Festival à vif 2023, à Vire: Métamorphoses
Lancement du festival à vif © M. Davidovici
Lancé en 2009 par Pauline Sales et Vincent Garanger, alors à la tête du Centre dramatique national de Vire Normandie, ce festival ADO devenu Festival à vif sous la houlette de la nouvelle directrice, Lucie Berelowitsch, se veut «une fête théâtrale autour de l’adolescence ».
Métamorphoses, thème proposé à quelque soixante-dix élèves de première:spécialité théâtre, de Caen, Alençon, Le Havre et Vire. Ils assurent l’ouverture de cette manifestation sur le parvis du Préau, un bâtiment impressionnant pour cette petite ville du Calvados, avec une salle de cinq cent quatre vingt places. Garçons et filles ont improvisé en une après-midi des séquences collectives sur ces questions de mutations et de transformations, propres à leur âge, avec plus ou moins de bonheur mais ils ont impulsé une joyeuse dynamique à cette entrée en matière festive et conclu leurs interventions scéniques par un bouillant défilé costumé en musique….
Spectacles, ateliers et rencontres essaiment au Préau et hors les murs, dans les salles de fête de villages ou préaux de lycées. Cette année, surtout mis en scène par des femmes «le hasard d’une programmation pro-active», selon la directrice. Et l’année prochaine, dit-elle, les lycées de Rouen et d’Evreux seront aussi de la partie
Pénélopes, mise en scène de Céleste Germe, collectif Das Plateau
©Flavie_Trichet-Lespagnol_Pénélopes_
Qui sont les Pénélopes d’aujourd’hui ? Qu’en est-il du mythe de l’épouse d’Ulysse fidèle à ce mari volage et qui ruse pour ne pas tomber dans les rets des Prétendants. Réalisée à partir d’entretiens avec des femmes et interprétée par Maëlys Ricordeau, Pénélopes parle de la manière dont elles vivent une double injonction: accès à la liberté mais interdiction de l’exercer… Depuis deux ans, Céleste Germe et l’actrice se sont mises à l’écoute de femmes de plusieurs régions et, à partir de conversations enregistrées au téléphone, ont réalisé un montage sonore de courtes séquences, diffusées à l’oreille de la comédienne.
Ici, les habitantes de toutes générations, à Vire et aux environs, se sont confiées aux artistes, une heure et demi durant, pour dire le poids de la maternité, l’ombre des pères et des frères, la place de la mère, le désir contradictoire d’attachement et d’émancipation…
Chacune de ces femmes s’exprime pendant sept à dix minutes: des paroles que l’actrice reproduit ici avec tics de langage et débit d’élocution. Elles prennent vie sous nos yeux : la première évoque sa grand-mère à qui elle doit sa soif d’émancipation et non à sa mère restée soumise. Une adolescente intimidée, dit comment, malgré la sévérité d’un père sicilien, elle a «cassé ses fiançailles». Et elle ne veut plus s’attacher à quiconque.
Une femme mûre raconte comment, issue d’une « relation adultérine», elle a vu sa mère galérer et «devenir guimauve» devant son père, un amant volage. Elle est fidèle à son mari mais dit à sa fille : « Ne dépends pas d’un homme. »
Il y a aussi celle qui se demande comment elle a pu entrer «dans le schéma mariage-enfants » et trouve enfin des «poches de solitude », après un divorce et la garde partagée des enfants. Et une autre a peur de son père et du regard des hommes: «J’ai été violée, j’en ai jamais parlé.» Moment poignant que cet aveu jamais confié à personne, dit Maëlys Ricordeau.
Il suffit à l’actrice d’une veste, une coiffure, un maquillage et d’une attitude dictée par le timbre, la scansion d’une voix, et une femme est là devant nous: un léger fond sonore accompagne les images : des rues et places de Vire projetées sur le mur du fond, dans le gymnase du lycée agricole en rase campagne. Un joli moment de théâtre documentaire pour révéler les violences subies et le besoin de liberté de ces Pénélopes d’ici ou ailleurs.
Chaque Pénélopes a été créé in situ : Avant ce tout nouveau Pénélopes Vire, il y a eu Pénélopes, à Tarbes, Ulis, Nanterre, Vitry, Lyon et Pénélopes Brétigny verra bientôt le jour. Une forme aujourd’hui rodée avec une semaine d’entretiens, quatre jours de montage et une semaine de répétitions: seul change le texte. «Les femmes, dit Maëlys Ricordeau, quand on leur donne la parole, elles parlent.»
Dans ta peau, texte et mise en scène de Julie Ménard
Moins réussie, cette création de Julie Ménard auquel un public nombreux de jeunes et moins jeunes assistait dans la grande salle du Préau, L’autrice et metteuse en scène s’est associée au compositeur et interprète Romain Tiriakian pour réaliser ce «conte musical fantastique ». Sybille, chanteuse timide et effacée, inconsolable après la mystérieuse disparition de son amoureux musicien, s´invente un double à son image, change de peau et renaît en vedette androgyne, sous le masque de cet alter ego fantomatique. Léopoldine Hummel incarne avec justesse et énergie cette Sybille hantés par la figure mythique de son amant.
Malgré la qualité de la musique, le talent des interprètes, aussi bons chanteurs que comédiens, une scénographie, des costumes et éclairages réussis, cette fable confuse et à l’écriture laborieuse ne nous a pas convaincu! Dommage car le thème collait parfaitement à celui de la manifestation qui se poursuit encore une semaine
Mireille Davidovici
Jusqu’ au 17 mai dans le Bocage et au Préau, Centre Dramatique National de Normandie-Vire, 1 place Castel, Vire (Calvados).