Femme non rééducable de Stefano Massini, traduction de Pietro Pizzuti, mise en scène et jeu de Roxane Driay et Jóan Tauveron

Femme non rééducable de Stefano Massini, traduction de Pietro Pizzuti, mise en scène et jeu de Roxane Driay et Jóan Tauveron

Visuel 3

©Sebastian Gomez

Sous-titrée  Mémorandum théâtral sur Anna Politkovskaïa, cette pièce retrace l’enquête de la journaliste russe en Tchétchénie. Il y a pour le KGB, dit le texte, les gens rééducables et les irréductibles qu’il faut éliminer. La jeune femme appartient à la seconde catégorie. Et sa mort est annoncée dès le commencement. Le spectacle a lieu comme un compte à rebours où se succèdent les récits d’Anna Politkovsakaïa ( Roxane Driay) et des scènes reconstituées avec Jóan Tauveron qui assure aussi l’environnement sonore en direct …
Le dramaturge italien s’est appuyé en grande partie sur les écrits de la journaliste devenue une figure incontournable de la liberté de la presse. Et elle a été assassinée le 7 octobre 2006 dans l’ascenseur de son immeuble.

Ce spectacle d’une heure quinze s’ouvre sur le salon d’Anna : après un aperçu géographique de la Tchétchénie, entre Caspienne et Mer Noire, traversée par le Terek « un fleuve inquiet », elle nous présente brièvement l’histoire de ce pays et de son peuple rebelle appelé « culs noirs » par les Russes qui le maintiennent sous leur joug depuis des siècles.
Montagnes enneigées, terre aride, eaux glacées des rivières sont la toile de fond de l’inéluctable marche de cette combattante de la plume vers son destin tragique: interviews, menaces de mort, médiation dans la prise d’otages sanglante de Beslan en 2004 jalonnent son parcours.

Il y a aussi des moments intimes où elle exprime découragements, colères et doutes : « Je n’écris jamais de commentaires, ni avis, ni opinions. Je suis une journaliste, pas un juge, et encore moins un magistrat. Je me limite à raconter des faits. Et ça coûte un prix fou.Quel prix ? Le prix que tu payes quand tu ne fais plus un métier, mais tu entres en guerre. Tu combats…. Et, à quarante-sept ans, je suis fatiguée. Ni apeurée, ni découragée : fatiguée. »

La quête de vérité d’Anna Politkovskaïa rend concrètes la mainmise et la violence d’un Etat oligarchique en décomposition qui alimente, par la guerre en Tchétchénie, le nationalisme d’un peuple nostalgique de son glorieux passé impérial. Sans tomber dans l’hagiographie ni le réquisitoire, Roxane Driay et Jóan Tauveron s’emparent de la pièce avec tact. Changements de costumes à vue, bruitages et musiques caucasiennes rythment les séquences mais l’ensemble reste encore un peu approximatif en ce soir de première, afin que le personnage d’Anna émerge vraiment. Pour autant, ces artistes portent Femme non rééducable avec conviction et le spectacle devrait trouver son allure de croisière..

La compagnie La Portée, fondée en 2018 par Roxane Driay, axe son travail sur les écritures contemporaines et, en particulier, sur des figures d’héroïnes. Ce spectacle a été conçu avant l’invasion de l’Ukraine et, rattrapé par l’actualité, nous offre, avec le témoignage de cette journaliste exemplaire, un précieux éclairage sur cette guerre.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 23 mai, Théâtre des Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris (1er) T. : 01 42 36 00 50.
La pièce est publiée chez l’Arche éditeur.


