Biennale internationale des Arts de la Marionnette Fantine ou le désir coupable,d’après Victor Hugo, mise en scène d’Alain Blanchard
Biennale internationale des Arts de la Marionnette
Fantine ou le désir coupable, d’après Victor Hugo, mise en scène d’Alain Blanchard
Fantine, un des personnages des célèbres Misérables, sans doute moins connu que Cosette, sa fille ou Jean Valjean, Marius, Gavroche… Ici plus ou moins remis dans l’actualité. Après tout, pourquoi pas? Le roman de Victor Hugo qui fait une critique virulente sur la société de son temps en a vu d’autres: adaptations au théâtre, films, feuilletons radio,chorégraphies, comédies musicales, bandes dessinées…
Fantine, une très belle jeune femme sans argent se retrouve enceinte mais elle sera abandonnée par son amant, Tholomyès, un bourgeois. Mais le personnage de Fantine n’apparait que dans le troisième livre des Misérables. Précision pour les jeunes générations: jusque vers les années 1960, la contraception était des plus limitées et la pilule n’existait pas, et encore moins celle du lendemain… Solution : l’avortement pratiqué par « une faiseuse d’anges » dans des conditions le plus souvent abominables. Ou par celles qui en avaient les moyens dans une clinique… en Suisse. Et il y avait quelques médicaments faisant expulser le fœtus et aussi dans les campagnes, la rue: une plante soi-disant abortive connue depuis l’Antiquité par les accoucheuses et guérisseuses.
Et, si la jeune fille, vite sans moyens pour le faire vivre, gardait l’enfant, restait l’abandon dans la tournette d’un hospice pour qu’on ne voit pas qui l’y avait mis. Ou des expédients comme la vente par Fantine de longs et beaux cheveux et de ses dents, puis très vite le recours inévitable à la prostitution sur le trottoir, très fréquente chez les ouvrières exploitées au temps de Victor Hugo. La belle et pure Fantine accouchera de Cosette qu’elle remet aux époux Thénardier qui s’en occuperont mais exigeront d’elle toujours de plus en plus d’argent et exploiteront la petite fille.
Ici, un castelet avec un rideau rouge vif au fond et un table longue et noire de manipulation de l’unique marionnette, celle de Fantine réalisée par Einat Landais avec un cou interminable et de grands yeux, tenant, en pire de la poupée Barbie.
Mélanie Depuiset, en jupe noire et serrée dans une guêpière, la manipule et la fait parler avec une très bonne diction. Et elle joue aussi les autres personnages féminins comme Sœur Simplice. A côté d’elle, lui aussi en costume noir, Jérôme Soufflet, lui, raconte l’histoire de Fantine et joue tous les « salauds » comme il dit, du roman de Victor Hugo. Entre autres, Tholomyès, le bourgeois qui l’a abandonnée, puis le mac qui la prostitue et qui lui aussi, l’abandonnera, quand elle tombera très malade et finira par mourir.
Mais c’est là où cela ne fonctionne pas du tout, le personnage central de Fantine est écrasé par les mains non gantées de noir par sa manipulatrice et l’acteur. Le texte très faible, avec des références actuelles, comme la dramaturgie et le jeu, (conventionnel) ne sont pas au rendez-vous. Il n’y a vraiment rien à sauver de cette médiocrité -heureusement cela ne dure que cinquante minutes mais déjà trop longues!- sauf la dernière scène où le corps de Fantine est allongé couvert d’un linceul blanc que Mélanie Depuiset déroule avec lenteur. Là surgit enfin une véritable émotion
Cela ne suffit pas à sauver ce spectacle vieillot, laid et sans aucune âme qui n’arrive pas, comme Victor Hugo savait le faire, à dénoncer la misère du peuple, la condition des ouvrières et l’exploitation féminine: «Tant, écrivait-il, que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre, ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles. »
Nous n’avons sans doute pas eu de chance mais en dehors des magnifiques prestations de Marta Cuscunà : Sorry Boys et La Simplicita ingannata (voir Le Théâtre du Blog) les autres spectacles : Bleu opéra, Et il mangea de cette Biennale auxquels nous avons pu assister étaient bien mauvais et nous reposons la même question : pourquoi et comment ce Fantine ou le désir coupable a-t-il été programmé dans cette Biennale…
Thénardier comme le théâtre où le spectacle est joué? Jean Valjean/M. Madeleine, comme le maire de Montreuil, mais Montreuil-sur-mer dans le roman? Une piste??? !!!
Philippe du Vignal
Spectacle vu au Théâtre Thénardier, Montreuil (Seine Saint-Denis), le 30 mai.