Le Printemps des comédiens La Tempête et Le Songe d’une nuit d’été, mise en scène de Marie Lamarchère

Le Printemps des comédiens à Montpellier (suite)

La Tempête et Le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare, adaptation et mise en scène de Marie Lamachère

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La tempête © Marie Clauzade

Dans La Tempête, Prospéro, duc de Milan, évincé par son frère, se retrouve après un naufrage sur une île déserte, avec sa fille Miranda. Ses livres lui confèrent des pouvoirs magiques qui lui permettent de maîtriser les éléments grâce à Ariel et Caliban, ses serviteurs. Il provoque ainsi une tempête qui va bouleverser l’ordre des choses et, à l’issue de péripéties qu’il contrôle à distance, il assure sa revanche. Le Songe d’une nuit d’été met en scène, dans une Athènes de convention, les chassés-croisés de deux couples d’amoureux orchestrés par les maléfices d’Obéron le roi des fées et de Puck, son serviteur. La même nuit, des acteurs-amateurs, des artisans, s’apprêtent à jouer une pantomime. Sous une bannière commune: Such stuff as dreams (L’Etoffe des rêves), Marie Lamachère réunit ces pièces où elle décèle l’omniprésence de la magie et elle finalise ici un projet au long cours depuis 2019 avec La Bulle bleue.

Cette compagnie de théâtre professionnelle de Montpellier est constituée de personnes en situation de handicap, regroupées en ESAT (Établissement et Services d’Aide par le Travail). Ses interprètes ont été formés au travail créatif lors de stages, en lien avec les sections inclusives au Conservatoire de la ville ou avec des artistes invités. Au croisement de l’art et du soin cette « fabrique artistique » induit un nécessaire déplacement de l’écriture théâtrale, et du regard des spectateurs.

Après  Jacques Allaire, Evelyne Didi, Bruno Geslin, Marie Lamachère, artiste associée depuis 2019, a déjà réalisé Betty devenue Boop ou les Anordinaires, actuellement en tournée. Elle mêle ici aux onze interprètes de cette troupe avec  dix de ses acteurs et du Jeune Théâtre National ( organisme en charge de l’insertion professionnelle). Soit une distribution homogène mais des spectacles marqués par une démarche particulière.

 «Cette année, ils fêtent leurs dix ans de troupe et j’ai pensé qu’ils étaient à un moment propice pour travailler des rôles de pièce dites classiques, où ils se projettent dans les personnages, dit la metteuse en scène. J’ai choisi ces pièces en fonction des acteurs et de leurs particularités. Il y a en effet quelque chose de très étrange, dans le rapport de certains acteurs avec le langage. J’ai choisi de mettre en valeur cette étrangeté qui correspondent à celles de la pièce de Shakespeare et je creuse, grâce à La Bulle bleue, le psychisme des textes, là où il y a des torsions.»

Dans une traduction inédite, Joris Lacoste et Julie Etienne ont privilégié la dimension ludique, les jeux et les écarts d’un langage parlé, plutôt que la versification. Traitées de façon onirique avec un montage de séquences, les scènes révèlent la singularité de ces interprètes, dans un entre-deux qu’il faut décrypter.

 La Tempête est construit en partant du constat que, chez certains des acteurs, le rapport au langage ne va pas de soi. Marie Lamarchère a confié le rôle de Prospéro à un homme qui, suite à un accident de la vie, a dû entièrement réapprendre à marcher et parler. La mise en scène s’appuie sur ses difficultés d’élocution et fait intervenir les voix de Caliban et Ariel en écho, comme si ces génies, l’un bon et l’autre mauvais, mais les deux fort bavards, émanaient de l’esprit du magicien. Le texte lui-même se diffracte en une série de lettres projetées sur le décor. Et la matière sonore est très présente, avec bruitages insolites, chansons en français et en anglais, mises en musique par Sarah Métais-Chastanier.

Un film montre les naufragés sur la plage avec d’une part les seigneurs italiens fomantant leurs intrigues, d’autre part  des matelots enivrés en sarabande avec Caliban.  Hors-champ de l’action principale qui a lieu au plateau: la rencontre amoureuse entre Ferdinand, fils du roi de Naples et Miranda, la fille de Prospéro ; ce dernier ne voit pas d’un bon œil cet hymen mais il finira par les marier. Puis il libérera Ariel et Caliban et renoncera à la magie pour retrouver son duché…`
Avec un montage baroque, la metteuse en scène voudrait nous entraîner dans un monde bizarre mais n’y réussit pas tourjours : «Je ne vais pas, dit-elle,  chercher un monde magique par projection, en misant sur la singularité de ces interprètes.  » Reste que  le jeu de ces acteurs et actrices pas hors norme n’a rien à envier à ceux du J.T.N. 

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Le songe d’une nuit d’été © Marie Clauzade

 Le Songe d’une nuit d’été  nous mène plus facilement dans un univers onirique et sans les séquences de la pièce où apparaissent les dignitaires d’Athènes, cette féérie se prête mieux à une traversée de l’étrange. Nous glissons naturellement du monde des artisans, à celui des elfes et fées et des amoureux : Lysandre, Hermia, Démétrius et Héléna. Au fronton d’un décor  sylvestre( scénographie de Delphine Brouard) est inscrite la devise : «Les choses semblent si ténues».

Cette mise en scène met en valeur la structure feuilletée et le génie dramaturgique de William Shakespeare. Avec une belle énergie, l’acteur qui joue le tisserand Bottom, entraîne ses compères : le menuisier, le tailleur, le chaudronnier… dans une version farcesque de «la très cruelle mort de Pyrame et Thisbé». L’univers des fées est aussi bien rendu, avec les chamailleries entre  Obéron et Titania et les maladresses du lutin Puck qui sème la confusion chez les amoureux aux relations déjà compliquées.

Nous tombons sous le charme de ces scènes bien écrites et dirigées, où Lysandre et Hermia s’enfuient dans la forêt, poursuivis par Démétrius, lui-même poursuivi par Héléna… Marie Lamachère, avec une bonne maîtrise des codes théâtraux, réalise avec ce Songe  un tissage cohérent, et à la hauteur de ses ambitions et aux engagements des comédiens de la Bulle bleue et des autres.

Mireille Davidovici

Spectacle vu au Théâtre de 13 vents, Montpellier (Hérault).

Jusqu’ au 21 juin, se poursuit Le Printemps des comédiens, Cité du Théâtre, Domaine d’Ô. : T. 04 67 63 66 67.
Places de 6 à 38 €.
Printempsdescomediens.com

 

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