Archive pour mai, 2023

Klek Entòs/Oserez-vous ? de David Stone, mise en scène de Jean-Baptiste Dumas

Klek Entòs/Oserez-vous ? de David Stone, mise en scène de Jean-Baptiste Dumas

Le spectacle a été rodé entre autres à Lille, Roissy, Talant et Sainte-Sigolène. Et ces quatre vingt minutes de mystères, frissons et poésie sont parfaitement maîtrisées. David Stone est un artiste majeur du close-up depuis les années 90. Un créateur, doublé d’un technicien et performeur hors pair, passant du jeune homme aux cheveux peroxydés posant nu sur la couverture de ses notes de conférence, au gendre idéal avec un sourire carnassier.
Il travaille exclusivement pour la corporation et a créé de nombreux tours, notes de conférence, DVD et livres de référence dont
Close-up les vrais secrets (2005). Ses envies de comédien l’ont amené à participer à différents courts-métrages et films. Il a pu se tester en conditions scéniques dans Double Fond en trio avec Dominique et Alexandra Duvivier  (2016 et 2018) ou seul avec Stone passe à table (2017). Et il a eu envie de monter un spectacle complet avec Klek Entòs, un personnage singulier et énigmatique

David Stone a trouvé un personnage à la hauteur de ses ambitions artistiques et à l’opposé de sa personnalité de magicien beau gosse, aux réparties un brin provocatrices. Klek Entòs est tout d’abord une abstraction, un être immatériel et correspondant à « la somme de toutes nos peurs ». Il a la forme d’une silhouette, entre gentleman en costume trois pièces (en tissu écossais ou à rayures) et homme invisible (sans identité) de H.G. Wells.
Son visage couvert de bandelettes tachées d’encre, porte comme les traces d’un test de
Rorschach et il a des lunettes de soudeur, des gants blancs pour ne pas se salir les mains, ou laisser d’empreintes comme les tueurs en série.

© Stéphane Kerrad

© Stéphane Kerrad

Gestuelle précise, très lente et calculée: ses mains, constamment crispées, jouent un rôle important dans les effets magiques. Et sa voix est modifiée dans les tons graves, dépersonnalisée… La mise en scène est construite sur des expériences (un chemin de croix)! qui vont mettre à l’épreuve une dizaine de spectateurs.. Klek Entòs n’est jamais seul pour réaliser ses effets et tout est fondé sur les participants et leur ressenti.

C’est la grande force d’Oserez-vous? Tout le monde peut s’y reconnaître et être aussi cobaye. Klek Entòs joue sur la crainte des spectateurs de monter sur scène quand il parcourt la salle pour choisir sa prochaine victime, en usant de phrases qui font mouche comme : «Fermer les yeux ne vous rend pas invisible ! » ou «Ce n’est pas de moi, que vous avez peur en montant sur scène mais de vous, à travers l’image que vous renvoyez aux spectateurs et de leur regard porté sur vous. »

Sur scène, un table, une chaise, une guéridon…et une musique d’ambiance style Danny Elfman, le compositeur attitré de Tim Burton. Une voix-off d’outre-tombe nous fait penser aux vieilles histoires de monstres cachés sous notre lit qui hantaient nos nuits, de petites peurs communes à tous. Et si justement, elles revenaient sous une «forme humaine non identifiée » ?
Sur la scène alors envahie de fumée, Klek Entòs fait son apparition dans une lumière rasante tournée vers la salle. Vont alors commencer une série d’épreuves convoquant la peur sous toutes ses formes. Celle que l’on perçoit, et celle qu’on ignore face à la réalité… ou à l’irrationnel.

David Stone est volontairement sorti de sa zone de confort et a abandonné tous ses tours de magie rapprochée favoris avec pièces, cartes, bouteille, serviettes, billets, etc.) Il utilise des accessoires plus ésotériques : clochette, poupée, photos, bougies, plaques d’hôtel… Et dangereux: couteaux, hache, arbalète, batte de baseball, marteau, tronçonneuse, grenade, bouclier…

Pour matérialiser les peurs de chacun, Stone et Dumas sont allés piocher dans le répertoire de mentalisme et de la magie dite bizarre. Avec quelques effets commercialisés et scénarisés avec un grand soin, comme la carte au couteau : Lethal de Bobby Motta, Smash and Stab, le fil coupé et raccommodé, Knots-off-Silk de Pavel,le gant en feu, un fauteuil à apparitionMais surtout de belles adaptations d’effets spirites comme les ardoises spirites, le tour de la cendre (Vaudou), le toucher  et le foulard spirite (Dancing handkerchief) et des principes psychologiques efficaces comme les forçages et «choix du magicien »)

Qualité première du spectacle : son écriture. Le choix d’une structure, fragmentée en histoires est en corrélation avec les spectateurs qui montent sur scène aux peurs, phobies ou interrogations. Le spectacle s’ouvre, et se ferme sur la voix off chaude et mystérieuse de l’acteur Benoit Allemane comme pour signifier que nous avons assisté à une sorte de cauchemar/rêve collectif.

