Sirènes, mise en scène et jeu d’Hélène Bertrand, Margaux Desailly, Blanche Ripoche

Sirènes, mise en scène et jeu d’Hélène Bertrand, Margaux Desailly, Blanche Ripoche

 

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Trois jeunes femmes nues entrent sur le plateau où il y a quelques modules en polystyrène expansé et de gros ballons à moitié dégonflés. Un petit poste de radio noir transmet des informations incompréhensibles.
L’une est grande avec une longue chevelure blonde, l’autre aussi grande mais avec une  longue chevelure brune et la troisième, tout aussi grande, mais aux cheveux coupés très courts et laqués. Chacune enfile sa queue de sirène et elles vont se balader dans un silence complet, juste souligné par un fond de musique électronique. C’est un peu long, mais tellement loufoque… Elles se regardent, se caressent, et la brune va dévorer avec rage et délice un gros poisson en plastique. Une des autres sirènes se met à chanter un petit air ridicule.

Puis elles se maquillent. Celle aux cheveux courts se fait une barbe et des moustaches noires.L’autre se met du rouge aux pommettes et la troisième se peint le visage tout en rose bonbon… Puis elles se demandent: qu’allons-nous faire de nos mythes? Et en particulier, celui de la sirène, celle qui essayait de séduire Ulysse évoqué ici vite fait avec une colonne corinthienne et une toile blanche servant de voile. Puis, arrivera sur le plateau un grand et beau tableau façon XIX ème représentant un bateau sur une mer agitée… histoire de nous raconter une autre histoire. « Mi-femme mi-animal, la sirène, disent les actrices et metteuses en scène, est dans notre imaginaire collectif, une représentation du féminin associée au glamour, à l’érotisme, à la tentation, à la cruauté, ou encore à la naïveté voire à l’idiotie… »

Hélène Bertrand, Margaux Desailly et Blanche Ripoche ont bien compris que la mythologie de la Grèce antique faisait encore sens pour nous Occidentaux du XXI ème siècle et en ont fait un des bases de leur premier spectacle: ces histoires écrites par des hommes pouvaient être aussi de merveilleuses bases de lancement pour un règlement de compte, écrit, mis en scène, éclairé, sonorisé exclusivement… par des femmes.
«Il s’agit de mettre à nu des fantasmes millénaires sur le féminin mais aussi sur le sauvage et la façon dont l’humain s’acharne à domestiquer corps humains ou animaux pour en faire des êtres de divertissement. (..) Sirènes secoue notre patrimoine fictionnel pour laisser advenir, qui sait, de nouveaux récits et de nouveaux liens au sein du vivant. »

Il y a ici, dans cette mise en scène et ce jeu aussi intelligents que sensibles c’est à dire presque impeccables, juste ce qu’il faut de dérisoire, onirisme, absurdité et humour. Mais aussi, par moments, une belle louche de merveilleux, comme ces minutes exceptionnelles de poésie où un gros poisson parle au micro dans son langage de poisson, aussitôt traduit en français par une des sirènes.
Monique Wittig, célèbre écrivaine féministe que nous avons un peu connue, si elle était encore de ce monde, aurait chaleureusement applaudi, comme le public, ce petit spectacle hors-normes, d’une rare poésie, et encore une fois très bien réalisé.

Un belle surprise en ce mois de mai théâtral pas toujours fructueux… Que deviendront ces trois sirènes singulièrement douées après leur première création, si les gros requins du théâtre ne les mangent pas? Le meilleur à coup sûr:  elles l’auront et le méritent amplement.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 15 mai, Théâtre Gérard Philipe-Centre Dramatique National 59 boulevard Jules Guesde, Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). T. : 01 48 13 70 00.


Archive pour 13 mai, 2023

Sirènes, mise en scène et jeu d’Hélène Bertrand, Margaux Desailly, Blanche Ripoche

Sirènes, mise en scène et jeu d’Hélène Bertrand, Margaux Desailly, Blanche Ripoche

 

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Trois jeunes femmes nues entrent sur le plateau où il y a quelques modules en polystyrène expansé et de gros ballons à moitié dégonflés. Un petit poste de radio noir transmet des informations incompréhensibles.
L’une est grande avec une longue chevelure blonde, l’autre aussi grande mais avec une  longue chevelure brune et la troisième, tout aussi grande, mais aux cheveux coupés très courts et laqués. Chacune enfile sa queue de sirène et elles vont se balader dans un silence complet, juste souligné par un fond de musique électronique. C’est un peu long, mais tellement loufoque… Elles se regardent, se caressent, et la brune va dévorer avec rage et délice un gros poisson en plastique. Une des autres sirènes se met à chanter un petit air ridicule.

Puis elles se maquillent. Celle aux cheveux courts se fait une barbe et des moustaches noires.L’autre se met du rouge aux pommettes et la troisième se peint le visage tout en rose bonbon… Puis elles se demandent: qu’allons-nous faire de nos mythes? Et en particulier, celui de la sirène, celle qui essayait de séduire Ulysse évoqué ici vite fait avec une colonne corinthienne et une toile blanche servant de voile. Puis, arrivera sur le plateau un grand et beau tableau façon XIX ème représentant un bateau sur une mer agitée… histoire de nous raconter une autre histoire. « Mi-femme mi-animal, la sirène, disent les actrices et metteuses en scène, est dans notre imaginaire collectif, une représentation du féminin associée au glamour, à l’érotisme, à la tentation, à la cruauté, ou encore à la naïveté voire à l’idiotie… »

Hélène Bertrand, Margaux Desailly et Blanche Ripoche ont bien compris que la mythologie de la Grèce antique faisait encore sens pour nous Occidentaux du XXI ème siècle et en ont fait un des bases de leur premier spectacle: ces histoires écrites par des hommes pouvaient être aussi de merveilleuses bases de lancement pour un règlement de compte, écrit, mis en scène, éclairé, sonorisé exclusivement… par des femmes.
«Il s’agit de mettre à nu des fantasmes millénaires sur le féminin mais aussi sur le sauvage et la façon dont l’humain s’acharne à domestiquer corps humains ou animaux pour en faire des êtres de divertissement. (..) Sirènes secoue notre patrimoine fictionnel pour laisser advenir, qui sait, de nouveaux récits et de nouveaux liens au sein du vivant. »

Il y a ici, dans cette mise en scène et ce jeu aussi intelligents que sensibles c’est à dire presque impeccables, juste ce qu’il faut de dérisoire, onirisme, absurdité et humour. Mais aussi, par moments, une belle louche de merveilleux, comme ces minutes exceptionnelles de poésie où un gros poisson parle au micro dans son langage de poisson, aussitôt traduit en français par une des sirènes.
Monique Wittig, célèbre écrivaine féministe que nous avons un peu connue, si elle était encore de ce monde, aurait chaleureusement applaudi, comme le public, ce petit spectacle hors-normes, d’une rare poésie, et encore une fois très bien réalisé.

Un belle surprise en ce mois de mai théâtral pas toujours fructueux… Que deviendront ces trois sirènes singulièrement douées après leur première création, si les gros requins du théâtre ne les mangent pas? Le meilleur à coup sûr:  elles l’auront et le méritent amplement.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 15 mai, Théâtre Gérard Philipe-Centre Dramatique National 59 boulevard Jules Guesde, Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). T. : 01 48 13 70 00.

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