Et il me mangea, texte et mise en scène de Francesca Bettini (tout public à partir de dix ans)

Et il me mangea, texte et mise en scène de Francesca Bettini (tout public à partir de dix ans)

© Christophe Loiseau

© Christophe Loiseau

D’abord un peu d’histoire. 1981: François Mitterrand devient le président de la République et  Tania Castaing et Charlot Lemoine créent leur premier spectacle au festival d’Avignon où Philippe du Vignal les repère aussitôt. Sur un vieux vélo de livraison anglais, ils avaient mis en scène un des premiers, sinon le premier, aussi merveilleux que poétique, théâtre d’objets avec des marionnettes miniatures. Mais depuis nous les avions perdu un peu de vue…
Ce spectacle de référence dans l’histoire de la marionnette donna son nom à la compagnie : le Vélo Théâtre. Depuis vingt ans, cette Scène Scène conventionnée pour le théâtre d’objets et le croisement des arts et des sciences occupe une ancienne usine de fruits confits à Apt (Vaucluse). Et son travail est soutenu par la ville, l’État, la Région, le Département, etc. C’est un lieu de création et d »accueil pour de nombreuses compagnies. Mais Tania Castaing et Charlot Lemoine continuent aussi à jouer leurs spectacles.

Et il me mangea, un spectacle non daté mais qui ne doit pas être récent, appartient au théâtre d’objets; surtout silencieux, il est fondé sur des images et accompagné de quelques paroles et musiques.
Toujours aussi grand et sympathique, Charlot Lemoine a maintenant les cheveux blancs. En costume noir, il raconte une vaste forêt de sapins noirs, symbolisée ici par une maquette avec un arbre et une petite maison blanche. Il est aussi question d’un loup.
Côté cour, une sorte de bureau aux parois en grillage avec un ordinateur et des tas d’objets où règne un assistant et complice (José Lopez) en longue blouse grise comme en avaient autrefois les quincaillers. Il y a aussi de grandes bottes qui avancent comme par magie au rythme de la marche lente de Charlot Lemoine. Suivi ou toujours accompagné par un valet absolument muet qui a aussi comme son maître, une queue de lapin. Il y a ainsi quelques belles images.
Côté jardin, un rétroprojecteur envoyant sur le mur du fond des images de moulin à café, broc en tôle, grand lit en fer forgé, etc. Nostalgie, quand tu nous tiens… Il y a aussi une grand-mère (Tania Castaing) sur son fauteuil rouge à roulettes qui, avec sa petite voix, essaye de trier ses souvenirs. Une histoire sur fond de grand méchant loup et de petit chaperon rouge…
La petite maison, si on a bien compris, aurait été le lieu d’un crime et ces images avec des moyens très simples: papiers déchirés, dessins, petits objets et quelques titres projetés, sur fond de conte à la Charles Perrault, à de rares moments, possèdent  un certain charme. Et Charlot Lemoine a toujours une excellente diction.
Oui, mais voilà! le texte est d’une rare indigence -on se demande ce que les enfants peuvent comprendre- et la mise en scène, assez prétentieuse, n’a aucun intérêt. Bref, ce livre d’images ne fonctionne pas. Dommage! Tania Castaing et Charlot Lemoine auraient sûrement plein de choses à nous dire, comme le fait en ce moment Pierre Louis-Calixte dans son Matériau(x) Molière (voir Le Théâtre du Blog).
Reste à savoir pourquoi Et il me mangea a été programmé à cette Biennale! Là, il y a comme un loup ( excusez l’astuce facile). Quelqu’un du Mouffetard-Théâtre de la marionnette et/ou du Théâtre Gérard Philipe à Saint-Denis l’avait-il vu avant? Oui, nous sommes en colère. Une après midi ratée pour nous : pas bien grave, même après un Fantine d’une rare  médiocrité  vu la veille à Montreuil et dont nous vous reparleront.
Mais des familles, sûrement pas riches, de Saint-Denis payent-elles pour que leurs jeunes enfants (qui n’ont sûrement pas dix ans comme préconisé) , aillent voir ce genre de choses, alors qu’ils méritent toujours le meilleur? Non!  Un spectacle à éviter absolument.

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 31 mai au Théâtre Gérard Philipe-Centre Dramatique National, Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).
Le 3 juin à 16h.

