Le Monde et son contraire de Leslie Kaplan, mise en scène d’Anthony Devaux et Esther Wahl

Le Monde et son contraire de Leslie Kaplan, mise en scène d’Anthony Devaux et Esther Wahl

Deuxième volet (peut-être y en aura-t-il d’autres ?), après Louise elle est folle, Esther Wahl dirige Anthony Devaux dans ce texte écrit pour un acteur qui voudrait jouer Kafka. Ce fut en plein confinement, d’abord Marc Bertin, mis en scène par Elise Vigier aux Plateaux sauvages, avec, affichés, les reproductions de dessins de Franz Kafka, métaphysiques et non dépourvus humour. Mais on sait que le comédien idéal pour jouer Kafka (qui n’a pas écrit pour le théâtre), était Charlie Chaplin, et pas seulement parce qu’ils avaient le même chapeau.

© Fracas Lunaire

© Fracas Lunaire

On reconnaît ici mais modifié et précisé pour la circonstance, le costume du cafard dans Louise elle est folle, agrémenté d’une carapace, exosquelette de la fameuse vermine de La Métamorphose. Anthony Devaux s’en empare avec brio, évoquant la mue de l’adolescence, le complexe du homard de Françoise Dolto), la gêne sociale d’un homme transplanté hors de son milieu, l’embarras, bref, les tourments de ceux qui se sentent à la fois coincés et méprisés, mais aussi la métamorphose de l’acteur au théâtre.

Tout cela joué avec une merveilleuse aisance. Acrobaties chorégraphiées par Anthony Devaux et Esther Wahl, essai moins heureux d’une entrée de clown, « stand up » un peu appel du pied. Il en ressort avant tout le plaisir de jouer, de tout son corps.
Formée à la danse, au mime et au théâtre gestuel, Esther Wahl « mène une recherche sur le mélange entre texte et mouvement, entre théâtre et danse », dont on avait vu une première expérimentation avec Louise elle est folle…Mais il y a ici un peu trop de mouvements et démonstrations de virtuosité. On aimerait que le corps se taise un peu, que l’illustration de Kafka et de ce qu’il inspire à son jeune interprète soit moins volontariste, moins bavarde. Laissez-nous du temps pour rêver, laissez-nous cauchemarder un peu Kafka en gourou de la joie de vivre sur scène, dans un corps jeune, bondissant et précis…

Trahison ? Mais tout le monde trahit Franz Kafka, à commencer par son ami Max Brod, à qui il avait fait jurer de brûler ses manuscrits après sa mort. Mais il a choisi, grâce lui en soit rendue, de les publier. Ce que c’est d’être un génie ! Tout le monde en veut un morceau, pour sa survie mais il est à vous dans la fameuse Pléiade chez Gallimard et aussi en livres de poche, en toutes sortes d’adaptations et peut-être même, en contrefaçon…

Christine Friedel

Jusqu’au 20 mai , Théâtre des Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris (Ier). T. : 01 42 36 00 02.


Archive pour mai, 2023

Intérieur de Maurice Maeterlinck, traduction de Dimitris Dimitriadis, mise en scène de Panagiotis Gizotis

Intérieur de Maurice Maeterlinck, traduction de Dimitris Dimitriadis, mise en scène de Panagiotis Gizotis

Cette pièce créée au théâtre de l’Œuvre à Paris en 1895, sera redécouverte plus tard et mise en scène par Claude Régy avec des acteurs japonais à Paris. Et enfin à la Comédie-Française il y six ans. Cette fable qui allie simplicité et profondeur du symbolisme dont les dramaturges des années 1950-60 comme entre autres, Bob Wilson se souviendront, est aussi dans cette réalisation,prétexte à une scénographie en décalage et à une création poétique du silence.

Le Père, la Mère que nous apercevons derrière leurs fenêtres avec deux filles et un enfant endormi, ne savent pas encore qu’une autre de leurs filles, sortie le matin même, s’est sans doute suicidée (mais l’auteur ne le précise pas). Le Vieillard, qui a découvert son corps dans la rivière, attend dehors avec l’Etranger et n’osent pas entrer dans la maison annoncer l’horrible nouvelle. La force et l’originalité de l’œuvre tiennent aussi aux espaces conçus: l’intérieur, où la famille que l’on voit seulement vivre, insouciante et muette et l’extérieur, où sont les témoins, retardant le moment de pénétrer dans la maison, suspendent le temps.

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Le Vieillard et l’Inconnu assument ainsi la fonction de narrateurs épiques et leurs  s’apparente à une longue didascalie alternée où ils commentant les humbles gestes de ceux qui, dans le silence, au lointain, vivent encore dans l’ignorance et la tranquillité. Ce drame statique associant images et silence mais ici en séparant action et dialogue, trouve une remarquable expression. Et cette première mise en scène de Panagiotis Gizotis est un bel essai poétique sur «l’espace dans l’espace». Avec une sorte de rituel aux images fortes, avec un silence, une gestualité, des sons et une lumière de grande qualité.

La représentation a lieu au premier étage d’un ancien immeuble style néoclassique de l’avenue Alexandras au centre d’Athènes. Une actrice nous accueille et nous  fait monter dans l’appartement où nous serons les témoins de la vie de quatre personnages autour de la table du salon.
Un spectacle dans le spectacle avec des actions en parallèle où le metteur en scène donne une lecture originale de deux espaces: une miniature de la maison et la projection de ce qui se passe à l’intérieur. Sur un écran, nous voyons les personnages agir dans cet espace clos. Joués par d’excellents acteurs créant une illusion qui fascine le public grâce à une gestion exceptionnelle du rythme, des intonations et de l’expression corporelle par Panagiotis Gizotis.

Le magnétophone, les enregistrements sur cassettes que les comédiens changent eux-même, donnent à cette mise en scène un aspect mystique. Intimité et étrangeté, à la fois entre artificiel et naturel, se conjuguent pour souligner le «tragique quotidien» de Maeterlinck. Une expérience théâtrale à ne pas manquer!

Nektarios Georgios Konstantinidis

Jusqu’au 12 mai, Πάνω Σπίτι (Maison), 37 Alexandras avenue, Athènes. T. : 00306986614274

Festival à vif 2023 à Vire: Métamorphoses

Festival à vif  2023, à Vire: Métamorphoses 

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Lancement du festival à vif © M. Davidovici

 Lancé en 2009 par Pauline Sales et Vincent Garanger, alors à la tête du Centre dramatique national de Vire Normandie, ce festival ADO devenu Festival à vif sous la houlette de la nouvelle directrice,  Lucie Berelowitsch, se veut «une fête théâtrale autour de l’adolescence ».
Métamorphoses, thème proposé à quelque soixante-dix élèves de première:spécialité théâtre, de Caen, Alençon, Le Havre et Vire. Ils assurent l’ouverture de cette manifestation sur le parvis du Préau, un bâtiment impressionnant p
our cette petite ville du Calvados, avec une salle de cinq cent quatre vingt places. Garçons et filles  ont improvisé en une après-midi des séquences collectives sur ces questions de mutations et de transformations, propres à leur âge, avec plus ou moins de bonheur mais ils ont impulsé une joyeuse dynamique à cette entrée en matière festive  et conclu leurs interventions scéniques par un bouillant défilé costumé en musique….

