Le Théâtre des Lila’s, un plateau en Avignon pour les créatrices

Le Théâtre des Lila’s, un plateau en Avignon pour les créatrices

Près de la rue des Teinturiers, un lieu qui a ouvert ses portes en 2015, en hommage à Lila Net, une chorégraphe et danseuse américaine d’origine mais lyonnaise, aujourd’hui disparue sans avoir vu naître ce projet dont elle rêvait. Avec un collectif d’artistes et techniciens qui ont cheminé avec elle, cet espace est ouvert à la création et accueille cette année des actrices, des metteuses en scène, chorégraphes, compositrices et interprètes. Dont Appels d’urgence d’Agnès Marietta, jouée par Coco Felgeirolles, mise en scène d’Heidi-Eva Clavier (voir Le Théâtre du Blog) et d’autres spectacles, concerts, tables rondes, conférences, expositions…

Soudain Romy Schneider de Guillaume Poix

Ce jeune romancier et dramaturge a écrit plusieurs  pièces dont Waste, mise en scène au théâtre de Poche à Genève en 2016 par Johanny Bert, qui parle des relations Nord-Sud à  propos de la gestion des déchets, un thème qui sera aussi l’année suivante celui  de son premier roman Les Fils conducteurs. Il y est question de la décharge pour matériel informatique et électronique,  à Accra (Ghana).
Soudain Romy Schneider, réalisation de Cédric Aussir pour France Culture a reçu cette année le  Grand Prix de la fiction radiophonique de la Société des gens de lettres. C’est une sorte d’hommage-parcours de la célèbre actrice morte brutalement à quarante-trois ans et qui en aurait aujourd’hui quatre-vingt cinq.

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On trouve un peu de tout dans ce monologue . D’abord le récits des débuts de Romy Schneider cornaquée par sa mère qui l’imposera comme la jeune allemande typique,  notamment dans Sissi et il a ensuite
des moments évoquant la suite de sa carrière: elle tournera plus de cinquante films! Et avec les plus grands, comme entre autres, Orson Welles (Le Procès) Jacques Deray (La Piscine), Alain Cavalier, Jospeh Losey, Henri-Georges-Clouzot, Claude Sautet, Luchino Visconti, Andrzej Żuławski, Bertrand Tavernier, Costa-Gavras...

Ici, aucun fumigène, aucune lumière stroboscopique, aucun micro H.F, dans cette petite salle. Ouf! Cela repose! Mais le noir total dans cette petite salle. Pas nouveau, mais bien vu… si on peut dire. Ici, on ne voit en effet absolument rien, donc aucune distraction mentale de quoi que ce soit, puisqu’il n’y a personne sur scène et pas la moindre lumière ou le moindre bruit parasite.

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Une sorte de concentré vocal qui sonne juste,  où il y a un peu trop de dates et que nous entendons comme parfois la nuit sur un transistor. Ici, et avec une belle voix légèrement amplifiée et une excellente diction, Arlette Desmots, comédienne et metteuse en scène, nous raconte en cinquante minutes: la carrière exemplaire  de cette actrice-fétiche et légendaire du cinéma (mais elle ne jouera que deux fois au théâtre). »Avec Soudain Romy Schneider, je me fais passeuse des mots de Guillaume Poix et des voix des acteurs et actrices qui ont joué avec elle ou des rôles qu’elle a interprétés. »

Un texte bien écrit mais qui n’a rien de vraiment théâtral et s’arrête un peu brusquement mais qui se laisse écouter avec sur quelques décennies l’histoire d’une actrice. Avec des textes extraits de la filmographie intégrale, excepté La Piscine de Jacques Deray (1968). Mais aussi des paroles de Romy Schneider au cours d’interviews et des extraits de son journal, Moi, Romy. Avec aussi des paroles et écrits fictifs  prêtés à des personnes réelles. Apparaissent ainsi dans l’obscurité, des acteurs ou metteurs en scène célèbres avec lesquels elle a travaillé et/ou dont elle a été l’amoureuse. Comme Alain Delon, Philippe Noiret, Claude Brasseur Yves Montand, Maurice Ronet, Jean-Claude Brialy, Michel Piccoli, Jean Bouise, Jean-Louis Trintignant et Jacques Dutronc, le seul encore vivant avec Alain Delon. En ces temps difficiles, ce petit moment de bonheur ne se refuse pas…

Le texte est paru aux Editions théâtrales, collection Lisières (2020).

