June Events 2023 : Open/Closed, chorégraphie de Pierre Piton

June Events 2023

Open/Closed, chorégraphie de Pierre Piton

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Open_Closed © Grégory Batardon

Fondé en 1999 par Carolyn Carlson aujourd’hui présidente d’honneur, l’Atelier de Paris devient Centre de Développement Chorégraphique National en 2015. Avec ce festival, il clôt sa saison axée sur les résidences de compagnies et des créations. Fidèle à sa mission de formation continue, il programme chaque année des master-classes avec des figures historiques de la danse, soutient la création mais favorise aussi la reprise des pièces du répertoire avec d’autres théâtres.
Dans cet esprit, une vingtaine de rendez vous -certains gratuits- dans plusieurs lieux parisiens, à la Cartoucherie et dans le bois de Vincennes et sur des places publiques. Et il offre à des chorégraphes de montrer leurs travaux en cours, en prélude aux deux spectacles présentés chaque soir. Cette année encore, le Centre culturel suisse hors-les-murs, à cause de la fermeture de ses locaux pour travaux, présente ici des chorégraphies d’artistes helvètes souvent surprenants.

 

Open/Closed, chorégraphie et interprétation de Pierre Piton

Collé tel un insecte ou un gecko au grand mur en fond de scène, le danseur au long corps élastique essaye de s’y fondre dans des équilibres et contorsions. Accompagné d’une création sonore organique… Sur sa console, Simone Aubert capte le moindre bruissement de ses gestes et, en direct, le transforme en bourdonnements et vibrations. Comme enfermé dans la verticalité du mur, il s’en éloigne pour explorer par reptations l’horizontalité du sol, jusqu’à se coller aux spectateurs assis par terre et obligés de se déplacer. Il ira jusqu’à ramper sous le tapis de danse, séquence étouffante…

Entre convulsions, figures précaires et dans un rapport incongru aux murs et au sol, Pierre Piton met au défi l’en-dedans et l’en-dehors du corps, ses vêtements ôtés et agités en drapeau. Il devient une créature primitive, un monstre sympathique entre insecte et serpent. Sa progression ininterrompue métamorphose la configuration de la salle et rend le public mouvant. Une odeur de terre humide nous parvient dans le clair-obscur du plateau.

Pierre Piton se voit d’une génération «d’un entre-deux », celle d’une dystopie : «Open/Closed est un essai dansé d’extériorisation de cette ambiguïté. Cette performance pense le corps comme flou… L’exploration se fait au sein d’un être changeant, et devenant insaisissable ». En connivence avec la musicienne, il nous entraîne dans un univers bizarre. Invités à nous déplacer avec lui, nous devenons partie prenante de ce solo, troisième création du chorégraphe, aujourd’hui membre du collectif The Field, à la Tanzhaus de Zürich. Un artiste à suivre.

Mireille Davidovici

June Events jusqu’au 17 juin, Atelier de Paris, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. T. 01 41 74 17 07. Métro : Château de Vincennes, puis navette gratuite, ou bus 112.


Archive pour juin, 2023

Festival La Maison Danse, Uzès

Festival La Maison Danse, Uzès

Rebaptisé par la nouvelle directrice du Centre de Développement Chorégraphique National, le Festival d’Uzès ouvre sa vingt-huitième édition. «Plus dense, pour ramasser l’énergie avec des parcours dansés en journée», dit Émilie Peluchon qui signe sa première programmation.
En cinq dates, dix-sept chorégraphes de tous horizons, pour dix-huit spectacles et vingt-quatre représentations dans l’espace public ou dans la salle municipale polyvalente L’Ombrière. Un parcours dans l’ancienne cité ducale et l’occasion d’apprécier son patrimoine. Venue de Danse Dense, plateforme d’accompagnement et de visibilité pour les chorégraphes, Émilie Peluchon, en première ligne pour le repérage de nouveaux talents, cherche aussi à gagner un public jeune et familial, en sortant du minimalisme conceptuel, sans renoncer à l’exigence.

Né sur la scène du jardin de l’Evêché dominé par une magnifique muraille sous les arbres, cet événement annuel n’est pas la seule activité du C.D.C.N. : « Une scène mobile qui nous incite à aller vers les habitants. » Sans lieu propre, la Maison Danse Uzès essaime dans le Gard, apportant le sixième art dans les localités excentrées, tout en tissant un solide partenariat avec la Scène Nationale d’Alès et le Théâtre de Nîmes-Scène conventionnée pour la danse contemporaine.
Les missions du C.D.C.N. ne s’arrêtent pas à la diffusion de spectacles dans le Gard mais vont au-delà, via le réseau très actif des douze autres C.D.C.N. Émilie Peluchon souhaite aussi développer les pratiques amateurs peu présentes à Uzès et dans le  département: « Le conservatoire municipal d’Uzès n’a pas de section danse.» Mais elle a découvert «un énorme réseau underground de pratique hip-hop et quatre danseurs ont été sélectionnés pour les prochains J.O. dans la nouvelle discipline « break dance ». Elle a donc confié à la chorégraphe Valentine Nagata Ramos la réalisation d’un spectacle de battle pour les réunir.

Autre nouveauté de la Maison Danse : un festival d’automne : « Un espace-temps pour le jeunesse isolée dans une ville sans gare et sans transport en commun le week end. En leur proposant des formes qui peuvent les intéresser. L’idée est de lancer la saison et qu’on se retrouve en fin de parcours au mois de juin.»

Comme annoncé, les propositions du festival sont nombreuses  et en une soirée nous avons pu voir quatre pièces, essentiellement au féminin. Émilie Peluchon souhaite accompagner les chorégraphes émergentes, alors que les créatrices ont de moins en moins accès à des postes de direction des Centres Chorégraphiques Nationaux, comme l’a montré une récente étude…

Magdaléna chorégraphie de Chloé Zamboni

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Magdalena © Òandy Kozekwa

Dans la pénombre, à la lumière rasante d’un projecteur et d’une bougie,  deux corps assis, symétriquement enlacés, déploient lentement bras et jambes… Presque jumelles, Marie Viennot et Chloé Zamboni vont prendre diverses postures, formant des figures sculpturales duelles qui rappellent la statuaire classique. A l’origine, les danseuses ont travaillé sur les Variations Goldberg  de Jean-Sébastien Bach, musique aujourd’hui remplacée par la composition électronique d’ Arthur Vonfelt , sourdes nappes sonores répétitives.

Cette ambiance crépusculaire, cette gestuelle parcimonieuse nous invite à la contemplation : une étroite intimité se noue entre les artistes qui s’étreignent puis se séparent, l’une quittant la scène et laissant l’autre à sa solitude, à tour de rôle. L‘économie des gestes met en exergue les variations d’humeur qui se jouent dans cette rencontre physique. Le moindre mouvement du regard, de la tête, des membres, prend une signification et demande une réelle concentration aux spectateurs. Mais la musique somnanbulique ne permet pas, contrairement à celle de Bach, attentive à tout, de rester en éveil tout au long de cette belle proposition, première création de la chorégraphe.

L‘économie des gestes met en exergue les variations d’humeur qui se jouent dans cette rencontre physique. Le moindre mouvement du regard, de la tête ou des membres, prend une signification et demande une réelle concentration aux spectateurs. Mais la musique somnambulique ne nous permet pas, contrairement à celle de Bach, de rester en éveil tout au long de cette belle et première création de la chorégraphe.