Spectacles, ateliers et rencontres essaiment au Préau et hors les murs, dans les salles de fête de villages ou préaux de lycées. Cette année, surtout mis en scène par des femmes «le hasard d’une programmation pro-active», selon la directrice. Et l’année prochaine, dit-elle, les lycées de Rouen et d’Evreux seront aussi de la partie

Pénélopes, mise en scène de Céleste Germe, collectif Das Plateau

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Qui sont les Pénélopes d’aujourd’hui ? Qu’en est-il du mythe de l’épouse d’Ulysse fidèle à ce mari volage et qui ruse pour ne pas tomber dans les rets des Prétendants. Réalisée à partir d’entretiens avec des femmes et interprétée par Maëlys Ricordeau, Pénélopes parle de la manière dont elles vivent une double injonction: accès à la liberté mais interdiction de l’exercer… Depuis deux ans, Céleste Germe et l’actrice se sont mises à l’écoute de femmes de plusieurs régions et, à partir de conversations enregistrées au téléphone, ont réalisé un montage sonore de courtes séquences, diffusées à l’oreille de la comédienne.

Ici, les habitantes de toutes générations, à Vire et aux environs, se sont confiées aux artistes, une heure et demi durant, pour dire le poids de la maternité, l’ombre des pères et des frères, la place de la mère, le désir contradictoire d’attachement et d’émancipation…

Chacune de ces femmes s’exprime pendant sept à dix minutes: des paroles que l’actrice reproduit ici avec tics de langage et débit d’élocution.  Elles prennent vie sous nos yeux : la première évoque sa grand-mère à qui elle doit sa soif d’émancipation et non à sa mère restée soumise. Une adolescente intimidée, dit comment, malgré la sévérité d’un père sicilien, elle a «cassé ses fiançailles». Et elle ne veut plus s’attacher à quiconque.
Une femme mûre raconte comment, issue d’une « relation adultérine», elle a vu sa mère galérer et «devenir guimauve» devant son père, un amant volage. Elle est fidèle à son mari mais dit à sa fille : « Ne dépends pas d’un homme. »
Il y a aussi celle qui se demande comment elle a pu entrer «dans le schéma mariage-enfants » et trouve enfin des «poches de solitude », après un divorce et la garde partagée des enfants. Et une autre a peur de son père et du regard des hommes: «J’ai été violée, j’en ai jamais parlé.» Moment poignant que cet aveu jamais confié à personne, dit Maëlys Ricordeau.

Il  suffit à l’actrice d’une veste, une coiffure, un maquillage  et d’une attitude dictée par le timbre, la scansion d’une voix, et une femme est là devant nous: un léger fond sonore accompagne les images : des rues et places de Vire projetées sur le mur du fond, dans le gymnase du lycée agricole en rase campagne. Un joli moment de théâtre documentaire pour révéler les violences subies et le besoin de liberté de ces Pénélopes d’ici ou ailleurs.

Chaque Pénélopes  a été créé in situ : Avant ce tout nouveau  Pénélopes Vire,  il y a eu Pénélopes, à Tarbes, Ulis, Nanterre, Vitry, Lyon et Pénélopes Brétigny verra bientôt le jour. Une forme aujourd’hui rodée avec une semaine d’entretiens, quatre jours de montage et une semaine de répétitions: seul change le texte. «Les femmes, dit Maëlys Ricordeau, quand on leur donne la parole, elles parlent.»

Dans ta peau, texte et mise en scène de Julie Ménard

Moins réussie, cette création de Julie Ménard auquel un public nombreux de jeunes et moins  jeunes assistait dans la grande salle du Préau, L’autrice et metteuse en scène s’est associée au compositeur et interprète Romain Tiriakian pour réaliser ce «conte musical fantastique ». Sybille, chanteuse timide et effacée, inconsolable après la mystérieuse disparition de son amoureux musicien, s´invente un double à son image, change de peau et renaît en vedette androgyne, sous le masque de cet alter ego fantomatique. Léopoldine Hummel incarne avec justesse et énergie cette Sybille hantés par la figure mythique de son amant.

Malgré la qualité de la musique, le talent des interprètes, aussi bons chanteurs que comédiens, une scénographie, des costumes et éclairages réussis, cette fable confuse et à l’écriture laborieuse ne nous a pas convaincu! Dommage car le thème collait parfaitement à celui de la manifestation qui se poursuit encore une semaine

 

 Mireille Davidovici

Jusqu’ au 17 mai  dans le Bocage et au Préau, Centre Dramatique National de Normandie-Vire, 1 place Castel, Vire (Calvados).

Granreporterre # 7, La Fabrique de la domination, mise en scène de l’actualité, de et par Carole Thibaut et Lorraine de Foucher

Granreporterre # 7, La Fabrique de la domination, mise en scène de l’actualité, de et par Carole Thibaut et Lorraine de Foucher

Angélique Clairand et Éric Massé dirigent le théâtre du Point du jour, à Lyon (Vème) et on peut être sûr que leur programme ne sera pas «non essentiel». Ils l’axent sur les grandes questions de société et inventent aussi les formes nécessaires pour rassembler le public autour. Et cela marche!
Nous avons un défaut, nous critiques: nous nous intéressons plus souvent au «comment c’est fait», qu’au «de quoi il est question?», en sachant que le théâtre n’a d’intérêt que dans l’articulation entre le quoi et le comment.
Ces directeurs nous mettent face à une question d’une actualité brûlante et qu’ils ont choisie;  ils travaillent sur le : «comment faire» et sur le : « à qui je parle». Pas si simple : l’art s’adresse en principe à tous… mais pas toujours de la même façon ! En tout cas, il doit s’interroger sur ce point. Angélique Clairand et Éric Massé offrent, entre autres, des résidences à des équipes diverses, explorent la ville, vont voir ailleurs « habiter la contradiction » (des mots empruntés à Geneviève Fraisse).

©Bertrand Gaudillère

©Bertrand Gaudillère

Le protocole des Grands ReporTERRE est la traduction directe des principes de ces codirecteurs:ils ont fait  se rencontrer  une artiste et une journaliste et en fonction du thème cela devient une conférence, une performance, un spectacle, un forme inédite… Pour ce septième Reporterre, ils leur ont donné carte blanche, ont pris en charge une partie des coûts de production et une semaine de plateau à Carole Thibaut, directrice du Centre Dramatique national de Montluçon.
Cette autrice, comédienne et metteuse en scène a fait appel à Lorraine de Foucher, journaliste au Monde et réalisatrice de télévision, spécialisée dans les questions de violences et féminicides. Thème choisi : la domination masculine dont le fonctionnement est celui de toutes les dominations.Au commencement est la rencontre, et quelle que soit l’envie des personnes et il faut la prendre au sérieux. Ce qu’ont fait Lorraine de Foucher et Carole Thibaut. L’une préfère regarder, qu’être vue, et ne se fait pas d’illusions sur la neutralité du journaliste. Et l’autre sait s’exposer au théâtre.
Elles ont pris le temps de se parler, de se connaître, de se dire :« chiche » et d’y aller,  de sauter de la falaise en confiance. Et la relation espérée, productive, entre journalisme et théâtre a pu avoir lieu. Elles ont lâché leur « zone de confort » (comme s’il en existait dans des métiers pareils !), disons plutôt leur terrain, pour échanger parfois leurs fonctions et en inventer d’autres, sans crainte de critiquer leur place et leur pratique.

