La Vie est une fête, mise en scène de Jean-Christophe Meurice
La Vie est une fête, mise en scène de Jean-Christophe Meurice
Comment se portent Les Chiens de Navarre? Pas mal, merci. Mais leur regard sur la francitude (d’où la référence à la Navarre), ou la francité, voire même la franchouillerie, se fait, avec les temps qui ne valent pas mieux, de plus en plus cru… et cruel.
La fête commence dès que les spectateurs ont pris leurs places, par un débat aussi virulent qu’auto-phage (qui se dévore lui-même), à l’Assemblée Nationale –merci, cher public, pour la figuration- sur la retraite à soixante-quatorze ans (pourquoi pas?) dans ce cercle de d’actifs qui rêvent de n’être jamais… à la retraite.
Les Chiens de Navarre ne se privent de rien : satire à deux balles, calembours du genre : sous-député/député saoul ou burne-août quand la session parlementaire mord sur les vacances, trituration des idées reçues et lieux communs, au risque de les faire retomber sur leurs pieds, comme de bonne vieilles blagues sexistes… Bref, le ridicule tire sur tout ce qui bouge, ou ne bouge pas,et tue. Ou tuerait, si la folie n’explosait.
Il faut croire qu’elle était déjà prête…Cela se passe entre dans un service d’urgence psychiatrique-, «l’un des rares endroits à recevoir quiconque à toute heure sans exception d’âge et de sexe», selon le metteur en scène. Là, tout est possible : violence sauvage, animale, confrontée aux efforts d’une sociabilité proprette, scatologie entre innocent caca-boudin et clystère de Molière, sadisme médical, lent ballet amoureux commencé par des violences entre un C.R.S et un gilet jaune, tandis qu’une manif a lieu derrière les baies vitrées au lointain… Défaite et éjection d’un cadre de la « tech » pour cause d’âge (voir plus haut, la question des retraites) et obsolescence non programmée, du moins le croyait-il. Mais la folie ne fait que changer d’habillage et les tourments de l’actualité sont pris un par un sous le faisceau des projecteurs.
On rit: cela grince, c’est culotté et déculotté, maîtrisé par des acteurs engagés et valeureux: Delphine Baril, Lula Huot, Charlotte Laemmel, Anthony Paliotti, Gaëtan Peau, Ivandros Serodios, Fred Tousch et Bernie. Scénographie efficace de François Gauthier-Lafaye.Bref, du bon travail énergique et désabusé pour un robuste défoulement. Mais qu’on n’en demande pas plus…
Christine Friedel
Jusqu’au 3 juin, Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de la Chapelle, Paris (X ème). T. : 001 46 07 34 50.