Circusnext : lauréats 2023

 Circusnext : les lauréats 2023

Sous la direction à Paris de Cécile Provôt, ce dispositif international fête Circusnext fête ses vingt ans. Anciennement Jeunes Talents Cirque fondé par Fred Cardon et labélisé par la Commission européenne, il a été mis en place pour soutenir le cirque contemporain en effervescence… Deux décennies à accompagner des artistes venus de partout et incontournables comme Baro d’Evel, Camille Boitel, Galaktik Ensemble, Alexander Vantournhout… Et bien d’autres qui ont conquis les pistes de cet art hors classe. Circusnext  doit bientôt s’installer à la Ferme Montsouris, un nouveau lieu de la Ville de Paris consacré au cirque. Une promesse de belles découvertes.

Un jury de professionnels et artistes des nations partenaires a, en février 2022, sélectionné sur dossier parmi cent dix-neuf artistes, trente-six qui ont bénéficié de laboratoires dans cinq pays d’Europe. Parmi eux, douze finalistes ont eu droit à une coproduction et à des résidences dans les lieux membres de Circusnext Plateforme en Europe. A l’arrivée, quatre projets de spectacles sont présentés sous un format de vingt minutes: des travaux en devenir mais suffisamment aboutis. Dans leur singularité, ils témoignent de l’être au monde des artistes. Poétiques, politiques, drôles ou étranges, ils ont tous un fort potentiel qui convaincra sans doute les lieux de résidence ou diffusion de les accueillir pour peaufiner leur travail,  et pour ensuite les programmer.

Cá entre nós par la compagnie Doisacordes

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© Christophe Reynaud de Lage

Encordés, accordés, désaccordés, le Chilien Roberto Willcock et le Brésilien Thiago Souza se livrent à un jeu de pouvoir avec pour accessoire de longues cordes: qui entravera l’autre ou lui échappera ? L’un veut dominer mais l’autre réussit à s’esquiver. Par de savantes manipulations de leurs agrès, avec des nœuds qui se font, se défont ou coulissent, ils sont d’une grande précision au sol comme dans les airs.

De violent à ludique, ce numéro dit les rapports de force mais aussi un essai d’équilibre pour nouer des relations autres… Cá entre nós : une expression brésilienne impliquant une confiance, que l’on peut traduire par : « cela reste entre nous”. Ces artistes qui se sont connus à l’École nationale de cirque du Brésil, ont installé leur compagnie à Barcelone en 2022 : cette première création sera finalisée dans deux ans. Avec un savant jeu de lumières, une sobriété gestuelle, une construction cohérente et une solide maîtrise corporelle, un beau duo en perspective…

Masha par la compagnie Palimsesta

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© Christophe Reynaud de Lage

 Étrange dispositif : une étroite piste revêtue de graisse où deux silhouettes, torse nu et se font face. L’homme massif, la femme frêle, à genoux ou assis sur le sol luisant d’une scène bi-frontale, glissent l’un vers l’autre puis reculent ou pivotent. Nous les voyons donc de profil. Cette progression lubrifiée semble d’abord aisée, voire agréable, mais quelques difficultés surviennent rendant alors toute avancée impossible. «La graisse glisse de nos corps sur le sol : faire un pas en avant implique le risque de glisser» disent Andrea Rodriguez de Liébana chercheuse circassienne, enseignante et architecte et Sergio González, à la fois travailleur social et artiste.

Avec cette première collaboration commencée en 2021 et au résultat prévu pour 2024 ils veulent:« Fournir une histoire critique sur l’annulation du sujet, à travers les nouvelles formes de capitalisme. ».Masha, construit sur la tension entre burlesque, et tragique, met en évidence de façon très fine, dans cette proximité, les tactiques de corps adverses pour rester debout et continuer. En faisant observer de près ses tentatives pour aller vers l’autre et dépasser les difficultés, Masha exprime la force vitale qui anime les individus.

 Fora d’Alice Rende

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Christophe Reynaud de Lage

 Enfermée dans une haute et étroite cage de verre face à un miroir, la contorsionniste va essayer d’en sortir. « Fora » signifie dehors, en portugais, catalan, occitan, sarde… Comment échapper à cette prison aux murs lisses ? Colère, rage et désespoir n’y feront rien. Alice Rende avec des reptations spectaculaires apprivoise l’espace et se hisse après plusieurs glissades hors de ce cercueil transparent, métaphore de la condition féminine et de l’aspiration à en sortir.

Encore faudra-t-il s’habituer à la liberté et une fois dehors rejeter l’aliénation qui habite encore son corps. Ce que nous réserve la seconde partie de cette puissante et élégante narration corporelle. Fora verra le jour à la B.I.A.M., à Marseille, l’hiver prochain. Ce sera le deuxième solo d’Alice Rende, italo-brésilienne formée à l’Ecole Nationale de Cirque du Brésil, puis à l’Ecole Supérieure des Arts du Cirque de Toulouse où elle avait créé son premier solo: Passages.

