Jnoun (es) , mise en scène de Sébastien Davis, avec la très très aimable collaboration artistique de Ludivine Sagnier, un spectacle de l’Ecole Kourtrajmé

Jnoun (es), mise en scène de Sébastien Davis, avec la très très aimable collaboration artistique (sic) de  Ludivine Sagnier, un spectacle de l’Ecole Kourtrajmé

« Selon les croyances populaires, dit la note d’intention, les jnoun.e.s sont des créatures invisibles, anges ou démons, qui peuvent causer des troubles chez les êtres humains. Chez Kourtrajmé, on appelle cela des personnages.« Nos jeunes acteurs, à l’issue d’une formation d’un an, sont possédés par le jeu. Qu’ont-ils à nous dire de ce qu’ils sont, du monde qui leur est offert, de la société que nous leur laissons?  Ils cherchent à en découdre avec tout ce qui est attendu d’eux. En même temps, ils n’ont rien à prouver à personne. Rien à perdre. Tout à gagner. Alors comment, dans notre monde surmédiatisé, redonner du sens à cette réunion théâtrale à laquelle nous vous convions ?Les jnoun.e.s sont là. En nous et autour de nous. Jnoun.e.s, est un exorcisme collectif de la compagnie Kourtrajmé. »

 

© djoune only logo

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Une note d’intention vraiment peu convaincante. Comment en effet s’y retrouver : on nous parle maladroitement de mise en scène, puis d »exorcisme collectif » et par ailleurs, d’Ecole, puis de compagnie? Cela ne commence déjà pas très bien avec plus d’un quart d’heure de retard, ce qui est inadmissible !
Rappellons à Sébastien Davis et à Ludivine Sagnier que, dans une école, une des choses essentielles du futur métier qu’on y apprend, c’est le respect des autres.
Etre en retard, ou pire absent, c’est faire perdre du temps aux camarades comme à l’enseignant et cela engendre le stress dans le travail comme ensuite dans une compagnie (sic) quand on joue.  Sauf, bien entendu, en cas de force majeure mais la moindre des choses est alors de faire une annonce.

Nous ne l’apprendrons pas aux professionnels que sont Sébastien Davis et Ludivine Sagnier, actrice de cinéma mais qui a aussi joué quelquefois au théâtre. Actrice engagée, entre autres contre la réforme des retraites, elle s’occupe visiblement de cette école située à Montfermeil, une ville de 28.000 h. (Seine-Saint-Denis). Où, si on a bien compris, on veut donner une formation à des jeunes, surtout issus de la diversité en un an seulement! Ici, quatre filles et deux garçons: soit une promotion forcément déséquilibrée, et emmenées sur le plateau par une actrice plus âgée qu’eux…
Ce qui a sans doute amené le metteur en scène à privilégier une série de solos, ou faux solos avec deux rôles, entrecoupés de chœurs bien chantés et de danse, eux réalisés avec une grande discipline.Mais les «textes» (non crédités, issus d’une écriture de plateau?) sont indigents, sauf un, à la fois mimé puis ensuite parlé sur l’inceste commis par son père sur sa fille. Oui, mais voilà, cela dure quelques minutes et c’est un des rares bons moments de cette mise en scène approximative: louchette de fumigène au début, la  dixième fois pour nous ce mois-ci !), vidéo fixe de nuages blancs en fond de plateau, éclairages à dominante rouge et violet, micro H.F. pour un des garçons, adresses au public racoleuses… Bref, ce qu’on voit dans tous les mauvais spectacles actuels et qui n’a rien à faire là, surtout dans une école où il faut une grande exigence et où il doit manquer un cours de dramaturgie et d’histoire du théâtre. Inutile de dire que nous sommes restés sur notre faim.
Quant aux interprètes de ce qui n’est un spectacle professionnel ni une présentation de travaux d’école… les jeunes actrices (mention spéciale à Siham Falhoume) sont aussi sur les plans oral et gestuel, d’un niveau nettement au-dessus que les garçons. Ils ne semblaient, eux, pas très à l’aise.

Nous aimerions les revoir tous ces jeunes sur un plateau où, bien dirigés, ils auraient cette fois de véritables personnages à défendre: il y a des dizaines de milliers de dialogues théâtraux en français ou en langue étrangère, anciens, classiques ou contemporains (voir Harold Pinter)  y compris entre filles! Certains de ces ex-élèves -et nous le leur souhaitons- auront peut-être le bonheur d’intégrer une école supérieure. A suivre…

Philippe du Vignal

Les 19 et 20 juin, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin-Roosevelt, Paris ( VIII ème)


Archive pour juin, 2023

L’affaire Krystian Lupa… suite

L’affaire Krystian Lupa… (suite)
Deux commentaires intéressants de créateurs qui ont réagi aux propos de Jacques Livchine (voir l’ article paru hier dans Le Théâtre du Blog) et qu’il nous a transmis.
L’une, lapidaire où son auteur dresse un constat impitoyable et l’autre, nuancé, et clairvoyant, d’une metteuse en scène qui a connu Krystian Lupa en Pologne et son travail il y a vingt ans lors d’un stage. 

L’affaire, triste sans doute mais pas non plus catastrophique, suscite bien des réactions, le plus souvent en chaîne. Et, soyons clairs, il aura eu au moins le mérite de faire réfléchir le milieu théâtral qui, on l’oublie souvent, n’est pas toujours celui de la tendresse (et c’est un euphémisme!).
Avec toutes les difficultés relationnelles et les contradictions inhérentes à un travail en commun d’artistes, de techniciens mais aussi d’administratifs qui n’ont pas toujours la même vision du théâtre et la même culture.
Il faut espérer que Krystian Lupa arrivera quand même avec ce spectacle à l’Odéon… Il reste encore sept mois et nous vous tiendrons au courant.

Philippe du Vignal

David Bobée, directeur du théâtre du NordHeureusement, cette génération qui a quatre-vingt ans, est doucement remplacée par d’autres, bien plus respectueuses des gens, du travail et de la loi. Et tout autant passionnément amoureuses du théâtre. Des générations nouvelles d’artistes qui ont appris des erreurs des leurs prédécesseurs, et plus respectueuses des femmes, de la planète, de la diversité de la population, etc…

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Juste on mettra du temps à réparer le mal laissé par l’ego et l’auto-célébration maladive de mauvais génies. Celles de petits garçons pourris-gâtés, aux cheveux blancs.

Ils aiment la violence ? Grand bien leur fasse. Qu’ils continuent leurs postures perverses de violence autant qu’ils veulent, mais loin de nous. Nous prenons la main, merci. Nous, c’est la vie que nous aimons.

Eva Doumbia, autrice et metteuse en scène (extraits de texte)

J’ai lu ce matin le témoignage des techniciens de la Comédie de Genève sur la création de Krystian Lupa et cela m’a touchée, et surtout attristée. Comme quand on assiste à un conflit entre deux personnes que l’on estime et dont on pensait qu’elles allaient s’entendre.

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Malgré l’affection et l’admiration que j’éprouve pour ce metteur en scène, je reconnais que les faits décrits ne sont pas défendables. Je connais Lupa et Piotr, et cette histoire me fait penser à ces calques que l’on pose sur des dessins et qui ne correspondent pas.