G r oove, chorégraphie et interprétation de Soa Ratsifandrihana

Le mot: groove vient du jazz et, plus précisément, du swing des années trente. Cette danseuse et chorégraphe franco-malgache s’en réapproprie le rythme et glisse en silence, lentement féline, puis amplifie ses mouvements à mesure que montent les sons acérés, métalliques et proches de l’esthétique glitch, de Sylvain Darrifourcq et ceux, plus hip hop, d’Alban Murenzi. « Musicalement, la pièce a deux visages, dit Soa Ratsifandrihana, celui du “glitch“ et du “break“ ; je navigue entre différentes danses que mon corps a traversées. Je cite et transforme des danses de l’afindrafindrao de Madagascar, le madison afro-américain, la danse post-moderne… »« 

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©Sandy Korzekwa

Ce métissage musical et grammatical structure ce solo qui évolue d’une rigueur technique, à une libération progressive du mouvement. La danseuse passe de l’univers contemporain d’Anne Teresa De Keersmaeker ou de Boris Charmatz dont elle a été l’interprète, au rituel des danses malgaches. « La recherche de groove, dit-elle, nécessite de se laisser porter par la musique, avec une marge d’improvisation. »
Elle quitte le costume à larges épaulettes, genre cyborg, conçu par Coco Petitpierre, pour retrouver un corps plus naturel.
Installés tout autour d’elle, sous les  arbres du jardin du temple, nous sommes invités à partager dans une grande proximité, le sens du groove. Ce solo, entre puissance tellurique et grâce féminine, nous communique une énergie roborative. Depuis 2016, Soa Ratsifandrihana a créé ses propres chorégraphies. G r oo v e est la troisième après Tendimite (2016) et Folia (2020). Elle est depuis cette année, artiste associée au Kaaitheater à Bruxelles où elle prépare un trio.


For You / Not for you , chorégraphie et interprétation de Solène Wachter

« Pour vous/ pas pour vous », le titre du solo et la répartition bi-frontale des spectateurs annoncent un espace de représentation divisé en deux, que cette créatrice définit en installant des rampes de led qui éclairent alternativement un gradin et laissent l’autre dans l’ombre. Elle adopte la gestuelle d’une pop-star en concert mais s’est aussi inspirée des gestes pratiques des techniciens, comme : donner des tops, rouler des câbles, installer un pied de micro, voir si tout fonctionne bien : « Côté face, dit Solène Watcher, il y a une qualité explosive dans le mouvement, j’ai regardé des “lives“d’Ariana Grande ou Madonna. Côté pile, j’ai observé les techniciens, les gestes de montage et démontage d’un spectacle qui, invisibles du public, créent une grande machinerie.»

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Four you/not for You © Sandy Korzekwa

Au centre du plateau, la soliste alterne ces styles d’écriture, avec des mouvements nerveux, secs et précis et des motifs répétitifs. Elle opère des basculements incessants et rapides d’un côté à l’autre, changeant de mimique pour raconter aux uns, le concert et, aux autres, l’envers du décor. Elle adopte le visage expressif de la star d’un côté, et de l’autre, concentrée, s’applique à des gestes techniques : faire pivoter les barres de leds, les allumer et les éteindre d’un geste sec, en complicité avec Max Adams qui a créé la lumière et opère à vue. D’un côté, on voit la danseuse éclairée en plein visage, de l’autre, comme nous sommes plongés dans le noir, nous distinguons sa silhouette à contre-jour, dansant devant les gradins, le public faisant office de décor.

Il faut un peu de temps pour saisir le principe de cette dramaturgie complexe et en lire les différentes grammaires mais nous sommes bientôt pris dans le mouvement d’une danse électrisée, réglée au millimètre. Solène Wachter déborde d’énergie et nous communique ses emprunts à l’univers double-face d’un concert avec un certain humour.
Sortie du Conservatoire National Supérieur de Paris puis de l’école P.A.R.T.S., cette remarquable artiste participe aux créations de Boris Charmatz, Ashley Chen, Maud Le Pladec et Anne Teresa de Keersmaeker. En compagnonnage avec le Centre Chorégraphique National d’Orléans, elle est aussi artiste associée à la Ménagerie de verre à Paris.

Bless The Sound That Saved A Witch Like Me – Cri(s)…chorégraphie de Benjamin Kahn interprétation de Sati Veyrunes

Sur la scène historique du jardin de l’Évéché, postée devant un grand tapis blanc tendu devant le haut mur de pierre, Sati Veyrunes accueille le public en anglais : « Je veux partager un son avec vous, vous offrir un voyage sans but, je veux partager avec vous un cri de vie… » Son regard bleu, agrandi par des lentilles, accroche les spectateurs. Avec calme, elle investit le plateau et soudain pousse un grand cri, puis se lance dans une danse tournoyante jusqu’au vertige.`

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Sati Veyrunes ©Sandy Korzekwa

Comme hallucinée, elle observe un long silence, puis la voilà en transe. Des éclairages tremblotants et la musique de Lucia Ross soulignent les soubresauts qui traversent son corps. Plus tard, elle se jettera théâtralement à terre, comme sous l’emprise d’une rage inextinguible.  Mais la pluie commence à tomber et inonde vite le plateau: le final de cette pièce intense de quarante-cinq minutes prend alors des allures d’apocalypse…

Deuxième volet d’une trilogie de portraits signés Benjamin Kahn, Bless The Sound That Saved A Witch Like Me – Cri(s)  explore le cri et sa nécessité dans le contexte de la crise géopolitique et climatique. « Pour cette seconde pièce, dit le chorégraphe, j’avais envie, avec Sati Veyrune, de nous connecter à quelque chose de physique. Le cri m’est alors apparu, en tant que forme rapide, en tant que chemin court entre l’intime et le collectif. »
De cri en transe, entrecoupés par de longs silences et des paroles au public, il émane de Sati Veyrunes à la fois une grande candeur, et une puissance de vie et de révolte. Sa danse, magnifiée par la remarquable création-lumière de Nils Doucet, force l’admiration.

Mireille Davidovici

Spectacles vus le 9 juin à Uzès. Le festival La Maison Danse a eu lieu du 7 au 11 juin, 2 place aux Herbes Uzès (Gard) T. : 04 66 03 15 39.

Magdaléna

Le 22 juin, Mouvement sur la ville, Montpellier/plateforme professionnelle.

Du 13 au 17 juillet La Parenthèse, La Belle Seine Saint-Denis, au festival d’Avignon off.

Les 25 et 26 octobre, P.S.O., Comédie de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).  

Les 28 et 29 novembre, Festival Danse Dense Paris -Théâtre de Vanves (Hauts-de-Seine) .

Le 26 mars, Immersion Danse, L’Étoile du Nord Paris ( XVIII ème)

Groove

Le 14 juin, C.C.N. Normandie, Caen (Calvados) .

Le 10 septembre Plastic Dance Flore, Versailles ( Yvelines) ; le 22 septembre, Danse à tous les étages ! Rennes (Ile-et Vilaine).

Le 8 octobre, C.C.N. de Tours (Indre-et-Loire).

Le 4 et 5 décembre, Dance collection, (Japon).

Du 6 au 8 février, Les 2 scènes-Scène Nationale de Besançon (Doubs).

du 1 au 5 avril T2G, Gennevilliers (Seine-Saint-Denis)

For you not for you

Le 11 juin Festival Nomadanse,  Rennes (Ile-et-Vilaine).

Du 23 au 25 novembre, La Ménagerie de Verre et Danse Dense, Paris (XI ème).

Les 23 et 24 janvier, Pôle-Sud, C.D.C.N. de Strasbourg (Bas-Rhin) ; le 31 janvier, La Place de la danse-C.D.C.N. et le Théâtre Garonne, Toulouse (Haute-Garonne).

