La Collection d’Harold Pinter, traduction d’Olivier Cadiot, mise en scène de Ludovic Lagarde

 

  © Gwendal le Flem

© Gwendal le Flem

On connait bien en France cette pièce créée à Londres en 61, puis à Paris quatre ans plus tard dans la mise en scène de Claude Régy. Mais elle est moins jouée que les autres œuvres du dramaturge anglais (1930-2008) devenu des classiques du théâtre contemporain, influencés par celles de Samuel Beckett.

Comme le jury du Prix Nobel qu’il avait obtenu en 2005, l’avait justement remarqué, on y trouve «l’abîme sous les bavardages se force un passage dans les pièces closes de l’oppression. » Aucun dramaturge du XX ème siècle-sauf justement Samuel Beckett- n’a imaginé avec une telle force, ces conversations d’une rare banalité où il réussit avec maestria à faire transparaître dans de courts dialogues, une volonté pourtant bien cachée de domination psychologique et/ou sexuelle. Chez des personnages à la fois différents de nous, mais qui nous ressemblent un peu.

Cela se passe dans les salons de deux appartements cossus à Londres juxtaposés sur le plateau. Côté jardin, de hauts murs blancs, un large tapis en laine tout aussi blanc et une belle méridienne où aime se lover Stella (Valérie Dashwood). Elle et James, son mari (Laurent Poitrenaud) habitent Chelsea, le quartier des artistes et travaillent dans la mode, d’où le titre de la pièce.
Côté cour, un salon aux murs noirs, deux fauteuils en cuir fin XIX ème, une table roulante avec alcools sous un grand escalier tournant menant aux chambres. Là, vit un autre couple. Bill, un jeune styliste (Micha Lescot) et Harry plus âgé, (Mathieu Amalric) sans que l’auteur donne plus de précisions.

Stella, une jeune femme en voyage professionnel à Leeds, aurait fait l’amour dans un hôtel avec Bill, comme elle l’avouera plus tard à son mari. Bill, lui, dit que c’est absolument faux, mais qu’il y a une petite vérité dans cette histoire qu’ils ont imaginée après un léger flirt.
Entre temps, James commence à téléphoner souvent chez Harry puis un jour sans avoir prévenu, arrive, glacial et menaçant. Comme s’il était chez lui, il entre s’assoit et se sert à boire. Curieusement très au fait de cette aventure dont il connait même des détails révélateurs, il viendra plusieurs fois eixger des comptes à Bill, sans qu’on sache bien s’il est réellement jaloux. En tout cas, il dit aussi qu’il admire Bill et semble même naître même une certaine complicité entre eux. Bref, une revisitation, sur fond d’homosexualité, du fameux triangle : le mari, la femme et l’amant.
Il y a de très belles scènes entre Harry, obsédé par cette histoire et dont Laurent Poitrenaux montre bien le quasi-sadisme et ce Bill très finement joué par Micha Lescot, un personnage finalement assez ambigu qui va réussir à le déstabiliser en niant, puis si on peut traduire, en niant un peu moins! Le public ravi compte les points…
Matthieu Amalric est aussi solide et très juste dans ce personnage douteux qu’est Harry. Il ira voir Stella mais elle lui dit ne pas connaître Bill et que toute cette histoire a été inventée par son mari.
Harry revient chez lui :James a lancé un couteau à Bill qui a la main blessée… Harry semble vouloir brouiller un peu les pistes et après une heure vingt qui passe très vite malgré quelques longueurs, nous ne saurons jamais bien entendu le fin mot de cette histoire. Bravo Pinter…

 Ce spectacle créé en 2019 au Théâtre National de Bretagne, puis joué aux Bouffes du Nord, est repris au Théâtre de l’Atelier à Paris où Ludovic Lagarde met aussi an scène une courte pièce d’Harold Pinter L’Amant (1962). « La Collection, dit-il, est une pièce fascinante et sombre, le texte distille le poison du mensonge. (…) Quels réglages passionnels guident chacun de ces personnages entre désir, fantasme, jalousie, envie, mépris et volonté de puissance? Pinter nous conduit sur de multiples pistes, comme autant de départs de fictions, créant une collection d’interprétations. Car tout est fragment dans cette pièce. Mélange inédit de réalisme et d’abstraction, elle ne dit des personnages que l’essentiel qui sert l’action. Esquisse, puzzle, l’intrigue emprunte sa forme au roman noir. Ces quatre-là semblent à la recherche de leur propre histoire. »