Cette affaire provoque des disputes passionnées, parce qu’elle met le doigt sur les relations de pouvoir qu’il faut dénoncer et supprimer au théâtre. Mais elle pose aussi la question des affects dans nos métiers. Et c’est très important. J’ai lu ici et là que, si les acteurs et sa traductrice défendaient Krystian Lupa et voulaient aller jusqu’au bout du processus créatif, c’est parce qu’ils étaient sous emprise. Elle, Agnieska serait comme atteinte du syndrome de Stockholm: je ne le crois pas.
Au printemps 2003, j’étais allée avec d’autres metteuses et metteurs en scène, faire une formation au Stary Theatr à Cracovie et j’ai été éblouie. Je reste impressionnée par ces moments de recherche mais ne vais pas raconter cela ici: tout a été écrit sur l’univers et la méthode de Lupa.
À ce moment-là, et je crois que c’est important, les plus pragmatiques d’entre nous disaient que c’était inapplicable en France où personne n’avait huit mois pour faire une création. La démarche créative de Lupa nécessite en effet de sortir du temps compartimenté.Le travail d’entrainement qu’il propose, permet d’être toujours en improvisation. Cela a quelque chose du rituel et nécessite un guide, comme dans les cérémonies.
Sans doute, Krystian et Piotr ont sans doute été méprisants et n’ont pas calculé le temps de présence de ceux qui n’étaient pas ses interprètes. C’est une faute que de ne pas embarquer l’ensemble d’une équipe de création. Et cela doit changer.
Mais je n’ai pas le souvenir d’avoir vu en 2003 un tyran maltraitant techniciens et acteurs, mais peut-être étais-je aveuglée… J’ai été embarquée dans un monde poétique, infiniment littéraire, d’une grande spiritualité et où surtout, se posait chaque jour la question la plus essentielle pour moi au théâtre : qu’est-ce qu’être humain ? Cette idée du corps rêvant, du fou intérieur. Quelque chose de la transe qui m’était familier.(…)
Parmi les descriptions d’une ambiance merdique avec violences verbales, tension permanente, je sens dans le témoignage de Benjamin Vick, l’ingénieur du son que, dès le commencement, il y a eu rejet de la méthode de création.
Avec des monologues incessants durant des mois. Mais, si on ne sait pas à quoi ça correspond, on a tous les éléments constituant le pire du patriarcat: un homme d’un certain âge qui monopolise l’espace verbal et physique. Tout ce que, personnellement, je ne supporte pas et contre lequel je me bats. (…)

Le « costumier ivre » dont parle le texte, est Piotr, le compagnon de Lupa. Un des plus grands acteurs que j’ai jamais vus et une personne attachante. Mais je crois qu’il souffre d’addictions et qu’il est bipolaire. Et nous connaissons tous des artistes, hommes et femmes, et d’autres personnes dans tous les milieux professionnels qui ne gèrent pas bien les croisements entre vie affective et travail. Cela m’est aussi arrivé. (…)
Parfois, mon compagnon qui écrit la musique de mes spectacles et moi, nous nous disputons sur des questions artistiques devant le reste de l’équipe qui assiste alors à quelque chose d’obscène: le ton dénote une intimité qui ne leur appartient pas.
J’en suis désolée mais je ne regrette rien. C’est aussi la vie: les erreurs,  les choix qu’on n’arrive pas à faire. J’ai aussi été soumise dans le travail à des affects envers des personnes qui m’étaient beaucoup moins proches, et j’en ai été  parfois dévastée.

Nous avons  tous été, ou nous le serons tous et toutes un jour, en contradiction avec nos idéaux, parce qu’on aime telle ou telle personne qui se comporte de telle ou telle manière. Ce que j’écris, n’excuse ni les insultes, ni la violence, ni aucun débordement. Je ne pratique pas la violence dans le travail et nulle part. Mais je me dis que s’identifier à ceux que l’on dénonce, est une manière de lutter contre tout ça: les dominations, la violence…
Je suis convaincue que Krystian Lupa va apprendre que l’on peut changer en bien, même quand on devient très vieux. Edward Bond, un autre « vieux » que j’admire, a écrit dans Olly’s Prison : « Nous apprenons en vieillissant. »

L’affaire Kristian Lupa

Les  Emigrants de Kristian Lupa

Le spectacle adapté d’un texte de W. G. Sebald, écrivain allemand (1944-2001), était en répétition depuis trois mois et devait être créé par le metteur en scène polonais (voir Le Théâtre du Blog) à la Comédie de Genève. Mais les représentations y ont été annulées comme  celles  programmées au festival d’Avignon. Une chose assez rare! Et un spectacle qui n’arrive pas à être créé  est toujours un échec artistique et pose de toute façon question.

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Une des causes: les colères de Krystian Lupa (qu’il a lui-même reconnues) sur le plateau, devenues insupportables à l’équipe des techniciens suisses. Mais il y a eu aussi, semble-t-il, un manque de préparation du spectacle en amont et de graves difficultés  lors d’un tournage en extérieur insolubles dans le temps imparti…
Le grand Tadeusz Kantor, polonais et de Cracovie comme lui et mais plus jeune de trente ans et qui eut une influence considérable sur Krystian Lupa, avait aussi des colères mémorables sur le plateau. A Milan, très en colère, il ne supportait pas que les baffles d’une petite  salle soient  médiocres. Et au technicien polonais, absolument compétent, qui lui disait : »Tadeuz, je fais déjà le maximum. », il avait répondu: »Demain, tu te débrouilleras pour dépasser le maximum. »!
Et au théâtre Garonne à Toulouse où il répétait Aujourd’hui, c’est mon anniversaire, son ultime et très beau spectacle qui y sera créé mais hélas sans lui. C’était en effet quelque mois avant sa mort  brutale d’un AVC à Cracovie en 90. Il y donnait une conférence que nous animions et avait exigé en hurlant, rouge de colère, qu’une étudiante sorte immédiatement.
La malheureuse avait osé demander avec une grande naïveté: « En quoi, monsieur Kantor, votre théâtre est-il différent de celui de Jerzy Grotowski?  (Ils se détestaient cordialement!). Silence de ses acteurs pétrifiés sur le plateau et du nombreux public venu écouter le maître. Nous avions réussi à le calmer mais avec difficulté…

Quand aux Emigrants, fin mai, il y eut plus que de la tension sur le plateau, entre Krystian Lupa, son compagnon et assistant, et les quinze techniciens suisses qui ont donné leur version des faits dans un long communiqué. Ils y dénoncent mépris, humiliations et moqueries en tout genre et se sont d’abord exprimés dans Le Courrier: «Une création aussi belle et dense soit-elle, est-ce une machine à broyer les humains qui œuvrent à sa fabrication?» Tiago Rodrigues, le nouveau directeur du festival d’Avignon, a qualifié pudiquement  de « problèmes logistiques », de sérieux ennuis de traduction et autres qui ont visiblement pourri les répétitions.
Le Courrier fait part en effet d’alcoolisme et injures proférées sur le plateau… Par ailleurs, disent ces techniciens, « l’essentiel du travail consistait en un exposé de M. Lupa et il y a eu huit improvisations filmées où les acteurs incarnaient, d’après la vision du metteur en scène comme cela était attendu, les personnages de la pièce. »
« Et dans la transition, a eu lieu un tournage en extérieur dont la teneur a été exponentiellement dépassée tant en termes de de temps, d’exigences et de finances de M. Lupa et de son équipe. Ce qui a été prévu (tournage simple en lumières naturelles) a fait ensuite l’objet de demandes contradictoires, voire parfois irréalistes et toujours en dernière minute. »

Bref, assez vite, rien ne semble avoir été vraiment dans l’axe et même si toute création théâtrale ne se fait jamais sans une immense dépense d’énergie, fatigue intense, douleurs physiques et psychiques, ici les choses ont dérapé! « Le premier pas, a  dit le metteur en scène dans Libération, a été une révolte solidaire qui m’a totalement surpris et que je ne comprends toujours pas. »
Krystian Lupa, qui en plus, a été victime du covid, a-t-il vu trop grand et mal maîtrisé le temps, a-t-il sous-estimé le travail scénique qu’il exigeait, était-il assez et bien entouré?  Sans doute un peu tout cela! En tout cas, il a présenté ses excuses mais le mal était fait! Et cet énorme gâchis surtout artistique mais aussi… financier, a quelque chose d’irréversible. Le metteur en scène ne reviendra sans doute jamais à la Comédie de Genève et Tiago Rodrigues a dû vite trouver une solution et a remplacé ces Emigrants par un de ses spectacles, Dans la mesure de l’impossible, créé à la Comédie de Genève et où joue Natacha Koutchoumov, codirectrice de ce théâtre?

