Portrait d’une femme de Michel Vinaver, mise en scène de Matthieu Marie avec les élèves du studio de formation théâtrale à Vitry-sur-Seine
Portrait d’une femme de Michel Vinaver, mise en scène de Matthieu Marie avec les élèves du studio de formation théâtrale à Vitry-sur-Seine
Fondée par des comédiens, cette école assure des formations de trois ans, avec « l’apprentissage des outils essentiels que sont le corps, la voix et l’imaginaire » et cours d’interprétation, diction, chant, danse, histoire du théâtre et dramaturgie. Il prépare aussi aux concours des écoles nationales. Sous la gouverne de Matthieu Marie, les onze élèves de dernière année interprètent cette pièce peu jouée: un travail déjà bien avancé : en une dizaine de jours, le metteur en scène a réussi à garder la fluidité du texte, éclaté en brèves séquences bousculant la chronologie et l’unité de lieu.
En 1953, un procès défraya la chronique. Celui de Pauline Dubuisson, 26 ans, jugée et condamnée pour le meurtre de son amant, tué à bout portant à son domicile. Michel Vinaver, intéressé par l’affaire en collecte tous les comptes-rendus dans le journal Le Monde. A cette époque il a déjà publié deux romans : Lataume et L’Objecteur, chez Gallimard sous l’impulsion d’Albert Camus mais ne tournera vers le Théâtre que plus tard, avec Les Coréens (1956). Ce n’est que trente ans plus tard qu’il écrira Portrait d’une femme.
Avec le recul du temps, il reconstitue le procès de la criminelle devenue de l’énigmatique personnage de Sophie. Déclarations de l’accusée, témoignages et plaidoiries se mêlent de courtes scènes : reconstitution du crime, rencontre de son amant et Sophie à la Faculté de médecine, errances sentimentales de la jeune femme et différents avec ses parents… La pièce nous plonge dans la France de l’après-guerre et fouille l’adolescence de Sophie pendant cette période trouble, où elle a perdu ses deux frères et s’est liée avec des occupant allemands. « Elle ne pouvait pas ne pas être coupable » dit son avocate, dans la pièce.
Rien n’arrête le flux des séquences qui passent rapidement d’un lieu à l’autre et enjambent les époques. Les mots sont précis, les prises de paroles brèves et ce groupe de jeunes comédiens interprète ce texte d’un rythme nerveux, sans décor, avec quelques accessoires pour changer de personnage. Alexandre Bécourt, Arthur Boucheny, Lou Dubernat, Inès Fakhet, Grégory Gilles, Clémence Henry, Kessy Huebi-Martel, Matéo Nédellec, Julien Ottavi, Joana Rebelo, Emile Rigaud, Malou Vezon s’engagent à fond dans leurs rôles.
Matthieu Marie, un familier de l’œuvre de Michel Vinaver, a notamment mis en scène La Visite du chancelier autrichien, un plaidoyer contre l’extrême-droite où l’auteur dresse le portrait d’une Europe aux prises avec ses démons. Il veut poursuivre ce travail et le dramaturge, qui en avait vu une ébauche quelques jours avant sa disparition, l’avait encouragé. Souhaitons qu’il y parvienne car nous avons eu plaisir à découvrir une écriture brillante et la spontanéité des jeunes acteurs.
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 25 mai au Théâtre de la Reine blanche, 2 bis passage Ruelle, Paris (XVIII ème). T. : 01 40 05 06 96. info@alv-communication.com
Portrait d’une femme de Michel Vinaver est publié chez Actes Sud.,