Biennale internationale des Arts de la Marionnette La Simplicità ingannata , de et avec Marta Cuscunà (en italien surtitré)

Biennale internationale des Arts de la Marionnette 2023

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©Alessandro Sala Cesuralab

La Simplicità ingannata de Marta Cuscunà (en italien surtitré)

L’artiste italienne, invitée avec trois spectacles à la B.I.A.M., est seule en scène comme dans Sorry Boys, mais cette fois, elle nous réserve un amusant prélude avant de faire corps avec ses marionnettes: des têtes alignées comme des oiseaux sur une branche.

En robe de mariée, elle nous invite dans l’Italie du XV ème siècle et décrit la condition des jeunes filles qu’il faut marier à tout prix, moyennant une dot versée à l’époux et qui dépend de leur beauté, et surtout de leur soumission. Economiquement parlant, avoir une fille n’est pas une bonne affaire : marchandise périssable, elle se déprécie avec l’âge, et si aucune homme ne se porte acquéreur, ou si l’on ne peut la doter suffisamment, ce sera le couvent. Ainsi Angela qui boite, est placée à six ans chez les sœurs avec la promesse de félicité. Mais, au moment de renoncer au monde pour épouser le Christ, elle découvre avec horreur le cloître. Le titre : La Simplicité trahie renvoie à la tragédie de ces filles mariées au Christ contre leur gré.

Mais tout n’est pas perdu et, en deuxième partie, les marionnettes vont nous raconter la résistance des Clarisses d’Udine ( Frioul), à peu près à la même époque. Ces religieuses italiennes ont transformé leur couvent en espace de contestation libéré des dogmes religieux et de la culture machiste : une histoire d’émancipation collective impensable pour l’époque !

Marta Cuscunà construit ses spectacles à partir d’éléments historiques. Pour la première partie de cette pièce, elle se réfère à L’Inferno monacale, témoignage d’Arcangella Tarabotti (1604-1652). Cette écrivaine et religieuse vénitienne rapporte, à l’aune de son vécu, la tragédie des moniales cloîtrées de force.

Mais l’actrice en tire une charge amusante contre la société patriarcale. De même qu’elle met en boîte la misogynie de l’église catholique quand elle raconte l’histoire des insoumises d’Udine, telle qu’elle l’a lue dans Lo spazio del silenzio où l’historienne Giovanna Paolini publie les minutes du procès en hérésie intenté en 1590 par l’Inquisition contre ces Clarisses.

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©Alessandro Sala Cesuralab

Les têtes parlantes des six religieuses, animées avec maestria, sont confrontées au méchant Barbaro, inquisiteur à la figure patibulaire, à qui Marta Cuscunà prête aussi voix et expressions menaçantes. Les Clarisses se sont instruites malgré les interdits de l’Eglise, et sont capables de ruser et de jouer les bécasses, seront innocentées…. Courte victoire mais signe, pour Marta Cuscunà, qu’ensemble, les femmes sont capables de s’organiser et de vaincre :  » La simplicità ingannata n’est pas un documentaire mais un projet où le théâre donne aussi la possibilité de trahir le fait établi ou au moins de la considérer comme un point de départ permettant de rebondir sur une histoire qui a comme sujet principal la société, les femmes et les hommes qui la composent. « 

La scénographe Elisabetta Ferrandino a donné à ces nonnes, qui ne sont pas sans rappeler les figures aux yeux effarés de Tim Burton, une personnalité correspondant au caractère de chacune. Ces délicieuses poupées, serrées les unes contre les autres « comme des oiseaux piégés dans la glue », selon Marta Cuscunà, ont beaucoup à nous dire sur la sororité.

Dans tous ses spectacles, Marta Cuscunà a fait le choix d’être seule avec ses personnages: au début, dit-elle, pour des raisons budgétaires mais ensuite elle a pris goût à faire entendre une multitude de voix et, quand le corps n’est plus suffisant au besoin d’un chœur, elle se glisse comme ici , derrière ces têtes auto-portées pour aller à l’essentiel : l’expression des visages et des voix et elle passe ainsi  très vite de l’une à l’autre… `

Après avoir vu ces deux spectacles déjà anciens, nous avons hâte de découvrir d’autres pièces de cette artiste aux multiples visages.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 16 mai au Théâtre Mouffetard, Centre national de la marionnette 73 rue Mouffetard Paris (Vème). La B.I.A.M. se poursuit jusqu’au 4 juin. : T. 01 84 79 44 44.


