Vassiliev et Koltès. Une première et une dernière Béatrice Picon-Vallin
Béatrice Picon-Vallin nous a fait parvenir ce texte ci-dessous:
Vassiliev et Koltès. Une première et une dernière
Béatrice Picon-Vallin
Il y a bien plus d’un an, bien avant le 24 février 2022, A. Vassiliev a accepté de monter un spectacle au Théâtre d’Art de Moscou. Il a choisi Quai Ouest de Bernard-Marie Koltès dans la traduction, qu’elle a revue pour l’occasion, de Natacha Isaïeva, sa précieuse collaboratrice, morte le 12 janvier 2022 à Paris où elle vivait, et qui devait retourner à Moscou pour l’aider, l’assister. Anatoli Vassiliev a travaillé la pièce, sans doute en mémoire de Natacha et, après deux représentations données fin mai 2022, il a une troisième fois exposé le résultat de son travail avec les acteurs qu’il avait choisis. C’était le 19 juin 2023. Voici comment il a introduit la soirée devant le public russe. Je traduis pour ceux qui furent ses élèves :
« Petite introduction lyrique.
Le Théâtre d’Art de Moscou a cent vingt cinq ans, comme vient de le dire la voix de Konstantin Khabenski (son directeur actuel, NdT). Lorsqu’il a fêté ses soixante quinze ans, en 1973, je suis venu voir, pour la première fois, dans ce Théâtre d’Art, Efremov Oleg Nikolaïevitch, recommandé auprès de lui par mon professeur Maria Ossipovna Knebel, de sorte que cette année je fête les cinquante ans de ma présence silencieuse dans les murs de cette maison1 (applaudissements). Le Théâtre d’Art et l’équipe des acteurs, avec le Théâtre d’Art, vous présentent une première (qui a pour titre Quai Ouest, que je voudrais changer en Adieu, Quai Ouest).
Ce spectacle est fait dans un genre — celui de la répétition—, il est tel que vous pouvez le voir et l’entendre, il est terminé, bien que l’affiche vous prévienne — répétition ouverte — mais c’est simplement une petite tromperie. Ce n’est pas une répétition ouverte, c’est un genre. Ce genre a été choisi par moi spécialement, parce qu’aujourd’hui c’est précisément cela qui peut être opposé à la culture de la mise en scène dans le théâtre dramatique (pause). C’est un acte tout à fait délibéré de ma part et suffisamment sérieux. Et encore ceci : ce sont des dialogues et c’est également important.
Cela signifie, si ce sont des dialogues, que tous les événements se passent dans le discours. Il y a trois parties. La première partie et la deuxième sont donc des dialogues sans aucune suppression, et je le répète dans le genre « répétition ». Mais la troisième partie est organisée à la façon d’une mise en scène.
C’est une pièce du dramaturge français Koltès, génie de l’avant-garde théâtrale française, qui fait partie de la pléiade des poètes maudits, mort trop tôt dans les années 80. La pièce est écrite comme un mystère, on y perçoit l’influence de Beckett, de Shakespeare, de la culture française et russe.
Vous allez voir une série de scènes, n’essayez pas de deviner le sujet. Ecoutez seulement, et cela suffira, petit à petit (pause)… toute l’histoire sera respectée.
Pour ceux qui tiendront jusqu’à l’acte trois, tout deviendra clair. (Rires dans la salle).
Merci !
1 Il y a monté en 1973 Solo pour horloge à carillon du Slovaque Osvald Zagradnik.