 Une pièce de1960, quand a commencé à écrire des pièces l’auteur anglais. En soixante ans, les rapports humains ont bien changé surtout depuis l’arrivée d’internet, du téléphone portable et la disparition des cabines téléphoniques. Immédiatement, et partout dans le monde, on peut en principe joindre qui on veut et savoir où il est, éventuellement le regarder vivre quelque part, et non ailleurs comme il le prétend.
Restent les non-dits, les éternels mensonges: déjà les armes virulentes et préférées de Labiche et Feydeau, et qui règnent ici. Même si le scénario est un peu léger, Harold Pinter sait y faire et nous embarque avec virtuosité dans le jeu entre ces couples. La petite histoire d’amour entre Stella et Bill peut sembler quelquefois datée mais les dialogues restent toujours aussi brillants.

Les quatre interprètes au solide métier, sont très crédibles, même si on entend souvent mal Valérie Dashwood qui a du mal à s’imposer dans ce rôle mineur, tant son personnage semble écrasé par ces trois hommes. Ils ont quelquefois des paroles machistes que les jeunes actrices du mouvement Mi-Tout ne supporteraient sans doute pas chez  un cinéaste ou un dramaturge contemporain !
La scénographie d’Antoine Vasseur, la réalisation sonore de David Bichindaritz, les lumières de Sébastien Michaud comme la mise en scène de Ludovic Lagarde sont très soignées, même si la direction d’acteurs est parfois un peu relâchée, et si le rythme fablit un peu sur la fin.
Une bonne occasion de voir ou revoir cette pièce un peu moins jouée que les autres, du grand dramaturge anglais qui fut aussi le scénariste de
The Servant de Joseph Losey. Ce serait bien que les jeunes gens puissent aussi découvrir l’univers d’Harold Pinter mais, éternel problème du théâtre dit privé, les places sont ici de 41 à 21 euros!

Nous vous parlerons aussi très vite de L’Amant. En attendant, ayez une pensée pour le grand metteur en scène Charles Dullin (1885-1949) qui dirigea ce théâtre- le plus ancien de Paris- déjà deux siècles! jusqu’en 49. Il y a une belle photo de lui, juste au dessus du contrôle. Il y venait à cheval qu’il mettait dans la petite cour, côté rue d’Orsel.

©x

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Lui succéda son décorateur André Barsacq, le père d’Alexis, metteur en scène qui dirigea le petit Théâtre de l’Atalante situé juste à côté de l’Atelier. Et encore à côté, dans une vieille maison aujourd’hui remplacée par un hôtel moderne, habitait enfant, Martin Lartigue, le petit-fils de Jacques-Henri Lartigue, photographe, qui joua Petit Gibus, le héros de La Guerre des boutons, aujourd’hui peintre réputé.
Marc Darnault, l’acteur qui avait créé le personnage de
Victor ou le enfants au pouvoir de Roger Vitrac dans la mise en scène d’Antonin Artaud en1928, nous avait dit que celui-ci dormit un temps dans le grenier du théâtre avec la belle actrice Génica Athanasiou, son grand amour.
Artaud avait été l’élève, puis l’acteur de Charles Dullin, comme entre autres et, excusez du peu : 
Étienne Decroux, Jean-Louis Barrault, Madeleine Robinson, Jean Vilar, Roger Bin, le créateur d’En attendant Godot, Alain Cuny…
Voilà, c
‘était le feuilleton dominical: Histoire du théâtre, par

 Philippe du Vignal

 Jusqu’au 25 juin, Théâtre de l’Atelier, 1 place Charles Dullin, Paris ( XVIII ème) et L’Amant jusqu’au 25 juin. T. :  01 46 06 49 24.