Au delà de cela, il faut aussi voir dans cette affaire un révélateur de la fin d’une époque où un créateur célébré dans tous les théâtres et festivals en Europe, pouvait exiger à la fois de très gros moyens, un temps de répétition très confortable, des actrices et acteurs obéissant au moindre caprice, une importante équipe d’excellents spécialistes en lumière, son, vidéo : la technologie est devenue plus complexe qu’autrefois… Et ne comptant jamais ses forces, ni son temps. Mais rien peut justifier la moindre violence verbale et l’addiction à l’alcool avec des effets dévastateurs sur un plateau…
En quelques années, sont aussi arrivés le mouvement Mi-Tout, la pandémie de covid, puis une crise politique et financière en Europe… Le théâtre, comme tous les arts de la scène et le cinéma, a dû en tenir compte et évoluer. Peut-être un grand créateur comme Krystian Lupa n’en a-t-il pas vraiment pris la mesure. Et même avec son longue expérience artistique, a-t-il encore des choses à apprendre comme nous tous, à un âge où il n’y a pas si longtemps aucun metteur en scène n’était plus en activité? Et faire travailler quelqu’un de très proche dans une mise en scène ou un théâtre  que l’on dirige, est source garantie d’ennui à moyen terme. On l’a encore vu récemment dans un Centre Dramatique National.
Jacques Livchine donne ici son point de vue. Et nous publierons  les commentaires très intéressants d’Eva Doumbia et de David Bobée, directeur du Centre Dramatique National du Nord. .

Philippe du Vignal

L’affaire Kristian Lupa

Dans cette histoire de la Comédie de Genève, je ferme grave ma gueule… L »affaire » : une énorme production (près d’un million d’euros) dirigée par ce metteur en scène polonais reconnu par les instances internationales du goût théâtral, arrêtée à quelques jours de la fin, par une révolte de l’équipe technique qui a bloqué la sortie du spectacle. Annulation pour le festival d’Avignon et de la tournée, notamment à Paris. Soit une perte de 300.000 €!

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Pourquoi je ferme ma gueule ? Parce que je suis de la génération de Krystian Lupa et que, pour nous, la bienveillance n’a aucun sens. Nous nous mettons totalement au service d’un spectacle: les horaires n’existent pas, le sacrifice doit être absolu. L’accouchement d’un spectacle est toujours d’une violence extrême.Et comme seul, compte la fin, nous sommes d’une intolérance et d’une intransigeance aussi absolues.

 
Nous ne respectons plus rien, pour parvenir à ce que nous cherchons. Nous ne comprenons pas que tout le monde ne soit pas comme nous : prêt à tout donner, à sacrifier sa vie. Dans les compagnies, le contrat est clair: un même équipage pendant parfois des dizaines d’années, lié par des objectifs communs. Mais la rencontre avec l’Institution crée des étincelles, jusqu’à faire sauter le compteur…
Nous ne faisons pas le même métier. Pour les techniciens, pas question d’enchaîner huit jours sans aucun repos, sans aucun horaire précis, pas question non plus de régler les lumières toute une nuit et de reprendre à 10 h, pour charger et décharger les camions. Mais d’un autre côté, une création exige énormément de temps  des metteurs en scène, comme en particulier, la maîtrise du lieu et la mis en place des lumières. Nous en avons encore ue la preuve quand nous avons créé La Nuit unique.
Alors comment faire? Notre devise était empruntée à Tania Balachova: Pour faire du théâtre, il faut être prêt à gâcher sa vie. Oui, nous sommes d’un autre siècle, d’un autre monde…

Jacques Livchine, codirecteur avec Hervée de Lafond, du Théâtre de l’Unité
Les Émigrants: quatre récits illustrés, roman traduit de l’allemand par Patrick Charbonneau (Die Ausgewanderten) est paru chez Actes Sud (1999) comme les autres romans et essais de W.G. Sebald.

 

Extinction, d’après Thomas Bernhard, Arthur Schnitzler et Hugo von Hofmannsthal, adaptation et mise en scène de Julien Gosselin

Printemps des comédiens à Montpellier

Extinction d’après Thomas Bernhard, Arthur Schnitzler et Hugo von Hofmannsthal, adaptation et mise en scène de JulienGosselin

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© Simon Gosselin

Une entrée en matière fracassante! : un concert électro sur le grand plateau du théâtre Jean-Claude Carrière au domaine d’Ô. À l’avant-scène, les D.J. Guillaume Bachelé et Maxence Vandevelde à la maneouvre sur leurs platines. À jardin, un bar offre de la bière aux spectateurs venus nombreux sur la piste de danse et qui seront les figurants de cette première partie. Deux V.J. (vidéo jockeys) captent en direct corps et visages des danseurs pour les projeter, au rythme de la musique, sur l’écran géant en fond de scène. De la salle, difficile de participer, on se sent exclu ou, pire : assourdi, malgré les bouchons d’oreille distribués à l’entrée, on sort en attendant la deuxième partie du spectacle. Ceux qui sont restés dans leur fauteuil ont pu voir, dans la mêlée, une femme qui danse en robe blanche : l’actrice Rosa Lembeck. Appelée au téléphone, on la voit  quitter la piste, filmée en gros plan. Fin de cinquante minutes qui auront électrisé les uns, pris les autres à rebrousse-poil. Question de génération ? 

Nous retrouverons la comédienne dans la troisième partie, seule en scène et narratrice d’Extinction de Thomas Bernhard, texte-matrice du spectacle, récit d’un universitaire travaillant à Rome en 1983 où Julien Gosselin situe ce set électro qui introduit le monologue final, extrait du dernier roman de l’auteur. « M’emparer de ce texte est devenu une évidence, dit-il. Issu d’une famille bourgeoise de Wolfsegg, un village autrichien, le narrateur apprend la mort de son père, de sa mère et de son frère. Avant d’aller aux funérailles, il va en cinq cents pages, dézinguer tout ce qui a trait à l’Autriche, aux mensonges liés au nazisme, à la bourgeoisie culturelle, à la fausse littérature et à la violence sociale. Il dit qu’il va « tout éteindre » « .