Le 23 mars, L’Étoile du Nord, Paris (XVIII ème).

Le 23 mai, Le Manège-Scène nationale, Reims (Haute-Marne).

Bless The Sound That Saved A Witch Like Me-Cri(s)…

Le 13 juin, Théâtre de l’Échangeur, Bagnolet (Seine-Saint-Denis) et le 30 juin, festival de Marseille (Bouches-du-Rhône).

Kap O Monde, texte d’Alice Carré et Carlo Handy Charles, mis en scène d’Olivier Coulon-Jablonka

Kap O Monde, texte d’Alice Carré et Carlo Handy Charles, mis en scène d’Olivier Coulon-Jablonka

Sur le petit plateau, quelques cubes de bois blanc et au fond, un châssis avec la fameuse devise en lettres lumineuses : Liberté Egalité Fraternité. Incarnés en alternance par Roberto Jean ou Sophie Richelieu, et Charles Zevaco ou Simon Bellouard, deux étudiants se rencontrent à Paris. Lui ou Elle a réussi à venir d’Haïti y faire des études tout en gagnant sa vie. Une ascension sociale dont rêvent ses parents qui, est-il précisé, ne sont pas des prolétaires.

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Lui ou elle, a été déçu par la politique menée par les dirigeants de son pays. Discipliné et volontaire, il mettra toutes les chances de son côté pour un jour essayer de le faire progresser. Il ne sera pas admis à Sciences-Po comme son ami Matthieu mais fera de brillantes études à Dauphine et pourra entrer dans un organisme international. La roue aura tourné…
Matthieu, lui, habite en banlieue parisienne. Ce fils de professeur d’histoire a envie de sortir au plus vite de ce milieu où il se sent au bord de l’asphyxie. Il abandonnera ses études pour aller faire de l’action humanitaire…justement, cela tombe bien, à Haïti. Mais il comprendra vite qu’il a vécu coupé de la population et que son travail n’aura pas finalement  servi à grand-chose.
«Si les livres d’histoire, les chansons populaires, la culture vaudou, disent Alice Carré et Carlo Handy Charle, parlent sans cesse de la révolution française et haïtienne, si le culte de l’indépendance est au cœur du récit national haïtien, la France délivre de son côté une image très hexagonale de sa révolution et n’y mentionne aucunement ses colonies. »

Exact, ou à peu près. Qui de nous se souvient en avoir eu même un écho au lycée? Avec cette petite forme, bien mise en scène sur le thème des relations que peut avoir ou non, la France avec son ancienne colonie appelée autrefois Saint-Domingue, nous pouvons au besoin en apprendre davantage sur cette île qui subit un fort séisme tous les cinquante ans. Malgré tout, ses habitants les premiers révolutionnaires, réussirent à acquérir leur indépendance… en 1794 et votèrent l’abolition de l’esclavage. Mais Napoléon envoie en 1801, quelque 30.000 hommes, avec pour mission de démettre Toussaint Louverture et de rétablir l’esclavage.
Et cette pauvre île sera ensuite colonisée de 1918 à 1934 par les Etats-Unis, ce qu’on oublie trop souvent! Avec à la clé, des milliers de Haïtiens morts en combattant cette domination. Quant à la France, il faudra attendre 2010 ! pour qu’un Président de la République y vienne. Nicolas Sarkozy y passera quelques heures et ensuite François Hollande viendra quelques jours. Mais jamais Macron!

En une heure et sans aucune prétention, Olivier Coulon-Jablonka réussit à imposer un dialogue philosophico-politique très crédible entre ces jeunes gens qui s’opposent à peu près sur tout, mais avec une vraie complicité, voire une amitié qui restera intacte. Cela tient un peu d’un débat simple et efficace comme on en voit rarement. Pas loin à la fois d’un dialogue platonicien et d’un théâtre de tréteaux, avec parfois juste ce qu’il faut d’humour pour que cette leçon d’histoire de la colonisation française ne soit pas trop didactique.
Un bon spectacle, court, souvent passionnant et très bien joué : ce n’est pas si fréquent et il faut s’en réjouir! Olivier Coulon-Jablonka, en une heure, réussit à donner un autre éclairage sur cet île si loin de nous mais où on parle français. Et où un écrivain comme Dany Laferrière est entré à l’Académie Française…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 30 juin, Théâtre de Belleville, 94, rue du Faubourg du Temple, Paris (XI ème) . T. : 01 48 06 72 34.
Du 12 au 19 janvier 2024, Théâtre de Brétigny-sur-Orge (Essonne).

Pupo di zucchero, texte et mise en scène d’Emma Dante

 Pupo di zucchero, texte et mise en scène d’Emma Dante

Cette créatrice sicilienne est maintenant bien connue en Europe et chez nous, avec vingtaine de spectacles. Entre autres et au festival d’Avignon, en 2014  Les Sœurs Macaluso (Le sorelle Macaluso), puis Bestie di scena où sept sœurs vivent ensemble dans leur quotidien souvent misérable et il y a deux ans Misericordia où trois prostituées élèvent le fils d’une amie décédée.
Emma Dante considère son théâtre comme social; et pas politique. Les acteurs de la compagnie Sud Costa Occidentale parlent en sicilien mais il y a un bon sur-titrage… Elle a ici adapté un conte de l’auteur napolitain Giambattista Basile (1566-1632), tiré de son Pentamérone où dix conteuses narrent cinq histoires différentes pendant cinq jours. Un recueil où se trouvent déjà les plus anciennes versions de Cendrillon, Le Chat botté, Peau d’âne, Blanche Neige, et qui a inspiré, entre autres, Charles Perrault…

Le jour du 2 novembre, c’est la fête des morts en Sicile. «Le théâtre, dit Emma Dante, est donc devenu pour moi le lieu de ces retrouvailles pour ne pas mourir de solitude. A la fois une célébration et un gymnase de la mémoire, un lieu où où s’entraîner à à maintenir vivant le souvenir de ceux qui sont partis.  »

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Ici sur le grand plateau avec des rideaux noirs, aucun décor, juste quelques chaises en bois, une petite table carrée… Cela commence en silence. Dans sa maison, un vieil homme en proie à la solitude, face aux souvenirs et aux images des disparus: son épouse marseillaise, ses trois filles en belle robe noire mortes du typhus, un gendre violent avec son épouse… Que nous verrons revivre bien entendu.
Alors, pour fêter ce jour des morts, il va préparer la petite table, avec du sucre et de la pâte à pain, une sorte de figure humaine qui sera ensuite colorée,  comme le font les familles en Sicile et en Italie du Sud à cette occasion.

Peu de texte, de la musique et des danses… Emma Dante a imaginé une sorte de rituel, avec toujours en arrière-plan, la présence de ses disparus. «L’humanité, disait Auguste Comte, se compose de plus de morts que de vivants. »Ici, la mort se marie avec la vie et le vieil homme reste là seul face à son passé. Au début, il y a ce moment où l’acteur qui joue le vieil homme pétrit cette pâte à pain qui va devenir ce « puppo di zuchero », décoré de sucre vert et boules rouges et qui sera présenté aux spectateurs sur la petite table inclinée.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Plus tard, arriveront ensuite deux portants sur roues qui  se rejoignent avec, au milieu un grand crucifix. Le vieux monsieur va regarder les neuf autres personnages accrocher leurs corps momifiés. Chacun à une place marquée par un numéro et  la sienne occupée par une grande et merveilleuse poupée en longue robe blanche. il posera devant cet autel une quinzaine de petites bougies. Aucune musique, silence complet sur le plateau et dans la salle très recueillie. Un magnifique moment de théâtre.

