Montpellier Danse (suite) Into the Hairy, chorégraphie de Sharon Eyal

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© Katerina-Jebb

 Into the Hairy, chorégraphie de Sharon Eyal, co-auteur : Gai Behar

«Je ne veux pas voir la chorégraphie, je veux voir la magie. Je veux ressentir et je veux que les gens ressentent ce que je veux leur donner. » dit la chorégraphe israélienne qui pénètre « à l’intérieur d’une chevelure  » pour en démêler le mystère. Cette pièce pour sept danseurs nait de la nuit, d’une obscurité profonde qu’il nous  faut scruter, pour distinguer les corps enchevêtrés.

De lents mouvements animent le groupe sur la musique électronique hypnotique du compositeur anglais Koreless ( alias Lewis Roberts) où se glisseront des notes de musique sacrée. Seuls, les visages et les mains d’une blancheur blafarde, sont éclairés. La lumière spectrale (création Alon Cohen ) sculpte une étrange cérémonie: «J’aime le noir, dit Sharon Eyal. Pour moi, le noir est de la lumière et les danseurs apportent la lumière.» Dans cette pénombre permanente d’intensité variable, le mouvement fait jaillir cette humanité somnambule, habillée paar Maria Grazia Chiuri de Christian Dior-Couture, juste-au-corps arachnéides, fins comme une deuxième peau. Une esthétique raffinée jusqu’au bout des doigts, avec ongles et bijoux, mode« gothique ».

Issue de la Batsheva Dance Company où elle a été interprète, puis chorégraphe et directrice artistique associée, Sharon Eyel développe un style minimaliste, mêlant techniques gaga d’Ohad Naharin et classique, avec un penchant pour le « groove » et l’«underground clubbing culture». Un monde d’où vient aussi Gai Behar qui a lancé avec elle, en 2015,  leur compagnie de danse : L-E-V.

Into the Hairy, comme une œuvre picturale, se compose et se défait en permanence, avec d’étranges postures, silhouettes déformées en figures grotesques ou images allégoriques rappelant un retable : bras en croix, bustes inclinés ou exposés nus, à la manière d’un  Christ…
La chorégraphe demande à ses interprètes un engagement extrême et une tension physique intense pour traduire des états émotionnels par le corps « Je travaille à l’instinct, je mets la peau de mon âme à nu, dit Sharon Eyel.» Telle une armée de l’ombre, les danseuses et danseurs avancent, reculent, se dispersent pour créer d’impressionnants tableaux. «Ce n’est pas un récit mais une expérience, j’ai l’impression de faire du cinéma. »

Nous recevons Into the Hairy comme une toile de maître. En répétitions, Sharon propose images et mots qui stimulent l’imagination : « Deep into the hairy. Dirty and gentle. Broken. Alon. Alone. Alone. Alone. Deeper. Stronger. Weaker. SAdder. More alone. Hole….  » (Profond dans la chevelure… Sale et doux. Brisé. Seul. Seul. Seul. Plus fort. Plus faible. Plus triste. Plus seul. Plus profond. Vide ) … »

Dans ses trois pièces précédentes, OCD Love, Love Chapter 2 et The brutal Journey of the heart, il s’agissait d’amour.
Ici, nous touchons au cœur d’une intimité tribale en forme de rituel ésotérique qui exige du public, comme des artistes, une grande concentration. Il faut aller découvrir cette artiste qui projette d’installer sa compagnie en France. A côté de leurs pièces réalisées à la L-E-V, Sharon Eyal et Gai Behar en créent d’autres pour le Nederlands dans Theater, le Ballet royal de Suède et le Göteborgs Operans Danskompani….

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 22 juin à l’Opéra-Comédie de Montpellier.

Montpellier-Danse se poursuit jusqu’au 4 juillet: 18 rue Sainte-Ursule, Montpellier (Hérault). T. : 04 67 60 83 60.

Du 30 juin au 3 juillet, Festival de Spoleto, (Italie) ; 6 au 8 juillet, Julidans, Amsterdam (Pays-Bas).

Du 17 au 20 août, Festspiele, Salzburg (Autriche).

Du 5 au 7 octobre, Théâtre des Louvrais, Cergy-Pontoise (Val d’Oise; le 17 octobre, Stadsschouwburg, Bruges (Belgique) ; du 20 au 22 octobre, Internationaal kunstcentrum deSingel, Anvers (Belgique) et du 26 au 28 octobre, Dampfzentrale, Berne (Suisse).

Les 11 et 12 novembre, Wiesbaden, (Allemagne).

Le 24 novembre, Festival de danse, Cannes.


Archive pour 27 juin, 2023

Vaincre à Rome, texte de Sylvain Coher, mis en scène de Thierry Falvisaner

Vaincre à Rome, texte de Sylvain Coher, mise en scène de Thierry Falvisaner

Abebe Bikila, était né le 7 août 1932 en Éthiopie…le jour du marathon des Jeux olympiques de Los Angeles. Ce jeune caporal s’entraîne seul pendant deux ans avant d’être repéré en 1959 par son pays et par Onni Niskanen, un Suédois membre de la Croix-Rouge et passionné d’athlétisme. Sélectionné pour participer au marathon des Jeux olympiques de Rome en 1960, pour remplacer un coureur blessé et gagne pieds nus, en deux heures quinze minutes seize secondes (record du monde) devant le favori, le Marocain Abdeslam Radi. Il sera le premier athlète africain médaillé d’or olympique.