Archive pour 18 mai, 2023

Cendres sur les mains de Laurent Gaudé, mise en scène d’Alexandre Tchobanoff

Cendres sur les mains de Laurent Gaudé, mise en scène d’Alexandre Tchobanoff

Une pièce inspirée par un fait divers et créée l’an passé dans ce même studio Hébertot. Sur le plateau dans un air empesté de fumigènes dispensés à gogo que nous sommes priés de respirer, bien avant même que le rideau s’ouvre. (Merci M.
Tchobanoff pour ce cadeau et ras-le bol des fumigènes maintenant presque dans chaque spectacle! ), un escabeau  tel qu’il y en avait dans les années cinquante, des sacs de sable (mais très légers!) pour protéger les tranchées, un arrosoir et une bassine en zinc. Bref, une scénographie du bois dont on ne fait pas les flûtes…

Des fossoyeurs (les impeccables Arnaud Carbonnier et Olivier Hamel) font un travail pas facile, souvent méprisé (les candidats ne se bousculent pas et dans les villages et souvent le maçon est de service) mais dont toute la société a besoin.

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Ces hommes sans âge mais plus tout jeunes, parlent, épuisés de leur quotidien et de l’absurdité de leur vie. Sans illusion aucune : -Alors il faut reprendre les va-et-vient, des camions au bûcher et du bûcher à la forêt ? -Oui. -Avec le dos qui se voûte et les bras qui tirent ? -Oui. Nous sommes des chevaux de trait, de pauvres chevaux de trait, exsangues et stupides. » On pense, bien sûr, aux célèbres Vladimir et Estragon d’En attendant Godot… Mais peut-être encore plus désespérés quant au sort de l’humanité.
Mais tiens ici, il y a une femme
(Prisca Lona) apparemment morte dont ils tirent le corps sur une toile. Mais elle va se remettre debout un chandelier à la main. Cette sorte d’Ophélie incarne, si on a bien compris, une rescapée de l’enfer des guerres, bombardements de civils, exodes, charniers et autres joyeusetés un peu partout: Syrie, Afrique et maintenant Ukraine et dont notre époque, comme les autres, est si friande!) et aux images distillées en permanence par les journaux télévisés d’Europe.
« 
J’ai ramassé mes affaires, dit cette rescapée, et j’ai quitté la maison. Ma vie entière tenait en deux valises. Ma vie entière m’encombrait et m’obligeait à m’arrêter souvent pour reprendre mon souffle. J’ai marché le long des routes, avec mes valises, mes sacs et mes couvertures sur moi. J’ai marché Sans savoir où j’allais, Essayant de mettre le plus de terre entre elle et moi. J’étais à pied, Sur des routes de poussière. J’avais peur.»

Bref,un univers pas des plus réjouissants mais superbement mis en écriture par Laurent Gaudé. Une note d’espoir ? Peut-être à la fin, il y a ce beau monologue de la Rescapée: « Je vais dire la longue liste de ceux que j’ai touchés. Les hommes et les femmes viendront m’écouter. Chacun s’approchera pour savoir si, parmi ceux que je dis, il est un proche ou un ami d’autrefois. Oui. Je serai parmi eux Celle dont les mains ont gardé la trace des corps avalés par la guerre. Je vais rester là. Je ne bougerai plus. Je suis épuisée de fumée. Je ne sais plus rien de moi. Un jour, peut-être, quelqu’un, dans ce campement sans fin, me reconnaîtra. Il doit bien rester cela. Quelqu’un qui m’arrêtera, me dira qui je suis et d’où je viens. Il doit bien rester quelqu’un. Je serai patiente. J’attendrai qu’il vienne à moi. Il doit bien y avoir cela, Ici-bas. Quelqu’un pour se souvenir de moi. Et me raconter la vie d’autrefois. »

Mais ce texte à l’écriture ciselée aurait mérité une réalisation moins sèche, plus raffinée, avec une vraie scénographie et de meilleurs éclairages (aïe! cette pénombre permanente au début dans la fumée qui ne sert strictement à rien! et cette lumière rouge à un moment!). C’est con, comme dirait un de nos confrères du Masque et la Plume. Bref, ainsi mis en scène, cette courte pièce (une heure dix) de Laurent Gaudé a bien du mal à prendre son envol.  Même si les acteurs font -et très bien- leur travail, il manque une véritable émotion et nous n’avons pas été vraiment convaincus. Enfin, d’ici Avignon, il y a encore du temps pour revoir cette mise en scène. Donc, à suivre…

 Philippe du Vignal

Spectacle vu le 11 avril au Studio Hébertot, 78 bis boulevard des Batignolles, Paris (XVII ème).T. : 01 42 93 13 04.

Festival d’Avignon, du 6 au 26 juillet, Théâtre des Carmes, 6 place des Carmes.

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