Cette sculpture-installation a été commandée par Emma Dante à Cesare Inzerillo, un sculpteur palermois comme elle, Une idée théâtrale, de toute beauté et sans aucun doute influencée à la fois par ces corps momifiés et habillés, au couvent des Carmes à Palerme -les derniers, il y a un siècle- et par les spectacles de l’immense Polonais Tadeusz Kantor ( qu’Emma Dante admire beaucoup. Mais quand elle parle d’un «théâtre inachevé, imparfait » que je voulais aussi faire ».
Désolé,mais là, il y a maldonne: nous avons aussi vu tous les spectacles de Tadeusz Kantor (1915-1990) en France comme en Italie et l’avons bien connu. Il était d’une rigueur exemplaire à la fois dans ses mises en scène et scénographies.

Il faut espérer qu’un jour cette sculpture reste intacte et trouve sa place dans un musée d’art contemporain, ou de scénographie comme celui de Moulins (Allier) qui s’est récemment ouvert et dont nous vous parlerons.

Malheureusement, tout le spectacle n’a pas cette grâce et cette rare beauté. Et la gestuelle est inégale, avec à la fois, des mouvements d’ensemble très bien réglés, les belles danses des trois sœurs, ou ce magnifique solo en marche arrière de l’acteur ivoirien Tiebeu Marc-Henry Brissy Ghadout. Mais quand l’acteur qui joue le vieil homme essaye de marcher comme un vieil homme, puis oublie, là, cela ne va pas du tout. Et quand le mari donne des coups de pied dans le ventre de sa femme, il faut se pincer pour y croire! Désolé, mais au théâtre comme le dit souvent notre amie Christine Friedel, il ne peut y avoir ni détails ni excuses, surtout dans la direction d’acteurs. Et il y a des longueurs, alors que le spectacle dure soixante minutes.

En fait tout se passe comme si Emma Dante avait eu du mal à dire à la fois son obsession d’être un jour mangée par les vers et «à raconter quelque chose qui fait partie de la vie. » Ici, ces personnages de conte semblent un peu minces et souvent perdus sur ce plateau noir, jusqu’à la magnifique scène finale, elle exemplaire mais qui exige un grand espace pour être bien mise en valeur.

Alors à voir? Comment ne pas être partagé? Ce spectacle a quelque chose de décevant. A la fois, une réussite indéniable avec des images de toute beauté mais le texte est assez faible faible, un temps et un espace pas très bien gérés. Dommage… Nous vous parlerons aussi de La Scortecata, l’autre spectacle d’Emma Dante qui commencera ici le 17 juin.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 28 juin, Théâtre de la Colline, 17 rue Malte Brun, Paris (XX ème). T. : 01 44 66 52 52.

L’Amant d’Harold Pinter, mise en scène de Ludovic Lagarde

L’Amant d’Harold Pinter, mise en scène de Ludovic Lagarde

 Un couple apparemment heureux et marié depuis dix ans -cela sera dit deux fois- habite dans une belle maison en banlieue chic londonienne. Richard va travailler en voiture à la la City et Sarah, sa femme reste seule. Les jours se suivent et se répètent : départ et retour le soir de Richars, dîner cuisiné par Sarah, avec avant quelques verres de whisky, puis coucher.

Avant de quitter la maison, Richard  demande calmement si elle pense recevoir son amant cet après-midi pour que lui ne revienne pas trop vite. Sarah lui répond que oui. Le matin, coup de sonnette du livreur de lait auquel Sarah n’est pas indifférente. Mais il la quitte très vite. L’après-midi, l’amant arrive mais, curieusement, à part une casquette noire, il ressemble exactement à son mari… qui reviendra le soir. Il avoue à Sarah qu’il voit aussi non une maîtresse, mais une prostituée régulière.

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Le public comprend après un moment que Sarah joue à être cette prostituée et que ce petit jeu qui se répète plusieurs fois par semaine; il correspondrait en fait à la recherche d’un équilibre sexuel, loin du petit confort du mariage… Refrain connu: l’herbe est toujours plus savoureuse chez le voisin mais quand ce voisin est aussi Richard (enfin on ne sait pas trop bien, du moins au début).
Et alors tout se complique. Ce mari jusqu’ici tolérant, va se mettre en colère contre le prétendu amant à qui il veut interdire à jamais sa maison pour faire l’amour à sa belle Sarah, qui, elle, ne semble pas tout à fait d’accord..
Ici,  tout se joue sur fond de de sexualité (le trio classique : le mari, la femme, l’amant mais aussi une invisible prostituée) mais avec un dialogue des plus cyniques entre le mari et son épouse, alors que son prétendu amant vient la voir plusieurs après-midis, comme elle le reconnait. En fait, Sarah, comme on va le soupçonner, mais pas tout de suite… Harold Pinter est un virtuose du genre pour brouiller les pistes. Et l’épouse joue à être la maîtresse de Richard. 

Fin de la pièce sur le lit où il sont enlacés comme un début toujours recommencé mais bien entendu, nous ne saurons jamais la suite. Comment ce couple (sans enfants) arrivera-t-il à vivre longtemps encore ensemble? Ce jeu d’illusion volontairement partagée (mais qui en eu l’idée?) est-il un remède suffisant à long terme pour ce couple résiste à l’usure? Des questions sans réponse distillées avec une certaine perversité par le grand dramaturge. Soixante après, bien des changements dans les rapports dans le couple, puisque même le mariage est moins fréquent que l’union libre, voire le P.A.C.S. Mais comme on a pu aussi le voir ici dans La Collection, la gestion de la liberté sexuelle n’est toujours pas vraiment résolue!
Comme déjà il y a un siècle dans On va faire la cocotte, le racontait Georges Feydeau dans sa dernière pièce restée inachevée pour cause de maladie et décès, avec des répliques virulentes de l’épouse annonçant Mi-Tout. Pas loin de Marivaux et proches de Pinter… Très bien mise en scène par Jean-Paul Tribout au Lucernaire et dont nous vous reparlerons. A se demander même si Harold Pinter ne l’avait pas lue!

L’Amant est une pièce courte mais serrée, et où il y a suffisamment de matière pour que ses  interprètes y trouvent du grain à moudre. Gérard Poitrenaux, dès qu’il entre sur le plateau, est Richard ce mari attentionné envers Sarah mais il sait dégager aussi quelque chose d’un peu faux. Comme s’il mentait tout le temps en vrai professionnel de la chose. Mais l’acteur mari du matin ou du soir n’en rajoute jamais, quand il devient l’amant de l’après-midi. Du grand art. Valérie Daswood est aussi très juste dans ce rôle de grande bourgeoise d’un calme étonnant mais aux paroles cyniques qui vont droit au but. On pourrait juste comme dans La Collection lui demander, surtout quand elle est allongée sur la méridienne ou sur le lit, de parler un peu plus fort.
C’est un très bon spectacle un peu cher mais la qualité franco-anglaise, cela se paye… Harold Pinter comme Samuel Beckett dont il était l’ami, est devenu un classique du théâtre contemporain. Il aura écrit au moins cinq pièces remarquables: Le Retour, L’Anniversaire et Ashes pour Ashes et celles que Ludovic Lagarde a bien fait d’avoir remontées, La Collection et L’Amant.
Même si  elle est plus jouée,  c’est toujours un plaisir rare de la revoir ou de la voir. A conseiller à tous les jeunes gens des écoles et conservatoires de théâtre, s’ils peuvent obtenir un tarif réduit. Ces futurs professionnels y apprendront tout le bonheur qu’on peut ressentir devant une véritable dramaturgie et une mise en en scène solide, sans esbroufe, avec des acteurs expérimentés. Et garantie sans ces très laids micros H.F., fumigènes à gogo, retransmissions-vidéo du visage des acteurs sur le plateau, jeu dans la salle ou longuement face public, lumières stroboscopiques aveuglantes. Bref, toutes les conneries actuelles que nous voyons  chaque soir ou presque, en ce moment…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 25 juin, Théâtre de l’Atelier, Place Charles Dullin, Paris (XVIII ème). T. : 01 46 06 48 24.

