Festival Théâtre de verdure au jardin Shakespeare Hamlet de William Shakespeare, traduction d’Yves Bonnefoy, mise en scène d’Audrey Bonnet
Festival Théâtre de verdure au jardin Shakespeare
Hamlet de William Shakespeare, traduction d’Yves Bonnefoy, mise en scène d’Audrey Bonnet
Au cœur du Bois de Boulogne à Paris, le jardin du Pré Catelan accueille un festival pluridisciplinaire et tout public. Ce lieu inauguré en 1856 et alors baptisé “Théâtre aux fleurs“, devient à la fin du XIX ème siècle un haut lieu de la création théâtrale et musicale, où, entre autres, Claude Debussy se produisait régulièrement.
En 1952, Robert Joffet, conservateur en chef des jardins de Paris, le transforme en “Jardin Shakespeare“. En hommage au dramaturge anglais, il plante, à l’entrée, la forêt des Arden, clin d’œil à Comme il vous plaira. À droite, des espèces d’arbres méditerranéennes pour rappeler de La Tempête et à gauche, la lande écossaise de Macbeth.
Derrière la scène, la forêt féérique du Songe d’une nuit d’été et, allusion à Hamlet, un saule pleureur en souvenir d’Ophélie et de la rivière où elle se noiera.
En 2021, Lisa Pajon et Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, avec leur compagnie Le Théâtre Irruptionnel, prennent la direction du festival et mettent en avant la création contemporaine. Cette année, le Théâtre de Verdure revient à ses sources shakespeariennes avec une mise en scène d’Hamlet par Audrey Bonnet, qui fourmille d’inventions.
Dans une vaste prairie entourée de bois, seule élément de décor, une grande table qui servira d’accessoire aux nombreux tableaux de la pièce. Dans les buissons, passe un coureur en chaussettes orange fluo. «Il ressemble au roi.» dit un Garde. C’est le fameux fantôme du roi Hamlet !
Le souverain de Danemark est mort. On dit qu’un serpent l’a piqué. Mais son fils, Hamlet, rencontre le fantôme de son père qui lui apprend qu’il a été empoisonné par son propre frère, Claudius. Lequel est devenu roi à sa place…Cet oncle du prince, a, comble du crime, épousé Gertrud, sa belle-sœur et donc, la mère du jeune prince Hamlet.
Lui, insouciant et amoureux d’Ophélie, devient alors un être ombrageux, hanté par un besoin de vengeance et une troupe d’acteurs l’aidera à accomplir sa tâche! Entre temps, Ophélie se sera noyée, au grand dam de Polonius, son père et premier ministre, et de Laertes, son frère, qui provoquera Hamlet en duel… Et tout finira dans un bain de sang.
Les metteurs en scène opèrent depuis quelques temps l’inversion des rôles entre hommes et femmes, et on a vu récemment Anne Alvaro en Hamlet (voir Le Théâtre du blog).
Ici, huit comédiens incarnent tous les personnages, indifféremment homme ou femme, et quatre jouent aussi celui d’Hamlet : « Et s’il y avait plusieurs Hamlet ? dit Audrey Bonnet. Si les actrices et les acteurs se passaient le témoin de cette figure sans contours? Des athlètes de la parole pris dans l’élan d’un relais, plusieurs énergies, plusieurs visages, plusieurs sensibilités pour se laisser traverser par des possibles. »
Le passage de rôle de l’un à l’autre se fait à vue, de manière ludique, et chaque interprète donne une couleur différente au prince ténébreux. Tantôt simulant la folie, tantôt cynique, voire auteur et metteur en scène d’un spectacle où il cherche à dénoncer le crime de son oncle et de sa mère.
Les mots de Shakespeare, dans la prose cadencée d’Yves Bonnefoy, prennent ici toute leur ampleur et la metteuse en scène, sans trahir la pièce, apporte fantaisie et humour à ces personnages théâtraux devenus mythiques, avec d’amusants anachronismes.
Rosencrantz et Guildenstern, anciens condisciples d’Hamlet et hommes de main de Claudius, font un match de ping-pong avec le prince Hamlet. Notre héros dira sa fameuse tirade : « Être ou n’être pas, c’est la question» sans emphase et avec le plus grand naturel, tout en installant le décor du drame qu’il a imaginé avec la troupe d’acteurs ambulants. Et les instructions qu’il leur donne s’adressent aussi à ceux qui jouent devant nous : « Ne soyez pas non plus trop longs et trop guindés, fiez-vous plutôt à votre jugement et réglez le geste sur le parole et la parole sur le geste. »
De bonnes indications auxquelles se tiennent Clara Pirali qui joue Gertrud avec sobriété et qui est un Horatio affectueux. Mathieu Genet est le fantôme sportif du roi mais aussi Guildenstern ; Lisa Pajon nous étonne en Laertes et donne une certaine rugosité à son Hamlet, Julie Pilod joue un des hommes de la garde et un Hamlet plus introspectif. Mélody Pini (Ophélie) chante avec grâce . Nicolas Senty passe d’Hamlet à Rosencrantz, Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre est un Polonius loquace à souhait. Mais nous avons moins apprécié le jeu monocorde de Carles Roméro-Vidal (Claudius).
Porté par la musique originale de Nicolas Delbart, cet Hamlet a de jolis moments. Il y a une bonne direction d’acteurs et Audrey Bonnet utilise au mieux ce décor naturel pour composer des images sur le vif. Nous profitons aussi de la liberté joyeuse des acteurs.
Mais, à la première, l’ensemble est décousu avec de nombreux temps morts et longueurs. Il faut espérer qu’au fil des représentations, le spectacle trouve enfin son rythme..
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 30 juin au Théâtre de Verdure. Jusqu’au 29 juillet, à 20 h 30.Bois de Boulogne, allée de la reine Marguerite, route de Suresnes, Paris (XVl ème). T. : 06 63 03 72 36.
Le Théâtre de Verdure fait son festival: jusqu’au 10 septembre avec des spectacles tout public, des lectures notamment par des acteurs de la Comédie-Française. Mais aussi des concerts… Et Les Irruptionnantes (spectacle gratuit)
https://letheatredeverdure.com/infos-pratiques-le-theatre-de-verdure/