 

Moone en concert

 

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Une auteure, compositrice et interprète, née dans un quartier populaire à Lille qui a toujours été indépendante que l’on sent curieuse de plein de choses. De père algérien et de mère française, enfant, elle dû être une éponge capable de s’intéresser à nombre de pratiques artistiques et de courants littéraires. « Ce qui m’intéresse le plus, dit-elle, que ce soit avec ma voix ou des instruments quels qu’ils soient, est la création d’univers sonores, comme un décor planté autour d’un texte, comme s’il s’agissait d’illustration… 
Depuis toujours, j’écris énormément de poèmes, de phrases isolées. J’ai toujours aimé agencer les mots et les sonorités…Je suis fascinée par l’idée que nous avons tous les mêmes mots à disposition et que leur combinaison soit infinie. (…) Les textes sont écrits en français, en anglais et même dans une langue Inventée… Je dis souvent que mes influences artistiques sont plutôt la littérature et la peinture dans le genre fauviste et aussi surréaliste qui est mon genre préféré..
Ici, entourée par de nombreuses machines électroniques, synthétiseurs et efficacement accompagnée par Patrick Cereghetti à la basse électrique et par elle-même, elle chante  entre « électro-pop, synth-pop et pop-rock » des textes avec une redoutable énergie. Et elle, les scande, qu’ils soient français comme celui de Grisélidis Réalis, ou anglais, voire dans une langue qui semble inventée. Et elle bouge aussi remarquablement. Il faudrait juste que la balance soit meilleure pour qu’on entende mieux ses textes.
C’est un domaine musical où nous avouons n’avoir aucune compétence mais, après avoir entendu et vu Moon avec les extraits de son spectacle, nous sommes ressorti heureux et impressionné par cette énergie. Et tout fait confiant quant à son avenir. ..


Chair Bleue, lecture de poèmes de Marine Fabre

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La dernière présentation que nous avons pu voir au Théâtre de la Girandole. Sur le plateau, Georges Ribéry, Jana Thomann et Charlotte Thévenet-Flaubert autour d’une petite table ronde, lisent ces poèmes. Cela commence plutôt bien avec parfois des phrases en italien… (Nous craquons toujours!): M’évanouir lentement/J’aimerais Voir ce corps vivre encore Lentamente, sentire questo slancio questa morte divina M’évanouir dans cette saison bleue M’évanouir lentement/ J’ aimerais l’Oubli – encore Ô carne… dammi retta ancora una volta Darò del tu ai tuoi sospiri Ô toi… Douce chair qui ruisselle dans la gangue de ses mots Viens, et vogue innocemment Ripeterò questo lento tremolio Ripeterò moribonda/ Je veux ce temps et cette chambre où l’on oublie des seins, des cheveux, des dos nus/ Je veux nos corps cousus -m’évanouir lentement en écoutant tes mains /Reviens Recommence, oublie-toi, nous sommes là Il y a tant d’années dans un désir qui flotte…/ Galleggiare sulla tua pelle Galleggiare Annaffiare il tuo petto.
Le texte, pas très bien dit par les jeunes actrices mais de façon imposante par Georges Ribery, ne nous pas convaincu et nous avons décroché…Pourtant à les relire, ces histoires d’amour pudiquement racontées (corps, tristesse,beauté, douleur, souvenir… ) et souvent très poétiques, méritent sans doute mieux que cette direction d’acteurs qui n’est pas du bois dont on fait les flûtes et ces lumières approximatives. Donc à suivre.