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On connaît l’engagement de Carole Thibaut pour l’égalité entre femmes et hommes (respectons l’ordre alphabétique, le seul vraiment «neutre»). Lorraine de Foucher s’y est toujours intéressée et s’est trouvée elle-même prise à parti en travaillant à la télévision, haut-lieu du pouvoir sexiste, et en a fait, presque malgré elle un combat : comment, en tant que femme, ne pas être impliquée, et durement ?

Elle raconte ainsi aussi sa rencontre avec Hélène Devynk qui l’a amenée à enquêter sur l’affaire Patrick Poivre d’Arvor, avec huit victimes déclarées d’atteintes sexuelles et même de viols, sans parler d’humiliations et mauvaises habitudes: «ne prenez jamais un ascenseur seule avec P.P.D.A. ») Et ses informations certifiées par les juristes de son journal (on connaît le sérieux du Monde), ont persuadé sa hiérarchie de publier la tribune de sa consœur et toute une série d’enquêtes.
Cela ne fait pas du spectacle un exposé sur les objets et méthodes d’une grande journaliste et nous en avons vite senti la force de cette mise en scène. Carole Thibaut, elle, marque cette expérience originale de son efficacité, de son humour.
La place de chacune a souvent varié au fil de leur dialogue mais ensemble, elles réussissent à toucher l’émotion juste : pas celle qui fait pleurer Margot mais celle qui donne accès à une vérité. Sans dépasser la dose, l’humour, le rire partagé. Et elles critiquent les propos, rompent les débordements possibles du sentiment, avec l’obsession d’être juste.

L’image vient en complément de ce jeu à deux, avec les vidéos de Benoît Lahoz et des extraits de films de Lorraine de Foucher, et des photos d’elles, enfants. Sur les premières, elles ont les cheveux courts et pourraient être des garçons ; deux ou trois ans plus tard, les cheveux sont plus longs, la  féminité se dessine (on ne naît pas femme, on le devient…) Elles ont mainteannt chacune une fille adolescente et nous livrent en direct leur interview : «Oui, nous sommes féministes, mais… y a pas que ça, et il y a des mecs très bien »… Toujours les bonheurs de la contradiction.

Alors ? Avec des moments de rire du public, de silence haletant, avec leur vraie colère et surtout aucun optimisme béat, et un beau texte final d’Hélène Cixous, ces femmes vaillantes, chacune ayant savoir-faire et  compétences, nous auront emmenés loin dans leur quête, quitte à faire craquer les frontières de leur métier respectif, et celles de la justesse comme de la justice.

Christine Friedel

Spectacle vu au Théâtre du Point du jour, à Lyon (Vème). 

Les 10 et 11 mai au Théâtre des Ilets, Centre Dramatique National de Montluçon (Allier).

Partita pour violon seul n°2 de Johann Sebastian Bach, Sonate pour violon seul de Béla Bartók, chorégraphie et interprétation de Saburo Teshigawara et Rihoko Sato

Partita pour violon seul n°2 de Johann Sebastian Bach, Sonate pour violon seul de Béla Bartók, chorégraphie et interprétation de Saburo Teshigawara et Rihoko Sato

Nous avons suivi ce duo depuis plusieurs années, à l’Opéra de Paris, puis à Chaillot-Théâtre national de la danse (voir Le Théâtre du blog). Saburo Teshigawara et Rihoko Sato, sa partenaire depuis plus de vingt ans, créent une œuvre remarquable de précision sur ces partitions musicales.

Comme toujours, le chorégraphe fait littéralement danser les lumières qu’il crée sur un plateau nu où joue l’excellente violoniste japonaise Sayaka Shoji. «Ce qui unit ici Bach et Bartók, disent Saburo Teshigawara et Rihoko Sato, est leur capacité à faire coexister au plus près deux extrêmes: à savoir le réel et l’imagination libre. Notre approche de la musique est ici parfaitement abstraite. Le corps la rencontre à chaque fois dans un état d’innocence, comme s’il n’y était en rien préparé et se laissait surprendre ».

© Akihito Abe

© Akihito Abe

Les gestes de chacun sont d’une extrême finesse: les mouvements de Rihoko Sato évoquent un papillon venant de naître et ceux de Saburo Teshigawara, un insecte traversé de violences et paradoxales douceurs. On retrouve chez ces artistes un désir de mobilité permanente, alors que lui approche les soixante-dix ans mais son corps semble transcendé par la musique.

La chorégraphie fait alterner séquences rapides et lentes, que les artistes dansent chacun ou en couple. On assiste à un voyage hypnotique dans l’espace noir du plateau.. et cette calligraphie sonore et visuelle, parfaitement réalisée, caractérise l’écriture de ce duo qui a conquis le public dans le monde entier.

Deuxième programme également à la Philarmonie de Paris où les artistes interprèteront des œuvres d’Arnold Schönberg et d’Alban Berg, les 11 et 12 mai

Jean Couturier

Spectacle présenté les 4 et 5 mai, salle des concerts, Cité de la musique, Philarmonie de Paris, 221 avenue Jean Jaurès Paris ( XIX ème). T. : 01 44 84 44 84.

Voix, texte et mise en scène de Gérard Watkins

Voix, texte et mise en scène de Gérard Watkins

Plurielles, amicales ou hostiles, drôles ou insupportables, elles hantent les esprits à les rendre fous ; elles sifflent, susurrent, envahissent, harcèlent et prennent souvent le pouvoir sur l’individu. Comment vivre avec ces voix ? Gérard Watkins les convoque avec un groupe de parole qu’il dirige depuis le fond de la salle ; ces voix vont nous révéler les tourments de ceux qu’il nomme entendeuses et entendeurs de voix, jusqu’à ce que ces entités se matérialisent, voire s’incarnent dans un cabaret fantasmagorique.

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 Après Ystéria, une pièce sur les troubles mentaux, l’auteur s’interroge sur ce phénomène psychique souvent taxé de schizophrénie. Dans cette pièce créée au Théâtre des Ilets à Montuçon, il se met dans la peau de celui qui écoute avec bienveillance quatre “patients“, chacun visité par des hôtes importuns. « J’ai voulu, dit-il, dessiner des portraits humains, imaginer les ressentis de ces êtres singuliers pour favoriser le voyage du public avec leur existence.» Ces personnages vont donner à entendre ce qui est pour l’auteur « un mystère porteur de sens » et essayer, avec l’écrivain, promu soignant, d’apprivoiser ces phénomènes. Ce faisant, celui qui écoute met en pratique une méthode thérapeutique, hors des sentiers battus de la psychiatrie orthodoxe  visant à croire ce que disent les voix, à sentir d’où elles viennent et ce qu’elles révèlent. Cette approche mène à une meilleure gestion de leurs allers et venues, qu’elles soient hostiles ou amicales.

«Pour donner vie à ces personnages fictifs, dit l’auteur, je me suis beaucoup documenté, notamment en lisant Living with voices : 50 Stories of recovery de Marius Romme et Sandra Escher, sur le rétablissement d’entendeurs et d’entendeuses de voix. Ensuite, l’écriture s’est développée à partir de séances d’improvisation au plateau. »  C’est là toute la subtilité de Voix : faire théâtre avec des histoires de cas analysées dans les ouvrages spécialisés.

