Biennale des Arts de la Marionnette Move on over Or we’ll move on over you(L’Atelier des Black Panthers), texte et mise en scène de Stéphanie Farison
Biennale des Arts de la Marionnette 2023
Move on over or we’ll move on over you (L’Atelier des Black Panthers), texte et mise en scène de Stéphanie Farison
Le collectif F 71 interroge une fois de plus l’histoire d’hier pour éclairer les luttes d’aujourd’hui et l’«exaspération de notre sensibilité de tous les jours». Avec un spectacle ayant pour titre un slogan des Black Panthers et un chant révolutionnaire (en français: « Passez à autre chose, ou nous passerons à autre chose ») , la metteuse en scène, nous emmène dans l’imprimerie imaginaire de ce mouvement d’autodéfense (Party for Self Defense) né à Oakland (Californie) en 1966.
Ici, trois militants vont fabriquer une affiche, tout en évoquant les actions menées contre le racisme et la répression, pour la dignité de la communauté noire américaine. Suspendues à des fils, de grandes et belles images couvertes de slogans sèchent. Joris Avodo, Maxence Bod et Camille Léon-Fucien élaborent la prochaine sérigraphie et discutent idéologie et ligne politique, en dialoguant aussi avec le public. La mise en scène s’appuie autant sur le texte, que sur l’iconographie et la fabrication d’une affiche : composition, insolation à la lumière, tirages…
L’image, support concret des débats militants, traduit les positions politiques et la présence d’armes sur les affiches pose question : provocation ou signe d’autodéfense ? Dans leur matériel de propagande et leurs slogans, les Black Panthers revendiquent le droit à porter des armes comme tout citoyen des Etats-Unis, selon le deuxième article de la Constitution.
A mesure que le mouvement s’enracine dans tous les Etats avec « contre-patrouilles» armées et comités d’entraide populaire, le F.B.I. lui, multiplie attaques et arrestations… Comment revendiquer son identité noire, comment trouver des espaces de protestation, quand toutes les formes d’expression vous sont successivement ôtées, et interdites ? Comment rêver et écrire « un poème noir dans un monde noir » ?
Faut-il répondre à la violence des «pigs» par la violence? Autant de thèmes que les acteurs abordent et renvoient aux spectateurs, quelquefois de façon un peu trop pédagogique.
Le texte et les argumentations parfois traînent en longueur surtout vers la fin mais, les problématiques exposées, nous découvrons sous un autre jour la genèse et l’histoire de ce mouvement étouffé par la répression. Et nous ne nous lassons pas de voir ce ballet de châssis, la manipulation des encres et des instruments, l’accrochage des affiches fraîchement imprimées, la beauté et l’invention des images. L’espace scénographique proposé par Lucie Auclair donne libre cours à ce déploiement visuel. La création sonore d’Eric Recordier et les airs chantés par Camille Léon-Fucien, les slogans repris en choeur, accompagnent discrètement la narration.
Au croisement du théâtre documentaire et du théâtre d’objets, ce spectacle nous replace dans une époque d’effervescence socio-politique et de création collective qui éclaire aussi la nôtre. Il devrait, au fil des représentations et avec quelques coupes, trouver son allure de croisière.
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 11 mai, Théâtre au fil de l’eau, 20 rue Delizy, Pantin( Seine-Saint-Denis)
Du 5 au 7 décembre, Théâtre de la Manufacture, Nancy ( Meurthe et Moselle).
Le 9 février 2024, Centre Culturel Jean Houdremont, La Courneuve (Seine-Saint-Denis)
Le 10 mars 2024 dans le cadre du festival MARTO , Théâtre Firmin Gémier, Antony (Hauts-de Seine)
La B.I.A.M. se poursuit jusqu’au 4 juin, Théâtre Mouffetard, Centre national de la marionnette. T. : 01 44 64 82 33