 Le Repos du guerrier d’Édouard Peurichard

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© Christophe Reynaud de Lage

Ce Français, acrobate, jongleur et lanceur de couteaux, va nous parler de son parcours lié à ses spectacles mais aussi de ses expériences en « cirque adapté», une pratique utilisant le cirque comme moyen pédagogique ou thérapeutique. Né en milieu hospitalier pour aider les handicapés, cette pratique s’ouvre aujourd’hui à un public plus large dont des jeunes en rupture. Son but : retisser les liens sociaux.
Petite démonstration avec un spectateur, ici un adolescent souriant. Édouard Peurichard montre, comment établir des liens de confiance à partir de situations déstabilisantes… Mais rien de pédagogique dans ce solo humoristique où son auteur nous fait voir le cirque sous un jour nouveau. Le repos du guerrier  sera finalisé le 1er octobre prochain à la Grainerie à Toulouse.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 25 mai au Théâtre de la Cité Internationale, 17 boulevard Jourdan, Paris (XIV ème) T. : 01 85 53 53 85.

www.circusnext.eu


Archive pour 30 mai, 2023

In Situ,performance, texte de Patrick Bouvet, mise en scène de Joël Jouanneau

In Situ, performance, texte de Patrick Bouvet, mise en scène de Joël Jouanneau

Un spectacle en co-réalisation avec le Théâtre Nanterre-Amandiers-Centre dramatique national. Il y a plus de vingt ans, Patrick Bouvet, chanteur et compositeur dans un groupe rock, auteur d’installations sonores, publiait ce texte où il convoque habilement en une écriture répétitive: faits de guerre, terrorisme, camps de réfugiés, périphéries de villes, déserts criblés d’obus, frontières et zones de transit, aires de surveillance généralisée et une femme qui « aurait traversé les barrages avec une arme à feu dans son sac.  »
Patrick Bouvet n’est pas un inconnu au théâtre puisque
Shot  et Direct avaient été mis en scène en 2003 par Cyril Teste avec le collectif MxM au festival d’Avignon. «Un texte disait le metteur en scène, est avant tout une parole; le travail musical, que nous avons expérimenté avec les comédiens et le compositeur sous forme de lecture à la table, reste pour nous primordial. À l’installation à partir d’une mise en voix et d’un travail vidéo sur les rouages de l’information télévisuelle et des conséquences que cela peut avoir sur un événement réel… »

 

© Géraldine Astrénai

© Géraldine Aresteanu

Joël Jouanneau met aujourd’hui en scène ce In Situ avec simplicité et très efficacement, avec la très bonne actrice Cécile Garcia Fogel que l’on a souvent vue dans les mises en scène de Christopher Rauck (voir Le Théâtre du Blog), et avec le musicien Pierre Durand. Cet écrivain maintenant confirmé faisait apparaître en 2003 de nombreuses images qui sont maintenant d’une incroyable actualité. »Les grands poètes, les philosophes, les prophètes, disait déjà Charles Baudelaire, sont des êtres qui, par le pur et libre exercice de la volonté, parviennent à un état où ils sont à la fois cause et effet, sujet et objet. 

Sur le plateau, rien que les nombreuses boîtes à pédale pour le son, disposées et une sorte d’aide-mémoire écrit à la craie. Cette performance est rythmée à la fois par les accords de guitare, une partition additionnelle de sons et la langue. Celle que fait brillamment entendre Cécile Garcia Fogel qui dit toute la difficulté qu’ont les pauvres humains à vivre sur une planète où leurs grands-parents, leurs parents et eux-même ont tout fait pour ne plus avoir le contrôle de ce qui se passe et va se passer dans un proche avenir.
« Un désastre esthétique doublé d’un fiasco technique » (…) «Dans un premier temps il faut éviter de jeter de l’huile sur le feu » il faut éviter le général président il peut faire faire fleurir la mort il peut jeter les enfants dans le feu le général président est un arbre mort(…) Du matériel de surveillance a été placé dans un dirigeable publicitaire qui tourne en permanence du matériel publicitaire a été placé du matériel publicitaire qui tourne en permanence la sécurité est à son niveau maximal en permanence du matériel publicitaire à son niveau maximal (…) Les ordinateurs serviront à vendre le site des ordinateurs dans les fonds marins des ordinateurs ivres de requins au centre d’un site sacré. »

Cécile Garcia Fogel, en pantalon noir et chemise blanche, a une gestuelle et diction impeccables et s’empare de ce texte avec la grande maîtrise qu’on lui connait. En une heure et quelque, elle réussit sans difficulté à faire passer ce flux poétique insolite, bien entendu influencé par la musique répétitive qu’a su créer son auteur. Côté mise en scène, nous aurions aimé que Joël Jouanneau la fasse parler de temps en temps sans micro. Quel bonheur d’entendre alors sa belle voix quelques minutes sans ! Et il aurait pu nous épargner ces jets de fumigène inutiles et polluants (pour nous, le quatrième en quatre jours!)
A ces réserves près, une performance chaleureusement applaudie qui mérite d’être reprise.

 Philippe du Vignal

Performance jouée du 23 au 27 mai au Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette. T. : 01 43 57 42 14.

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