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Il  accélère près de l’obélisque d’Aksoum et arrive à l’Arc de Constantin, un quart de siècle après l’invasion de l’Éthiopie par l’Italie… En récompense, il recevra une voiture et un appartement de l’empereur Hailé Sélassié. Impliqué presque malgré lui dans un coup d’État manqué après les Jeux, le coureur sera gracié.

En 1964, il doit être opéré d’une appendicite aiguë, trente jours avant les Jeux de Tokyo mais il court cette fois avec des chaussures et gagne en 2 h 12 min 11 secondes, nouveau record du monde, plus de quatre minutes avant le suivant!  Il est le premier athlète africain à remporter le marathon olympique deux fois de suite. A une vitesse de 18, 73 kms, puis de 19, 5 kms à l’heure. Mais, à son quatorzième marathon en 68, il devra abandonner à cause d’une fracture du péroné. Un an après, victime d’un grave accident de voiture, il perdra l’usage de ses jambes. Mais il se met alors à la course en fauteuil roulant et remporte le tournoi de tir à l’arc des Jeux de Stoke Mandeville, en Angleterre, précurseurs des Jeux paralympiques. Ce héros national meurt à quarante-deux ans seulement.

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C’est son histoire qui est le thème du roman de Sylvain Coher qu’il a, non adapté mais converti à la scène. Sur le plateau, quelques éléments pour évoquer un studio de radio, un salon et au centre, une bande au sol avec une technique, bluffante quand on est un peu loin: une projection d’une vidéo sur le lieu concerné. Ici, une route romaine où a lieu le marathon et qui se déroule à mesure que le coureur avance… sur place. Incarné, c’est le cas de le dire, par le danseur et comédien Timothée Ballo qui va courir environ une demi-heure. Très impressionnant… Soutenu par le percussionniste Adrien Chennebault.

 

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Cela se passe en Italie et en Éthiopie en 1960 à Rome près du forum où a lieu le marathon. Mais aussi dans l’appartement à Addis-Abeba, avec le souvenir d’Abebe Bikila, Donc ici quatre personnages: le double champion olympique, sa femme Yewebdar ( Gane Raymond) qui l’attend au pays. Mais aussi son entraîneur suédois Onni Niskanen et le journaliste Loys Van Lee (Thomas Cerisola) qui va relater ce marathon du 10 septembre 1960.

Tout ici sonne juste dans ce spectacle créé il y a deux ans et qui va être joué en Avignon. Sylvain Coher a repris les bases de son roman pour le recréer sur une scène, loin d’une quelconque hagiographie, mais en mettant en valeur avec Thierry Falvisaner, l’impression d’un effort pendant quarante kms, avec des scènes de préparation, départ, course de plus en plus rapide puis arrivée en vainqueur… à quelques minutes du suivant. Et cela fonctionne.
Les quelques images vidéo d’époque en noir et blanc d’Abebe Bikila sont justifiées et plus qu’émouvantes, écho lointain de ce coureur exceptionnel. Timothée Ballo court sur cette route goudronnée. « Pour le spectateur, disent l’auteur et le metteur en scène, c’est une plongée sensible dans un monde où l’apparente simplicité d’un acteur sportif dévoile des motivations plus complexes.» A quelques mois des Jeux Olympiques en France, une piqûre de rappel qui n’est pas inutile…

Mais la grande salle du Théâtre Gérard Philipe à Orléans-La Source n’est sans doute pas l’idéal pour ce spectacle et le metteur en scène a eu du mal à mettre en place une balance correcte entre un texte, la musique en direct, les images vidéo et une lumière beaucoup trop limitée. On peut le comprendre mais cela diminue -et c’est dommage- l’intensité de cette forme théâtrale surtout fondée sur une conversation entre le coureur, son épouse restée au pays et qui verra son mari subir les coups du sort, puis mourir, son entraîneur et le récit du journaliste sportif qui recrée la dimension temporelle de cet exploit hors-normes. D’autant plus que ses interprètes sont impeccables…
Mais bon, ce spectacle est proche d’un théâtre documentaire: un évènement sportif mais aussi historique à base de documents historiques. Quand il sera joué et mieux éclairé dans une salle plus petite, il devrait prendre toute sa dimension. Cette légende ici portée sur la scène «de l’homme-panthère capable de courir du coucher au lever du soleil» ne peut laisser indifférent. Et les collégiens qui étaient là, semblaient subjugués, ce qui est toujours bon signe…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 22 juin au Théâtre Gérard Philipe, Orléans-La Source (Loiret).

Festival off d’Avignon: La Manufacture: attention représentations au château de Saint-Chamand (accessible en navette de La Manufacture avec départ: rue des Écoles, et en tramway.

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