Archive pour 4 juin, 2023

La Collection d’Harold Pinter, traduction d’Olivier Cadiot, mise en scène de Ludovic Lagarde

 

  © Gwendal le Flem

© Gwendal le Flem

On connait bien en France cette pièce créée à Londres en 61, puis à Paris quatre ans plus tard dans la mise en scène de Claude Régy. Mais elle est moins jouée que les autres œuvres du dramaturge anglais (1930-2008) devenu des classiques du théâtre contemporain, influencés par celles de Samuel Beckett.

Comme le jury du Prix Nobel qu’il avait obtenu en 2005, l’avait justement remarqué, on y trouve «l’abîme sous les bavardages se force un passage dans les pièces closes de l’oppression. » Aucun dramaturge du XX ème siècle-sauf justement Samuel Beckett- n’a imaginé avec une telle force, ces conversations d’une rare banalité où il réussit avec maestria à faire transparaître dans de courts dialogues, une volonté pourtant bien cachée de domination psychologique et/ou sexuelle. Chez des personnages à la fois différents de nous, mais qui nous ressemblent un peu.

Cela se passe dans les salons de deux appartements cossus à Londres juxtaposés sur le plateau. Côté jardin, de hauts murs blancs, un large tapis en laine tout aussi blanc et une belle méridienne où aime se lover Stella (Valérie Dashwood). Elle et James, son mari (Laurent Poitrenaud) habitent Chelsea, le quartier des artistes et travaillent dans la mode, d’où le titre de la pièce.
Côté cour, un salon aux murs noirs, deux fauteuils en cuir fin XIX ème, une table roulante avec alcools sous un grand escalier tournant menant aux chambres. Là, vit un autre couple. Bill, un jeune styliste (Micha Lescot) et Harry plus âgé, (Mathieu Amalric) sans que l’auteur donne plus de précisions.

Stella, une jeune femme en voyage professionnel à Leeds, aurait fait l’amour dans un hôtel avec Bill, comme elle l’avouera plus tard à son mari. Bill, lui, dit que c’est absolument faux, mais qu’il y a une petite vérité dans cette histoire qu’ils ont imaginée après un léger flirt.
Entre temps, James commence à téléphoner souvent chez Harry puis un jour sans avoir prévenu, arrive, glacial et menaçant. Comme s’il était chez lui, il entre s’assoit et se sert à boire. Curieusement très au fait de cette aventure dont il connait même des détails révélateurs, il viendra plusieurs fois eixger des comptes à Bill, sans qu’on sache bien s’il est réellement jaloux. En tout cas, il dit aussi qu’il admire Bill et semble même naître même une certaine complicité entre eux. Bref, une revisitation, sur fond d’homosexualité, du fameux triangle : le mari, la femme et l’amant.
Il y a de très belles scènes entre Harry, obsédé par cette histoire et dont Laurent Poitrenaux montre bien le quasi-sadisme et ce Bill très finement joué par Micha Lescot, un personnage finalement assez ambigu qui va réussir à le déstabiliser en niant, puis si on peut traduire, en niant un peu moins! Le public ravi compte les points…
Matthieu Amalric est aussi solide et très juste dans ce personnage douteux qu’est Harry. Il ira voir Stella mais elle lui dit ne pas connaître Bill et que toute cette histoire a été inventée par son mari.
Harry revient chez lui :James a lancé un couteau à Bill qui a la main blessée… Harry semble vouloir brouiller un peu les pistes et après une heure vingt qui passe très vite malgré quelques longueurs, nous ne saurons jamais bien entendu le fin mot de cette histoire. Bravo Pinter…

 Ce spectacle créé en 2019 au Théâtre National de Bretagne, puis joué aux Bouffes du Nord, est repris au Théâtre de l’Atelier à Paris où Ludovic Lagarde met aussi an scène une courte pièce d’Harold Pinter L’Amant (1962). « La Collection, dit-il, est une pièce fascinante et sombre, le texte distille le poison du mensonge. (…) Quels réglages passionnels guident chacun de ces personnages entre désir, fantasme, jalousie, envie, mépris et volonté de puissance? Pinter nous conduit sur de multiples pistes, comme autant de départs de fictions, créant une collection d’interprétations. Car tout est fragment dans cette pièce. Mélange inédit de réalisme et d’abstraction, elle ne dit des personnages que l’essentiel qui sert l’action. Esquisse, puzzle, l’intrigue emprunte sa forme au roman noir. Ces quatre-là semblent à la recherche de leur propre histoire. »