 La pièce se découpe en trois moments. Elle met d’abord en scène, dans une salle aux murs décrépis, un groupe de parole : trois jeunes gens répondent aux questions adressées par une voix invisible parmi les spectateurs et dialoguent entre eux: Manon (Marie Razafindrakoto) a réussi à gérer Frau, une vieille femme « frippée, avec chignon, à la voix perchée comme un oiseau » qui juge à sa place et la conseille ; elle perçoit aussi la présence d’un garçon « chafoin » rencontré dans les bois : « un souffle chaud comme une enveloppe ou une écharpe ».

Héloïse (Lucie Epicureo) se plaint d’Amandine qui parle du nez, une voix négative, toujours à se plaindre; elle lui préfère celle de Gérôme : «Il me défend, il me rassure ». Et Clément (Malo Martin), lui,  tente de piéger la voix qui l’insulte avec un accent flamand et il veut savoir si elle émane de lui ou vient d’ailleurs. Heureusement, il peut appeler Schopenhauer « Shopi » qui le fait rire.

Les jeunes comédiens trouvent la juste distance avec leurs personnages et il se dégage un certain humour et une légèreté dans ces entretiens et ces échanges. L’arrivée de Véronique (Valérie Dréville) met fin à l’atelier et la pièce prend un tour plus dramatique. Cette femme, habitée par des présences contradictoires dit pour la première fois, une souffrance accumulée depuis soixante ans. A mesure de son récit, Valérie Dréville rend concrets celles et ceux qui parlent à Véronique. On comprend qu’ils sont là pour couvrir une blessure tue depuis l’enfance. La voix de la Petite, comme elle l’appelle, ne lâche jamais Véronique, contrairement à celles du garçon, de Dieu, ou du Morse : «Elle débarque à n’importe quel moment et me scie les tympans.» 

Grâce à un coup de théâtre audacieux, les trois démons de Véronique apparaissent, figures quasi mythologiques forgées par l’imagination fertile de son âme troublée. Et Gérard Watkins donne le mot de la fin à la Petite, drôle et troublante Lucie Epicuréo: «Ecoute ce qu’elle n’a pas dit, dis-lui ce qui m’est arrivé. » L’auteur montre que les voix ne sont pas si folles : elles sont là aussi pour raviver des traumatismes refoulés et il faut parfois les croire.

Le metteur en scène part de situations quasi cliniques et d’un jeu froid, pour basculer vers la tragédie de Véronique, puis dans une théâtralité baroque, avec Camille Prenant au piano.  Faisant fi de ceux qui portent un regard purement médical sur ces “symptômes“, Gérard Watkins s’est inspiré des Réseaux des Entendeurs de Voix, un mouvement né en 1987 aux Pays-Bas : «Ces femmes et ces hommes soutiennent que ce n’est pas parce que l’on entend des voix, que l’on doit être enfermé, médicamenté ou stigmatisé. »

Mais Voix met aussi en question une soi-disant normalité. Qui n’a jamais eu sa petite voix intime ? Jeanne d’Arc, Moïse, Jésus, Gandhi… n’ont-il pas été guidés par Dieu ? Platon évoque : «Ce démon attaché à moi dès mon enfance; c’est une voix qui ne se fait entendre que lorsqu’elle veut me détourner de ce que j’ai résolu, car jamais elle ne m’exhorte à rien entreprendre. » Et bien d’autres racontent avoir obéi à des voix: Winston Churchill, Zinedine Zidane, Sigmund Freud, Carl Jung, William Blake, Andy Warhol, Philip K. Dick, Rainer Maria Rilke…

Mais certains n’ont pu vivre avec, comme Virginia Woolf qui écrit dans une lettre d’adieu à son mari : «J’ai la certitude que je vais devenir folle. Je commence à entendre des voix et ne peux pas me concentrer. Alors, je fais ce qui semble être la meilleure chose à faire. Je ne peux plus lutter, je sais que je te gâche la vie. » Pour ne pas sombrer, il faut apprendre à dompter ses voix, comme le fait Gérard Watkins en nous les rendant plus familières et en jouant le jeu avec elles.

Mireille Davidovici

Du 5 au 21 mai, Théâtre de la Tempête, route du Champ de Manœuvre, Cartoucherie de Vincennes. Métro château de Vincennes puis navette gratuite. T.: 0143 28 36 36

Du 5 au 8 décembre, Comédie de Saint-Etienne, (Loire).

Le texte est édité aux éditions Esse.

Domaine de Chaumont-Sur-Loire : festival international des jardins 2023, saison d’art

Domaine de Chaumont-Sur-Loire : festival international des jardins 2023, saison d’art

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© M. Davidovici

Dominant la Loire et entouré de parcs paysagers, le château de Chaumont n’est plus celui d’origine, construit aux environs de l’an mil par Eudes I er, comte de Blois, pour surveiller sa frontière avec le comté d’Anjou.
Rasé en 1465 sur ordre de Louis XI pour punir Pierre Ier d’Amboise, impliqué dans la Ligue du bien public, une coalition de grands vassaux avec, entre autres, Charles de France, frère du roi, et Charles le Téméraire, fils aîné du duc de Bourgogne, Philippe le Bon, pour lutter contre la politique autoritaire de Louis XI. Au retour en grâce de Pierre Ier, le château sera reconstruit mais conservera son style médiéval avec une tour massive.
Ensuite il bénéficia d’agrandissements et embellissements avec un magnifique parc. Et à
la mort d’Henri II, il fut offert par la reine Catherine de Médicis à Diane de Poitiers, maîtresse du défunt roi, en échange du château de Chenonceau. Après être passé de famille en famille, sans trop subir les outrages du temps et des guerres, en 1938, il sera donné à l’Etat , par la princesse de Broglie, sa dernière propriétaire. Appartenant  à la Région-Centre depuis 2007, le domaine de Chaumont-sur-Loire est  maintenant un Centre d’arts et de nature, voué à la relation entre Nature et Culture  avec créations artistiques et interventions paysagères.
Son immense parc en balcon sur le fleuve accueille des installations d’artistes, temporaires ou pérennes qui ornent les allées, à l’ombre de cèdres bicentenaires, les appartements seigneuriaux mais aussi les greniers, cuisines, granges et écuries… De l’autre côté du château, pour chaque édition du festival international des jardins au printemps,  sont attribués à des artistes jardiniers,venus du monde entier,vingt-cinq lopins de terre pour donner libre cours à leur créativité.

Mireille Davidovici

Jardin résilient

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© M. Davidovici

Jardiniers, paysagistes, entrepreneurs, architectes, artistes… mais en équipe (c’est indispensable) dont la candidature a été retenue pour l’édition 2023 ont remodelé le terrain, créé des circuits fermés de récupération des eaux, transplanté les variétés végétales nécessaires et ensuite laisser faire la nature avec le plus grand respect.
Cela exige en amont un travail colossal de projets et d’imagination et de solides connaissances pour arriver à ces jardins insolites, qu’on pourrait presque dire militants.
Le thème choisi cette année, Le Jardin Résilient répond aux inquiétudes du jour. Déjà mille hectares en feu dans les Pyrénées-Orientales ce 16 avril, après la sécheresse et les incendies l’été dernier : il faut trouver des ouvertures, des réponses. Ces créateurs ont pensé aux angoisses humaines -après tout, un jardin c’est une nature humanisée – et inventé des jardins protecteurs et nourriciers, des abris comme ce Couloir végétal, encore un peu dégarni mais qui protègera bien des chaleurs excessives, ou Une (presque)île vertueuse, « réservoir du vivant sur pilotis avec une autonomie vivrière circulaire » Et ils ont imaginé que Demain tout ira bien, un équilibre entre le végétal et l’urbain et ont surtout misé sur la force du végétal, en imaginant divers jardins après la catastrophe comme Oasis fissuré, Cendres fertiles, Brèches ouvertes. Avec une végétation spontanée qui permettra plus tard à d’autres espèces de s’installer sur une terre revitalisée. Et l’on voit déjà, en effet, sur de petits lopins carbonisés, de « mauvaises herbes» réintroduites avec délicatesse, s’enraciner et se développer.