Philippe du Vignal

Du 7 au 29 juillet, Théâtre des Lila’s, 8 rue Londe, Avignon (Vaucluse). T. : 04 90 33 89 89. Attention : certains spectacles sont seulement présentés les jours impairs, et pas sur toute la durée du festival.


Archive pour 7 juin, 2023

Ismène de Carole Fréchette, mise en scène Marions Coutarel ; Rapport pour une académie de Franz Kafka, mise en scène et lumières de Georges Lavaudant

Le Printemps des Comédiens (suite )

Dans plusieurs théâtres de Montpellier et au Domaine d’Ô, il y a , l’après-midi, de petites formes et de grandes fresques qui se prolongent souvent tard le soir. Avec des créations dans l’Hexagone, notamment de courts spectacles à découvrir.

Ismène de Carole Fréchette, mise en scène de Marion Coutarel

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Mama Prassinos ©Marie Clauzade

Ismène, fille d’Œdipe et Jocaste (Mama Prassinos) avance timidement vers un micro sur une petite plate-forme sablonneuse: elle a hésité, dit-elle, « à répondre à l’invitation d’un groupe de femmes qui voulaient savoir comment elle avait vécu les événements ».
Elle s’est malgré tout décidé à raconter la tragédie qui mena à la mort sa sœur Antigone: elle avait désobéi aux ordres de leur oncle Créon et offert une sépulture à leur frère, Polynice.

Restée longtemps silencieuse, Ia seule survivante d’une famille maudite, les Labdacides, revient sur la «suite des châtiment prédits par l’oracle » , qui se sont abattus sur les siens.  Elle a vécu l’horreur : «  Ma mère s’est pendue et mon père s’est crevé les yeux. »

« Je voulais donner la parole à l’Ismène antique, intemporelle, dit Carole Fréchette, celle qui chez Sophocle a deux petites scènes seulement pour s’exprimer. J’ai imaginé ce qui se passait dans sa tête pendant ces échanges avec Antigone, puis avec Créon mais aussi les événements entre les deux. » L’autrice québécoise intéressée par ce personnage secondaire, se dit « choquée par l’intransigeance d’Antigone et par le fait qu’elle n’écoute pas sa sœur  »

On ne peut refaire l’histoire, tout au plus en tirer des leçons comme nous y incite cette pièce. Carole Fréchette a découvert l’hypothèse émise par une chercheuse américaine : Ismène aurait, en douce et nuitamment, enseveli Polynice, avant l’acte héroïque accompli par sa sœur au vu de tous. Et, quand elle revendique son geste auprès de Créon, Antigone l’envoie balader : « Tu n’as pas le droit, j’ai agi seule! »

 Mama Prassinos s’enhardit et s’anime au fur et à mesure de son récit. Elle donne corps à cette Ismène avec ferveur, lâche son micro et  s’avance vers le public pour faire valoir ses arguments de vive voix : admirative du courage de sa sœur, elle cherche cependant à « arrêter le cycle des morts », et se positionne du côté de la vie. Mais malheureusement, elle n’a pu empêcher le destin de s ‘accomplir, et Antigone de se pendre au seuil de son tombeau.   

Douce et ferme comme son anti-héroïne, Carole Fréchette a su trouver les mots et le ton pour écrire ce solo. En adresse directe au public, son écriture coule, limpide, mais toujours sous tension. Ismène balance entre une nécessaire radicalité et le compromis.
Jusqu’au bout, nous suivons ce récit et quand la tragédie arrive, retentit l’étrange mélopée de la soprano Mia Mandineau, qui, au loin dans le parc, accompagne le récit de Mama Prassinos.

La mise en scène de Marion Coutarel respecte la limpidité du texte et donne  aussi à entendre sa portée philosophique souterraine.
Sophocle fait dire à Ismène: « N’oublie pas que nous sommes des femmes, que nous ne sommes pas nées pour lutter contre des hommes. » Ismène, en restant du côté de la vie, manque-t-elle de courage ?« Si nous (les femmes) dit-elle ne préservons pas la vie, qui le fera ? Certainement pas nos frères !»

