument et on se demande bien pourquoi ce Tiquetonne a atterri aux Déchargeurs. Il y aura bientôt un autre spectacle de cette compagnie dans la salle du haut. Merci, mais ce sera sans nous! Cerise sur le gâteau: quand on ressort, l’escalier, déjà assez casse-gueule, n’a même pas d’éclairage, au mépris de toute règle de sécurité! Bravo! Qu’en pense la direction de ce théâtre?
Philippe du Vignal
Jusqu’au 18 juin, Théâtre des Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris (Ier). T. : 01 42 36 00 50.