 Une pièce de1960, quand a commencé à écrire des pièces l’auteur anglais. En soixante ans, les rapports humains ont bien changé surtout depuis l’arrivée d’internet, du téléphone portable et la disparition des cabines téléphoniques. Immédiatement, et partout dans le monde, on peut en principe joindre qui on veut et savoir où il est, éventuellement le regarder vivre quelque part, et non ailleurs comme il le prétend.
Restent les non-dits, les éternels mensonges: déjà les armes virulentes et préférées de Labiche et Feydeau, et qui règnent ici. Même si le scénario est un peu léger, Harold Pinter sait y faire et nous embarque avec virtuosité dans le jeu entre ces couples. La petite histoire d’amour entre Stella et Bill peut sembler quelquefois datée mais les dialogues restent toujours aussi brillants.

Les quatre interprètes au solide métier, sont très crédibles, même si on entend souvent mal Valérie Dashwood qui a du mal à s’imposer dans ce rôle mineur, tant son personnage semble écrasé par ces trois hommes. Ils ont quelquefois des paroles machistes que les jeunes actrices du mouvement Mi-Tout ne supporteraient sans doute pas chez  un cinéaste ou un dramaturge contemporain !
La scénographie d’Antoine Vasseur, la réalisation sonore de David Bichindaritz, les lumières de Sébastien Michaud comme la mise en scène de Ludovic Lagarde sont très soignées, même si la direction d’acteurs est parfois un peu relâchée, et si le rythme fablit un peu sur la fin.
Une bonne occasion de voir ou revoir cette pièce un peu moins jouée que les autres, du grand dramaturge anglais qui fut aussi le scénariste de
The Servant de Joseph Losey. Ce serait bien que les jeunes gens puissent aussi découvrir l’univers d’Harold Pinter mais, éternel problème du théâtre dit privé, les places sont ici de 41 à 21 euros!

Nous vous parlerons aussi très vite de L’Amant. En attendant, ayez une pensée pour le grand metteur en scène Charles Dullin (1885-1949) qui dirigea ce théâtre- le plus ancien de Paris- déjà deux siècles! jusqu’en 49. Il y a une belle photo de lui, juste au dessus du contrôle. Il y venait à cheval qu’il mettait dans la petite cour, côté rue d’Orsel.

©x

©x

Lui succéda son décorateur André Barsacq, le père d’Alexis, metteur en scène qui dirigea le petit Théâtre de l’Atalante situé juste à côté de l’Atelier. Et encore à côté, dans une vieille maison aujourd’hui remplacée par un hôtel moderne, habitait enfant, Martin Lartigue, le petit-fils de Jacques-Henri Lartigue, photographe, qui joua Petit Gibus, le héros de La Guerre des boutons, aujourd’hui peintre réputé.
Marc Darnault, l’acteur qui avait créé le personnage de
Victor ou le enfants au pouvoir de Roger Vitrac dans la mise en scène d’Antonin Artaud en1928, nous avait dit que celui-ci dormit un temps dans le grenier du théâtre avec la belle actrice Génica Athanasiou, son grand amour.
Artaud avait été l’élève, puis l’acteur de Charles Dullin, comme entre autres et, excusez du peu : 
Étienne Decroux, Jean-Louis Barrault, Madeleine Robinson, Jean Vilar, Roger Bin, le créateur d’En attendant Godot, Alain Cuny…
Voilà, c
‘était le feuilleton dominical: Histoire du théâtre, par

 Philippe du Vignal

 Jusqu’au 25 juin, Théâtre de l’Atelier, 1 place Charles Dullin, Paris ( XVIII ème) et L’Amant jusqu’au 25 juin. T. :  01 46 06 49 24.

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