Sur les ossements des morts, d’après Olga Tokarczuk, mise en scène de Simon McBurney (en anglais, surtitré en français)
Sur les ossements des morts, d’après Olga Tokarczuk, mise en scène de Simon McBurney (en anglais, surtitré en français)
Toute adaptation d’un roman comporte un risque comme celui qu’a pris Simon McBurney, en adaptant au théâtre, le roman de cette autrice polonaise, prix Nobel de littérature 2018. Avec une série de crimes mystérieux touchant braconniers ou policiers, sur des lieux où on retrouve toujours des traces animales, il y a ici un douloureux constat prémonitoire. En détruisant sans arrêt la Nature, l’humain masculin dominateur creuse sa propre tombe.
« C’est pourtant simple, l’homme a un énorme devoir à accomplir envers les animaux: les aider à vivre leur vie jusqu’au bout; quant aux espèces apprivoisées, il doit leur procurer amour et tendresse, car les bêtes nous donnent bien plus qu’elles ne reçoivent de nous.Il est important qu’elles puissent vivre leur vie dignement, qu’elles se mettent en règle avec leur milieu naturel et valident leur semestre dans le registre karmique: ”J’ai été un animal, j’ai vécu et mangé; je suis allée dans les pâturages verts, j’ai mis bas et j’ai réchauffé mes petits de mon corps; j’ai construit des nids, j’ai fait ce qui était de mon devoir.”
“Quand, dit le personnage principal Janina Duszejko, on tue des animaux et qu’ils meurent dans la peur et la terreur, comme ce sanglier dont le corps s’étalait hier à mes pieds, et qui doit se trouver au même endroit, couvert de boue et de sang séché, transformé en charogne, alors on les condamne à aller en enfer et le monde entier devient l’enfer. Les gens ne le voient-ils pas? Leur esprit est-il capable de dépasser leur petit plaisir égoïste? «
Cette ingénieure à la retraite vit seule dans un village au sud de la Pologne. Elle nous parle souffrance animale, débilité et violence des chasseurs nocifs, hyper-protégés par nos sociétés occidentales. Un « lobby » qui est une honte institutionnelle, y compris en France.
Ce roman est une fable écologique, féministe et ésotérique où son autrice dénonce le patriarcat et ses dérives, en particulier dans la Pologne actuelle. Mais nous n’avons pas retrouvé cette condamnation de la violence dans cette forme de théâtre-récit trop lisse.
Nous retenons surtout les meurtres et l’enquête mais on ne vous dévoilera pas le dénouement… Tel Don Quichotte, Janina Duszejko, jouée avec conviction par Amanda Hadingue, s’oppose à un petit monde de notables qui la prend pour une folle.
Elle vient de perdre ses deux chiennes, ses « petites filles » comme elle dit et est un témoin privilégié. Micro à la main, elle prend le public à témoin. Tous les acteurs sont remarquables comme la scénographie de Rae Smith. Mais trop souvent, règne une demi-obscurité pour que nous puissions voir les vidéos des lieux de l’intrigue. Ce spectacle de deux heures cinquante avec entracte, à la réalisation impeccable est décevant à cause de son côté trop sage….
Jean Couturier
Jusqu’au 18 juin, Théâtre de l’Odéon, place de l’Odéon, Paris (VI ème). T : 01 44 85 40 40.
Le roman, traduction française de Margot Carlier, est publié aux éditions Libretto.