Tout ce travail repose sur une observation obstinée de la nature, des jardins, des plantes «réparatrices» et de très ancienne coutumes d’associations de plantes, comme ce trio mexicain: qui constitue aussi  un repas végétarien idéal:  maïs-courge-haricot.
Les «plantes-compagnes» se rendent des services réciproques: ainsi les couvre-sols maintiennent une précieuse humidité au pied des buissons qui les protègent en retour de leur ombre. La technologie la plus fine qui reprenant des pratiques anciennes, associe dans L’Alliance des courants, permaculture et électro-culture (oui !) « captant l’électricité statique, la force du vent et l’énergie de l’eau pour stimuler la croissance des plantes ».

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Chant du sel © M. Davidovici

Le Chant du sel, est artistiquement, l’un des plus beaux jardins sur fond de gravier de verre au bleu unique. Avec toujours cette fonction de l’art : nous inviter à poser sur le réel un regard neuf.
Ces plantes halophiles, oyats, salicornes, criste marine -nous marchons dessus en allant nous baigner dans la mer- sont peut-être elles qui vont sauver la vie des rivages, à la montée des océans…
On n’oubliera pas, un peu caché, le Jardin de la Fontaine Anémone, doux feu d’artifice de verdure, broderie délicate, qui vous parlera d’une résilience aussi inespérée qu’obstinée, celle de la beauté.

Dans cet immense parc, il y a une variété et une qualité de jardins permanents et des œuvres d’art qui ont été installées mais il faut aussi voir le château et ses manifestations. Et ici, cela exige du temps. Mais déjà le soleil et un peu de pluie ont permis aux jardins tout juste plantés, de commencer à s’épanouir. Et ce n’est que le début.

Christine Friedel

 Saison d’art 2023

Moins connues que le festival horticole, les installations et expositions artistiques dans le parc, les salles du château et les communs,  sont une autre façon de mettre en scène la Nature et le patrimoine. On peut donc compléter la visite des jardins et voir ces œuvres commandées à des artistes de tous horizons. Les pérennes que nous avons eu  plaisir à retrouver. Comme dans la Grange aux Abeilles, Momento fecundo, une impressionnante spirale en bois de palissade du Brésilien Henrique Oliveira, qui s’enroule dans les escaliers jusqu’à la charpente rustique. En face, dans le Fenil, les tapisseries monumentales en relief du Ghanéen El Anatsu habillent les murs, tissage minutieux de matériaux de récup : capsules de bière, canettes concassées, tôles découpées.
Dans la chapelle du château, Gerda Steiner et Jörg Lenzlinger ont composé devant
les vitraux fleuris Les Pierres de printemps:un fouillis arachnéen de feuillages, graminées, fleurs séchées recueillis dans les jardins du domaine.

D’autres œuvres nous attendent dans le parc dominant la Loire que l’on peut contempler du promontoire conçu par Tadashi Kawamata. Dans les arbres, s’érigent les cabanes de cet artiste japonais.

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©François Méchin

Les sévères sculptures de Christian Lapie, des troncs d’arbre taillés à la tronçonneuse prennent la forme d’une armée humaine, recouverte d’une gangue noirâtre, tout à la fois hiératique, spectrale.
Heureusement
, Arbre chemin de Guiseppe Penone vient nous dérider. Et Ugwu, d’El Anatsui, est un très bel amoncellement de vieux bois et métaux colorés au pied des arbres vivants… Il y a une vingtaine d’œuvres permanentes dans les jardins et des installations théâtrales de Sarkis dans les greniers du château, Ailleurs, ici : bric-à-brac organisé autour de vitraux suspendus aux fenêtres à tabatière, avec échappée belle sur le fleuve.

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© Guiseppe Penone

Pour les expositions temporaires, quinze artistes ont été invités cette année. Au cœur du château dans les Galeries hautes, une pléthore de gravures, estampes, lithographies de tous formats d’Alechinsky couvre les murs.

Celui qui fut d’abord typographe et imprimeur s’amuse à mettre les petits carrés et rectangles dans les grands, joue avec les images, les écritures, les mots. Il fait la part belle au recyclage de carnets, factures, notes… et passe du monochrome à la couleur, du naïf à l’érudit. Mais où trouver  une logique dans cette rétrospective de 1948 à 2020, avec des œuvres accrochées dans le désordre. Mais profitons de l’humour présent dans les photos de quelque deux cents tableaux dans un livre-catalogue Alechinsky à l’imprimerie (Gallimard).

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©Stefan Râmniceanu

C’est aussi l’univers des livres que célèbre Stefan Râmniceanu, dans la Galerie basse, le vestibule et la salle de billard. Cet artiste roumain aime travailler la matière: papier, carton et peinture par couches épaisses, simulant des grimoires. Des dossiers calcinés en feuilles de bitume et zinc assemblées avec des ficelles ornent tristement une étagère, restes d’archives désormais illisibles.

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Vestigium © Pascal Convert 

Plus évanescents, les Livres étrangement cristallisés par le feu, d’un blanc opalescent comme de l’albâtre, s’ouvrent sur la table de la bibliothèque Ces livres fantomatiques caractérisent le travail de Pascal Convert, hanté par la question de la mémoire, qui est aussi présente aussi dans Vestigium, un alignement de candélabres immaculés, sur la table de la salle à manger de la princesse de Broglie.

Par contraste, dans la galerie du Porc-Epic, la noirceur austère du sculpteur Christian Lapie s’exprime dans ses dessins au fusain estompés par des lavis à l’encre de Chine.

Entre bâtiments et parc, nous sommes loin d’avoir tout exploré et une journée n’y suffirait pas. Quelques coups de cœur cependant:

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ClaireMorgan CcEricSander

Etre seul avec toi de l’Irlandaise Claire Morgan dans la Grange aux abeilles. D’une oie naturalisée suspendue tête en bas, s’échappent de délicats envols neigeux. Fragiles éclats de plastique translucide oscillant dans les courants d’air, pétales ou plumes artificielles, pour une étrange assomption de l’être animal saigné à blanc.
Et dans l’Asinerie, Sophie Blanc
a poudré d’or herbes folles et feuilles de chêne, fleurs des champs ou de jardins. Doreuse et restauratrice de bois doré, l’artiste plaque au pinceau des végétaux qu’elle a fait sécher pour des compositions sculpturales installées sous cloche. La nature ainsi sublimée nous semble d’autant plus précieuse…

M. D.

Domaine régional de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher). T. : 02 54 20 99 22.