Leonarda, texte et mise en scène de Yorgos Kalogeropoulos

Leonarda, texte et mise en scène de Yorgos Kalogeropoulos

Un texte écrit en rimes, riche de jeux de mots, sous-entendus, et plein de fantaisie, humour noir, images cruelles. C’est une adaptation théâtrale de la vie de Leonarda Cianciulli (1894-1970). En 1939, elle a été une tueuse en série et une cannibale. Quand elle apprend que Giuseppe -son fils aîné et son préféré- est incorporé dans l’armée, elle va pratiquer des sacrifices humains et l’en accuse pour le faire condamner à de la prison, et donc ainsi, le sauver d’une mort possible le temps de la guerre.

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Connue sous le pseudonyme de la Saponificatrice de Correggio, elle tue Faustina Setti, Francesca Soavi et Virginia Cacioppo, une ex-soprano qui avait trouvé un poste de secrétaire d’imprésario à Florence. Puis elle découpe leurs corps en neuf morceaux qu’avec sept kilos de soude, elle transforme en savon.Et elle récupère  dans une bassine le sang qu’elle mélange avec farine, sucre,  chocolat, œufs et lait. Elle en fait des gâteaux qu’elle sert aux femmes  lui rendant visite. Elle prétend que ceux cuits avec le sang de Virgina Cacioppo sont meilleurs…

Sept ans plus tard, elle sera jugée et condamnée à trente ans de prison, dont trois en hôpital psychiatrique. Cette histoire, bien connue en Italie, a inspiré plusieurs films comme Black Journal de Mauro Bolognini, La Saponificatrice-Vita di Leonarda Cianciulli d’Alessandro Quadretti, Da Lucia de Roberto Capucci et récemment, Leonarda de Luca Brinciotti. Et au théâtre, Amour et magie dans la cuisine de maman de Lina Wertmüller, Leonarda Cianciulli: Storia di una serial Killer d’Andrea Pilato…

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Le spectacle de Yorgos Kalogeropoulos, lui, est fondé sur le récit de cette histoire sanglante et les six interprètes dont l’auteur lui-même qui joue une étrange figure de voyante, alternent les personnages.
Avec quatre chaises, ils réussissent à créer le mystère, à semer la terreur et le suspense mais d’une manière poétique.

En évitant de tomber dans le mélo et avec un texte aux nuances comiques et tragiques, le dramaturge et metteur en scène rappelle que chacun peut être à la fois victime et bourreau quand il n’est plus maître de ses actes. Et que Leonarda Ciancculli, jeune, avait été maltraitée…

 

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre 2510, 52 rue Themistokleous, Athènes, T. : 00306971756566.

https://www.youtube.com/watch?v=AqrNmYrKEpw&t=3s

Cahin-Caha dialogue pour un homme seul de Serge Valletti, mise en scène de Gilbert Rouvière

Cahin-Caha, dialogue pour un homme seul de Serge Valletti, mise en scène de Gilbert Rouvière

 Deux hommes qui ont un certain âge entament un faux dialogue burlesque. Ils se connaissent depuis longtemps, n’ont plus rien à se cacher, mais très susceptibles, ne supportent souvent pas bien ce que l’un dit à l’autre.
Nous suivons Cahin et Caha dans leur délire pathétique et ce qu’ils peuvent inventer, pour continuer à se parler… Tiens, ils imaginent un crime passionnel pour déguiser une nécessité absolue,  celle d’en finir avec la vie mais alors, seul un véritable ami peut vous aider! Et il faut chercher et trouver la bonne méthode pour que cet crime soit parfait en cas d’enquête policière, etc. Il y a du Beckett là-dedans et du burlesque dans leurs échanges. « Le mieux ce serait peut-être de s’organiser, de commencer à s’organiser. Ce que je pourrais proposer, si j’osais, ce serait qu’un de nous deux se débrouille pour supprimer l’autre, en douceur ! Admettons, ce serait toi ! (…) Tu irais dans la cave et tu t’emparerais de la hache verte, et puis tu remonterais en la tenant fermement dans tes mains, tu enlèverais tes chaussures pour éviter que je t’entende, tu arriverais au premier étage en faisant bien attention de ne pas faire grincer l’avant dernière marche. »

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«J’ai écrit un monologue à deux voix, dit Serge Valletti, Il y a bien deux voix mais il y a une seule personne. En fait, on reconnaît le changement de voix, au changement de ton. Au départ, c’était donc une seule personne qui se parlait à elle-même, et puis, chemin faisant, et comme par jeu, ils ont trouvé chacun leur identité.L’un s’appelle Cahin et l’autre Caha. Ils avancent, ils n’en finissent pas d’avancer en s’interrogeant comme chacun de nous quand nous sommes seuls. Cahin devient Caha, et inversement. »

Juste un paravent à quatre grands châssis blanc crème avec des morceaux de papier peint collé représentant des paons. Et un banc en bois blanc où sont assis ces hommes plus tout jeunes mais élégants en costume noir et chemise blanche et pour le burlesque,  l’un avec des soquettes rouges et l’autre, des vertes.
Daniel Martin, acteur exemplaire, que nous avons souvent vu au théâtre comme au cinéma, depuis Les Molière d’Antoine Vitez (déjà en 78 et cela donne le vertige!). Avec son vieux complice Jean-Claude Leguay, ils ont un très solide métier.
Au début, ces nouveaux Laurel et Hardy bien dirigés par Gilbert Rouvière (mais eux, parlent et ne bougent pas beaucoup), ont cette longue conversation beckettienne sur le crime à faire entre eux deux et, à la fin, ils développent une belle analyse sur le théâtre d »une rare et efficace drôlerie :
- Tu n’es jamais allé au théâtre ? - Jamais ! C’est quoi ?- Eh bien tu entres dans une salle qui s’appelle un théâtre, et là tu regardes des gens qui parlent - Ah bon ? Jamais entendu parler d’un truc pareil !- Tu connais le cinéma ? – Bien sûr ! – Eh bien, c’est comme le cinéma, mais en vrai ! -Dans un endroit ? – Oui ! – Et alors peut-être, comment ils font pour l’attaque de la diligence, les chutes des rapides en radeau, le coucher de soleil sur les rochers du Nevada ? – Eh ! Bien ils disent les mots et les gens les voient !!!! – Ça doit pas être terrible, terrible !!!!