Le Vélo-Théâtre, Pépinière d’Entreprises, 171 avenue Eugène Baudouin, 84400 Apt (Vaucluse) . T. : 04 90 04 85 25 velos@velotheatre.com


Archive pour 1 juin, 2023

L’Esthétique de la résistance, d’après le roman de Peter Weiss, adaptation et mise en scène de Sylvain Creuzevault

L’Esthétique de la résistance, d’après le roman de Peter Weiss, adaptation et mise en scène de Sylvain Creuzevault

Le  spectre du communisme hantait autrefois l’Europe: comment peut-on être communiste, à l’époque du nazisme et de la seconde guerre mondiale quand, de la Révolution d’octobre, émanent la bureaucratie et la dictature d’Hitler et Staline ? Le pacte germano-soviétique était expliqué aux militants comme nécessaire, puis il fut rompu pour des raisons tout aussi nécessaires… Un petit siècle plus tard, le poids de l’Histoire est toujours là. On nous dira que le communisme est mort et enterré depuis la chute du mur de Berlin en novembre 1989. Voire? Tout le refoulé socio-politique, ce que le spectre agite dans son sommeil, n’est pas résolu et le mérite de ce spectacle est de le réveiller.

Avec Peter Weiss, on ne peut séparer art et politique. Gabriel Garran, fondateur du Théâtre de la Commune d’Aubervilliers récemment disparu avec son maire Jack Ralite lui aussi décédé (voir Le Théâtre du Blog) le fit découvrir en France avec L’Instruction (1966) et Comment Monsieur Mockinpott fut libéré de ses tourments 1970). En 2010, Gwenaël de Gouvello avait mis en scène Monsieur Mockinpott et replacé Peter Weiss dans la lumière. À son tour, Sylvain Creuzevault avec une adaptation de son roman autobiographique L’Esthétique de la résistance, poser la question qui le taraude : celle de la révolution et celle, indissociable, du théâtre et plus largement de l’art.Un objet non essentiel ? Jamais, en tout cas, pour le narrateur de cette histoire. Celle des vaincus, tués, exilés qui ont ouvert la brèche et donnent à penser.
Le Guernica de Picasso remue en eux leur expérience des brigades internationales pendant la guerre d’Espagne, un terrain d’exercice pour les dictatures et l’aviation nazie pour la seconde guerre mondiale. Dans Le Massacre des innocents de Brueghel l’ancien (1585), ils lisent le crime contre l’Humanité et dans la frise du grand autel de Pergame ( II ème sicèle avant J.C.) les corps magnifiques et torturés des hommes dans leur combat avec les Dieux. Et c’est leur regard qui ouvre celui du spectateur d’aujourd’hui.

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Le metteur en scène use de tous les procédés de la distance et pas seulement brechtienne -nous aurons quand même droit à la carriole de Mère Courage- avec numéros de cabaret, projections, adresses au public, éléments d’agit-prop comme ces pancartes suspendues au cou des personnages (surtout Le Narrateur  et Peter Weiss ).
Sylvain Creuzevault donne un rythme parfait au spectacle mais laisse se développer une scène mais parfois avec une rupture de ton, un changement de décor, au moment où la fiction prend trop de pouvoir. Pour aller vers la tragédie finale où chacun des condamnés porte son nom, en l’honneur de tous ceux dont les noms ont été oubliés.

La Halle Gruber, ainsi appelée en hommage au grand metteur en scène, (1941-2008) est un ancien bâtiment industriel début XX ème siècle avec hautes colonnes de fer: un lieu idéal pour ce grand projet avec un espace offrant toute liberté à une scénographie frontale.
Cette Esthétique de la Révolution est un spectacle d’école mais cette Ecole travaille, comme celle de feu l’Ecole de Chaillot,  au cœur d’un théâtre national. Les futurs interprètes y apprennent en vraie grandeur que la mis en scène, le jeu, l’interprétation ne sont pas une affaire individuelle mais une construction réalisée avec plusieurs corps de métiers, et à plusieurs corps. Avec aussi plusieurs générations de femmes et d’hommes aux expériences différentes : Des métiers tout aussi essentielles : construction, couture, mécanique, électronique son et image… Et les élèves ont la chance de travailler avec des professionnels et sur la durée.