Entre la première et la dernière partie, après un entracte d’une heure, climat orageux… Dans une maison style baroque viennois, se joue un étrange théâtre: nerveux, des personnages se croisent et nous suivons leurs allers et venues et leurs dialogues projetés en gros plan : un film en noir et blanc, format carré à l’ancienne, nous livre ce qui se passe derrière les murs des salons et que nous devinons à peine, à part quelques sorties des personnages sur le perron ou dans les pièces restées visibles à l’œil nu : la chambre à coucher et  la salle de bain. Dans ces espaces intimes,  nous les voyons se vêtir et se dévêtir, faire l’amour, se disputer, se droguer, vomir, déféquer… Pour le reste, deux cameramen (Jérémie Bernaert, Pierre Martin Oriol) s’affairent autour des comédiens et nous transmettent des bribes de scènes, empruntées à Hugo von Hofmannsthal ((1874-1929) et plus larement à Arthur Schnitzler (1862-1931, mort l’année où naissait Thomas Bernhard, décédé, lui, il y a quelque trente ans déjà… Il n’est  donc pas leur contemporain est  comme eux, hanté par cette Autriche à double face.

 Julien Gosselin entrelace ces écritures pour y lire les signes avant-coureurs d’un effondrement. Il nous projette dans la Vienne de la Belle époque, celle d’une effervescence culturelle, d’une émancipation sexuelle, d’une joie de vivre débordantes, mais en arrière-plan, les excellents acteurs allemands et français, portent en eux l’angoisse des protagonistes, à peine sortis de la première guerre mondiale et comme pressentant la catastrophe prochaine. Quelques spectateurs reconnaîtront Lettre de Lord Chandos d’Hugo von Hofmannsthal et d’Arthur Schnitzler :La Nouvelle rêvée, un roman avec Albertine et Fridolin,  La Comédie des séductions avec Aurélie et Falkenir et de larges extraits de la nouvelle Mademoiselle Else.  On y parle musique, psychanalyse, sexe;  on se soûle, défèque, vomit, pleure: décadence sous les lustres de cristal, les corps s’effondrent dans les beuveries, les fêtes confinent au délire! Un univers en lambeaux, avec un final d’apocalypse.

 

Extinction_photo de répétition_5_©Simon Gosselin

photo de répétition ©Simon Gosselin

Les acteurs français et allemands : ces derniers venus de la Volksbühne de Berlin où Julien Gosselin est artiste associé, se partagent le plateau. Un habile tissage des deux langues et de parfaits sur-titrages nous permettent d’apprécier leur jeu précis, plus expressionniste outre-Rhin, plus intime en deçà. Malgré la distance que met l’écran entre eux et nous, le théâtre n’est pas loin, ils l’habitent en fantômes du passé. Même si tout est trop long, trop cinématographique, voire fastidieux, le public, s’il arrive à s’accrocher, adhérera sans réserve à ce morceau de bravoure visuel de deux heures trente.

Dans la troisième partie de ce spectacle -qui dure au total  cinq heures et demi avec deux entractes-  nous avons enfin le plaisir de retrouver le théâtre. Seule sur une estrade, Rosa Lembeck nous restitue, en v.o., le début d’Extinction. Quelques spectateurs ont pu s’installer devant elle sur le plateau et les autres suivront son monologue sur scène aussi relayé en gros plan sur écran: gestes précis et diction musicale. Dans ce texte, l’auteur veut éradiquer ce qui fit et qui fait l’Autriche, depuis sa propre famille, jusqu’à la classe politique, pas encore sorties du nazisme… La langue de Thomas Bernard, dite avec douceur, apparaît non comme une logorrhée haineuse, mais comme un beau moment littéraire d’une grande force vitale, et comme un chagrin que Julien Gosselin aurait exorcisé: « Je veux, dit-il, travailler sur deux façons d’approcher la négativité, ce que l’on pourrait appeler le nihilisme des auteurs avec qui j’ai grandi, comme Michel Houellebecq observant que tout est fini et qui regarde la fin du monde avec résignation. L’autre manière d’aborder cette négativité, c’est quelque chose comme une négativité de combat. Il y a un non, une violence du non, un refus, une façon de tout détruire ou de tout brûler qui en fait est un pouvoir de vie. J’avais envie que le spectacle, en passant par Thomas Bernhard et d’autres auteurs, traite de cette question là. »

Julien Gosselin aura fait passer ce message avec talent à ceux qui auront résisté jusqu’au bout… Ce spectacle rigoureux doit beaucoup à la scénographie de Lisetta Buccellato, à l’habileté de l’équipe technique franco-allemande et au jeu sans faille de Guillaume Bachelé, Joseph Drouet, Denis Eyriey, Carine Goron, Zarah Kofler, Rosa Lembeck, Victoria Quesnel, Marie Rosa Tietjen, Maxence Vandevelde, Max Von Mechow.

Après avoir porté à la scène Michel Houellebecq, Roberto Bolaño, Don DeLillo, Leonid Andreïev, Julien Gosselin a entamé un cycle sur la littérature allemande à la Volksbühne, avec Sturm und Drang un spectacle qui  explore le romantisme d’outre-Rhin  dont Johann Wolfgang von Goethe fut une des figures emblématiques. Deuxième volet de cette aventure: Extinction. Cet opus radical et clivant résonne étrangement avec notre présent : une guerre si proche, et la montée de l’extrême-droite partout en Europe. À voir? Chacun en jugera…

Mireille Davidovici

Le spectacle a été créé du 2 au 4 juin, au Printemps des comédiens au Domaine d’Ô, Montpellier (Hérault.

 Du 7 au 12 juillet, festival d’Avignon, cour du Lycée Saint-Joseph.

 Les 7, 9, 10, 14 septembre ; les 7, 8, 20, 21 octobre et les 5 et 6 janvier, Volksbühne am Rosa-Luxemburg Platz, Berlin.

Les 10 et 11 novembre, De Singel, Anvers (Belgique) ; le 18 novembre, Le Phénix, Festival Next, Valenciennes (Nord). Du 29 novembre au 6 décembre, Théâtre de la Ville, Paris. Et les 23 et 24 mars, Théâtres de la Ville de Luxembourg ( Luxembourg).

Adieu Maria Lampadaridou-Pothou

Adieu Maria Lampadaridou-Pothou

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©x Avec Jacques Lacarrière

Née en 1933 à Myrina, la ville la plus importante de Lemnos, une île près de Lesbos, fait publier Rencontres, son premier recueil de poésies. L’écrivain Odysseas Elytis (1911-1996) prix Nobel de littérature en 1979, la qualifie de « poète » et écrit que son langage « tend à capturer la virginité et l’unicité des choses ».
Nommée par concours greffière pour le district de Lemnos, elle entre ensuite à l’Université Panteion à Athènes et, en 1963, est détachée au tribunal de la capitale où elle résidera. Elle publie 
EtudeLa Vision d’Alexis Fera et une pièce, La Petite Cage, qui, en 1965, est récompensée par le Groupe des Douze dont entre autres, Elytis, Terzakis, Theotokas, Athanasiadis, Alkis Thrylos.

L’année suivante, elle obtient une bourse du gouvernement français pour aller étudier le théâtre pendant un an à la Sorbonne. Elle s’y familiarise avec des auteurs Albert Camus, Franz Kafka, Bertolt Brecht, et avec le théâtre dit de l’absurde. Samuel Beckett l’a profondément influencée et quand elle voit Oh ! Les beaux jours en 1967, à l’Odéon à Paris, elle lui demande aussitôt de traduire cette pièce et entame avec lui une correspondance qui durera longtemps.
Elle devient la traductrice en grec de son œuvre et écrit aussi un essai,
Samuel Beckett-L’expérience de la douleur existentielle publié en 1983 et préfacé par Jacques Lacarrière.
En 1987, elle est récompensée par l’Académie d’Athènes pour son roman historique Maroula de Lemnos. Deux ans plus tard, elle publie Passage mystique un poème qui a été traduit en français, et présenté par l’écrivain Jacques Lacarrière (1925-2005).

