Femme non rééducable de Stefano Massini, traduction de Pietro Pizzuti, mise en scène et jeu de Roxane Driay et Jóan Tauveron

Femme non rééducable de Stefano Massini, traduction de Pietro Pizzuti, mise en scène et jeu de Roxane Driay et Jóan Tauveron

Visuel 3

©Sebastian Gomez

Sous-titrée  Mémorandum théâtral sur Anna Politkovskaïa, cette pièce retrace l’enquête de la journaliste russe en Tchétchénie. Il y a pour le KGB, dit le texte, les gens rééducables et les irréductibles qu’il faut éliminer. La jeune femme appartient à la seconde catégorie. Et sa mort est annoncée dès le commencement. Le spectacle a lieu comme un compte à rebours où se succèdent les récits d’Anna Politkovsakaïa ( Roxane Driay) et des scènes reconstituées avec Jóan Tauveron qui assure aussi l’environnement sonore en direct …
Le dramaturge italien s’est appuyé en grande partie sur les écrits de la journaliste devenue une figure incontournable de la liberté de la presse. Et elle a été assassinée le 7 octobre 2006 dans l’ascenseur de son immeuble.

Ce spectacle d’une heure quinze s’ouvre sur le salon d’Anna : après un aperçu géographique de la Tchétchénie, entre Caspienne et Mer Noire, traversée par le Terek « un fleuve inquiet », elle nous présente brièvement l’histoire de ce pays et de son peuple rebelle appelé « culs noirs » par les Russes qui le maintiennent sous leur joug depuis des siècles.
Montagnes enneigées, terre aride, eaux glacées des rivières sont la toile de fond de l’inéluctable marche de cette combattante de la plume vers son destin tragique: interviews, menaces de mort, médiation dans la prise d’otages sanglante de Beslan en 2004 jalonnent son parcours.

Il y a aussi des moments intimes où elle exprime découragements, colères et doutes : « Je n’écris jamais de commentaires, ni avis, ni opinions. Je suis une journaliste, pas un juge, et encore moins un magistrat. Je me limite à raconter des faits. Et ça coûte un prix fou.Quel prix ? Le prix que tu payes quand tu ne fais plus un métier, mais tu entres en guerre. Tu combats…. Et, à quarante-sept ans, je suis fatiguée. Ni apeurée, ni découragée : fatiguée. »

La quête de vérité d’Anna Politkovskaïa rend concrètes la mainmise et la violence d’un Etat oligarchique en décomposition qui alimente, par la guerre en Tchétchénie, le nationalisme d’un peuple nostalgique de son glorieux passé impérial. Sans tomber dans l’hagiographie ni le réquisitoire, Roxane Driay et Jóan Tauveron s’emparent de la pièce avec tact. Changements de costumes à vue, bruitages et musiques caucasiennes rythment les séquences mais l’ensemble reste encore un peu approximatif en ce soir de première, afin que le personnage d’Anna émerge vraiment. Pour autant, ces artistes portent Femme non rééducable avec conviction et le spectacle devrait trouver son allure de croisière..

La compagnie La Portée, fondée en 2018 par Roxane Driay, axe son travail sur les écritures contemporaines et, en particulier, sur des figures d’héroïnes. Ce spectacle a été conçu avant l’invasion de l’Ukraine et, rattrapé par l’actualité, nous offre, avec le témoignage de cette journaliste exemplaire, un précieux éclairage sur cette guerre.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 23 mai, Théâtre des Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris (1er) T. : 01 42 36 00 50.
La pièce est publiée chez l’Arche éditeur.

 

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