En une dizaine de saynètes, Stone et Dumas exploitent des histoires de phénomènes mystérieux, revenants et fantômes, avec une introduction en voix off et vidéo, ou avec celle de Klek Entòs à la diction précise comme une lame. Il débite avec gourmandise un texte appris au cordeau où chaque mot est soigneusement choisi pour apporter un maximum de force aux effets magiques.
Parmi les histoires racontées: une jeune fille noyée sur une île de Mexico en 1951, une mystérieuse publicité japonaise pour Kleenex en 1986 avec un message subliminal et qui a été maudite, un fantôme hantant un hôtel autrefois sinistré par un incendie, l’homme-dé de
Luke Rhinehart, une cérémonie amazonienne où les vœux sont exaucés, l’étoffe symbolique des marins du Moyen-Âge…
Dans ce flot d’histoires à faire peur, la poésie et l’innocence sont présentes avec un canari jaune, un leitmotiv avec,  à la fin, un message philosophique que tout le monde peut emporter avec lui : « La plupart de nos peurs n’ont aucune raison d’être, elles ne sont que des projections mentales qui n’existent que dans notre esprit et nous empêche parfois d’atteindre nos buts et de poursuivre nos rêves. Confrontez vos propres peurs afin de les surmonter, de les vaincre et d’en faire votre force. »

Un soin tout particulier a été apporté à l’image et au son qui, amplifié, rend plus sensibles les les expériences réalisées. Des projections vidéo introduisent une histoire avec des images d’archives, reconstitutions, extraits de films de Méliès, Segundo de Chomón…), images fixes servant de décor comme un chapiteau de cirque, etc. Puis, la musique et les effets sonores accentuent une révélation ou un effet magique comme un métronome à la précision diabolique. Comme si tout était déjà écrit d’avance et que les moindres choix des spectateurs étaient déjà prédéfinis. D’où une sensation de surnaturel et de mysticisme qui enrobe judicieusement toute la représentation.

David Stone s’est associé à son fidèle complice Jean-Baptiste Dumas, consultant et créateur d’effets magiques pour des illusionnistes comme Yif, Cyril Takayama ou les French Twins. Il travaille avec David Stone depuis 2014 après l’avoir rencontré en Chine lors d’une tournée de conférences. Depuis, ils ont mis au point des tours pour magiciens et des numéros scéniques pour l’émission télévisuelle La France a un incroyable talent en 2018 puis en 2020 avec un nouveau personnage Klek Entòs.
Ils iront même aux États-Unis à l’
American’s Got Talent en 2021; ils ont même créé une petite sensation, en atteignant la finale (tout comme en France). Cette popularité a aussitôt envahi les réseaux sociaux et il était temps pour eux de se confronter à l’épreuve de la scène pour installer définitivement le personnage de Klek Entòs et son étrange univers dans une expérience en prise directe avec un public-cobaye.

Nous étions curieux de voir si David Stone pouvait faire sur une scène vivre et exister ce personnage de Klek Entòs sur la durée, à partir d’un vrai travail dramaturgique. Mais le pari est réussi haut la main. On ne répètera jamais assez que le plus important dans un spectacle de magie est son interprète (bien plus que son répertoire) et les histoires qui vont être racontées (bien plus que les trucs).
Ici tout a été pensé et travaillé pour rendre crédible un personnage et un univers. Objectif permanent: captiver le public avec des sentiments universels et au-delà de simples tours de passe-passe. Rares sont les vrais auteurs en magie qui apportent un nouveau regard sur l’expérience et le ressenti du public… et qui lui délivrent un message : ce qu’il faut saluer ici !

Sébastien Bazou

Spectacle vu à L’Écrin, Talant, ( Côte-d’Or) le 27 avril.

Palais des Glaces, Paris, du 11 mai au 29 juillet.