Quand la dictature arrive en Grèce en 67, Maria Lampadaridou-Pothou est encore à Paris où elle suit des cours à la Sorbonne mais écrit aussi des pièces, comme cette poétique et surréaliste Boîte en verre traduite en français par Anne Creuchet et La petite cage. Mais elles ne furent pas représentées à cause des événements de mai 68 à Paris. La Boîte en verre avait impressionné Samuel Beckett qui l’avait envoyée au metteur en scène Jean-Louis Barrault qui vait monté Oh! Les beaux jours avec son épouse Madeleine Renaud. Puis elle écrit une pièce Antigone-La nostalgie de la tragédie, qu’aima beaucoup Bernard Dort, un de ses enseignants à la Sorbonne. En 1996, cette pièce, traduite en anglais par Minoas Pothos et Rhonda Kaufman, a été jouée à l’Université Hayward (Californie) où une Semaine de la Culture grecque avait été organisée parallèlement aux représentations.

En 1967, quand elle revient en Grèce mais à cause de la dictature des colonels, elle a une vie difficile : à Paris, elle avait participé aux manifestations organisées en faveur de la Grèce par Jacques Lacarrière! Mais elle réussit à faire jouer au Théâtre National d’Athènes Le Bal d’Electre qui dépeignait les activité de cette junte, bien que le projet ait été d’abord censuré. Les représentations eurent lieu sous surveillance policière mais cette pièce eut une grande influence.

Les autres comme The Rafts ont été aussi jouées au Théâtre National et à Toronto. La Boîte en verre a été mise en scène à la Sorbonne par Charles Antonetti (1911-1999) acteur et metteur en scène, puis instructeur national d’art dramatique. Antigone Or the nostalgia of tragedy, a été publiée dans la revue Education et Théâtre  à Hayward University,

En 1982, sa Lettre à mon fils et à une étoile  été éditée et appréciée par un large public. Cinq thèses de doctorat ont été faites sur son œuvre aux Universités de Bari (Italie), Athènes et Patras et dans de nombreux pays, où son œuvre est aussi toujours étudiée. Maria Lampadaridou-Pothou a longtemps collaboré à des magazines comme Kathimerini et Kathimerini, Vima tis Kyriaki, Eleftherotypia, Ethnos, Diavazo magazine, Literary Themes.

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Ses obsèques auront lieu demain 20 juin à Myrina (Lemnos).

Le Cadeau des Dieux, texte, mise en scène et musique de Shams Bouteille

Le Cadeau des Dieux, texte, mise en scène et musique de Shams Bouteille

Sur la petite scène du Café de la Gare, à une époque indéterminée et dans une nature ingrate, arrive un homme curieux médecin-psychiatre-dentiste comme, du moins, il se présente. Epuisé avec juste une mallette avec ses instruments dérisoires: une grosse seringue en inox, un vaporisateur avec produit spécial guérissant tout ou presque, fioles de médicaments… Il demande du secours à un homme aux longs cheveux, et deux femmes, l’une en longue robe blanche et l’autre en pantalon de cuir, munie de deux grosses pinces de serrage à ressort. Questionné, il n’est pas très clair sur les raisons de sa présence et il apprend de ces gens qu’ils sont: le juge, l’avocate à son procès et l’éventuel bourreau qui l’attend lui, un futur condamné qui risque la peine de mort.
Bien sûr, il va soigner aussitôt et par deux fois la jeune et jolie avocate d’un terrible rage de dents. Elle en tombe amoureuse et il y aura de multiples rebondissements. Cela tient parfois d’un conte, comme ceux de la fameuse collection Contes et légendes qui fit les délices de millions de petits Français, quand n’existaient pas encore les jeux vidéo et les dessins animés bien vulgos à la télé…

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©x Le médecin, le juge, l’avocate, le bourreau.

Le tout a les airs loufoques des pièces du célèbre Café de la gare, que Romain Bouteille disparu il y a juste deux ans avait écrit et mis en scène avec Coluche, Sotha, l’autrice-maison  (toujours aux manettes et qui accueille avec gentillesse le public), Henri Guybet, Patrick Dewaere et Miou-Miou. Il a encore eu la force de participer à la création de son fils, Shams. Une bonne occasion de lui rendre hommage… Le célèbre Café de la Gare installé en 69 rue d’Odessa (près de la gare Montparnasse pour ceux qui ne sont pas de la paroisse), est arrivé dans la salle actuelle trois ans plus tard.

D’autres acteurs passeront par ce qui fut aussi une sorte d’école de l’acteur auto-proclamée comme, excusez  du peu: Gérard Depardieu, Renaud, Rufus, Martin Lamotte, Thierry Lhermitte, Diane Kurys, Coline Serreau mais aussi Josiane Balasko, Anémone, Roland Giraud, Philippe Manesse. Bref, une véritable pépinière… d’où sera issue la troupe du Splendid avec Thierry Lhermitte, Christian Clavier, Josiane Balasko, Gérard Jugnot, Michel Blanc, Marie-Anne Chazel…

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« Il devenait important, disait Romain Bouteille, pour Coluche et moi, de faire un théâtre qui n’avait pas existé: un théâtre avec l’interdiction d’interdire.» (…) On ne devient pas célèbre au Café de la Gare, c’est quand on en part qu’on le devient car le côté star, qui implique des concessions, ne faisait pas partie de notre état d’esprit. » Au menu des quelque trente pièces écrites par Romain Bouteille, nous nous en souvenons encore: gags, insolence humour, absurdités plein pot sur fond d’anarchisme, prix d’entrée tiré à la loterie…Puis le temps des « collectifs », comme on disait déjà et l’esprit du Café de la Gare passèrent. Vers 1990, Romain Bouteille s’installe à Etampes où il crée un petit théâtre, Les Grands Solistes, avec son épouse, l’actrice Saïda Churchill.

Ici, ouf! Et cela fait du bien par les temps qui courent: pas de fumigènes, micro H.F., jeu dans la salle ou autres conneries du genre… Mais du vrai théâtre, simple et artisanal, avec juste quelques accessoires et costumes. Shams Bouteille sait comme son père  construire une intrigue teintée d’absurde avec un thème récurrent: la maladresse des Anglais (un gentil clin d’œil ironique à sa maman?) et dirige ses acteurs Ilona Bachelier, Anastasia Joux, Adrien Parlant et lui-même, avec une grande rigueur. Tous concentrés, ils ont aussi une excellente diction. Merci qui? Coco Felgeirolles dont certains ont suivi l’enseignement. Il y a une bonne unité de jeu et aucun temps mort: il se passe toujours quelque chose sur le plateau… Mention spéciale à Ilona Bachelier en avocate; cette jeune actrice a déjà beaucoup joué au cinéma (récemment dans La Vérité si je mens! Les débuts). Elle fait penser à Miou-Miou, avec le même regard pétillant d’intelligence et d’humour…

Ici, les « bonnes mœurs », la religion, la justice, la médecine en prennent pour leur grade, comme disaient nos grands-mères. C’est souvent drôle, même s’il y a des longueurs vers la fin de cette courte pièce et mieux vaut oublier quelques petites chansons souvent en chœur, du genre parlé/chanté mais pas très au point.
Ce Cadeau des Dieux finit par un retournement de situation bien ficelé que nous vous laisserons découvrir. Au chapitre des bémols, une écriture pâlichonne: là, nous sommes restés sur notre faim. Nous aurions aimé que cela soit un peu plus fou, un peu plus délirant comme le début mais bon, c’était seulement la troisième représentation avant l’envol pour Avignon et le spectacle a tout pour se bonifier, à condition d’être vraiment resserré.
Mais il faut soutenir ces jeunes acteurs. Aux saluts, Shams Bouteille, a eu un mot merveilleux: visiblement ému de se se retrouver là où son père a autrefois créé ses spectacles:  » Il n’a pu, dit-il, voir le première de ce Cadeau des Dieux car il avait rendez-vous pour un casting, ce jour-là…

Philippe du Vignal

Spectacle vu  au Café de la Gare,  41 rue du Temple, Paris (IV ème). T. : 01 42 78 52 51. Festival d’Avignon off, du 7 au 27 juillet, B A Théâtre, 25 rue Saint-Jean le Vieux. T. : 04 65 87 54 40.