Cette courte pièce de Serge Valletti, même très bien écrite et déjà bien rodée, a tendance, passé une demi-heure, à patiner un peu et il faut tout le savoir-faire de ces acteurs pour que nous restions attentifs. En fait, Cahin-Caha aurait sans doute plus le format d’un sketch, que celui d’une courte pièce.
Malgré tout, on ne s’ennuie pas, et pour une fois que nous avons droit à autre chose qu’à un monologue qui cancérise les salles parisiennes et bientôt celles du off d’Avignon, nous n’allons pas bouder notre plaisir.
Mais le Théâtre des Déchargeurs ferait bien de TOUT faire pour attirer les jeunes gens. Pourquoi, ne pas leur offrir les places non vendues, ou trouver un tarif très très attractif ? Avant-hier, nous étions quatorze spectateurs d’âge disons mûr, à applaudir chaleureusement les acteurs.
Désolé, mais cela ne fait pas vraiment un public et une salle bien remplie leur ferait du bien et il n’y a que trois représentations par semaine ! On va encore nous dire que c’était mieux avant le covid ! Selon une
étude Médiamétrie réalisée en juin 2022, la crise sanitaire a profondément modifié les habitudes culturelles :48 % des Français ne vont pas ou plus au spectacle et 23 % y vont moins souvent.Avec le plus souvent , un public pas très jeune (hors matinées scolaires). Quant à la fréquentation  des théâtres-théâtres elle serait de l’ordre de 15%!  Et le public rural, comme entre autres, celui du pré-festival d’Aurillac dans les villages alentour, ne déplace guère. Ou n’y va jamais, quel que soit l’âge…
Cette pandémie a bon dos et mieux vaudrait aller voir aussi du côté de l’inflation: Motif quasi-absolu de cette désertion: des places trop chères… Cela vaut pour toutes les salles, petite et grandes du secteur public ou privé, ou semi-privé. Français encore un effort, comme disait le marquis de Sade, sinon le théâtre, à part les grands moments des festivals, va disparaître ou être parisien et… marginal. Dommage! Mais ce ne serait pas la première fois de sa longue histoire…

 Philippe du Vignal

Jusqu’au 28 juin, Théâtre des Déchargeurs, 4 rue des Déchargeurs, Paris (Ier). T. :  01 42 36 00 50. 

 

Le Printemps des comédiens La Tempête et Le Songe d’une nuit d’été, mise en scène de Marie Lamarchère

Le Printemps des comédiens à Montpellier (suite)

La Tempête et Le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare, adaptation et mise en scène de Marie Lamachère

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La tempête © Marie Clauzade

Dans La Tempête, Prospéro, duc de Milan, évincé par son frère, se retrouve après un naufrage sur une île déserte, avec sa fille Miranda. Ses livres lui confèrent des pouvoirs magiques qui lui permettent de maîtriser les éléments grâce à Ariel et Caliban, ses serviteurs. Il provoque ainsi une tempête qui va bouleverser l’ordre des choses et, à l’issue de péripéties qu’il contrôle à distance, il assure sa revanche. Le Songe d’une nuit d’été met en scène, dans une Athènes de convention, les chassés-croisés de deux couples d’amoureux orchestrés par les maléfices d’Obéron le roi des fées et de Puck, son serviteur. La même nuit, des acteurs-amateurs, des artisans, s’apprêtent à jouer une pantomime. Sous une bannière commune: Such stuff as dreams (L’Etoffe des rêves), Marie Lamachère réunit ces pièces où elle décèle l’omniprésence de la magie et elle finalise ici un projet au long cours depuis 2019 avec La Bulle bleue.

Cette compagnie de théâtre professionnelle de Montpellier est constituée de personnes en situation de handicap, regroupées en ESAT (Établissement et Services d’Aide par le Travail). Ses interprètes ont été formés au travail créatif lors de stages, en lien avec les sections inclusives au Conservatoire de la ville ou avec des artistes invités. Au croisement de l’art et du soin cette « fabrique artistique » induit un nécessaire déplacement de l’écriture théâtrale, et du regard des spectateurs.

Après  Jacques Allaire, Evelyne Didi, Bruno Geslin, Marie Lamachère, artiste associée depuis 2019, a déjà réalisé Betty devenue Boop ou les Anordinaires, actuellement en tournée. Elle mêle ici aux onze interprètes de cette troupe avec  dix de ses acteurs et du Jeune Théâtre National ( organisme en charge de l’insertion professionnelle). Soit une distribution homogène mais des spectacles marqués par une démarche particulière.

 «Cette année, ils fêtent leurs dix ans de troupe et j’ai pensé qu’ils étaient à un moment propice pour travailler des rôles de pièce dites classiques, où ils se projettent dans les personnages, dit la metteuse en scène. J’ai choisi ces pièces en fonction des acteurs et de leurs particularités. Il y a en effet quelque chose de très étrange, dans le rapport de certains acteurs avec le langage. J’ai choisi de mettre en valeur cette étrangeté qui correspondent à celles de la pièce de Shakespeare et je creuse, grâce à La Bulle bleue, le psychisme des textes, là où il y a des torsions.»

Dans une traduction inédite, Joris Lacoste et Julie Etienne ont privilégié la dimension ludique, les jeux et les écarts d’un langage parlé, plutôt que la versification. Traitées de façon onirique avec un montage de séquences, les scènes révèlent la singularité de ces interprètes, dans un entre-deux qu’il faut décrypter.

 La Tempête est construit en partant du constat que, chez certains des acteurs, le rapport au langage ne va pas de soi. Marie Lamarchère a confié le rôle de Prospéro à un homme qui, suite à un accident de la vie, a dû entièrement réapprendre à marcher et parler. La mise en scène s’appuie sur ses difficultés d’élocution et fait intervenir les voix de Caliban et Ariel en écho, comme si ces génies, l’un bon et l’autre mauvais, mais les deux fort bavards, émanaient de l’esprit du magicien. Le texte lui-même se diffracte en une série de lettres projetées sur le décor. Et la matière sonore est très présente, avec bruitages insolites, chansons en français et en anglais, mises en musique par Sarah Métais-Chastanier.

Un film montre les naufragés sur la plage avec d’une part les seigneurs italiens fomantant leurs intrigues, d’autre part  des matelots enivrés en sarabande avec Caliban.  Hors-champ de l’action principale qui a lieu au plateau: la rencontre amoureuse entre Ferdinand, fils du roi de Naples et Miranda, la fille de Prospéro ; ce dernier ne voit pas d’un bon œil cet hymen mais il finira par les marier. Puis il libérera Ariel et Caliban et renoncera à la magie pour retrouver son duché…`
Avec un montage baroque, la metteuse en scène voudrait nous entraîner dans un monde bizarre mais n’y réussit pas tourjours : «Je ne vais pas, dit-elle,  chercher un monde magique par projection, en misant sur la singularité de ces interprètes.  » Reste que  le jeu de ces acteurs et actrices pas hors norme n’a rien à envier à ceux du J.T.N. 

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Le songe d’une nuit d’été © Marie Clauzade

 Le Songe d’une nuit d’été  nous mène plus facilement dans un univers onirique et sans les séquences de la pièce où apparaissent les dignitaires d’Athènes, cette féérie se prête mieux à une traversée de l’étrange. Nous glissons naturellement du monde des artisans, à celui des elfes et fées et des amoureux : Lysandre, Hermia, Démétrius et Héléna. Au fronton d’un décor  sylvestre( scénographie de Delphine Brouard) est inscrite la devise : «Les choses semblent si ténues».

Cette mise en scène met en valeur la structure feuilletée et le génie dramaturgique de William Shakespeare. Avec une belle énergie, l’acteur qui joue le tisserand Bottom, entraîne ses compères : le menuisier, le tailleur, le chaudronnier… dans une version farcesque de «la très cruelle mort de Pyrame et Thisbé». L’univers des fées est aussi bien rendu, avec les chamailleries entre  Obéron et Titania et les maladresses du lutin Puck qui sème la confusion chez les amoureux aux relations déjà compliquées.

Nous tombons sous le charme de ces scènes bien écrites et dirigées, où Lysandre et Hermia s’enfuient dans la forêt, poursuivis par Démétrius, lui-même poursuivi par Héléna… Marie Lamachère, avec une bonne maîtrise des codes théâtraux, réalise avec ce Songe  un tissage cohérent, et à la hauteur de ses ambitions et aux engagements des comédiens de la Bulle bleue et des autres.