Nocturnes au jardin, du 1er juillet au 31 août, Les Botaniques de Chaumont-sur-Loire, les 16 et  17 septembre, Quand fleurir est un art, du 6 au 10 octobre.

Festival des langues françaises à Rouen

Festival des langues françaises à Rouen

Le Centre Dramatique National de Normandie-Rouen occupe trois théâtres dans la métropole rouennaise : le Théâtre des Deux-Rives  au centre ville, le Théâtre de la Foudre à l’architecture contemporaine à Petit-Quevilly, et L’Espace Marc Sangnier à Mont-Saint-Aignan, dans le quartier étudiant, avec deux salles. Donc une immersion dans plusieurs quartiers. Que Camille Trouvé et Brice Berthoud de la compagnie Les Anges au plafond, aux manettes depuis 2000, veulent prolonger par des événements hors-les-murs. Venus du monde de la marionnette, ils ont récemment créé un remarquable Chien blanc (voir Le Théâtre du blog) et défendent un théâtre transdisciplinaire.

Dans cet esprit, a été conçue cette cinquième édition du festival orientée vers les Caraïbes et organisée par Ronan Chéneau, auteur permanent au C.D.N. Les écritures sont mises en lecture ou en espace dans plusieurs lieux par des comédiens professionnels, des élèves d’une école de théâtre et du Conservatoire de Rouen.
Des propositions offertes gratuitement à un public curieux et venu en nombre. Il est bien indiqué que ce sont «des étapes de travail sur des textes déjà écrits ou en cours de finalisation.» Il faut donc en tenir compte à la réception de ces événements.
Malgré quelques mises en voix un peu approximatives, nous avons apprécié la diversité de ces propositions et des lieux. Plusieurs textes ont émergé pour le plus grand plaisir du public et donnent envie d’aller plus loin dans ces découvertes. Dont la poésie en langue française des signes (L.S.F.).

 Poésigne par François Brajou

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Cahier de François Brajou © Julia Wahl

Cette poésie L.S.F. est une expérience singulière. Dans le plus grand silence, les gestes du jeune écrivain sourd-muet laissent imaginer objets et mouvements. Il commence par un haïku et dessine un rond avec les mains, ses doigts se dressent comme de petits bâtons. On nous traduira : « La pendule/ Tic tac/ Midi pile, l’odeur du temps.» Tout s’éclaire ensuite pour ceux qui ne possèdent pas ce langage… Avec des poèmes plus amples et des gestes plus dramatiques : on devine un cœur déchiré, une chute angoissante. Là où on pensait voir des fleurs qui s’ouvrent, se sont des fruits qui éclatent en graines… C’est très beau et très fort. Riches en métaphores, ces œuvres évoquent états d’âme, sentiments, troubles et accalmies, toujours avec des échappée vers le haut.

Il faut entrer dans ces codes et surtout imaginer cette langue : «Je pense en signes, dit grâce à un traducteur, François Brajou, il n’y a pas de forme écrite. » Pour mémoriser ses poèmes, le jeune homme a recours à la vidéo mais aussi à un système de notation et dessins indiquant les gestes. La poésie «signée» est diffusée et connue depuis peu. L’écrivain a découvert son existence au Festival Voix vives à Sète, en voyant un poète turc la pratiquer. «Cela m’a fait un déclic. Je suis fier de ma langue, j’ai envie de la montrer. » Il s’agit bien en effet d’une expression physique et visuelle : le texte français est la deuxième langue des sourds, et le jeune poète a traduit Charles Baudelaire pour ses semblables. «Pas facile, dit-il, de trouver le visuel et le rythme pour ces textes, ni les rimes. ». 

Nous avons été frappés par la densité et le silence de ces moments poétiques qui exigent du spectateur une extrême concentration. »Cette littérature très récente, dit François Brajou, prend plusieurs formes et il y a, à l’instar des jeux de mots, des jeux de signes. Elle peut aussi s’exprimer alphabétiquement, ou combiner les systèmes… »"D’habitude c’est le français qu’on traduit en L.S.F., ici c’est le contraire. », remarque Renan Cheneau qui, avec cette programmation, a voulu mettre en valeur une langue souvent tenue à l’écart.

Port au Prince et sa douce nuit de Gaëlle Bien-Aimé

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D.r.

L’autrice haïtienne était à l’honneur à Rouen, avec deux pièces. Lucie Berelowitsch s’est emparée de ce texte, lauréat du prix R.F.I . Théâtre 2022, pour réaliser une mise en espace avec lumières et bande sonore. Une pièce déjà lue aux Zébrures de printemps à Limoges en mars et au Festival Re.Génération au Théâtre 14 à Paris, en avril.

Dans le huis-clos d’une chambre, par une nuit chaude où la peur règne sur la ville, Zily et Ferah vivent un amour suspendu : elle souhaite quitter Haïti où elle voit son avenir sombrer mais Ferah, lui, refuse de déserter l’hôpital où il travaille. Il la veut belle et sereine;  elle se veut libre d’exprimer son désespoir. Elle voudrait avoir un enfant mais lui, refuse de mettre au monde un être sans futur…
Entre volupté et douleur, ce jeune couple déchiré lèche ses plaies et évoque avec amour les rues de Port-au-Prince, troisième personnage de la pièce,  où s’attachent d’heureux souvenirs: un amour à la mesure de leur passion charnelle.
Leurs paroles se déversent à flot tendu;  leurs corps se cherchent, se trouvent, doutent. Après seulement six jours de répétition, les comédiens arrivent à imposer leur présence et à faire ressentir les potentialités de cette pièce riche en images et sensualité, en particulier Sonia Bonny dont la voix aux multiples nuances fait vibrer le personnage de Zily.

Gaëlle Bien-Aimé a mis beaucoup d’elle dans son héroïne: «Port au Prince, dit-elle, est une ville ou personne ne dort jamais.»  Une phrase que l’on retrouve dans la bouche de Zily.  Elle a écrit sa pièce en France à un moment où, menacée, elle ne pouvait rentrer en Haïti: «Je voulais écrire une histoire d’amour, il fallait que je me répare.» Elle a Port au Prince chevillée au corps comme les personnages de sa pièce : « On a rendu cette capitale invivable mais elle abrite des âmes qui ont envie de vivre, rire, aimer, faire du théâtre.»
Pour elle, pas question de la quitter: «Aucun ne veut partir dans ce couple et ils se demandent juste s’ils peuvent continuer à vivre comme ça.» Et faire du théâtre dans l’arrière-salle d’un restaurant, quand on entend au loin des fusillades, comme  elle l’a récemment vécu,  est un acte de résistance. Puisse Port aux Princes et sa douce nuit rencontrer bientôt son public.

J’ai remonté le fleuve d’Ulrich N’Toyo 

J'AI REMONTE LE FLEUVE 1

D.r.

Soucieux d’une rencontre avec les publics dits “éloignés”, le festival est  allé dans plusieurs quartiers de Rouen, pour présenter des œuvres de cet écrivain congolais sous forme de courts épisodes à suivre.. Nous aurions aimé en savoir plus, et surtout mieux entendre ce texte, livré par courts extraits par les élèves du Conservatoire sur une place de Petit-Quevilly. Les enfants et quelques mamans, d’abord accrochés, sont vite dépassés par l’ histoire de ce petit garçon qui va grandir au Congo-Brazzaville dans le chaos de la guerre.