Sur les ossements des morts, d’après Olga Tokarczuk, mise en scène de Simon McBurney (en anglais, surtitré en français)

Sur les ossements des morts, d’après Olga Tokarczuk, mise en scène de Simon McBurney (en anglais, surtitré en français)

Toute adaptation d’un roman comporte un risque comme celui qu’a pris Simon McBurney, en adaptant au théâtre, le roman de cette autrice polonaise, prix Nobel de littérature 2018. Avec une série de crimes mystérieux touchant braconniers ou policiers, sur des lieux où on retrouve toujours des traces animales, il y a ici un douloureux constat prémonitoire. En détruisant sans arrêt la Nature, l’humain masculin dominateur creuse sa propre tombe.

« C’est pourtant simple, l’homme a un énorme devoir à accomplir envers les animaux: les aider à vivre leur vie jusqu’au bout; quant aux espèces apprivoisées, il doit leur procurer amour et tendresse, car les bêtes nous donnent bien plus qu’elles ne reçoivent de nous.Il est important qu’elles puissent vivre leur vie dignement, qu’elles se mettent en règle avec leur milieu naturel et valident leur semestre dans le registre karmique: ”J’ai été un animal, j’ai vécu et mangé; je suis allée dans les pâturages verts, j’ai mis bas et j’ai réchauffé mes petits de mon corps; j’ai construit des nids, j’ai fait ce qui était de mon devoir.”

(c) Alex Brenner

©Alex Brenner

“Quand, dit le personnage principal Janina Duszejko, on tue des animaux et qu’ils meurent dans la peur et la terreur, comme ce sanglier dont le corps s’étalait hier à mes pieds, et qui doit se trouver au même endroit, couvert de boue et de sang séché, transformé en charogne, alors on les condamne à aller en enfer et le monde entier devient l’enfer. Les gens ne le voient-ils pas? Leur esprit est-il capable de dépasser leur petit plaisir égoïste? « 
Cette ingénieure à la retraite vit seule dans un village au sud de la Pologne. Elle nous parle souffrance animale, débilité et violence des chasseurs nocifs, hyper-protégés par nos sociétés occidentales. Un « lobby » qui est une honte institutionnelle, y compris en France.

Ce roman est une fable écologique, féministe et ésotérique où son autrice dénonce le patriarcat et ses dérives, en particulier dans la Pologne actuelle. Mais nous n’avons pas retrouvé cette condamnation de la violence dans cette forme de théâtre-récit trop lisse.
Nous retenons surtout les meurtres et l’enquête mais on ne vous dévoilera pas le dénouement… Tel Don Quichotte, Janina Duszejko, jouée avec conviction par Amanda Hadingue, s’oppose à un petit monde de notables qui la prend pour une folle.
Elle vient de perdre ses deux chiennes, ses « petites filles » comme elle dit et est un témoin privilégié. Micro à la main, elle prend le public à témoin. Tous les acteurs sont remarquables comme la scénographie de Rae Smith. Mais trop souvent, règne une demi-obscurité pour que nous puissions voir les vidéos des lieux de l’intrigue. Ce spectacle de deux heures cinquante avec entracte, à la réalisation impeccable est décevant à cause de son côté trop sage….

 Jean Couturier

 
Jusqu’au 18 juin, Théâtre de l’Odéon, place de l’Odéon, Paris (VI ème). T : 01 44 85 40 40.

Le roman, traduction française de Margot Carlier, est publié aux éditions Libretto.

On va faire la cocotte de Georges Feydeau, adaptation et mise en scène de Jean-Paul Tribout

On va faire la cocotte de Georges Feydeau, adaptation et mise en scène de Jean-Paul Tribout

© Fabienne Rapeneau

© Fabienne Rapeneau

C’est la dernière pièce du dramaturge écrite peu avant sa mort en 1921. Avec un titre clair, et provocateur du moins il y a un siècle : cocotte n’est plus employé, sinon pour faire des plats longtemps mijotés. On dirait aujourd’hui : pute ou call-girl. Comme dans ses autres comédies, c’est une histoire de couple… voire même de plusieurs. Mais avec une crudité dans ces dialogues très bien écrits et tout à fait étonnants. Du genre : « Tu me trompes cérébralement. L’infidélité de la femme commence au moment même où elle peut envisager sans horreur, la possibilité de se donner à un autre.”proclame Alcide Trévelin (Xavier Simonin), le mari de la jeune et séduisante Emilienne (Caroline Maillard) qui ne va pas le rater: “Oh! Alors! A ce compte-là, il n’y a pas un mari qui ne soit pas cocu.”

Cette jeune bourgeoise en assez de ce mari goujat aux multiples aventures. Il veut cyniquement qu’elle reste à la maison, alors qu’il va rejoindre sans aucun scrupule, une jeune prostituée: “L’homme, dit-il, est un soutien pour sa femme, la femme n’en est pas un pour son mari, donc, il peut sortir sans elle. »Bien entendu, Emilienne va vite lui rendre la monnaie de sa pièce et veut avoir, elle aussi, une sexualité libre, y compris, lui dit-elle, en allant faire le trottoir. Mais aussi une part du gâteau érotique, loin des de la morale conventionnelle. Pas loin d’un siècle avant les revendications féministes…

Sur le petit plateau, rien des accessoires indiqués dans la longue didascalie de l’auteur : La chambre à coucher des Trévelin. Lit de milieu, au fond, face au public. A droite du lit, une table-guéridon tenant lieu de table de nuit ; sur ce guéridon, un téléphone, etc… Ici, des caisses en bois avec portes ou couvercles où les personnages entrent  et sortent, le plus souvent, avec une certaine acrobatie, surtout les actrices en robe longue. La scénographie d’Amélie Tribout, encombre un peu la scène mais fonctionne bien.

Olympe (Claire Mirande), grande amie d’Emilienne pleine d’énergie comme elle… a aussi un mari coureur de filles qu’elle surveille de près. Elle va la pousser à prendre sa liberté et à se trouver un amoureux. Zéro partout: il faut que justice soit faite dans le domaine sexuel. Mais cela se complique : le jeune homme standardiste du téléphone (Samuel Charle) arrive, suivi de peu par une belle et provocante jeune femme (Julie Julien) celle qu’Alcide allait justement rejoindre.Nous ne vous dévoilerons pas la suite que Jean-Paul Tribout a habilement tricoté d’après Guy de Maupassant, comme si c’était du Feydeau pur porc. Ni vu ni connu. Chapeau !