(https://www.davidstonemagic.fr/)

(https://www.facebook.com/bizarreklek/?locale=fr_FR)

Taha Mansour

Taha Mansour

Magcien reconnu (voir Le Théâtre du Blog), il est entré dans la magie par hasard, à quatorze ans quand il était allé au supermarché pour acheter un casse-tête et est tombé sur 25 tours de cartes de Cartamundi. Il ne pensait pas que cela allait le captiver autant mais, quand il a fait ses premiers tours devant sa famille, il vu les étoiles dans ses yeux! «Je voulais absolument, dit-il, plus creuser cette merveilleuse émotion et, deux ans après, j’ai découvert le mentalisme qui me permettait d’avoir une connexion plus forte avec mes spectateurs, donc je m’y suis mis.

Ses parents ne l’encourageaient pas beaucoup et ne l’encouragent toujours pas… Seul moyen d’apprendre: des coffrets et livres trouvés à la Fnac comme ceux de Bernard Bilis. Mais il a vraiment progressé avec des vidéos sur YouTube où des magiciens expliquent des tours qu’ils font dans la rue, à des mariages, etc. Très inspirant pour lui: il a commencé à regarder des vidéos d’Ellusionist et sur d’autres sites pour essayer de comprendre les tours et les refaire! Pour le mentalisme, il a travaillé plutôt avec des livres comme Les treize étapes de Corinda ou encore les Subtilités Psychologiques de Banachek.

c x Monsieur le photographe

©Monsieur le photographe

Il pense qu’il a développé son style et a créé des effets, quand découragé par ses parents, il avait tellement peu d’argent qu’il était obligé d’innover, de sortir la moindre goutte d’eau des livres lus et des vidéos pour essayer de remonter les tours et inventer ses propres «routines ». Et il a fait  des rencontres qui l’ont aidé à en arriver là.
Elève à l’Ecole Centrale à Paris, il a rencontré un professeur, Ludovic-Alexandre Vidalqui pour  la comédie musicale, a été nominé deux fois aux Molière. « Il a adoré mon style et m’a encouragé à lancer mon spectacle sur Paris. Nicolas Brudenn, le programmateur du Théo Théâtre m’a accueilli, alors que je n’étais pas connu mais a cru en mon spectacle et je leur en suis reconnaissant. Enfin mon attachée de presse Dominique Lhotte et mon coproducteur et bon ami David Coudyser qui m’accompagnent dans cette belle aventure, m’encouragent aussi et font un travail exceptionnel. Et je vois la vie comme un enchaînement d’effets-papillons ; ces petits efforts constants et ces rencontres ont fait qui je suis aujourd’hui. «

« Ma formation en prépa, dit-il, m’a mis dans un état d’esprit particulier. J’ai eu des moments difficiles où je devais gérer mes études, mon boulot, l’administration des spectacles, mes représentations à Paris… Parfois, je n’en pouvais plus et voulais que cela cesse. Mais très vite, je me rappelais que je m’étais lancé dans cette voie, pour émerveiller le public et lui faire vivre un moment qui, j’espère, l’aidera et le marquera pendant longtemps. Et cette idée-là m’a toujours redonné de la force et du courage. »

Taha Mansour travaille sur le mentalisme à 100%, surtout psychologique et minimaliste. Avec juste des bouts de papier, il veut créer une connexion forte et intense avec le public.
« Je sais que c’est là que je suis bon. Mon endroit d’intervention favori est la scène. Je fais aussi du close-up ou des spectacles vendus à des entreprises, mais rien n’est comparable à la sensation de créer un objet complet artistique avec musique, lumière, mise en scène. »

Un magicien, Asi Wind, l’a beaucoup inspiré pour son travail et le lien qu’il arrive à créer avec le public comme Peter Turner, devenu aujourd’hui un ami. «  Il a une aura autour de lui et obtient une confiance qui me laisse sans voix et qui lui permet de réaliser de véritables miracles à deux doigts de nous. Et très peu de moments se comparent à ce que j’ai pu ressentir avec Les Limbes d’Étienne Saglio. « Un de mes spectacles préférés, toutes catégories confondues. Je n’ai jamais ressenti un tel émerveillement, mon cerveau de magicien s’est lui-même arrêté et j’ai senti un enfant de cinq ans assis à ma place ! Une claque absolue! Mention spéciale au Syndrome de Cassandre de Yann Frisch, le tout premier vrai spectacle de magie que j’ai vu. Il m’a poussé à sortir des terrains classiques et à essayer de développer un vrai univers. Merci Yann Frisch pour tout cela ! »