Mireille Davidovici

Spectacle vu au Théâtre de 13 vents, Montpellier (Hérault).

Jusqu’ au 21 juin, se poursuit Le Printemps des comédiens, Cité du Théâtre, Domaine d’Ô. : T. 04 67 63 66 67.
Places de 6 à 38 €.
Printempsdescomediens.com

Baal de Bertolt Brecht, traduction d’Eloi Recoing,mise en scène d’Armel Roussel

Baal de Bertolt Brecht, traduction d’Eloi Recoing, mise en scène d’Armel Roussel

© simon-gosselin

© simon-gosselin

Après cette guerre qui a dévasté deux pays pour longtemps,  Brecht, à dix-neuf ans, écrit ce premier texte qui le hantera toute sa vie et qu’il ne cessa de remanier. «C’est vraiment une pièce de jeunesse très différente du reste de son œuvre, dit Armel Roussel, j’ai souvent été attiré par les premiers écrits, parce qu’ils sont encore bouillonnants, parce qu’il y a encore un côté très brut, très pulsionnel dans l’écriture et en même temps, très poétique.» Le metteur en scène a choisi la deuxième version de Baal (1919)  peut-être plus radicale et  nihiliste que la première, comme devait l’être ce jeune poète qui, on l’oublie trop souvent, fuyant le nazisme passera onze ans de son existence en exil!  Au Danemark puis en Suède, Finlande, Californie, et enfin Suisse, avant de pouvoir s’installer à Berlin-Est.

Mireille Davidovici avait rendu compte ici de ce spectacle créé l’an passé au Théâtre du Nord et qui devait être joué dans le bois de Vincennes… Sans doute pour dire avec la terre, la nuit, la puissante animalité de Baal,  ivre d’alcool et de sexe en permanence.
Changement probable : nous sommes dans la grande salle du Théâtre de la Tempête et cela se passe sur le parquet de bal d’un cabaret, avec, côtés cour et jardin, des tables rondes et chaises de bistrot. Dans le fond, un bar plutôt chic  genre boîte de nuit avec, sur les étagères, des dizaines de bouteilles.Nous sommes accueillis par une bonne rasade de fumigènes, la sixième en une semaine! Un véritable fléau dans les spectacles actuels que rien ne justifie ! Mais aussi par quelques verres de blanc et rosé servis par les actrices.

En fait, tout se passe comme si nous étions invités à voir des acteurs qui vont jouer à représenter Baal dans un cabaret… Un lieu qui a toujours fasciné le jeune Brecht qui y allait parfois jouer de la guitare entouré de femmes, comme il l’aura toujours été. Il était déjà père à vingt ans!) et multipliait les conquêtes… Comme Elisabeth Hauptmann qui fut aussi sa collaboratrice. Elle écrivit une grande partie de cet Opéra de Quat’sous qui le rendit célèbre mais toucha peu de droits!
Depuis le mur de Berlin est tombé, les colonies des pays européens en Afrique du Nord et sub-saharienne ont disparu, les guerres ont surgi un peu partout dans le monde, le mouvement Mi-Tout est arrivé,  bref le monde occidental a bien changé. Alors comment aujourd’hui monter cette pièce qui a plus d’un siècle?
Armel Roussel n’a pas pas voulu tomber dans un réalisme teinté de misérabilisme. Mettre en scène  Baal (une trentaine de personnages) avec dix acteurs n’est pas chose facile. « Et L’art de vivre de Baal partage le sort des autres en régime capitaliste, disait Brecht en 1954, il est combattu. Baal est asocial mais dans une société asociale. »

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

Anthony Ruotte joue Baal et endosse sans difficulté avec toute la fougue, l’impudeur radicale de ce jeune poète et son ivresse en permanence. Un rôle pas commode, surtout quand il est nu sur scène. Mais ce jeune acteur a une belle présence et pratiquement tout le temps sur scène. Bien dirigé par par Armand Roussel
Même si la direction des autres acteurs Romain Cinter, Émilie Flamant, Vincent Minne, Sigfrid Moncada, Berdine Nusselder, Eva Papageorgiou, Lode Thiery et Uiko Watanabe est aussi cousue main et d’une extrême précision, cette façon de dire l’errance un peu partout dans la ville de ce jeune Baal, entouré de prostituées- ici de jeunes actrices habillées de façon provocante mais trop bcbg, ne nous a pas paru très crédible et cette mise en scène a quelque chose de démonstratif.
Bref, cette mise en scène, à la fois trop sage et pas assez impertinente, ne fonctionne pas vraiment. En fait Armel Roussel gomme sans doute toute la noirceur (moins la violence) et le tragique de la vie de ce jeune homme qui vit dans une mansarde et s’en va se réchauffer l’âme et le corps au schnaps dans des cabarets sordides. Et il fait jouer la vieille mère par un acteur travesti. Pourquoi pas, mais cette mise en scène tient plutôt d’une relecture de Baal... Nous sommes partagés et aurions aimé qu’Armel Roussel aille plus loin dans cette relecture qui manque d’émotion.

C’est un spectacle généreux et réalisé avec précision, mais franchement le metteur en scène aurait pu nous épargner ces lieux communs du théâtre actuel, du genre : fumigènes à gogo, jeu dans la salle, ou statique et face  à la salle et en bord de plateau, comme chez Stanislas Nordey, inversion de rôles féminins, adresses au public, acteurs sagement assis sur les côtés en attendant de jouer, un truc archi-usé, hérité de Brecht qui faisait « moderne» mais il y a déjà plus de cinquante ans.
Tout cela reste assez conventionnel, même s’il y a de belles images comme, à la fin, le mur du côté jardin qui s’ouvre sur… le jardin de la Tempête. Apportant enfin un peu d’air dans la salle surchauffée et de nouveau envahie par les fumigènes… Là aussi, le procédé a beaucoup servi depuis son invention par Maurice Pottecher au Théâtre de Bussang (Vosges) avec deux portes coulissantes ouvrant sur la proche forêt de sapins il y a un siècle déjà. Depuis, on l’aura vu à Bussang mais aussi chez les plus grands: Matthias Langhoff à Bobigny, Claude Régy aux Amandiers à Nanterre pour La Trilogie du revoir de Botho Strauss, etc.
Bref, cette relecture de Baal est un spectacle inégal avec de bons moments mais aussi des longueurs surtout vers la fin (deux heures vingt sans entracte) et il  ne nous a pas vraiment convaincu. Et le public? Quelques spectateurs sont partis, les autres, mais pas tous, ont applaudi un peu mollement.
A vous de voir si cela vaut le coup. Mais il y a aussi le charme des arbres avec fleurs et chants d’oiseaux par une chaude soirée de juin sur la terrasse du Théâtre de la Tempête, et cela n’a pas de prix. Et Brecht aurait sûrement aimé cette Cartoucherie…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 23 juin, Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de Manœuvre. T. :  01 43 28 36 36. Métro : Château de Vincennes + navette gratuite (attention la station a été déplacée et se trouve sur le terre-plein central près des bus la R.A.TP. mais difficile à trouver ! Sinon, bus 122 direct mais il faut attendre.