Le théâtre est aussi un artisanat… Le T.N.S. a eu cette trouvaille de ne pas appeler ce travail : spectacle de sortie d‘école mais spectacle d’entrée dans la vie professionnelle. Et quelle entrée ! Sylvain Creuzevault a suivi ce Groupe 47 dont il faut citer tous les élèves: Jonathan Bénéteau de Laprairie, Juliette Bialek, Yanis Bouferrache, Gabriel Dahmani, Hameza El Omari, Jade Emmanuel, Felipe Fonseca Nobre, Chalottte Issaly, Vincent Padauc, Naïssa Randrianasolo, Lucie Rouxel, Thomas Stachorsky, Manon Xardel, sur scène. Et à la scénographie, Louise Beauseigneur et Valentine Lê ; aux costumes : Jeanne Daniel Nguyen ; à la lumière : Charlotte Moussié, au son : Lï Waridel, à la vidéo : Simon Anquetil, à la régie plateau :Léa Bonhomme, à la régie générale : Arthur Mandô et, comme assistant à la mise en scène ; Ivan Marquez. Le metteur en scène a travaillé avec eux pendant presque un an et a joint à ce Groupe 47, plusieurs de ses comédiens Boutaïna El Fekkak, Vladislav Galard, Arthur Igual, Frédéric Noaille.

Un grand spectacle qui est à la fois politique et populaire, a besoin d’un collectif fort et de cette importance où tous ces métiers sont aussi représentés. Les jeunes acteurs professionnels ont eu une formidable chance qu’ils n’auront plus de sitôt : participer à une aventure de cette envergure et cela aura au moins placé haut la barre de leurs ambitions et de leurs exigences. C’est toute l’histoire de l’Ecole du T.N.S… Déjà, Sylvain Creuzevault a choisi certains d’entre eux pour jouer dans Edelweiss (France Fascisme), un spectacle où il poursuit une réflexion engagée avec Esthétique de la résistance.

Christine Friedel

Spectacle vu à la Halle Gruber, Théâtre National de Strasbourg.

Les 9 et 10 juin, Printemps des comédiens, Montpellier (Hérault).

Du 9 au 12 novembre, MC 93-Bobigny (Seine-Saint-Denis) dans le cadre du Festival d’automne à Paris.

Edelweiss (France Fascisme), Théâtre national de l’Odéon-Ateliers Berthier, du 21 septembre au 22 octobre, dans le cadre du Festival d’automne à Paris.

La Vie est une fête, mise en scène de Jean-Christophe Meurice

La Vie est une fête, mise en scène de Jean-Christophe Meurice

Comment se portent Les Chiens de Navarre? Pas mal, merci. Mais leur regard sur la francitude (d’où la référence à la Navarre), ou la francité, voire même la franchouillerie, se fait, avec les temps qui ne valent pas mieux, de plus en plus cru… et cruel.
La fête commence dès que les spectateurs ont pris leurs places, par un débat aussi virulent qu’auto-phage (qui se dévore lui-même), à l’Assemblée Nationale –merci, cher public, pour la figuration- sur la retraite à soixante-quatorze ans (pourquoi pas?) dans ce cercle de d’actifs qui rêvent de n’être jamais… à la retraite.

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Les Chiens de Navarre ne se privent de rien : satire à deux balles, calembours du genre : sous-député/député saoul  ou burne-août quand la session parlementaire mord sur les vacances, trituration des idées reçues et lieux communs, au risque de les faire retomber sur leurs pieds, comme de bonne vieilles blagues sexistes… Bref, le ridicule tire sur tout ce qui bouge, ou ne bouge pas,et tue. Ou tuerait, si la folie n’explosait.

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Il faut croire qu’elle était déjà prête…Cela se passe entre dans un service d’urgence psychiatrique-, «l’un des rares endroits à recevoir quiconque à toute heure sans exception d’âge et de sexe», selon le metteur en scène. Là, tout est possible : violence sauvage, animale, confrontée aux efforts d’une sociabilité proprette, scatologie entre innocent caca-boudin  et clystère de Molière, sadisme médical, lent ballet amoureux commencé par des violences entre un C.R.S et un gilet jaune, tandis qu’une manif a lieu derrière les baies vitrées au lointain… Défaite et éjection d’un cadre de la « tech » pour cause d’âge (voir plus haut, la question des retraites) et obsolescence non programmée, du moins le croyait-il. Mais la folie ne fait que changer d’habillage et les tourments de l’actualité sont pris un par un sous le faisceau des projecteurs.
On rit: cela grince, c’est culotté et déculotté, maîtrisé par des acteurs engagés et valeureux: Delphine Baril, Lula Huot, Charlotte Laemmel, Anthony Paliotti, Gaëtan Peau, Ivandros Serodios, Fred Tousch et Bernie. Scénographie efficace de François Gauthier-Lafaye.Bref, du bon travail énergique et désabusé pour un robuste défoulement. Mais qu’on n’en demande pas plus… 

Christine Friedel

Jusqu’au 3 juin, Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de la Chapelle, Paris (X ème). T. : 001 46 07 34 50.

 

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