Et il a imaginé une mise en scène avec beaucoup de finesse et d’intelligence, très rythmée et il y a des petits airs joués et quelques chansons, le tout accompagné par Dario Ivkovic à l’accordéon. Jean-Paul Tribout a laissé l’intrigue se dérouler vers 1900. Mais et c’est là tout le génie de Georges Feydeau: actualisée, elle garderait, à quelques détails près, la même force grâce à des dialogues ciselés et à un scénario bien ficelé : Trévelin : Parce que ! les premiers temps, c’est toujours ainsi, c’est l’impatience de l’amour, mais après… après… ça deviendrait de l’animalité. Emilienne ; C’est charmant ! Alors, après, fini l’amour. Trévelin : Non ! non, pas fini l’amour, mais finies ses impatiences. (…) Ou encore : Emilienne : Non, vraiment, c’est pas juste ! Voilà notre lot, à nous autres femmes mariées. On vous dit : vous n’aurez droit qu’à un seul homme pour toute la vie, ou enfin pour toute sa vie… et voilà ce qu’on a , au bout de quelques mois, un monsieur qui a l’air de vous faire une grâce quand on lui dit : « Allons, viens te coucher !  » (..) Mais sapristi ! au moins qu’on vous en laisse prendre un autre de rechange, qu’on nous permette de varier un peu. »
Et une dernière, pour le voyage d’Emilienne au pays de l’amour: « Qui est-ce que je vais trouver ? De qui, ma nuit sera-t-elle faite? C’est l’émotion de la chasse, la course au gibier. Hier, un jeune perdreau, demain, un lièvre. »

Nous avons souvent ri de bon cœur: le théâtre contemporain est du genre pingre côté comique. Ici, pas de note d’intention prétentieuse, fumigènes, micros H.F., lumières compliquées… Mais du vrai et bon théâtre, très simplement et bien joué.  Mention spéciale à Caroline Maillard. Ne vous en privez pas, même si l’horaire : 18 h 30, n’est pas des plus faciles. Le spectacle sera sans doute repris. Allez-y, vous ne le regretterez pas.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 17 juin, Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des Champs, Paris (VI ème). T. :  01 45 44 57 34

Festival Départ d’incendies Méphisto de Klaus Mann, adaptation de Jérémie Lebreton et Joseph Olivennes, mise en scène de Jérémie Lebreton

Festival Départ d’incendies

Méphisto de Klaus Mann, adaptation de Jérémie Lebreton et Joseph Olivennes, mise en scène de Jérémie Lebreton

Ce festival de théâtre réunit des jeunes compagnies au Théâtre du Soleil. Inspiré de Premiers Pas créé par Alexandre Zloto et Ariane Bégoin sous l’impulsion d’Ariane Mnouchkine de 2003 à 2012. Méphisto, un roman qui a fait l’objet de nombreuses adaptations au théâtre, comme celle d’Ariane Mnouchkine en 77 au Théâtre du Soleil, à quelques dizaines de mètres de cette salle…
En 1936, Klaus Mann, fils de Thomas, l’écrit pour lutter contre la mollesse et la passivité des artistes envers le régime du Troisième Reich, mis en place par Hitler trois ans avant. Une histoire vraie, celle de Gustaf Grundgens, un grand acteur qui fréquentait l’avant-garde artistique sous la République de Weimar.  Ancien mari d’Erika, la sœur aînée de Klaus Mann, il était un ami personnel de l’épouse de Göring et se ralliera au Troisième Reich. Paradoxe allemand, il continua à jouer après la guerre jusqu’à sa mort en 1963…

On croise dans ce roman, une jeune femme Nicoletta qui rappelle Pamela, l’actrice et fille du grand auteur Wedekind; elle se fiance en 1924 avec Klaus Mann, son ami d’enfance. Mais elle épousera le dramaturge Carl Sternheim. Il y a aussi Carola Martin, un double de Carola Neher, la jeune actrice de Brecht et Wedekind, chassée par le nazisme… Et Theresa, un personnage inspiré de Theresa Giehse, décoratrice et comédienne au Moulin à Poivre, un cabaret littéraire et satirique qu’elle créa avec courage en 1933 pour lutter contre le nazisme, juste un mois avant qu’Hitler ait pris le pouvoir. Un monde artistique où tout le monde se connaissait, voire plus si affinités, et qui s’écroulera…
Trois ans avant, Klaus Mann avait dénoncé le danger nazi et avec sa sœur Erika, il essayera de mobiliser contre Hitler les intellectuels en Europe, avec leur oncle Heinrich, André Gide et Aldous Huxley. En 1933, son père Thomas s’exile en France, puis en Suisse. Klaus, lui, déchu un an après, de la nationalité allemande, part pour Amsterdam où il dirige Die Sammlun, une revue antifasciste ouverte aux émigrés. Il se suicidera sur la Côte d’Azur en 49. Il avait quarante-deux ans!
© Nicolas Brodard

© Nicolas Brodard

Grundgens rêve de jouer au Théâtre National de Berlin, au mieux avec le régime nazi.  L’acteur renonce aux valeurs  pour satisfaire une ambition artistique sans limites. «L’une des premières intentions de ce projet, dit le metteur en scène, est de mettre en dialogue et en perspective les questions de fond que soulève cette histoire: l’ambition, le pouvoir, l’art, le bien, le mal, l’intégrité artistique…
Mephisto
 est un spectacle pensé comme une méditation sur les pouvoirs du théâtre: jouer de la fascination pour en interroger les travers. (…)
Travailler la multiplicité des sources et des matières, c’est tenter une approche polysémique de la question et éviter un discours unique, polarisant, entre bien d’un côté, et mal de l’autre. »Notre adaptation qui s’inspire librement du roman, convoque à la fois les figures historiques et romanesques. Nous racontons l’histoire d’un groupe d’amis qui veut, par l’art, changer le monde. Nous suivons leurs évolutions dans le monde théâtral des années 1920 en nous concentrant sur la trajectoire de l’un d’eux : Gustaf Grundgens, alias Hendrik Höfgen. « 

Et si c’était de nos jours?  On comprend que Jérémie Lebreton ait eu envie de mettre le doigt là où cela faisait mal: des choix à la fois personnels et politiques au mauvais moment  et au mauvais endroit. Un tel roman peut aussi «faire théâtre», comme disait Antoine Vitez et il y a eu de nombreuses adaptations comme celle en 77, dans une mise en scène exemplaire d’Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil, donc à quelques dizaine de mètres de cette salle. Avec une remarquable scénographie bi-frontale du regretté Guy-Claude François. Souvenirs, souvenirs…
Ici, dans cette grande salle de répétition, cela commence plutôt bien : trois jeunes actrices drôles et emperruquées offrent gentiment des bières aux spectateurs. Sur le plateau au sol noir, quelques chaises pliantes en bois, des caisses de rangement sur roulettes, une malle en fer d’où seront extraits quelques costumes. Et côté cour, une  longue table de maquillage. Dans le fond, un rideau rouge; à côté, une batterie et son interprète.
C’est un texte où il y a beaucoup de faux monologues mais finalement peu de substance, avec un dramaturgie aussi prétentieuse que la note d’intention citée plus haut et où les personnages sont seulement esquissés. Le spectacle souvent couvert par cette batterie amplifiée, ce qui n’arrange rien.
Angèle Arnaud Cyprien Colombo, Jeanne Guittet, Théo Kailer, Alba Porte et Isaline Prévost Radeff ont tous une bonne diction mais crient sans arrêt ou presque et, quand c’est au micro, cela devient insupportable. Bref, la direction d’acteurs est aux abonnés absents!