Le Théâtre des Lila’s, un plateau en Avignon pour les créatrices

Le Théâtre des Lila’s, un plateau en Avignon pour les créatrices

Près de la rue des Teinturiers, un lieu qui a ouvert ses portes en 2015, en hommage à Lila Net, une chorégraphe et danseuse américaine d’origine mais lyonnaise, aujourd’hui disparue sans avoir vu naître ce projet dont elle rêvait. Avec un collectif d’artistes et techniciens qui ont cheminé avec elle, cet espace est ouvert à la création et accueille cette année des actrices, des metteuses en scène, chorégraphes, compositrices et interprètes. Dont Appels d’urgence d’Agnès Marietta, jouée par Coco Felgeirolles, mise en scène d’Heidi-Eva Clavier (voir Le Théâtre du Blog) et d’autres spectacles, concerts, tables rondes, conférences, expositions…

Soudain Romy Schneider de Guillaume Poix

Ce jeune romancier et dramaturge a écrit plusieurs  pièces dont Waste, mise en scène au théâtre de Poche à Genève en 2016 par Johanny Bert, qui parle des relations Nord-Sud à  propos de la gestion des déchets, un thème qui sera aussi l’année suivante celui  de son premier roman Les Fils conducteurs. Il y est question de la décharge pour matériel informatique et électronique,  à Accra (Ghana).
Soudain Romy Schneider, réalisation de Cédric Aussir pour France Culture a reçu cette année le  Grand Prix de la fiction radiophonique de la Société des gens de lettres. C’est une sorte d’hommage-parcours de la célèbre actrice morte brutalement à quarante-trois ans et qui en aurait aujourd’hui quatre-vingt cinq.

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On trouve un peu de tout dans ce monologue . D’abord le récits des débuts de Romy Schneider cornaquée par sa mère qui l’imposera comme la jeune allemande typique,  notamment dans Sissi et il a ensuite
des moments évoquant la suite de sa carrière: elle tournera plus de cinquante films! Et avec les plus grands, comme entre autres, Orson Welles (Le Procès) Jacques Deray (La Piscine), Alain Cavalier, Jospeh Losey, Henri-Georges-Clouzot, Claude Sautet, Luchino Visconti, Andrzej Żuławski, Bertrand Tavernier, Costa-Gavras...

Ici, aucun fumigène, aucune lumière stroboscopique, aucun micro H.F, dans cette petite salle. Ouf! Cela repose! Mais le noir total dans cette petite salle. Pas nouveau, mais bien vu… si on peut dire. Ici, on ne voit en effet absolument rien, donc aucune distraction mentale de quoi que ce soit, puisqu’il n’y a personne sur scène et pas la moindre lumière ou le moindre bruit parasite.

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Une sorte de concentré vocal qui sonne juste,  où il y a un peu trop de dates et que nous entendons comme parfois la nuit sur un transistor. Ici, et avec une belle voix légèrement amplifiée et une excellente diction, Arlette Desmots, comédienne et metteuse en scène, nous raconte en cinquante minutes: la carrière exemplaire  de cette actrice-fétiche et légendaire du cinéma (mais elle ne jouera que deux fois au théâtre). »Avec Soudain Romy Schneider, je me fais passeuse des mots de Guillaume Poix et des voix des acteurs et actrices qui ont joué avec elle ou des rôles qu’elle a interprétés. »

Un texte bien écrit mais qui n’a rien de vraiment théâtral et s’arrête un peu brusquement mais qui se laisse écouter avec sur quelques décennies l’histoire d’une actrice. Avec des textes extraits de la filmographie intégrale, excepté La Piscine de Jacques Deray (1968). Mais aussi des paroles de Romy Schneider au cours d’interviews et des extraits de son journal, Moi, Romy. Avec aussi des paroles et écrits fictifs  prêtés à des personnes réelles. Apparaissent ainsi dans l’obscurité, des acteurs ou metteurs en scène célèbres avec lesquels elle a travaillé et/ou dont elle a été l’amoureuse. Comme Alain Delon, Philippe Noiret, Claude Brasseur Yves Montand, Maurice Ronet, Jean-Claude Brialy, Michel Piccoli, Jean Bouise, Jean-Louis Trintignant et Jacques Dutronc, le seul encore vivant avec Alain Delon. En ces temps difficiles, ce petit moment de bonheur ne se refuse pas…

Le texte est paru aux Editions théâtrales, collection Lisières (2020).

 

Moone en concert

 

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Une auteure, compositrice et interprète, née dans un quartier populaire à Lille qui a toujours été indépendante que l’on sent curieuse de plein de choses. De père algérien et de mère française, enfant, elle dû être une éponge capable de s’intéresser à nombre de pratiques artistiques et de courants littéraires. « Ce qui m’intéresse le plus, dit-elle, que ce soit avec ma voix ou des instruments quels qu’ils soient, est la création d’univers sonores, comme un décor planté autour d’un texte, comme s’il s’agissait d’illustration… 
Depuis toujours, j’écris énormément de poèmes, de phrases isolées. J’ai toujours aimé agencer les mots et les sonorités…Je suis fascinée par l’idée que nous avons tous les mêmes mots à disposition et que leur combinaison soit infinie. (…) Les textes sont écrits en français, en anglais et même dans une langue Inventée… Je dis souvent que mes influences artistiques sont plutôt la littérature et la peinture dans le genre fauviste et aussi surréaliste qui est mon genre préféré..
Ici, entourée par de nombreuses machines électroniques, synthétiseurs et efficacement accompagnée par Patrick Cereghetti à la basse électrique et par elle-même, elle chante  entre « électro-pop, synth-pop et pop-rock » des textes avec une redoutable énergie. Et elle, les scande, qu’ils soient français comme celui de Grisélidis Réalis, ou anglais, voire dans une langue qui semble inventée. Et elle bouge aussi remarquablement. Il faudrait juste que la balance soit meilleure pour qu’on entende mieux ses textes.
C’est un domaine musical où nous avouons n’avoir aucune compétence mais, après avoir entendu et vu Moon avec les extraits de son spectacle, nous sommes ressorti heureux et impressionné par cette énergie. Et tout fait confiant quant à son avenir. ..


Chair Bleue, lecture de poèmes de Marine Fabre

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La dernière présentation que nous avons pu voir au Théâtre de la Girandole. Sur le plateau, Georges Ribéry, Jana Thomann et Charlotte Thévenet-Flaubert autour d’une petite table ronde, lisent ces poèmes. Cela commence plutôt bien avec parfois des phrases en italien… (Nous craquons toujours!): M’évanouir lentement/J’aimerais Voir ce corps vivre encore Lentamente, sentire questo slancio questa morte divina M’évanouir dans cette saison bleue M’évanouir lentement/ J’ aimerais l’Oubli – encore Ô carne… dammi retta ancora una volta Darò del tu ai tuoi sospiri Ô toi… Douce chair qui ruisselle dans la gangue de ses mots Viens, et vogue innocemment Ripeterò questo lento tremolio Ripeterò moribonda/ Je veux ce temps et cette chambre où l’on oublie des seins, des cheveux, des dos nus/ Je veux nos corps cousus -m’évanouir lentement en écoutant tes mains /Reviens Recommence, oublie-toi, nous sommes là Il y a tant d’années dans un désir qui flotte…/ Galleggiare sulla tua pelle Galleggiare Annaffiare il tuo petto.
Le texte, pas très bien dit par les jeunes actrices mais de façon imposante par Georges Ribery, ne nous pas convaincu et nous avons décroché…Pourtant à les relire, ces histoires d’amour pudiquement racontées (corps, tristesse,beauté, douleur, souvenir… ) et souvent très poétiques, méritent sans doute mieux que cette direction d’acteurs qui n’est pas du bois dont on fait les flûtes et ces lumières approximatives. Donc à suivre.

Philippe du Vignal

Du 7 au 29 juillet, Théâtre des Lila’s, 8 rue Londe, Avignon (Vaucluse). T. : 04 90 33 89 89. Attention : certains spectacles sont seulement présentés les jours impairs, et pas sur toute la durée du festival.

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