Les vieilles colonnades imaginées par Aneymone Wilhelm s’effritent dans la prairie qui accueille ce beau moment de théâtre et la dernière des princesses de Thèbes conclut : « Le monde a peut-être besoin de mes doutes. A chacun son rôle dans le théâtre du monde. »


Rapport pour une académie de Franz Kafka, traduction de Daniel Loayza, mise en scène et lumières de Georges Lavaudant

Rapport pour une académie_Crédit M_3HD

Manuel Le Lièvre © Marie Clauzade

«Éminents Académiciens, vous me faites l’honneur de me demander de fournir à l’Académie un rapport sur ma vie antérieure de singe. Telle que vous la formulez, je ne puis malheureusement déférer à votre invitation. Près de cinq années me séparent de l’état de singe, un temps peut-être court pour le calendrier, mais infiniment long quand on le traverse au galop  comme j’ai fait. »
Ainsi commence cette courte nouvelle ( 
Ein Bericht für eine Akademie). Écrite en 1917, elle fait pendant à La Métamorphose (1915) et rejoint le bestiaire kafkaïen pour évoquer la condition humaine avec drôlerie et cynisme.

Georges Lavaudant, un habitué du Printemps des comédiens, fait jouer le prénommé Peter par Manuel Le Lièvre qui a partagé maintes aventures théâtrales avec lui, dont Le Roi LearPlus humain que simiesque (maquillage, coiffure et perruques de Sylvie Cailler, et Jocelyne Milazzo), il apparaît minuscule et voûté, quand il franchit la haute et lourde porte sculptée, dessinée par Jean-Pierre Vergier qui l’a costumé d’une chemise blanche et d’une queue de pie des plus solennels.

 Sur le tapis rouge déroulé pour lui, Peter va devant nous les « honorables messieurs », raconter ses premiers jours chez les humains : une capture brutale, un voyage en fond de cale, comment il a évité les barreaux d’un parc zoologique, et la petite chimpanzé « au regard hagard de bête à moitié dressée ».

Le primate réfléchit, observe : « J’ai eu de nombreux maîtres », dit-il.  Ils lui appris à serrer la main, boire de l’alcool et, après une verre de trop, il prononce ses premiers mots « hé ! là » De bête de foire en animal savant, il devient, la parole aidant, artiste de music-hall. Aurait-t-il trouvé le chemin de la liberté dans la jungle des hommes? Leur condition est-elle plus enviable que celle des singes ? « Plus j’apprends à parler, moins j’ai de choses à dire. », ironise-t-il.

La figure du singe traverse l’histoire de la littérature avec: Esope, Pierre Boulle (La Planète des singes, 1963), La Fontaine… Mais Kafka a donné à sa fable une profondeur philosophique sans pesanteur moraliste. « Il faut se méfier des interprétations, dit Georges Lavaudant. Kafka aimait la littéralité. Tenons-nous en donc au récit de Peter. ».

Manuel Le Lièvre nous transmet avec tact la fantaisie farcesque, le douloureux apprentissage, les coûteux renoncements et le terrible manque de liberté que ce mutant éprouve parmi nous. Sans singer le singe, l’acteur reste drôle et émouvant, avec la gestuelle et la silhouette hybride de celui qui ne trouve sa place ni dans le monde qu’il a quitté, ni dans celui qu’il a adopté. Eternel exilé, tel Franz Kafka et bien d’autres en tout temps, il conclut, malicieux : «Je n’ai fait qu’un rapport. » Avant de se fondre dans la magnifique image finale que nous vous laisserons découvrir.

A suivre 

 Mireille Davidovici

Du 1er au 21 juin, Le Printemps des comédiens, Cité du Théâtre, Domaine d’Ô, Montpellier (Hérault ) T. : 04 67 63 66 67.
Printempsdescomediens.com

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