Attiré par le mentalisme « pour avoir une véritable connexion avec le public et surtout pour une prise de risque constante », il n’a jamais oublié son premier amour pour les cartes : «Ces bouts de cartons à priori simples, dit-il, qui, en de bonnes mains, sont de redoutables outils! Le travail sur scène de la « magie nouvelle » m’intéresse beaucoup, et même si je n’accroche pas à tous les spectacles, je n’hésite pas à aller les voir : toujours fascinant de découvrir ceux qui osent explorer de nouveaux champs! »

Il chante depuis ses six ans puis dans des concerts, comédies musicales et chorales semi-professionnelles. Et dans ses spectacles, il lui faut absolument créer un univers musical original et Taha Mansour a travaillé avec un ami compositeur pour trouver un ensemble sonore qui emmènerait le public dans un univers à part !
«Je fais aussi beaucoup d’improvisation, dit-il, pour arriver à créer une dimension théâtrale et un travail de lumière symbolique et métaphorique, crucial pour moi. James Thierrée m’a beaucoup influencé. Son univers visuel est juste inexplicable, je vous recommande d’aller voir tout ce que ce génie produit. Et mention spéciale à Dan Brown, pour sa réflexion sur la symbolique et les casse-têtes et Christopher Nolan qui a réalisé certains de mes films préférés et qui prouve que tous les réalisateurs ne sont pas des flemmards qui vont juste produire des œuvres à l’arrache. »

Et la magie actuelle ? «Devenue trop commerciale aujourd’hui et c’est vraiment dommage. Les effets qui se vendent le mieux sont tous soi-disant super simples, grosses réactions! Dommage : cela ne développe pas de véritable proposition artistique. Mais on voit de jeunes artistes oser et tester de nouvelles choses et j’espère que cela continuera. Nous avons, nous les mentalistes et magiciens, un pouvoir non négligeable et une véritable influence sur le public. L’émerveillement et le mystère sont des outils d’influence très puissants. Et quand nous parlons d’un domaine, mieux vaut en connaître un minimum, et ne pas juste raconter quelque chose de joli et se focaliser sur des tours.
Vous pourriez me dire que ce n’est que pour le divertissement, etc., mais en réalité, quand un magicien sur scène a dit que les personnes clignant deux fois des yeux sont des menteurs et que c’est comme ça qu’il a su qu’une personne mentait et qu’elle avait une bille noire dans sa main, au moins une partie du public repart avec un apprentissage d’autorité.
Nous semblons experts de nos sujets car nous « prouvons » ce que nous racontons par la pratique. Mais le spectateur qui a retenu cette « leçon », la prochaine fois qu’il verra un de ses amis cligner deux fois des yeux, l’accusera d’avoir menti.
Cela peut donc créer de mauvaises habitudes : soit nous assumons la fiction de ce que nous racontons, soit nous avons un minimum d’éthique et nous cherchons quelques éléments sur les thèmes que nous abordons. Mon objectif : que les gens repartent en ayant grandi, et non après avoir appris de fausses connaissances qui vont nuire à leur travail. Je vous invite à en discuter avec les étudiants lors de mes formations qui m’ont sorti des conneries, apprises d’un magicien ou d’un mentaliste. »

Taha Mansour trouve que les pays n’abordent pas son art de la même manière. Notamment les anglophones et nous, les Français. Il a remarqué que chez nous, les spectateurs sont plus dans le challenge et le questionnement, avant d’être dans le côté :« je profite et je me laisse prendre par l’expérience ». Et selon lui, un public anglophone qui va avoir des réactions plus euphoriques et plus chargées d’ émotion, est en confiance avec le magicien /mentaliste. »
Le public français lui, va être plus sceptique et dans le challenge, jusqu’à preuve du contraire. Tout cela fondé sur mon expérience et vous pouvez avoir eu une expérience différente. Mais quand un Français réagit fortement, vous pouvez être sûr qu’il est dans l’émerveillement et l’incompréhension mais un anglophone réagit lui plus par convention sociale… Il y a de quoi réfléchir ! »