Enfant, puis adolescent, il se révolte contre les seigneurs de la guerre qui, avec leurs armes, ont confisqué ses rêves et ses espoirs. Nous sommes au temps des pionniers, de Pointe-Noire, à Brazzaville et le narrateur-enfant, entouré de nombreux personnages, retrace les heures glorieuses de l’Indépendance, suivies d’années de combat pour la démocratie.
Malheureusement cette représentation ne nous a pas vraiment éclairés sur l’œuvre. Ulrich N’Toyo installé depuis 2007 en France, travaille entre le Congo et la Normandie, où il a fondé en 2011 la Youle Compagnie. Il a participé à plusieurs créations de Dieudonné Niangouna, notamment Banc de Touche et Le Socle des vertiges.

 A contre-courant nos larmes d’Emmelyne Octavie

A CONTRE COURANT

D.r.

La pièce a reçu plusieurs récompenses : Prix Jeanne Laurent du festival des langues françaises-Journées de Lyon des auteurs de théâtre, Prix du festival Jamais Lu Caraïbe, Prix S.A.C .D. de la dramaturgie francophone 2022.
A en entendre ce texte intense pendant une petite demi-heure, ces honneurs semblent mérités. L’écrivaine guyanaise donne la parole à ceux qu’on n’entend guère, les écoliers de ce département. L’un refuse de chanter La Marseillaise qu’on veut lui apprendre à l’école… autant que les règles de grammaire.
Une camarade le raisonne… Les dialogues tournent autour de l’identité des gens du fleuve et celle des enfants amérindiens qui sont à des heures de pirogue de la ville, à la recherche d’une culture perdue, à contre-courant de celle que l’école de la République leur inculque.
Une élève veut s’y conformer mais une autre refuse, et, pire, il y a celles et ceux qui se suicident: «Anoya, qui a pris la chaise» : on l’a retrouvée pendue dans la classe après la récréation… Ces larmes sont celles des enfants et les chants des natifs qui s’attardent sur le fleuve… Langue poétique mais efficace, radicalement. A lire in extenso.

 Mireille Davidovici

Le festival des langues françaises a eu lieu du 2 au 5 mai, à Rouen (Seine-Maritime).

Théâtre des Deux-Rives, 48 rue Louis Ricard, Rouen, Espace Marc-Sangnier, 1 rue Nicolas Poussin, Mont-Saint-Aignan.
Théâtre de la Foudre, rue François Mitterrand, Petit-Quevilly. T.: 02 35 70 22 82.

Morphé, texte, mise en scène et jeu de Simon Falguières (à partir de huit ans)

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage


Morphé
, texte, mise en scène et jeu de Simon Falguières  (à partir de huit ans)

Morphée, dans la mythologie grecque, est le fils d’Hypnos (le Sommeil) et de Nyx (la Nuit).  Devant le beau rideau rouge à franges dorées du théâtre à l’italienne d’Evreux, entre un jeune homme ( Simon Falguières) entre : « Mon grand-père était un acteur. Mon grand-père était acteur dans un théâtre au centre d’une petite ville, loin d’ici, dans ce pays où je ne suis jamais allé. Il n’était pas qu’un acteur… Il était aussi le directeur du théâtre. Pour tout vous dire, c’est lui qui l’avait construit. Un tout petit théâtre en bois qu’il avait appelé : La Baleine Bleue !
Et c’est un peu vrai, du présent, surgit le passé et nous avions vu ici en quatre-vingt deux, un spectacle de Jacques Falguières, autrefois directeur de ce même théâtre, le père de Simon qui joue ici ce personnage fantasque. Une belle idée, et sans doute une grande émotion pour eux deux…

Puis le rideau s’ouvre sur une pièce close sans aucune porte avec de hauts murs en planches verticales de sapin et des fenêtres fermées, l’une à l’avant-scène jardin, l’autre au lointain. Au centre du plateau, deux tonneaux devant un étroit matelas dans lesquels s’enfermera Morphé. A cour, dans le fond, une petite table en bois avec un tiroir qui s’ouvrira et se refermera tout seul, une étagère, jusqu’en haut remplie de bocaux. Sept cordelettes noires sur le plateau. Et une grande et d’autres petites trappes dans les mur.
Un solo avec deux régisseurs en noir, inspiré par Les Métamorphoses d’Ovide où l’auteur et metteur en scène joue ce Morphé, un jeune homme d’abord allongé et qui parle dans son sommeil. Soit la conjugaison d’un texte poétique, avec une remarquable scénographie tout aussi poétique, faite de matériaux de récupération. De larges planches percées de trappes d’où s’échapperont de petits pavés noirs qui s’éclaireront en tombant au sol et que Morphé placera dans un des tonneaux. Il y a aussi de longues cordelettes noires sur le plateau comme des serpents et qui seront aspirées par les murs en bois.

On entend une phrase en voix off qui dit quelques phrases inspirées des Métamorphoses d’Ovide: «Alors tu vois, au commencement, il y avait le chaos. Kaos. Et puis Kaos enfanta Gaïa la terre. Puis Kaos enfanta Éros, l’amour. Lui c’est le plus beau des dieux. Puis Kaos enfant Ereb, les ténèbres et Nix, la nuit obscure. Puis Ereb et Nix par leur amour, enfantèrent la lumière du jour. Puis Gaïa, la terre, et la lumière du jour, par leur amour, enfantèrent Ouranos, le ciel couronné d’étoiles. Puis Gaïa, la terre, et Ouranos, le ciel couronné d’étoiles, par leur amour enfantèrent les montagnes, les plaines, les rivières, les fleuves, les mers et l’océan… »
Il va aussi y avoir la naissance d’un petit baleineau chéri : «Demain tu seras grand et tu seras heureux. Dans l’eau de l’océan tu verras le ciel bleu. Dors bien dors bien… Et il est question d’une altesse qui déteste les baleine bleues… On entend des bruits de bombardements puis dans un épilogue, l’acteur dit qu’il y aura toujours des poèmes dits par des anciens pour nous le rappeler. Il y aura toujours des baleines sorties du livre dessiné venu à notre rencontre pour nous emporter sur leur dos et supporter le reste. « 
Et vers la fin,  Morphé va accrocher aux murs de bois plusieurs feuilles de papier qui sont sorties des trappes comme par miracle et qui, en une longue tache bleu Yves Klein vont comme en rhizome, devenir une grande et belle peinture non figurative : une sorte de baleine bleue.

On se perd quelquefois un peu dans cet univers onirique aux multiples ramifications mais rien de grave, et il suffit de s’abandonner à ce texte où nous retrouvons ici les thèmes de la magnifique Nuit de cendres en treize heures que Simon Falguières avait créée l’an passé en Avignon (voir Le Théâtre du Blog).
Morphé a la toute la force du conte avec ses personnages mythiques (voir Homère, etc.) etc la figure emblématique du Père, le sommeil et les monstres qu’il enfante, le monde des contes et celui bien réel mais voué à l’effondrement, le tonnerre et  l’obsession des objets qui arrivent à avoir une vie propre, comme ce tiroir qui s’ouvre et se referme quand il veut, C’est dire toute l’importance de la scénographie imaginée aussi par Simon Falguières avec des éléments récupérés et qui ont donc eu une vie passée..
Apparait ici comme l’idée d’une transmission d’une génération et d’un lieu à un autre. Clea fait penser au fameux bureaux en bois d’une pauvre salle d’école primaire polonaise dans La Classe morte de l’immense Tadeusz Kantor (1915-1990) dont il avait conçu, et placé lors d’une cérémonie, une réplique en bronze sur la tombe de sa mère. « Objets inanimés, avez-vous donc une âme », écrivait déjà Lamartine.
Simon Falguières a traduit plastiquement un univers personnel avec un récit qui se fait théâtre. Comment ne pas être séduit par cet acte poétique fondé sur cette scénographie de toute beauté?