Côté mise en scène, nous avons droit aux poncifs habituels: jeu dans la salle, spectateur invité sur le plateau à faire de la figuration intelligente, lumières stroboscopiques rouge et vert… L’ensemble, malgré la belle présence, la générosité de tous les interprètes surtout des jeunes actrices, distille un ennui de premier ordre pendant la première heure d’un spectacle qui en dure presque deux!
Quand arrivent alors de très épaisses nappes de fumigène auxquelles par miracle, nous avions jusque là échappé! Là, stop! La vie est courte et il restait encore trois quarts d’heure à supporter! Nous avons donc quitté, et sans aucun état d’âme, cette mauvaise chose dans une salle surchauffée pour aller retrouver la verdure bienfaisante de la Cartoucherie.

Mais pourquoi un tel choix? Qui, des organisateurs de ce festival, a vu ce spectacle et lu ce texte avant qu’il soit programmé? Que sauver du naufrage? Pas grand chose, sinon le professionnalisme des acteurs que nous aimerions voir dans une véritable mise en scène. Va-t-on jusqu’à la Cartoucherie pour quelques belles images? Non! On ose espérer que les autres spectacles de ce festival ne sont pas tous du même tonneau…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 12 juin à la salle de répétition du Théâtre du Soleil, Cartoucherie de Vincennes.
Le festival se poursuit jusqu’au 4 juillet.

Adieu Yannis Markopoulos

Adieu Yannis Markopoulos

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La Grèce va faire ses adieux au grand compositeur. Né à Héraklion (Crète), de Georgios Markopoulos et Irini Aeraki, il avait quatre-vingt quatre ans. Enfant, il prit ses premiers cours de théorie musicale et de violon au Conservatoire de Ierapetra. Puis, en 1956, il poursuit ses études au Conservatoire d’Athènes, avec le compositeur Georgios Sklavos et le violoniste Iosif Boustindoui.
En même temps, il est admis en études sociales et philosophiques à l’Université Panteion et écrit de la musique pour le théâtre, le cinéma et la danse. Dont en 1959, Trois sketches pour la danse qui seront joués et enregistrés par l’Orchestre symphonique de l’E.I.R. Quatre ans plus tard, il a reçu le prix de  la musique de Little Venuses de Nikos Koundouros au festival du film à Thessalonique. Cette même année, il écrit les partitions des ballets Theseus, Hiroshima et Three sketches for dance.

1967 : dictature des colonels en Grèce jusqu’en 74 ! Yannis Markopoulos s’exile à Londres où il enrichit ses connaissances musicales auprès de la compositrice Elisabeth Lutyens. Il écrit une cantate profane Hélios Ier pour un poème d’Odysseas Elytis. Cet écrivain obtint le prix Nobel de littérature en 1979.
Yannis Markopoulos écrit aussi la musique pour Lysistrata d’Aristophane, mise en scène de Karolos Koon au Théâtre d’Art à Athènes. Parallèlement, il achève une cérémonie musicale Idou o Nymfios où il a gardé un air de Zavara Katra Nemia, une de ses chansons les plus célèbres, interprétée par, entre autres, la grande Nana Mouskouri, une Crétoise comme lui.

A cette époque, il rencontre les compositeurs Iannis Xénakis (1922-2001) et Yiannis Christou (1926-1970) et fréquente les œuvres musicales les plus novatrices. A Londres, il écrit des chœurs pour orchestre symphonique et pour ses trois premières danses pyrrhiques (sur les vingt-quatre qu’il acheva en 2001). Elles furent jouées en 1968 par le London Symphony Orchestra, au Queen Elizabeth Hall. Puis il compose une partition pour La Tempête de Shakespeare, mise en scène de David Jones au National Theatre Company.

Au début des années soixante-dix, il réalise son projet musical avec des œuvres qui sont autant de nouvelles propositions en Grèce. Unité esthétique et point de vue philosophique:  pour un nouveau schéma orchestral avec instruments symphoniques et instruments ruraux. Avec aussi des mélodies, rythmes, structures harmoniques et timbres originaux. On sent chez lui une envie de retour aux sources:  il veut « concevoir l’avenir, avec introspection, étude et approche des sources impérissables de l’art vivant du monde et d’informations sélectionnées sur l’art contemporain ». Et cela prendra les dimensions d’un mouvement artistique.

Le compositeur Nikos Xylouris fut une sorte de catalyseur pour lui  et il collabore à sa Chronique. Il y trouve sans doute ce qui lui manquait dans les essais qu’il avait faits avec Grigoris Bithikotsis et Faradouris et qui l’avaient laissé insatisfait. C’est le point de départ pour Rizitika et marquera une apogée avec Ithagenia (1972), une des plus grandes œuvres de l’histoire de la musique grecque contemporaine.
La vision de Yannis Markopoulos prend forme. Sous l’influence de la musique de la Grèce antique, des chants byzantins de l’église d’Agios Georgios à Ierapetra et des traditions folkloriques. Mais aussi de Béla Bartok, Igor Stravinsky et des compositions électroniques vers 1960 en Europe…

Puis il crée des œuvres représentatives de la musique grecque et un peu plus tard, fonda l’orchestre Palintonos Armonia Orchistra, avec à la fois des instruments de musiques symphonique  et populaire. En 76, il compose une partition pour Who Pays the Ferryman? une série de la B.B.C. Elle atteint le sommet des ventes en Angleterre et acquiert une renommée internationale…

L’année suivante, il écrit Les Libres Assiégés, d’après le poème de Dionysios Solomos, une œuvre qui sera créée sous sa direction devant 22.000 jeunes au stade d’Athènes. Grâce à cette popularité, il reçoit de nombreuses invitations à faire des concerts, notamment à New York, Philadelphie, Chicago, San Francisco, Toronto, Montréal, Stockholm, Amsterdam, Naples, Paris, Berlin, Munich, Francfort, Bruxelles, Londres. Mais aussi en Russie et en Australie.
Il écrivit aussi des musiques pour le théâtre antique : Euripide, Aristophane, Ménandre. Et pour des pièces de Shakespeare, Tchekhov, Beckett et des dramaturges grecs contemporains. Et enfin pour les films de Koundourou, Dassin, Kosmatos, Manousakis, Scalenakis, Grigorios. En 1994, il crée l’une de ses œuvres les plus importantes, L’Opéra d’Orphée, au Palais des Beaux-Arts, à Bruxelles.

Yannis Markopoulos a aussi écrit des chansons comme Les Ennemis sont entrés dans la ville, Les Mots et les années, Mille mille vagues, Lengo, Gigantas, Kato stis Margaritas to alonaki, Kafeneion i Hellas, Notre pays est fermé, Mots plaintifs… des chansons devenues mythiques.  Même chose avec Libre assiégé, Le Soldat de la mer, Parmi les amoureux, Hélios le premier, Chronique Citoyenne, Immigrants… Il a aussi composé des musiques qui accompagnent les vers de poètes comme Solomos, Seferis, Elytis, Myris, Katsaros, Eleftheriou…
Et tous ces airs emblématiques resteront dans la mémoire collective. Merci,Yannis Markopoulos.

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Son corps repose à la cathédrale métropolitaine d’Athènes où ses obsèques auront lieu le 15 juin;  il sera inhumé au cimetière Papagou.

 

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