Le chant, la comédie musicale et l’improvisation permettent à Taha Mansour de garder une pratique artistique variée. Il adore aussi les «escape games» auxquels il joue régulièrement avec des amis. Et aussi le cinéma et le théâtre…


Sébastien Bazou

Interview réalisée le 3 mai.

https://www.tahamansour.com/

L’Homme qui pensait en savoir trop d’Olivia Zerphy, Paul Lofferon, Sam Rayner et Emily Wheatman

L’Homme qui pensait en savoir trop d’Olivia Zerphy, Paul Lofferon, Sam Rayner et Emily Wheatman

 Novembre 63, New York City. Pour Roger, un Français ordinaire, employé modèle dans une agence de publicité, métro, bistro, boulot, dodo constituent la routine quotidienne.  Jusqu’au jour où un chat noir croisé sur sa route fait déraper son existence: un léger retard au bureau le sauve d’une explosion qui coûtera la vie à sa secrétaire…

A la poursuite des assassins avec, pour seul indice, une mallette et l’adresse d’une rue parisienne, il va être précipité dans une série d’événements rocambolesques. Joués à toute allure par le Voloz Collective: Olivia Zerphy, Paul Lofferon, Sam Rayner et Emily Wheatman, dans un festival de styles cinématographiques: burlesque, film muet, western, film noir, dessin animé… Héros malgré lui, Roger (Paul Lofferon) traverse les continents, de Paris à Moscou, de Londres à Dallas… Malgré son air de ne pas y toucher, il  sort toujours indemne de bagarres, chutes, courses-poursuites, fusillades, embuscades, explosions …

©Jack Wadley

© Jake Wadley

A pied, en train, en bateau, en avion, à cheval, en parachute et même dans une navette spatiale ou au fond de l’eau, il affronte des espions russes et des femmes fatales comme dans les James Bond, des malfrats à la Hitchcock, des sanguinaires comme chez Quentin Tarantino et des ivrognes de saloon à la Sergio Leone. Ses camarades jouent tous les autres rôles ou construisent de leur corps bastingage , cheval au galop, cockpit de fusée, train cahotant, bar, etc.

Un chapeau rouge, des coupures de journaux ou une écharpe verte leur suffisent à produire un théâtre visuel bourré de citations du septième art: en mouvement perpétuel,  les acteurs enchaînent les situations les plus loufoques, accompagnés par Frédérick Waxman au piano, guitare, percussions et harmonica.

Ils se sont rencontrés à l’École internationale Jacques Lecoq, puis ont fondé Voloz Collective, basé en Angleterre et en France et, dans la continuité de cette école, ont mis en avant le travail corporel: «Notre compagnie s’est rapidement dirigée vers un style de création physique et visuel, et nous avons cherché à ré-interpréter des clichés cinématographiques, au service d’un spectacle.»
Joué aussi bien en français qu’en anglais The Man who thought he knew too much (un titre en hommage à Alfred Hitchcock), s’est joué en Angleterre, en Ecosse et aux États-Unis et a remporté de nombreux prix. Cette joyeuse parodie a été accueillie avec enthousiasme. Un pur plaisir de théâtre.

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 23 mai (en français), Théâtre des Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris (Ier). T. : 01 42 36 00 50.
Du 4 au 28 août, (en anglais): Edinburgh Fringe Festival au Pleasance Courtyard, Edimbourg (Ecosse).
Du 5 novembre, Bedford (Berdordshire) ; le 13 novembre, EnableUs Theatre, Sheffield (Yorkshire); les 14 et 15 novembre, The Dukes, Lancaster (Lancashire) ; les 24 et 25 novembre,
Tolman Centre (West Cornwall).