Cette réalisation est d’une rigueur et d’une unité indispensables pour que l’ensemble puisse fonctionner.  Les images se succèdent comme autrefois dans Le Regard du sourd de Bob Wilson: de toute beauté comme, entre autres et presque à la fin, de grands dessins non figuratifs tombant des trappes que Morphé va accrocher sur les planches des murs.
Lesquelles planches, comme si elles en avaient assez, commenceront à tomber les unes après les autres et où  il y a sur d’eux d’entre elles de petits personnages blancs alignés : six d’un côté et cinq de l’autre. Et créant un enchevêtrement occupant tout le plateau métamorphosé en une sculpture impressionnante.
Une déconstruction/reconstruction qu’on peut lire comme seule trace et héritière d’humains disparus… Et surtout comme un acte théâtral poétique, réalisé et joué avec un soin extrême par ce jeune auteur.
Avec les belles lumières de Léandre Gans, Simon Falguières réussit à créer un monde imaginaire des plus étranges souvent silencieux, entre théâtre de texte coloré de surréalisme, et peinture et sculpture contemporaines. Et où les dieux protecteurs du Théâtre et de la Nature ont eu aussi  leur mot à dire. Un spectacle d’une heure et quelque, chaleureusement applaudi par les collégiens mais qui fera aussi la joie des adultes.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 5 mai, spectacle vu le 2 mai au Tangram-Théâtre Legendre, Evreux ( Eure).

Du 22 au 27 juillet, en tournée  avec Les Tréteaux de France-Centre Dramatique National. 

Le 2 septembre, festival du Moulin de l’Hydre, Saint-Pierre-d’Entremont (Orne).
Du 19 octobre au 5 novembre, Théâtre Paris-Villette ( XIX ème).Du 25 au 29 mars 2024, Comédie de Caen- Centre Dramatique National de Normandie (Calvados).

En avril 2024, Transversales,  Scène conventionnée de Verdun (Meuse).


Le Nid de Cendres de Simon Falguières est publié chez Actes Sud-Papiers.

 

Nous n’irons pas au paradis ce soir d’après La Divine Comédie de Dante Alighieri, de et par Serge Maggiani

Nous n’irons pas au paradis ce soir d’après La Divine Comédie de Dante Alighieri, de et par Serge Maggiani

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Dr.

 Ce soir, les portes de l’Enfer s’ouvrent : «Nel mezzo del cammin di nostra vita/mi retroivai per una selva oscura/ ché la dirrita via era smarrita » (Au milieu du chemin de notre vie, / Je me retrouvai dans une forêt obscure,/ car la voie droite était perdue). Ainsi commence cette Commedia que Boccace et les autres après lui, qualifia de « Divine ». Et avec Serge Maggiani comme guide, nous pénétrons de plain-pied dans les chants I et III de ce monument littéraire qui en compte trente-trois.

L’acteur nous prend par la main, nous entraîne sur les pas du poète, dans la «forêt obscure », et éclaire le chemin avec des commentaires à la fois érudits et malicieux. Rien de cuistre dans cette mise en perspective. Serge Maggiani veut nous faire entendre ce récit comme une série d’épisodes concrets. « Dante est un aventurier, dit-il. Il a traversé le pays le plus dangereux, le plus effrayant qui soit; il a traversé la mort. Il a respiré la puanteur des enfers, il a volé sur le dos de monstres, il a traversé des parois de flammes et des étangs de glace. Il a pleuré aussi. Il a aimé, à la hauteur du divin, cette Béatrice qu’il a connue enfant et qui est morte. Il la retrouvera, loin très loin, au paradis. Elle sera le dernier guide de ce voyage ». Dante vit aussi les tourments de l’exil, quand, en 1300, à l’âge de trente-cinq ans, il compose son poème, et il mourra à Ravenne en 1321 sans avoir jamais revu sa Toscane natale.

 Nous suivons Dante, lui-même guidé par Virgile (un prédécesseur avec son Orphée et Eurydice), à la rencontre de célébrités, prophètes, divinités ou simples damnés: des animaux féroces lui barrent le chemin, une histoire d’amour tragique retient son attention… autant d’anecdotes, dans une langue imagée et inventive que l’acteur fait sonner dans sa langue maternelle et traduit dans la version française sans fioriture de Jacqueline Risset.

Aucune ambition de tout embrasser, dans ce modeste solo d’une heure, sans décor, effets de lumière ou  fumigènes… Sur le plateau nu, éclairé par un projecteur, le comédien se vit comme un messager du poète. « Je ne sais pas si ce spectacle est un spectacle, dit-il. C’est un moment. C’est un peu comme si un acteur, faisant partie d’un groupe, se détache, vient s’assoir au devant de la scène, et raconte au public des histoires. »

 Nous n’irons pas au Paradis ce soir est un projet au long cours, né en en 2012 à la suite d’une lecture d’extraits de la Divine Comédie, dirigée par Valérie Dreville en contrepoint au travail de Romeo Castellucci, dans la Cour d’Honneur au festival d’Avignon 2008. Serge Maggiani en faisait partie. « Il apporta, dit Valérie Dréville, des éléments d’exégèse et commentaires fameux, mais aussi sa connaissance native du chef- d’œuvre. Il m’a aidée à comprendre que tout est vrai dans la Divine Comédie, que tout est le fruit d’une expérience. »

 Serge Maggiani poursuivit seul l’aventure, avec la complicité de l’actrice, et le voici de nouveau en scène, pour dire ce poème inscrit dans la mémoire des Italiens et dont certains vers sont devenus des expressions du langage courant. Dante qui a quitté le latin de l’époque a, en quelque sorte, inventé l’italien et l’acteur se délecte à nous faire entendre cette langue à la fois proche et lointaine. « Dante ne vieillit pas, écrit le poète Yves Bonnefoy, parce que sa décision d’assumer la langue vernaculaire s’est transmutée en un acte qui vaut pour tous les temps, celui par lequel le poésie accède à soi en s’attachant au mot comme tel, en le «creusant ». Et justement Serge Maggiani  prend Dante au mot et ce spectacle est une excellente introduction à son œuvre.

Il faut espérer qu’après cette dernière série parisienne, qu’il  poursuive sa route. Avis aux programmateurs. On peut aussi retrouver Dante Alighieri aux rendez-vous de la Société dantesque de France et lors des flâneries de Bruno la Brasca sur les pas de Dante à Paris…

Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 29 avril à La Reine Blanche, 2 bis passage Ruelle Paris ( XVIII ème). T. : 01 42 05 47 31.

Prima donna – Hélène Icart T.: 06 23 54 53 42 helene.icart@prima-donna.fr

 La traduction de Jaqueline Risset est publiée dans La Pléiade chez Gallimard.

 

 

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