Le Cadeau des Dieux, texte, mise en scène et musique de Shams Bouteille

Le Cadeau des Dieux, texte, mise en scène et musique de Shams Bouteille

Sur la petite scène du Café de la Gare, à une époque indéterminée et dans une nature ingrate, arrive un homme curieux médecin-psychiatre-dentiste comme, du moins, il se présente. Epuisé avec juste une mallette avec ses instruments dérisoires: une grosse seringue en inox, un vaporisateur avec produit spécial guérissant tout ou presque, fioles de médicaments… Il demande du secours à un homme aux longs cheveux, et deux femmes, l’une en longue robe blanche et l’autre en pantalon de cuir, munie de deux grosses pinces de serrage à ressort. Questionné, il n’est pas très clair sur les raisons de sa présence et il apprend de ces gens qu’ils sont: le juge, l’avocate à son procès et l’éventuel bourreau qui l’attend lui, un futur condamné qui risque la peine de mort.
Bien sûr, il va soigner aussitôt et par deux fois la jeune et jolie avocate d’un terrible rage de dents. Elle en tombe amoureuse et il y aura de multiples rebondissements. Cela tient parfois d’un conte, comme ceux de la fameuse collection Contes et légendes qui fit les délices de millions de petits Français, quand n’existaient pas encore les jeux vidéo et les dessins animés bien vulgos à la télé…

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©x Le médecin, le juge, l’avocate, le bourreau.

Le tout a les airs loufoques des pièces du célèbre Café de la gare, que Romain Bouteille disparu il y a juste deux ans avait écrit et mis en scène avec Coluche, Sotha, l’autrice-maison  (toujours aux manettes et qui accueille avec gentillesse le public), Henri Guybet, Patrick Dewaere et Miou-Miou. Il a encore eu la force de participer à la création de son fils, Shams. Une bonne occasion de lui rendre hommage… Le célèbre Café de la Gare installé en 69 rue d’Odessa (près de la gare Montparnasse pour ceux qui ne sont pas de la paroisse), est arrivé dans la salle actuelle trois ans plus tard.

D’autres acteurs passeront par ce qui fut aussi une sorte d’école de l’acteur auto-proclamée comme, excusez  du peu: Gérard Depardieu, Renaud, Rufus, Martin Lamotte, Thierry Lhermitte, Diane Kurys, Coline Serreau mais aussi Josiane Balasko, Anémone, Roland Giraud, Philippe Manesse. Bref, une véritable pépinière… d’où sera issue la troupe du Splendid avec Thierry Lhermitte, Christian Clavier, Josiane Balasko, Gérard Jugnot, Michel Blanc, Marie-Anne Chazel…

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« Il devenait important, disait Romain Bouteille, pour Coluche et moi, de faire un théâtre qui n’avait pas existé: un théâtre avec l’interdiction d’interdire.» (…) On ne devient pas célèbre au Café de la Gare, c’est quand on en part qu’on le devient car le côté star, qui implique des concessions, ne faisait pas partie de notre état d’esprit. » Au menu des quelque trente pièces écrites par Romain Bouteille, nous nous en souvenons encore: gags, insolence humour, absurdités plein pot sur fond d’anarchisme, prix d’entrée tiré à la loterie…Puis le temps des « collectifs », comme on disait déjà et l’esprit du Café de la Gare passèrent. Vers 1990, Romain Bouteille s’installe à Etampes où il crée un petit théâtre, Les Grands Solistes, avec son épouse, l’actrice Saïda Churchill.

Ici, ouf! Et cela fait du bien par les temps qui courent: pas de fumigènes, micro H.F., jeu dans la salle ou autres conneries du genre… Mais du vrai théâtre, simple et artisanal, avec juste quelques accessoires et costumes. Shams Bouteille sait comme son père  construire une intrigue teintée d’absurde avec un thème récurrent: la maladresse des Anglais (un gentil clin d’œil ironique à sa maman?) et dirige ses acteurs Ilona Bachelier, Anastasia Joux, Adrien Parlant et lui-même, avec une grande rigueur. Tous concentrés, ils ont aussi une excellente diction. Merci qui? Coco Felgeirolles dont certains ont suivi l’enseignement. Il y a une bonne unité de jeu et aucun temps mort: il se passe toujours quelque chose sur le plateau… Mention spéciale à Ilona Bachelier en avocate; cette jeune actrice a déjà beaucoup joué au cinéma (récemment dans La Vérité si je mens! Les débuts). Elle fait penser à Miou-Miou, avec le même regard pétillant d’intelligence et d’humour…

Ici, les « bonnes mœurs », la religion, la justice, la médecine en prennent pour leur grade, comme disaient nos grands-mères. C’est souvent drôle, même s’il y a des longueurs vers la fin de cette courte pièce et mieux vaut oublier quelques petites chansons souvent en chœur, du genre parlé/chanté mais pas très au point.
Ce Cadeau des Dieux finit par un retournement de situation bien ficelé que nous vous laisserons découvrir. Au chapitre des bémols, une écriture pâlichonne: là, nous sommes restés sur notre faim. Nous aurions aimé que cela soit un peu plus fou, un peu plus délirant comme le début mais bon, c’était seulement la troisième représentation avant l’envol pour Avignon et le spectacle a tout pour se bonifier, à condition d’être vraiment resserré.
Mais il faut soutenir ces jeunes acteurs. Aux saluts, Shams Bouteille, a eu un mot merveilleux: visiblement ému de se se retrouver là où son père a autrefois créé ses spectacles:  » Il n’a pu, dit-il, voir le première de ce Cadeau des Dieux car il avait rendez-vous pour un casting, ce jour-là…

Philippe du Vignal

Spectacle vu  au Café de la Gare,  41 rue du Temple, Paris (IV ème). T. : 01 42 78 52 51. Festival d’Avignon off, du 7 au 27 juillet, B A Théâtre, 25 rue Saint-Jean le Vieux. T. : 04 65 87 54 40.

 

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