Tiquetonne de Marguerite Kloekner et Alexis Chevalier, mise en scène d’Alexis Chevalie

Tiquetonne de Marguerite Kloekner et Alexis Chevalier, mise en scène d’Alexis Chevalier 

Tiquetonne, un titre qui sonne bien et une rue pas très loin de la rue des Déchargeurs, existant déjà au XVI ème siècle et célèbre dans le théâtre français: à l’Hôtel de Bourgogne furent jouées les pièces… de Pierre Corneille, puis de Jean Racine par entre autres, Montfleury et la Champmeslé. Et Alexandre Dumas y fit vivre son cher d’Artagnan…
Bon, revenons à la belle cave du Théâtre des Déchargeurs. Sur la petite scène, une banquette-coffre en bois. Aux murs de pierre, sont accrochés quelques accessoires, comme de petits bouquets de fleurs, un casque prussien à pointe, un autre mais sans pointe, un plumeau, et suspendue aux cintres par des fils en nylon, une sorte de belle sculpture fantôme en tissu blanche…
Tiquetonne tire un ficelle de la coulisse et arrive un petit landau d’enfant où le bébé est… une horloge à chiffres et aiguilles dorés comme celles de Salvador Dali et l’envers, un miroir où elle se contemplera. Une belle image d’inspiration surréaliste. Et il y aura un gros canard jaune, le Donald Duck Walt Disney et un autre, un col-vert en plastique; télécommandés; ils viendront faire un petit tour… et repartiront se planquer. Bon!

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Tiquetonne, jouée par l’autrice en short et corsage de tissu imprimé à fleurs pour rideaux assez laid (il doit y avoir du second  degré là-dessous) nous raconte debout, ou parfois lovée sur le banc, comment une jeune femme tyrannique vit dans un monde où elle dirige des personnages un peu fous. Et elle se replonge dans son passé pendant dix… très, très longues minutes.
Quand apparaît Gershwin, un jeune homme pâle dont elle va tomber amoureuse mais dans une relation toxique. Oui, mais n’est pas Charles
Perrault, les frères Grimm ou Andersen, qui veut! Et nous sommes à des années-lumière de La petite Fille aux allumettesHansel et GretelLe Chat Botté, PinocchioCendrillonLa Belle au bois dormantBlanche-Neige ou Le petit Chaperon rouge, des contes très souvent adaptés au théâtre…

Ici, rien ne nous sera épargné: texte indigent, mise en scène très approximative, essai raté de faire participer les cinq spectateurs, direction d’acteurs aux abonnés absents, lumières led éblouissantes.. Enfin, Marguerite Kloekner a une bonne diction mais en fait souvent des tonnes pour essayer d’imposer un dialogue souffreteux.
«Nous voulons, dit Alexis Mercier avec prétention, un théâtre de don. Nous croyons que l’art sert la beauté, qu’il n’y a pas d’art sans amour, qu’il n’y a pas d’amour sans communion. (sic) Nous croyons que jouer, c’est donner ce que nous portons de plus vrai, de plus pur et de plus beau en nous. Nous croyons que jouer nous transforme au plus profond de notre être, ainsi que ceux qui nous écoutent et nous regardent.» Tous abris !
Bien entendu, ici, rien de tout cela à espérer ni à sauver de cette pauvre chose. Sinon, une belle sculpture en coton blanc figurant la mère de Tiquetonne et le fameux et poétique
Malborough s’en va-t-en guerre chantées par l’actrice. Une chanson déjà interprétée par le Page dans Le Mariage de Figaro Beaumarchais l’avait glissée. Et à la fin, un modèle réduit très réussi de ce Gershwin. Mais c’est quand même vraiment trop juste pour une heure… interminable!

Bref, une soirée ratée à éviter absolument et on se demande bien pourquoi ce Tiquetonne a atterri aux Déchargeurs. Il y aura bientôt un autre spectacle de cette compagnie dans la salle du haut. Merci, mais ce sera sans nous! Cerise sur le gâteau: quand on ressort, l’escalier, déjà assez casse-gueule, n’a même pas d’éclairage, au mépris de toute règle de sécurité! Bravo! Qu’en pense la direction de ce théâtre?

Philippe du Vignal

Jusqu’au 18 juin, Théâtre des Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris (Ier). T. : 01 42 36 00 50.

 

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